Esprit sain
INTERVIEW
Lama Sangpo
REPORTAGE
Les maçons du coeur
LE PORTRAIT
Grete Nootre
numéro spécial / mardi 14 juin 2011
Montchardon entre
terre et ciel
L’ÉDITO DE JOËL CHICOUARD
Esprit Sain - Numéro Spécial
mardi 14 juin 2011
Rédaction, Mise en page et Crédit photo:
Joël Chicouard
Photo de une :
Vue du centre de Montchardon
2
A PRIORI
On pourrait s’attendre à débarquer
dans un centre de soixante-huitards en
quête de méditation. Dans un lieu un
peu clos où chacun a ses habitudes. Par
moments, ce stéréotype n’est pas gal-
vaudé. Certains résidents exprimant
plus ou moins ouvertement leur répro-
bation à voir un « inconnu » n’ayant
aucune connaissance du bouddhisme
s’immiscer sur leurs plates-bandes.
L’endroit, perdu au milieu du massif du
Vercors, prête, il est vrai, à une médi-
tation profonde. Et la quiétude que les
résidents viennent ardemment recher-
cher ne se marie pas forcément avec
un témoignage parfois impudique de
sa personne. Les a priori peuvent alors
se renforcer. Mais le travail « d’immer-
sion » devient alors à propos. Car à s’y
attarder, le centre d’études tibétaines
de Montchardon, c’est plus que ça.
C’est une communauté, qui, comme
on peut la dénir, se réunit autour
de valeurs communes. Le partage et
le bénévolat, à Montchardon, ne sont
pas des vains mots. C’est tous les jours
qu’ils sont mis en pratique. A l’épreuve
aussi. Et rien ne se fait aisément pour
allier entraide et spiritualité. Mais si le
bouddhisme en France ne cherche pas
à se faire connaître à tout prix de la
population, à l’« évangéliser », il tend
à montrer une image qui lui est propre.
Complexe. Réaliste. Sans a priori. C’est
aussi à quoi aspire à montrer ce maga-
zine, Esprit Sain. Bonne lecture !
L’ENTRETIEN AVEC
Lama Sangpo « Je ne savais pas que la France existait ».......
......................................................................p.3
LE GRAND REPORTAGE
Au coeur de la communauté de Montchardon...............p.4-5
L’ENTRETIEN AVEC
Jean-Marc Falcombello, president de l’association du centre
de Montchardon. Sa mission première : « Défendre la
philosophie bouddhiste au-delà du centre »............ ..p.6-7
ZOOM SUR
Historique et infos en bref sur Montchardon.................p.7
LE PORTRAIT DE
Grete Nootre. Cette Estonienne, adoptée par la communauté
de Montchardon, passionnée de cinéma, a trouvé un mode de
vie qui lui convient...............................................p.8
Au sommaire
A lA sortie dun virAge de lA route escArpée qui mène à montchAr-
don, un pAnneAu Annonce lentrée dAns le hAmeAu
LAMA SANGPOL’ENTRETIEN AVEC
« Je ne savais pas que la France existait »
Seul lama permanent sur le centre de Montchardon, Lama Sangpo a pour mission de transmettre
l’enseignement du bouddhisme. Une philosophie dont les moyens de divertissement comme la télévision
entravent la pratique.
Originaire du Ti-
bet, moine depuis
vingt-cinq ans,
Lama Sangpo sé-
journe dans le centre de
retraite de Montchardon
depuis n 2009. Un lieu
clos toute l’année dont il
ne sort chaque année que
trois fois. A chaque occa-
sion pour des stages à des-
tination du public. Comme
en cette jolie journée de
mai. Assis à une table du
réfectoire, il sirote un soda
en souriant. Accompagné
d’un traducteur, Seunam,
un résident, il nous ac-
corde quinze minutes de
son temps. Rare et pré-
cieux.
>> Lama Sangpo, pouvez-
vous nous expliquer la
raison de votre présence
à Montchardon ?
