Idéologie et renaissance nationale L'Égypte moderne DU MÊME AUTEUR Peuples d'Afrique, :Éditions du Cap,« Diagrammes» N. 51, Monte-Carlo, 1961. Egypte, société militaire, Éditions du Seuil, Paris, 1962, (traductions italienne, espagnole; 2èmeédition américaine, 1968). Anthologie de la littérature arabe contemporaine Vol. II : Les Essais. Choix, présentation et traduction avec une introduction. Éditions du Seuil, Paris, 1965. 2èmeédition, revue et augmentée, 1970. La pensée politique arabe contemporaine, :Éditions du Seuil, «Politique », Paris, 1970, (2èmeédition). Sociologie de l'impérialisme, (ouvrage collectif sous la direction de l'auteur), Éditions Anthropos, Paris, 1971. Renaissance du monde arabe, (ouvrage collectif sous la direction conjointe de l'auteur, A-.A. BelaI et H. Hanafi), Duculot, Gembloux, 1972, (édition italienne). La Dialectique sociale, Éditions du Seuil, Paris, 1972, (éditions italienne, espagnole, portugaise, japonaise, arabe). Intellectual creativity in endogenous culture (avec Pandeya, A. N.), The United Nations University, Tokyo 1985. Project on socio-cultural development alternatives in a changing world (SCA), The United Nations University, Tokyo 1985. En langue arabe: Mdkhal ila'l-falsafah, Traduction commentée de Introduction to Philosophyde John Lewis Al-Dâr al-Miçriyyahlil'l-Kotob,Le Caire, 1959. Maktabat al-ajkar, (Bibliothèque des Idées) manifeste-programme AIDâr aI-Miçriyyah lil'l-Kotob, Le Caire, 1959. Dirassat fi'l-thaqafah al-wataniyyah, (Études sur la culture nationale) Dâr al-Talîah, Beyrouth, 1967. AI-gaysh wa'l-haradah al-wataniyyah, (Armée et Mouvement National) ouvrage collectif sous la direction de l'auteur, Dâr Ibn Khaldoûn, Beyrouth, 1974. Al-mougtama al-micri wa'l-gaysh, (La Société Egyptienne et son Armée) Dâr al-Talî'ah, Beyrouth, 1974. Al-fikr al-arabi fi ma'rakat al-nahdah, (La Pensée Arabe dans la Bataille pour la Renaissance), Dâr AI-Adâb, Beyrouth, 1974. Al-gash wa'l-harakah al wataniyyah, (Armée et Mouvement National), Dâr Ibn Khaldoûn, Beyrouth, 1974. Al-fikr al- 'arabi fi ma 'rakat al-nahdah, (La pensée arabe pour la renaissance), Beyrouth, 1974. Nahdat Misr, (Renaissance de l'Egypte), Egptian General Book organisation, Le Caire, 1973. Rîh al sharq, (Le vent d'est), Dâr al Mustaqbal al-Arabi, Le Caire, 1983. Taghyîr al-Âlam, (Transformation du Monde), 'Alam al-Ma'rifah, Kuwait, 1985. Al-share' al-Misri wa 'l-fikr, (L'homme de la rue et la pensée en Egypte), Egyptian General Book Organization, Le Caire, 1989. ANOUAR ABDEL-MALEK Idéologie et renaissance nationale , L'Egypte moderne L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris FRANCE L'Harmattan Hongrie Kônyvesbolt 1053 Budapest, Kossuth HONGRIE L. u. 14-16 L'Harmattan Italia Via DegIi Artisti 15 10124 Torino ITALlE 1èreÉdition Anthropos, 1975 @ L'HARMATTAN, 2004 ISBN: 2-7475-7531-4 EAN: 9782747575317 pour pour afin que « la patrie que nous bâtirons le peuple égyptien et, en son nom, (1801-1873) : il sut vivre soit le lieu de notre commun bonheur, par la liberté, la pensée et l'usine. » Rifâtah Râfet al-Tahtâwî INTRODUCTION L'Egypte moderne - par deux fois, depuis 1798-1805 - a dressé son effort de renaissance nationale contre une décadence persistante, des coupures, plus que des ruptures, récurrentes et répétées dans la trame de l'histoire de sa civilisation sept fois millénaire, en un mot, contre le glissement vers la marginalisation historique. C'est que, à partir des grandes découvertes maritin1es et de cet av~nement à la modernité que fut la Renaissance, puis de la science et des techniques modernes, les centres d'accumulation culturelle et de dynamisation politique de potentiel hégén10nique - se déplaçaient progressivement du