Études chez l`animal - iPubli

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ANALYSE
45
Études chez l’animal
Les études publiées chez les mammifères, essentiellement chez le rat ou la
souris, se sont le plus souvent focalisées sur la neurotoxicité et les effets sur la
glande thyroïde. Certaines de ces études incluent toutefois des critères d’évaluation de reprotoxicité.
Études chez l’animal mâle
On ne dispose que d’un nombre réduit d’études s’intéressant aux possibles
effets néfastes des PBDE sur l’appareil urogénital et la reproduction chez le
rongeur mâle (tableau 45.I).
Tableau 45.I : Paramètres phénotypiques altérés
Paramètres
phénotypiques
Espèce/Lignée
Composé
Doses (mg/kg/j)/Périodes
Références
Modifications des paramètres morphologiques
Poids testicules, prostate,
vésicules séminales
Rat Wistar
Rats mâles et femelles
HBCD ; gavage : 1 et 3
avant accouplement/
gestation /fin de la
lactation
DE-71 ; gavage : 30 et
60 Période pubertaire
Stoker et coll., 2004
Van der Ven et coll.,
2009
Modification des paramètres spermatiques
Concentration
Rendement
Mobilité %
Rat Wistar
BDE 99 ; gavage : 0,06
ou 0,3 Gestation
Kuriyama et coll., 2005
Anomalies
morphologiques
Distance anogénitale
Âge à la séparation du
prépuce
Rat Wistar
Stoker et coll., 2004
BDE 71 ; gavage :
30 et 60
Lilienthal et coll., 2006
Période pubertaire
BDE 99 ; gavage : 1ou 10
Gestation
Altérations des taux
hormonaux
Testostérone
Œstradiol
Rat Long-Evans
BDE 99 ; 1 ou 10
Gestation
Lilienthal et coll., 2006
493
Reproduction et environnement
Congénères isolés
BDE 209
Deux études ont concerné le 2,2’, 3,3’, 4,4’, 5,5’, 6,6’-décabromodiphényléther (BDE 209), deuxième retardateur de flamme le plus utilisé
parce qu’il est considéré comme moins toxique que d’autres (mais cette
donnée est controversée).
Dans une première étude (Tseng et coll., 2006), il a été examiné si une
exposition au BDE 209 avait un effet négatif sur l’histologie testiculaire et les
spermatozoïdes de souris CD-1. Les souris ont été réparties en 5 groupes
d’exposition, le composé étant administré par gavage à la dose de 0, 10, 100,
500 et 1 500 mg/kg de la fin de la lactation à l’âge adulte (21 à 70 jours
postnatals). Il a été trouvé pour les deux fortes doses que le BDE 209 réduisait
le potentiel membranaire mitochondrial (MMP) des spermatozoïdes épididymaires et l’amplitude de déplacement latéral de la tête (ALH) et qu’il induisait la production de peroxyde d’hydrogène (H2O2) dans les spermatozoïdes
de souris sexuellement matures, sans affecter le nombre de spermatozoïdes,
leur motilité, le pourcentage de spermatozoïdes morphologiquement normaux, et les autres paramètres du mouvement (VCL, VAP, VSL, BCF)21
obtenus par un système CASA (computer assisted sperm analysis), la dénaturation de la chromatine des spermatozoïdes (SCSA), la production d’anion
superoxyde (O2–.), le contenu en ADN des cellules dans le testicule, ainsi que
l’histopathologie des testicules. Du fait de l’association trouvée entre ALH,
MMP et la production de H2O2, les auteurs suggéraient que l’action reprotoxique d’une exposition au BDE 209 serait due à un stress oxydatif induit.
Dans la seconde étude, ont été recherchés les effets de l’exposition prénatale à
ce composé sur les organes reproducteurs, le développement neuronal et les
niveaux de plusieurs hormones chez des rats exposés in utero, la mère ayant été
exposée aux doses de 5, 40 ou 320 mg/kg de J6 à J18 post-conception (Kim et
coll., 2009). Les taux de testostérone chez le mâle n’étaient pas affectés. Les
auteurs rapportent par ailleurs une diminution significative du gain de poids
corporel chez les descendants mâles exposés à la plus forte dose, ainsi qu’une
augmentation importante de poids de la thyroïde et une diminution du poids
des surrénales. La concentration de thyroxine (T4) était significativement
plus faible chez la progéniture femelle exposée à 42 jours postnatals, l’effet
étant plus prononcé pour le groupe exposé aux doses les plus élevées.