J’ai « atterri » ici à la
demande de Lama Teun-
sang (directeur spirituel de
Montchardon, Ndlr) pour
encadrer une retraite de
trois. J’enseigne le boudd-
hisme. S’il n’y a personne
qui a la capacité de pou-
voir indiquer le chemin à
prendre, alors il n’est pas
possible de pratiquer cet
enseignement. C’est im-
portant que quelqu’un soit
présent pour dire ce qui est
à pratiquer et à délaisser.
>> Qu’est-ce-que cette
retraite vous apporte sur
le plan spirituel ?
Quand nous nous reti-
rons, nous ne développons
pas d’intérêt par rap-
port au monde extérieur.
Par contre, durant cette
période, nous consacrons
notre travail sur le monde
intérieur, c’est-à-dire au
niveau de l’esprit. L’ensei-
gnement que le Bouddha
nous donne est un moyen
qui permet à l’esprit de
s’épanouir. C’est la racine
de toute chose.
« La télévision, un
obstacle à la pratique
du bouddhisme »
>> Vous sortez de votre
retraite uniquement pour
les stages. Quel est la vi-
sée principale de ces en-
seignements ?
Le but principal de l’ensei-
gnement du Bouddha par
le biais de la pratique,
c’est de développer une
activité bénéque pour
tous les êtres. Grâce à
l’enseignement que j’ai
reçu et que je transmets,
cela amène automatique-
ment du bien-être et des
bienfaits aux personnes
qui le pratiquent et qui
le transmettront ensuite.
Mon activité en stage ou
au centre de retraite vise
toujours à faire ce qu’il y a
de plus bénéque pour ces
personnes qui ont formulé
cette demande.
>> Que pensez-vous de
Montchardon ? Est-ce un
lieu propice pour une re-
traite ?
En effet, c’est un excellent
endroit pour la méditation.
Il ne faut oublier que l’exis-
tence de ce centre répond
à une demande précise :
celle de bénécier d’un
lieu propice au développe-
ment et à l’enseignement
du Bouddha (aussi appelé
Dharma, Ndlr).
>> Que connaissiez-vous
de la France avant de ve-
nir ?
Quand j’habitais au Tibet,
je ne savais pas que la
France existait. J’étais
dans un monastère sans
téléviseur. Seul la mise en
œuvre du Dharma impor-
tait. Si l’on se met à regar-
der la télévision, c’est un
obstacle qui nous distrait
de la pratique. Si nous
tombons sous l’inuence
du divertissement, cela si-
gnie que nous ne mettons
pas à prot ce temps pour
pratiquer l’enseignement
et une activité pour le
bien de tous les êtres. Cela
amène de l’agitation dans
notre esprit. Au Tibet, nous
n’avons pas pris l’habitude
de nous adonner à ce genre
de divertissement.
le lAmA sAngpo, entre ombre et lumière, comme lA pArt de mystère quil
pArAît soigneusement gArder
3
Qu’est-ce qu’un lama ?
On peut distinguer deux types de lamas : le lama
moine et le lama laïque. Lama Sangpo appartient à la
première catégorie. À la différence du lama laïque,
le lama moine a fait les « vœux ». Il peut donc trans-
mettre le message du Bouddha, la philosophie boudd-
histe basée sur la recherche de l’Eveil. Dans tous les
cas, pour devenir lama, il faut avoir fait auparavant
une retraite de trois ans, trois mois et trois jours.
Retraite que Lama Sangpo a effectuée au Tibet onze
ans après son entrée au monastère. Le chemin est
long avant d’accéder au titre honorifique de lama.
4
Au coeur de Montchardon : entre bénévolat et
Niché à 850 mètres d’altitude, en plein cœur du Vercors, le centre de Montchardon rassemble en son sein deux principes
fondateurs : bénévolat et spiritualité
Jeudi 2 juin, jour
de l’Ascension. Ce
jour férié célèbre
la montée de Jésus
au ciel. Mais au centre
d’études tibétaines de
Montchardon, on est
bien loin de cette fête
chrétienne. En ce long
week-end prolongé, le
centre organise un stage
de quatre jours. Le thème
? La Bodhicitta, soit
l’esprit d’Eveil. Le Lama
Teunsang, à l’origine de
la création du lieu, et
Jean-Marc Falcombello
(voir interview page),
président de l’association
de Montchardon, sont à
la manœuvre. Le premier
donne l’enseignement.