bassin méditerranéen et de la Chine vers l'Europe, en un premier temps, pour aller s'implanter en Amérique du Nord, à travers }'Atlantique. On voit comment l'effort égyptien s'inscrit à contre courant de la géopolitique: la poussée maximale de l'Egypte va s'exercer au Inoment du reflux. La recherche, on le sait, s'est jusqu'ici plus préoccupée des grandes époques - l'Egypte des Pharaons; celle des grandes dynasties islamiques médiévales - que des périodes étranges et complexes, déroutantes, oÙ l'on retrouve mal le fil d'une histoire que l'on veut certes, comme toute histoire, cohérente et continue. Ailleurs, on pourrait penser que cette conception classique de la diachronie historique force, souvent, le cours des choses. En Egypte - c'est également le cas de la Chine et de la Perse - la nature mên1e de sa sp~cificité historique, c'est-à-dire la symbiose de l'économique, de l'idéel et du politique entre les mains de l'Etat, permet de plaider en faveur d'une histoire cohérente et continue. Un deuxième facteur qui va dans ce sens peut être trouvé dans le cours évènementiel de l'histoire égyptienne. Pourtant, n1aIgré cette continuitf, les zones d'ombre persistent. C'est ainsi que l'Egypte copte attire peu d'intérêt. L'Egypte moderne, jusqu'à une époque récente, posait des problèmes qui sont d'ambiguïté. 12 IDEOLOGIE ET RENAISSANCE NATIONALE: L'EGYPTE MODERNE On dispose de nombreux travaux - de valeur très inégale sur l'histoire politique de l'Egypte depuis l'Expédition Française et Mohammad-tAlî; la révolution nationale de 1881-82; celle conduite par le Wafd, de 1919-23 ; enfin, le régime militaire dirigé par Gamâl tAbd al-Nâçer depuis 195'2. Le reste n'était-il qu'intermèdes? Et aussi: pourquoi, essentiellement, l'histdire politique? La question pourrait se poser, nous semblet-il, dans tous les pays du monde colonial d'alors, de ce qui fait aujourd'hui les Trois Continents: objets de l'histoire, dont les sujets étaient les seuls pays hégémoniques ou coloniaux d'Europe et d'Amérique du Nord, ces pays, une fois l'exotisme dépassé ce qu'il faudrait pouvoir constater, même de nos jours - ne pouvaient, au mieux, intéresser que dans la mesure, et au cours des périodes, où ils posaient des problèmes aux puissances. D'où le caractère discontinu de l'historiographie politique de ces pays - dans la mesure où y éclatent troubles, remous et soubresauts qui viennent perturber la normalité du jeu politique. On invoquera l'antériorité de fait de l'histoire politique par rapport aux autres branches de l'historiographie, comme aussi du discours théorique sur l'histoire. Il convenait, plutôt, de dégager la différence entre l'histoire politique des pays établis et celle des pays soumis ou asservis, et d'en rendre compte. Ceci fait, constatons que l'histoire de l'Egypte moderne, depuis les années 1930-40 - cette charnière, dans l'histoire de tous les pays dépendants, dans la foulée et sous l'influence de la grande crise économique mondiale qui frappe au cœur le syst~me impérialiste - a abordé presque tous les secteurs et disciplines autres que le politique: histoire économique, littéraire, culturelle, juridique, artistique, et tout, récemment, histoire sociale. On relèvera que, dans cette prospection somme toute d'esprit nettement moderniste et qui tend à l'exhaustivité, l'Egypte a maintenu l'avance réalisée depuis l'époque de Moo. hammad-tAlî et de Tahtâwî par rapport au monde dit oriental, et, d'une manière certaine, par rapport au monde arabe et au Moyen-Orient. Egalement, que l'émergence de l'historiographie non politique en Egypte commence, nous le verrons, au début de la deuxième moitié du siècle dernier, pour se cristalliser au lendemain de la première guerre mondiale