BDE 99
Deux études concernent le BDE 99. Dans la première étude (Kuriyama et
coll., 2005), les auteurs ont évalué les effets de l’exposition sur les niveaux de
base de d’activité motrice chez le jeune et les capacités reproductrices des
494
21. VCL : vitesse curvilinéaire de la tête ; VAP : vitesse selon la trajectoire moyenne ; VSL :
vitesse de progression linéaire ; BCF : fréquence de croisement de la trajectoire
ANALYSE
Études chez l’animal
mâles adultes. Des femelles gestantes ont été traitées par gavage au 6e jour de
la gestation avec une dose unique de 60 ou 300 µg/kg. L’activité locomotrice
basale de la progéniture a été évaluée à J36 et J71, et les capacités de
reproduction des mâles à J140. L’exposition à la faible dose a provoqué une
hyperactivité chez les descendants. Il existait par ailleurs une diminution de la
spermatogenèse (réserve testiculaire et épididymaire) chez l’adulte. Les
auteurs mentionnent que les doses utilisées dans cette étude sont compatibles
avec les estimations des niveaux d’exposition chez l’homme et qu’il s’agit de la
plus faible dose de PBDE signalée à ce jour avoir un effet toxique in vivo chez
le rongeur.
Dans la seconde étude, les possibles effets d’une exposition in utero au BDE 99
sur les niveaux d’hormones, le développement sexuel et les comportements
sexuels chez les progénitures mâles et femelles ont été étudiés (Lilienthal et
coll., 2006). Les rates gestantes ont été exposées aux concentrations de 1 ou
10 mg/kg/j au BDE 99 du jour 10 au jour 18 de la gestation. Pour la descendance mâle, l’exposition aux PBDE entraînait une diminution significative de
la testostérone et de l’œstradiol au sevrage et à l’âge adulte. De plus, la
distance anogénitale était réduite. Le déclenchement de la puberté était
légèrement accéléré chez le mâle pour la dose faible. La préférence au sucré
était augmentée de manière dose dépendante chez le mâle adulte exposé au
BDE 99 indiquant une féminisation de ce comportement sexuellement dimorphique. Les plus fortes concentrations de PBDE dans les tissus des mères et des
fœtus ont été observées pour le jour de gestation 19. Les auteurs ont conclu
que les PBDE sont des composés actifs lors d’une exposition gestationnelle qui
peuvent donc interférer avec le développement, le comportement sexuel et le
dimorphisme sexuel.
HBCD
Le retardateur de flamme HBCD a été testé sur une génération de rats Wistar
avec des doses de 0, 0,1, 0,3, 1, 3, 10, 30 et 100 mg/kg/j chez les rats mâles (10
semaines) et femelles (2 semaines) avant l’accouplement, et ce jusqu’à la fin
de la lactation, puis chez leur progéniture, à partir du sevrage jusqu’au
moment du sacrifice à l’âge adulte (Van der Ven et coll., 2009). Les effets ont
été évalués dans la génération F1. Les foies de ces animaux avaient des
niveaux augmentés de HBCD proportionnels aux doses administrées. La
densité minérale de l’os trabéculaire du tibia était diminuée de manière dose
dépendante chez les femelles. La réponse immunitaire provoquée était augmentée chez le mâle. De plus, il existait une diminution du poids des testicules
à partir d’expositions entre 1 et 3 mg/kg/j (BMDL=1,5). L’activité CYP19/
aromatase dans l’ovaire était corrélée à la concentration de HBCD dans le
foie. Les auteurs concluaient que les effets observés avec des doses relativement faibles peuvent susciter des inquiétudes pour la santé humaine.