Le second traduit, du
tibétain au français.
Quarante personnes
venues de France et de
Navarre assistent à ce
stage. Mais pour accueillir
tous ces gens à l’Ascension
comme le reste de
l’année, la communauté
de Montchardon met les
bouchées doubles. Les
résidents – ils sont une
petite dizaine actuellement
– sont tous bénévoles et
ils le revendiquent. « Le
bénévolat, c’est la racine
et l’esprit du centre »,
souligne Grete, résidente
estonienne de Montchardon
et responsable de l’accueil
du Centre d’Etudes
Tibétaines (voir portrait
page 6). Depuis le début
de la semaine, ils mettent
un point d’honneur à offrir
les meilleures conditions
d’accueil possibles.
Ménage, vaisselle, cuisine,
courses alimentaires : tout
y passe. Chaque résident
met la main à la patte.
Disponibles et dévoués,
les résidents s’activent
au quotidien pour faire
tourner la « machine »
Montchardon. « Aider au
bon fonctionnement du
centre, c’est un critère
essentiel pour venir dans
ce coin reculé du Vercors.
Mais on doit auparavant
manifester l’envie
d’œuvrer au service
d’autrui », témoigne
Daniel, résident depuis
déjà 10 ans au centre et
actuellement en charge
du pôle administratif.
Car s’installer sur la
durée à Montchardon,
c’est un choix de vie. En
communauté. Avec toutes
les exigences que cela
comporte. Pour tous, la
journée démarre très tôt
(7 ou 8 heures selon la
participation à la prière du
matin : la puja). Et chacun
à son poste. Seunam au
ménage, Sébastien au
chantier (voir ci-contre),
Mina et Claude en cuisine.
« Toute l’énergie des
bénévoles ou de moi-même
a comme destination
première, celle d’aider à
l’activité du bouddhisme
dans ce lieu. Il n’y a
pas, au contraire d’une
entreprise, l’idée d’un
enrichissement personnel
au sens pécuniaire du
terme », explique Jean-
marc Falcombello,
président de l’association
du centre. Et lui d’étayer
sa pensée : « Plus que de
bénévolat, je parlerais
d’“offrande désintéressée
de son temps et de son
énergie”. La décision
appartient à l’individu.
On n’impose pas de projet
de vie. L’implication
personnelle de chaque
résident de Montchardon
est le fait de son propre
chef, de sa propre volonté
ou désir. La motivation
d’une venue à Montchardon
s’afne avec le temps.
A l’origine, elle peut
trouver son fondement
dans la recherche de
calme ou de spiritualité…
» La spiritualité : un terme
qui va de pair avec le
bénévolat à Montchardon.
Pour Véronique - qui gère
l’administration et la
boutique -, ce mode de
vie suit le cours logique
de son existence. Partager
les tâches quotidiennes
relève, selon elle, de
l’évidence. Equipière sur
les voiliers jusqu’à l’âge
de 35 ans, elle a posé ses
REPORTAGE
LE GRAND
les stAgiAires de lAscension se recueillent devAnt lA représentAtion du bouddhA. un stAge prépAré dArrAche-
pied et en Amont pAr les résidents du centre de montchArdon
5
Niché à 850 mètres d’altitude, en plein cœur du Vercors, le centre de Montchardon rassemble en son sein deux principes
fondateurs : bénévolat et spiritualité
Les « maçons du coeur »
Le chantier de la nouvelle citerne d’eau illustre au plus haut point les va-
leurs du centre : générosité et engagement déintéressé
Les murs de pierre dis-
posés dans le centre
? Intégralement faits
à la main », afrme
avec conviction Jean-Marc
Falcombello, président de
l’association de Montchar-
don. Au centre, en effet,
on a donné de sa personne
pour ériger ce lieu dédié
à l’étude et à la pratique
du bouddhisme. Et on en
donne encore aujourd’hui
pour continuer à le déve-
lopper. Preuve en est avec
le chantier de la nouvelle
citerne d’eau. Ces travaux
sont destinés à faire face
à la consommation d’eau
croissante sur le site, sur-
tout en été. Le mot d’ordre
sur le chantier : générosité
et engagement désintéres-
sé. Des valeurs qui guident
et inspirent l’engagement
des bénévoles aussi bien
en cuisine, à l’accueil ou
sur le chantier. Actuelle-
ment, deux mois après le
début des travaux, trois
bénévoles sont au four et
au moulin. Le plus ancien,
Sébastien, dirige les opéra-
tions. « Je séjourne à Mont-
chardon depuis sept ans.