et amorcer les premières grandes tentatives d'interprétation systématique plus récemment. Les ruptures restento mal explorées. Le récit, l'exposé des faits, voire l'analyse des phénomènes qui vient étoffer le déroulement événementiel, peuvent-ils atteindre au noyau profond spé- INTRODUCTION 13 cifique de la dialectique d'une société, quelle qu'elle soit, en rechercher les clés et, partant, la signification? A cette vieille, et vaine, querelle qui oppose histoire et sociologie, il convient d'apporter des arguments qui ne soient pas que discursifs: seule la prospection en profondeur de cas précis, et la comparaison de la valeur efficace relative des bilans différents qui en résultent, peuvent nuancer et préciser options et jugements. Les ruptures, les affaissement, le retard déconcertent. Toute une optique, commune, cette fois, à la philosophie de l'histoire et à l'évolutionnisme sociologique, incline à penser que le problème est toujours celui de l'évolution - comme si la maintenance dans la durée historique de cette structure, la plus complexe et la plus contradictoire qui soit, qu'est une société, ne pouvait être conçue que comme un donné, un état de fait, hors d'atteinte de toute critique, de toute interrogation. «Ce qui est est... ». La dialectique sociale, encouragée par les messianismes et l'optimisme, utopique ou scientifique, des socialismes, paraît devoir déboucher, nécessairement, voire inéluctablement, sur l'évolution, le progrès, le changement - en un mot, le développement. L'étude que nous nous sommes proposés de réaliser porte sur un phénomène de contradiction maximisée: par son antériorité dans le cadre oriental, la puissance de son élan, l'étendue et la qualité de ses réalisations, la portée de ses ambitions et de ses influences, la re-naissance, au sens littéral du terme, de l'Egypte moderne, depuis 1798-1805 jusqu'à la cassure de 1840, puis l'occupation en 1882, apparaît avec le Japon, comme l'exemple le plus vigoureux et le plus frappant de la poussée de progrès et de modernité dans le monde non-européen au cours de la période moderne: simultanément, l'échec, le coup d'arrêt, l'inversion du cours de marche, détonnent, et, cette fois, distancient - foncièrement l'Egypte du Japon, la rapprochant plutôt de l'Inde et de la Turquie. La tentative de renaissance nationale de la nation ou formation nationale la plus vieille et la plus compacte de l'histoire aboutit à l'échec. Certes, rîen n'est irrémédiablement compromis, puisqu'aussi bien, deux générations après l'occupation, une deuxième vague commence, en 1919-23 jusqu'à l'été 1967, en passant par Suez, qu'il s'agisse d'une deuxième phase dans la renaissance nationale de l'Egypte, ou d'une deuxième renaissance la première formulation nous paraissant plus équitable. Une deuxième fois, la poussée initiale se heurte à des facteurs qui conduisent à une fêlure: nous en 14 IDEOLOGIE ET RENAISSANCE NATIONALE: L'EGYPTE MODERNE avons fourni l'analyse, pour la période la plus récente (,19521967), dans un ensen1ble de recherches dont l'élément essentiel est de 1962. Comment rendre compte de cette contradiction maximisée? Pourquoi cette fêlure récurrente? réflexion sur l'évolution I"a sociale et idéologique de l'Egypte, dC?puis la deuxiènle guerre mondiale, nous semblait tout naturellement devoir susciter des recherches précises sur les origines du drame qu'en plein cœur du mouvement national égyptien notre génération vivait dans sa chair. Les facteurs socio-politiques classiques infrastructurels et superstructurels, dans la diInension politique directe, furent les premiers à être mis en lumière: l'irnpérialisme . les limites de l'indépendance formelle; celles de la bourgeoisie autochtone dite «nationale»; la distorsion structurelle de l'économie; l'analphabétisme et le sous-développement; d'autres encore. Il apparaissait bientôt - au lendemain du coup d'Etat nlilitaire en 1952 - que la dimension superstructurelle - l'idéologie et la culture - avait été fortement sous-estimée. Non certes en tant que domaine d'étude: nous ne mentionnerons ici que le défrichement du domaine immense de la littérature et des arts populaires, en fait de la culture populaire tout entière:- entrepris par l'école marxiste égyptienne, dans les années 1940-45. Mais plutôt en tant que facteur d'interprétation des formes et des n10dalités des luttes internes - de classes et de groupes sociaux qui, souvent, semblaient dresser les uns contre les autres ceux qu'une analyse topologique stricte aurait conduit à s'allier contre l'hégémonie étrangère. C'est alors que nous avons été conduits à émettre l'hypothèse selon laquelle il convenait de rechercher la cause première des antagonismes déviants, non-classiques, qui venaient, nous l'avons dit, intensifier, parfois diversifier, le plus souvent brouiller la carte normale de la lutte des classes en Egypte, dans la nature fondamentalement différente des sources d'inspiration où la pensée égyptienne moderne, en formation, avait été conduite à quêter les clés susceptibles de rendre intelligible la décadence de l'Egypte et d'aider à surmonter cette décadence d'une manière décisive en préparant un avenir de renalssance. C'était s'engager, avant la lettre, dans la voie d'une surdétel mination volontaire du palier superstructurel, culturel et idéel -- idéologique. Mais, quelle qu'en fut l'importance, nous entendions ne pas verser dans l'unilatéralisme méthodologique, inacceptable en principe et en fait. Il convenait de faire porter 15 INTRODUCT10N ressentil'l de notre effort, non tant sur l'étude du nl0uverncllt d'idées et des courants de pensée en tant que tels, mais plutôt une fois exploré sur l'analyse de - le palier superstructurel la nature et des modalités des interactions entre l'infrastructure économique et sociale d'une part, d'autre part cette idéologie en formation - l'un et l'autre ensenlble de facteurs (paliers) étant perçus comme agissant renaissance nationale. dans le cadre du mouvement de Dès lors, c'est à la sociologie, science 11lédiatrice entre les sciences sociales, que nous nous devions de faire le plus largement appel pour éclairer analyses et synthèses. On a maintes fois remarqué que ce qui est, à une époque donnée, l'histoire des faits sociaux, devient, par la suite, la matière même de la sociologie. Certes, mais à une double condition: que récits et conlputs soient intégrés, en tant qu'éléments, dans l'analyse des interactions entre infrastructures et superstructures sociales; que ces analyses relèvent elles-mêmes de la méthodologie sociolo... gique communément admise en matière de sociologie théorique et historique s'entend, qu'elles soient animées par cette imagination sociologique qui donne à voir et se propose pour objectif l'interprétation signifiante et la vection prospective, à partir de la spécificité historique du phénomène étudié. Précisons, cnfin, que la sociologie dont il est question, ici, est celle qui s'occupe des phénomènes culturels et idéologiques en rapports a\'~c la sociologie économique, la stratification sociale et la science politique, dans le cadre de cette sociologie comparative des civilisations qui nous paraît s'imposer à l'ensenlble des sciences sociales, à mesure que s'approfondissent fossés et problèlnes entre pays avancés et pays sous-développés ou dépendants, et que, à travers de dures vicissitudes, les Trois Continents marquent leur volonté de ressurgir à la contemporanéité. L'échec, la