Une autre étude de type réglementaire sur deux générations (Ema et coll.,
2008), a analysé les possibles effets du même composé HBCD chez des rats
495
Reproduction et environnement
mâles et femelles exposés par voie orale à 0, 150, 1 500 ou 15 000 mg de HBCD
par kg de nourriture dès 10 semaines avant le premier accouplement et ce
jusqu’à la fin de la lactation pour les deux générations. La moyenne journalière
des apports correspondait à 10,2, 101 et 1 008 mg/kg chez les mâles F0, 14,0,
141 et 1 363 mg/kg chez les femelles F0, 11,4, 115 et 1 142 mg/kg chez les mâles
F1, et 14,3, 138 et 1 363 mg/kg chez les femelles F1 pour 150, 1 500 et
15 000 mg/kg de nourriture, respectivement. Sur le plan de la fonction de
reproduction, les auteurs ont simplement montré un nombre de follicules primordiaux dans l’ovaire des femelles F1 diminué pour l’exposition à 1 500 mg/kg
de nourriture et plus (voir plus bas). Par ailleurs, le nombre de rats présentant
une diminution de la taille des follicules thyroïdiens a été trouvé augmenté en
F0 et en F1 chez les mâles et les femelles exposés à 101-115 mg/kg /j et plus de
HBCD. Les taux sériques de TSH étaient augmentés chez les femelles de F0 et
de F1 pour les deux doses élevées, et les niveaux de T4 sérique étaient diminués
chez les mâles et les femelles de F0 exposés à la plus forte concentration. Il y
avait une augmentation du poids du foie chez les mâles adultes et les progénitures des deux sexes au sevrage pour les expositions à 101-115 mg/kg et plus, et
chez les femelles adultes à 1 363 mg/kg/j et de la thyroïde chez les adultes mâles
et femelles à 1 008-1 363 mg/kg/j. Pour la dose la plus forte, une diminution de
la croissance pondérale associée à une réduction de la consommation de nourriture a été trouvée chez les mâles et femelles de F1. Une diminution de la
viabilité des petits en F2 et du poids corporel des mâles en F1, et des petits mâles
et femelles de F2 a été observée avec la dose maximale. Au total, les données
indiquaient que le NOAEL de HBCD dans cette étude était de 10,2 mg/kg/j.
Les auteurs concluaient que l’exposition humaine à HBCD est bien en dessous
du NOAEL trouvé dans leur étude.
Mélange de congénères
Penta-BDE (DE-71)
496
Stoker et coll. (2004) ont testé l’effet d’un mélange commercial de polybromés (penta-BDE, DE-71), sur la fonction thyroïdienne et les éventuels
impacts indirects avec différents critères d’évaluation de paramètres du système reproducteur chez le rat lors de la période pubertaire. Les rats ont été
gavés avec 0, 3, 30 ou 60 mg/kg/j de J23 à J53. Les effets du DE-71 sur les
enzymes hépatiques et les hormones thyroïdiennes ont été mesurés dans un
autre groupe de mâles après seulement 5 jours de traitement (J23-28). Les
doses de 3, 30 et 60 mg/kg diminuaient T4 chez les mâles. T3 et TSH étaient
élevées pour les doses 30 et 60 mg. Parmi les tissus/organes androgénodépendants, les auteurs notaient une diminution du poids des vésicules séminales et de la prostate ventrale après l’exposition de 31 jours à la dose de
60 mg/kg/j. Le jour de séparation du prépuce (PPS ; considéré comme marquant le début de la puberté) était considérablement retardé avec les doses de
30 et 60 mg/kg/j.
ANALYSE
Études chez l’animal
Études chez l’animal femelle
Essentiellement deux organes ont été étudiés chez la femelle de rongeurs,
l’ovaire et l’utérus (tableau 45.II), avec une étude récente sur la glande
mammaire. À part une ou deux études de mesure d’expression de gènes par
PCR quantitative, toutes les autres consistent en des mesures de poids d’organes et d’histologie. On distinguera l’exposition à des congénères isolés de celle
à des mélanges.