J’ai appris les rudiments
du bâtiment (sic) sur le tas
», observe-t-il avec erté.
S’il n’est pas nécessaire
d’avoir des compétences
élargies de la construc-
tion, une bonne condition
physique se révèle indis-
pensable. Romain, ancien
étudiant aux beaux-arts,
manie désormais aussi bien
la truelle que le pinceau.
Son aide, il l’apporte sans
contrepartie. Ce don de
soi anime également le
troisième larron, Stefan.
Un homme costaud, la
quarantaine, originaire de
Düsseldorf, de l’autre côté
du Rhin. « A l’origine, je
suis venu à Montchardon
comme résident, raconte-
t-il avec un accent non dis-
simulé. Ma quête ? Surtout
le calme et la spiritualité
même si la vie en Alle-
magne me convenait. Je
souhaitais tout de même
m’échapper du tumulte de
la ville et je me retrouve
aujourd’hui comme béné-
vole sur ce chantier. »
Les travaux ont débuté n
mars et avancent dans les
temps. Le terrassement
achevé, les trois « maçons
du cœur » parachèvent le
petit local technique, situé
en contrebas de la future
citerne. Au mois d’oc-
tobre, la citerne d’eau de-
vrait voir le jour. L’énergie
déployée par les bénévoles
aura ainsi contribué à faci-
liter l’activité du boudd-
hisme. Une cause noble qui
incombe aux résidents de
Montchardon.
SébaStien (au Second plan) donne leS inStructionS aux autreS bénévoleS du chantier. ici romain (de doS)
valises à Montchardon,
il y a déjà quinze ans. «
J’ai toujours fonctionné
en communauté, que ce
soit sur le bateau ou ici.
Je développe ma vie en
aidant les autres. Mais,
surtout, en me mettant
au service du bouddhisme
et à son développement.
J’ai ainsi mûri mon côté
altruiste ». Son dessein
est simple : « Je veux être
vieux avec une richesse
dans le regard ». Pour
trouver cette « richesse
», elle suit l’enseignement
du bouddhisme avec les
autres résidents. Mais
chacun selon le rythme
qui lui convient. Des trois
prières quotidiennes,
chacun est libre d’y assister
ou non. En revanche, les
résidents se rassemblent
obligatoirement deux
fois par semaine pour les
groupes de parole. Il s’agit
de moments d’échanges.
« Le lundi, on partage
ensemble nos sentiments.
On peut dire ce qu’on a
sur le cœur, s’exprimer
sur des sujets profonds et
parfois sur nos inquiétudes
», souligne Grete. Le
mercredi, l’objectif de ce
deuxième groupe de parole
de la semaine consiste ni
plus ni moins à évoquer
le quotidien. C’est ici que
se règlent les tensions qui
peuvent de temps en temps
apparaître au jour le jour
au centre. Car l’esprit zen
prôné par la philosophie
bouddhiste n’empêche
pas toujours d’éviter les
conits. Surtout quand on
vit 24h sur 24 et 7 jours sur
7 en communauté...
REPORTAGE
LE GRAND
spiritualité
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