fêlure profonde, sont-ils l'œuvre de la seule action hégémonique des puissances? Nous montrerons que cette action - y compris les apports et les ouvertures qu'elle fournit à l'Egypte moderne - ne saurait être dite seule responsable. Si la géopolitique dresse le cadre de fer, qui, volontiers, se mue en carcan, il nous est apparu que des facteurs endogènes spécifiques ont joué leur rôle, d'une manipre pesante et convergente: l'Etat Inilitaire n'a pas le temps de mettre en place une bourgeoisie autochtone formée à la direction des affaires: les classes diri~"("antes elles-mêmes, aristocratie puis bourgeoisie terrienne en fornlation, ne constituent pas encore, tant s'en faut. un ensemble 16 IDEOLOGIE ET RENAISSANCE NATIONALE: L'EGYPTE MODERNE homogène, ethniquement et culturellement intégré; ces classes elles-mêmes vivent, pour l'essentiel, à l'écart du peuple, dans le mépris du fallâh au moment même où elles affirment le projet national; la classe politique en formation - dirigeants, cadres de et intellectuels - conçoit mal le besoin d'une philosophie la culture nationale, d'une image de l'homme à susciter au moyen de cette renaissance nationale en marche. Dans l'ensemble, il s'agit d'une inadéquation entre l'objectif - le projet de renaissance nationale d'une part, et les exigences qu'il impose, en dépit des efforts d'autre part. Et cette inadéquation pionniers parfois éclatants, des sacrifices véritablement immenses consentis, de la poussée initiale exceptionnelle pour l'époque -, apparaît comme la conséquence de l'isoloir où la sujétion étrangère a pu maintenir l'Egypte, depuis le XVe siècle: 1'« appauvrissement du sang,» dont parlait Çobhî Wahîdâh, n'est pas une figure de style: la misère physiologique de l'homme en terre d'Egypte, depuis la fin des grandes dynasties nationales, pharaoniques et islamiques, accompagne la déchéance du pouvoir de décision autonome. Au moment de la remontée - qui s'annonce. se veut et se fait éclatante, fulgurante, si inquiétante même que les puissances du temps se sentent obligées de tout mettre en œuvre pour la réduire l'Egypte manquera, non de bras, mais de cerveaux, d'un collectif de pensée et d'action, de ce cerveau collectif dont parlait Gramsci et sans lequel il n'est point de direction nationale possible. D'où la fêlure de la renaissance, et la réussite de l'impérialisme. Le pays profond chemine. Le projet de renaissance suit son cours souterrain, sous la contrainte. L'occupation militaire ne parvient à briser la remontée que pour quelques années seulement du moins superficiellement, sur le plan politique. En profondeur, tout sera mis en œuvre pour encourager et approfondir les facteurs centenaires de blocage intellectuel. Et l'Egypte d'aujourd'hui, malgré la novation du Wafd et la libération nationale enfin obtenue, entre 1954 et 1967, n'a pas cessé d'en payer le prix, jusqu'à tout récemment, la libération s'étant accompagnée d'une politique de l'enseignement et de la culture intégrist(~ stérilisatrice. La puissance de la sève - contre quoi rien, jusqu'ici, n'a pu prévaloir ne saurait, à elle seule, assurer la renaissance après une hémorragie si longue et si profonde, face aux défis de l'ère industrielle, scientifique, technologique de type avancé où nous sommes -- et sur quoi se fondent les hémégonies, et les INTRODVCTION 17 A moins de trouvcr en soi les ressources de susciter une dialectique vivifiante. une lnédiation, entre le durcissernent et l'inventivitc\ l'ntre le pCHl\'oir et la liberté, entre l'acier de l'identité nationale l'ouverture à la conternporanéité. Le défi pOSt~à l'Egypte au XIX!' au cours de cette preInière étape de sa renaissance na tionale objet de notre étude, n'est guère