Tableau 45.II : Paramètres phénotypiques affectés dans les études
Paramètres
phénotypiques
Espèce/Lignée
Composé
Doses (mg/kg/j)/Périodes
Références
Modifications des paramètres morphologiques
Poids ovaires, utérus
Rate Wistar
Rate Long-Evans
BDE 47 ; orale (eau de
boisson) : 0,140 ou 0,7 ;
Gestation
BDE 99 ; SC : 1-10 ;
Gestation/lactation
Ceccatelli et coll., 2006
Talsness et coll., 2008
Modification
des follicules
Rate Crl:CD(SD)
Rate Long-Evans
Rate Wistar
HBCD ; Gavage :
141 et 1 363
avant accouplement/
gestation /fin de la
lactation
BDE 99 ; SC : 1-10
Gestation
BDE 47 ; Orale
(boisson) : 0,7
Gestation
Lilienthal et coll., 2006
Ema et coll., 2008
Talsness et coll., 2008
Puberté
Ouverture vaginale
Rate Long-Evans
Rate Wistar
BDE 99 ; SC : 1-10 ;
Gestation
DE-71 ; Gavage : 60
Période pubertaire
Stoker et coll., 2004
Lilienthal et coll., 2006
Altérations des taux
hormonaux
Œstradiol
Rates Wistar
Rates Sprague-Dawley
BDE 47 ; Orale
(boisson) : 0,7
Gestation
BDE 209 ; Gavage : 5
Gestation
Talsness et coll., 2008
Kim et coll., 2009
SC : voie sous-cutanée
Congénères isolés
BDE 99
Dans une première étude, il a été administré une dose unique de 60 µg ou
300 µg de BDE 99/kg de poids, doses supposées représenter les concentrations
retrouvées dans l’espèce humaine, à des rates Wistar au jour 6 de leur gestation. L’analyse histologique des ovaires, du vagin et de l’utérus a été pratiquée
497
Reproduction et environnement
sur les descendantes femelles âgées de 90 jours. Les follicules ont été comptés
et des études de microscopie électronique ont été menées. Il en ressort la mise
en évidence de changements ultrastructuraux compatibles avec une morphologie altérée des mitochondries dans les ovaires. Il n’y a aucun changement ni
des autres organes analysés ni du nombre de follicules. Il est observé un
pourcentage accru de résorption embryonnaire chez les descendantes traitées
par rapport aux témoins (Talsness et coll., 2005).
Dans une deuxième étude de la même équipe, des rates gestantes Long-Evans
ont été exposées du jour 10 à 18 de gestation à 1 ou 10 mg/kg de BDE 99 par
injection sous-cutanée. Les descendantes femelles présentaient une puberté
légèrement retardée quand traitées in utero aux doses les plus élevées. Le
comptage des follicules dans les ovaires adultes de ces descendantes révèle un
nombre de follicules primordiaux/primaires réduit chez les animaux exposés
aux faibles doses tandis qu’une diminution des follicules secondaires est observée aux doses les plus élevées (Lilienthal et coll., 2006).
L’effet sur l’utérus, suite à une exposition in utero au BDE 99 (1 ou 10 mg/kg/
jour) de rates Long Evans gestantes injectées en sous-cutané du jour 10 à 18
de gestation, a été rapporté par Ceccatelli et coll. (2006). Les descendantes
étudiées à l’âge adulte ne présentaient pas de différence de poids de l’utérus
quel que soit le traitement, mais les poids absolu et relatif des ovaires étaient
faiblement et significativement augmentés. L’analyse de l’expression de plusieurs gènes cibles des œstrogènes exprimés dans l’utérus, montrait une altération. Parmi ceux-ci, le niveau d’ARN messager du gène codant le récepteur à
la progestérone est diminué aux deux doses de BDE 99 utilisées, tandis que le
niveau d’ARNm des récepteurs alpha et bêta des œstrogènes ainsi que celui
d’IGF-1 est fortement augmenté à la dose la plus faible. Cependant, il n’est
pas clair si les changements d’expression de gènes observés dans cette étude
résultent de l’exposition in utero ou de celle après la naissance ou encore des
deux, car du BDE 99 a été retrouvé dans le sang et le tissu adipeux des
animaux à l’âge adulte.
Ces résultats montrent également qu’il faut aller plus loin que la simple
analyse histologique et pesage des organes pour mettre en évidence des altérations importantes au sein des tissus.
