devenant pratique de sociabilité, de
bohème mais aussi partie intégrante
des fêtes civiles et religieuses et
seront bien enracinées dans le
décor de plusieurs villes brésilien-
nes. Il est important de noter que
dans ces espaces de pratique musi-
cale, où le plus souvent il n’existe
pas de nette opposition entre une
“musique populaire” et une musi-
que nommée “artistique”, ont surgit
des métissages musicaux parfois
inattendues.
Or, encore aujourd’hui, même si
le pays dispose de nombreux
moyens et programmes systémati-
sés d’apprentissage, de formation et
de pratique musicale, c’est dans ce
type d’organisation qu’un grand
nombre apprend ses premières
notes. Les musiciens ainsi insérés
dans un univers où coexistent musi-
que artistique et musique dite popu-
laire c’est ce qui fait, de mon point
vue, une des spécificités de la musi-
que pratiquée au Brésil. Une telle
spécificité est probablement due au
fait qu’au Brésil l’histoire de la musi-
que est aussi directement liée à celle
d’une communauté de traits cultu-
rels pluriels qui s’est affirmée peu à
peu à travers le pays, y compris en
ce qui concerne les moyens maté-
riels et techniques. Des aspects qui
ont vraiment joué plus qu’aucun
autre facteur pour que se répande
et se fixe un certain nombre de
formes musicales que le génie
exemplaire et l’action de certains
artistes qui s’y sont illustrés n’eût
peut-être pas suffi à imposer, dans
sa diversité, au-delà des frontières
brésiliennes
* Maître de Conférences (HDR) à
l’Université Blaise Pascal.
1LESAGE, Philippe : “Les musiques du
Brésil” in Livret du double CD Brésil.
Samba - Choro - Frevo, Frémeaux &
Associés SA, 1998.
2Voir SANDRONI, Carlos : “Changements
de modèle rythmique dans le samba
de Rio, 1917-1933”, in Musiques
d’Amérique Latine, Actes du Colloque
des 19 et 20 octobre 1996 à Cordes
(Tarn), C.O.R.D.A.E/ La Talvera, 1998,
pp. 93-106.
3Cf. MARFONDES, M. A. (org.) :
Enciclopédia da música brasileira eru-
dita, folclórica e popular, São Paulo, Art
Editora, 1977, vol. 1, p. 192.
4Cf. SANTIAGO, Jorge P., La musique et
la ville. Sociabilité et identités urbaines
à Campos, Brésil, Paris, L’Harmattan,
Coll. Musiques et champ social, 1998.
par de nombreuses différences au
niveau de l’organisation, de la
formation et de la structure interne,
certaines étant plus formelles d’au-
tres jouissant d’une grande informa-
lité4.
Ces différentes associations
musicales commencent, à partir de
la deuxième moitié du XIXesiècle,
à acquérir un niveau musical satis-
faisant, tant dans la précision de
l’exécution des musiciens que dans
la création du répertoire et seront
d’importants indicateurs des rela-
tions sociales alors en cours. De fait,
il s’agit d’une époque où les autori-
tés stimulent les réunions de musi-
ciens dans des espaces clos et sous
l’égide de formes associatives
reconnues, alors que dans le même
temps elles restreignent les activités
particulières des petits groupes de
musiciens dans les rues, les bars et
les cabarets populaires. Ces formes
associatives de pratique de la musi-
que, en tant qu’”écoles libres de
musique”, ou plutôt écoles sans
projet systématisé, sont particulière-
ment liées à l’histoire de la musi-
que populaire brésilienne. Tous les
genres musicaux ont fait partie de
leurs répertoires dans leurs repré-
sentations publiques et privées.
De telles pratiques se transfor-
meront ensuite en un type de socia-
bilité ordinaire, l’activité musicale
Dans quel genre de laboratoire se
prépare donc l’alchimie musicale
dont les icônes finissent pourtant, y
compris dans d’autres cultures, par
être bien acceptés ? En définitive,
quand on parle, célèbre et écoute
cette musique pratiquée et produite
au Brésil, on néglige très souvent le
fait que l’exécution musicale est le
résultat d’un processus d’acquisi-
tion, d’apprentissage et donc de
pratique, dans des structures asso-
ciatives ayant cette vocation ainsi
que celle d’assurer les emprunts
d’instruments, l’unité de composi-
tion des groupes musicaux, la fixa-
tion de l’écriture musicale,
l’organisation de concerts publics,
la circulation de partitions musica-
les.
Au fur et à mesure que la prati-
que musicale s’est développée avec
l’élargissement des genres et instru-
ments pratiqués par des musiciens
de milieux populaires, c’est surtout
à travers la pratique associative que
cette musique va se produire. Des
associations musicales pour la prati-
que d’instruments qui, une fois
suffisamment organisées, reçoivent
de multiples dénominations :
Agremiação, Grêmio Musical,
Filarmônica, Clube Musical, Lira ou
Banda de Música, Sociedade
Musical, Corporação Musical. Les
distinctions vont alors s’exprimer
34 n° 23 - avril 2005
LLAATTIITTUUDDEESS
Dessin de Sonia Prieto