différent, quant à sa nature profonde, de celui qu'elle doit affronter de nos jours. Nous souhaiterions quelques brèves remarques, à titre d'indication, sur la structure et l'économie de notre travail. Un prelnÎcr problème, celui de la périodisation, a été conçu selon les exigences lllên1es de l'objet sous étude. L'histoire de l'Egypte rnoderne est, comITIunérnent, découpée en tranches politiques; celle-ci serait, dans notre cas, celle cOIllprise entre les dates de 1798 et de 1882, de l'Expédition à l'occupation britannique. Nous pensons que ce cadre lirnité à la seule dimension politique, principalement exogène, n'est pas adéquat pour l'analyse des mouvements d'idées dans le processus d)une renaissance nationale. 1798 peut, à la rigueur, être retenu. Nous avons préféré 1805, date de la prise de pouvoir par Mohalnmad(-it\11,créateur de l'Egypte IIloderne. A la rigueur, une date de départ telle que 1798-1805 est acceptable, dans la mesure où elle signalise l'amorce du processus. Par contre, 1882 nous paraît erroné, si l'on entend rnarquer la charnière entre la fêlure et la remontée ~ c'est que la fêlure date, très exactcrnent, de 1879, au rn0111ent de l'exil forcé d'Isn1âfîl ~ et que la ren10ntée s'amoïce dix ans, à peu près, après les débuts de l'occupation, d'où la date de 1892, retenue par nous en tant que borne culturelle et idéologique, et non pas seulelnent politique. A l'iptérieur de cette périodisation, nOllS avons tenu à ne pas fausser l'analyse des différents élélnents étudiés par souci d'horaire, si l'on peut dire. Nous avons eu le souci de préserver à chaque élén1ent son caractère de processus, d'en Illarquer les origines pas nécessairement identiques dans chaque cas ct la continuité. C'est ainsi que, souvent, l'exposé des fdits et l'analyse commencent avant les et se prolongent au-delà de dates indiquées 1805 et ] 879 la limite fixée (1892). L'essentiel, pour nous, était d'éclairer au mieux les parties centrales de notre travail - les lIe, Ille, IVe et Ve Parties - en les situant, tout d'abord, par rapport à l'évolution économique et sociale du pays [Ire Partie] ; en en dégageant la vection spécifique et la contribution de cette spécificité elle-même à la théorie générale, à cette sociologie comparative 18 IDEOLOGIE ET RENAISSANCE NATIONALE: L'EGYPTE MODERNE du phénomène nationalitaire à partir du cadre des différentes civilisations à laquelle nous nous attachons d'une manière particulière [VIe Partie]. Les Annexes souhaitent atteindre à l'utilité par la concision. Les Notes détaillées qui suivent chaque Section nous paraissent pouvoir constituer une bibliographie détaillée et thématique; c'est pourquoi nous avons préféré réserver la section bibliographique de nos annexes aux travaux généraux d'orientation bibliographique, notamment les sources [Annexe n° 1]. Le glossaire des termes arabes et orientaux rendra l'ouvrage lisible pour les non-spécialistes [Annexe n° 2]. Nous avons également adopté un système de translitération simplifié, mais efficace, récemment utilisé par Maxime Rodinson [Annexe n° 3]. Les Index enfin doivent permettre l'utilisation rapide de l'ouvrage [Annexe n° 4]. Ce travail, entrepris à partir de l'Egypte, en 1956-59, a été rendu possible par l'accueil du Centre National de la Recherche Scientifique, auquel nous avons l'honneur d'appartenir depuis 1960, et plus particulièrement de sa section de sociologie. Nous tenons à exprimer notre reconnaissance à tous les membres de la commission de sociologie, et, en leur nom, aux professeurs Georges Gurvitch - dont nous saluons ici la mémoire -, Raymond Aron, Alain Girard, présidents successifs de cette commission, et Pierre Monbeig, directeur du C.N.R.S. pour les sciences humaines. La