BDE 47
498
L’équipe allemande ayant publié les études sur le BDE 99 a testé l’effet de
l’exposition in utero et au cours de la lactation d’une administration unique
dans l’eau de boisson de 140 ou 700 µg/kg de BDE 47 sur des rates gestantes
Wistar au 6e jour de gestation. Les descendantes femelles ont été étudiées à 38
et 100 jours après la naissance. Dans le groupe des animaux âgés de 38 jours et
exposés à 140 µg/kg, il a été noté une diminution du poids des ovaires bien
qu’aucune altération histologique n’ait été mise en évidence. Chez les animaux exposés à la dose la plus forte, on note une diminution des follicules
secondaires et tertiaires et une diminution des niveaux d’œstradiol bien que
ANALYSE
Études chez l’animal
l’activité de l’aromatase soit équivalente entre les animaux témoins et traités.
À 100 jours, aucune différence n’est observable entre les ovaires traités et les
témoins (Talsness et coll., 2008). On peut donc supposer que les effets sont
réversibles au cours du temps.
Des rates immatures ont également été utilisées pour tester l’implication du
BDE 47 dans l’induction potentielle de la calbindin-D9k (CaBP-9k), qui est
un biomarqueur permettant de tester l’activité des composés œstrogéniques.
Commençant au jour 16 postnatal, le BDE 47 a été administré pendant 3
jours. Le traitement avec une forte dose de BDE 47 (200 mg/kg/j) entraînait
une augmentation significative des ARNm et de la protéine CaBP-9k, 24 h
après injection, tandis que l’augmentation est moindre avec les doses moyennes et faibles (50 et 100 mg/kg/j). De plus, le traitement avec une forte dose de
BDE 47 induit un effet utérotrophique (gain de poids de l’utérus). Le
co-traitement avec ICI 182,780, un antagoniste des récepteurs aux œstrogènes inverse complètement l’augmentation de poids de l’utérus induite par le
BDE 47 ainsi que l’augmentation de CaBP-9k. Ces résultats indiquent que les
effets du BDE 47 sur l’utérus pourraient être médiés via la signalisation des
récepteurs aux œstrogènes (Dang et coll., 2007).
BDE 209
Une seule étude (Kim et coll., 2009) rapporte les effets d’une exposition au
BDE 209 chez la femelle. Dans cette étude, des rats Sprague-Dawley sont
exposés in utero du jour 6 au jour 18 de gestation à des doses de 5, 40 ou
320 mg/kg /j de BDE 209. Les auteurs observent pour la dose la plus forte, une
augmentation significative du poids de la thyroïde et une diminution de celui
des surrénales chez les descendants femelles. À faible dose de BDE 209
(5 mg/kg), il est observé une réduction de la concentration sérique d’œstradiol chez les femelles à l’âge adulte.
HBCD
L’étude d’Ema et coll. (2008), déjà citée plus haut, s’est également intéressée
aux femelles. Il est rapporté que l’examen histologique des ovaires des femelles
F1 révèle une diminution d’un tiers du nombre des follicules primordiaux
constituant la réserve des follicules de l’ovaire, aux doses de 1 500 et
15 000 mg/kg de nourriture (soit 141 et 1 363 mg/kg de poids corporel). Cette
observation indique que l’HBCD peut avoir un effet reprotoxique car une
diminution du nombre de follicules primordiaux est considérée comme un
biomarqueur des effets adverses sur la reproduction femelle, car non réversible. Cependant, ces animaux femelles ont un nombre normal d’implantations au cours de leur première gestation. Il aurait été intéressant de mener
une étude sur les capacités de reproduction au cours du temps, sur une période
plus longue de la vie de l’animal pour voir si la diminution de la réserve
entraînait une insuffisance ovarienne précoce.
499
Reproduction et environnement
Mélange de congénères
Penta-BDE (DE-71)
Une étude menée chez le rat Long-Evans du jour 6 de gestation jusqu’au
sevrage a montré qu’un mélange commercial de PBDE (penta-BDE, DE-71)
donné par voie orale aux doses de 1,7, 10,2 et 30,6 mg/kg/j induisait des
altérations de la fonction de reproduction. Chez les descendantes femelles, le
développement de la glande mammaire est réduit à 21 jours postnatals suite à
une exposition au DE-71 (10,2 et 30,6 mg/kg) (Kodavanti et coll., 2010).