recherche, puis la mise en œuvre des matérieux ont été facilitées par l'appui de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (6e section), et de son président, Fernand Braudel. Notre collaboration avec Jacques Berque - auquel on doit le développement et l'approfondissement de l'histoire sociale égyptienne à l'époque moderne - a constitué un élément central d'enrichissement et d'approfondissement: qu'il en soit, ici, profondément remercié. Ce travail a bénéficié tout particulièrement de la critique fécondante de Maxime Rodinson, de l'appui et des orientations de Maurice de Gandillac, de l'aide et des conseils d'Albert Hourani. Nous avons pu mettre à profit de multiples possibilités offertes par la recherche interdisciplinaire, et l'amitié de maîtres, tels que .Joseph Needham et Henri Lefcbvfc, notamment, dont l'œuvre nous a maintes fois, servi d'inspiration. La mise en place de l'infrastructure culturel1e sur l'Egyptc, hors d'Egypte, n'était guère possible, ni même concevable, sans le soutien persistant, l'aide et le concours de nos compagnons, collègues et amis d'Egypte, à chaq ue étape de notre travail. La distance a pu ainsi se faire moins contraignante, en ce dialogue de tous les jours par lequel 19 INTRODUCTION l'intelligentzia égyptienne a pu participer à ce labeur. Sur le plan universitaire, nous tenons à signaler notre dette reconnaissante envers Hussein FawzÎ, Mohammad Mandoûr et Louis fAwad~ pour ce qui est de ce travail, à René Granier et ~Abd al-Rahmân Badawî, pour la formation philosophique reçue en Egypte. Nous tenons à remercier les directeurs et le personnel des institutions suivantes, dont les bibliothèques ont fourni une part importante de la matière de notre travail: en France, à Paris, Bibliothèque Nationale, Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes, Faculté des Lettres et Sciences Humaines (Sorbonne), Faculté de Droit et Sciences Economiques, Fondation Nationale des Sciences Politiques, Bibliothèques de Documentation Internationale Contemporaine; en Grande-Bretagne, British Museum, School of Oriental and African Studies, University of London, University of London Library, Foreign Office Library, Public Records Office; à Oxford, celle du Middle East Research Centre de St. Antony's College, et The Bodleian Library; à Cambridge, celle de l'Université; aux Etats-Unis, The Library of Congress, Washington; en Tunisie, Dâr al-Kotob (B.N.) à la Zaytoûnah ; celles d'Egypte, notamment Dâ.r al-Kotob al-Miçriyyah (B.N.), Université du Caire. Nous tenons à remercier tout particulièrement le Service du prêt international à la Bibliothèque Nationale de Paris qui a très aimablement permis de disposer, à Paris, d'une quantité importante de matériaux venant de nombreux pays. Des sondages bibliographiques ont été effectués dans plusieurs autres pays: Liban, Syrie, Soudan, Turquie, Espagne, Italie, Autriche, U.R.S.S., Canada. Que ce travail puisse servir, en sondant mieux éclairer l'avenir - tel est notre espoir. Le Caire, 1957 - le passé récent à Paris, 1968, Centre National de la Recherche Scientifique. Note sur l'orthographe des noms et termes arabes et orientaux: L'orthographe des noms et termes arabes et orientaux est, d'une manière générale, celle indiquée dans les Annexes II et III, p. Cependant, et conformément aux usages, nous avons maintenu l'orthographe employée par les différents auteurs dans les passages de leurs écrits cités entre guillemets; d'où plusieurs manières différentes de rendre noms propres et termes arabes et orientaux, dont nous donnons la translittération phonétique tout au long du texte. Les Index unifieront les références à partir de l'orthographe adoptée par nous, selon les Annexes II et III.