Stoker et coll. (2004) ont testé l’effet du même mélange DE-71 sur la fonction
thyroïdienne et les éventuels impacts indirects avec différents critères d’évaluation de paramètres du système reproducteur chez le rat lors de la période
pubertaire femelle. Les rates ont été gavées avec 0, 3, 30 ou 60 mg/kg/j de J22
à J41. Les effets du DE-71 sur les enzymes hépatiques et les hormones thyroïdiennes ont été mesurés dans un autre groupe de femelles après seulement
5 jours de traitement (J21-26). Les concentrations sériques de T4 étaient
significativement réduites avec les deux doses les plus élevées. La dose de
60 mg/kg entraînait également un retard important de l’âge de l’ouverture
vaginale (début de la puberté).
Autres effets en marge du domaine couvert
par la présente expertise
La structure chimique des PBDE et de leurs métabolites est voisine de celle
des hormones thyroïdiennes. La réduction des taux d’hormones thyroïdiennes
circulantes est le seul effet reproductible démontré sur les animaux exposés
aux fortes doses (Zhou et coll., 2001 ; Hallgren et coll., 2002 ; Donahue et
coll., 2004 ; Ulbrich et coll., 2004).
Des études évaluant les effets toxiques de divers polluants de type PBDE sur la
stéroïdogenèse ont montré que ces derniers sont rapidement absorbés et
distribués à l’intérieur des organes riches en lipides. Chez les rats, l’administration orale de 2,2 mg/rat de BDE 99 radiomarqué conduit à une importante
accumulation de ce composé dans la glande surrénale, se retrouvant le 2e
organe le plus affecté après le tissu épididymaire (Hakk et coll., 2002).
500
Kuriyama et coll. (2007) ont mesuré les concentrations d’hormones thyroïdiennes, les activités des enzymes hépatiques et la concentration tissulaire de
BDE 99 chez des rats Wistar après traitement par gavage au 6e jour de
gestation avec une dose unique de 60 ou 300 µg/kg (même protocole que
l’étude de 2005, citée plus haut). L’analyse de la concentration tissulaire BDE
99 a confirmé la persistance de ce composé qui était détecté dans le tissu
adipeux 37 jours après l’exposition. La plus forte dose réduisait la concentration de T4 chez la progéniture en début de lactation (J1), une diminution plus
ANALYSE
Études chez l’animal
faible (non significative) étant également observée à J22. Il avait précédemment été montré dans plusieurs études que les PBDE peuvent réduire les
concentrations de T4, mais cette étude était la première démontrant la
perturbation endocrinienne à faibles doses. La concentration de BDE 99
mesurée dans le tissu adipeux était proche de celles rapportées chez l’homme
non exposé professionnellement. En outre, les auteurs rappelant les résultats
de leur étude précédente (baisse de la production spermatique chez l’adulte)
évoquait le possible lien entre les modifications thyroïdiennes chez le jeune et
les effets reproductifs (et neurologiques) observés à distance.
En conclusion, des effets tels qu’une modification des distances anogénitales
chez le mâle, un retard pubertaire dans les deux sexes, une diminution de la
production spermatique et des taux de testostérone, une modification de
certains paramètres fonctionnels spermatiques ou encore une diminution du
nombre de follicules ovariens, ont été observés après exposition gestationnelle ponctuelle ou exposition pubertaire et adulte avec les composés BDE 99
et 209, avec cependant des doses utilisées qui semblent très supérieures aux
expositions estimées chez l’homme. Les effets délétères sur la fonction thyroïdienne peuvent alerter sur le possible impact indirect sur la fonction de
reproduction compte tenu des interrelations entre ces deux fonctions bien
que les rares études disponibles ne mettent pas en évidence de lien pertinent
entre les paramètres modifiés. L’étude de Van der ven et collaborateurs de
2009, avec une exposition de type chronique à des doses relativement faibles
de HBCD, mettait en évidence des effets délétères sur plusieurs organes/tissus
régulés par les hormones faisant suggérer que ce type d’exposition représente
un danger potentiel pour l’homme.
Il convient de développer d’autres modèles plus pertinents pour l’espèce
humaine et d’utiliser des modes d’administration plus adaptés aux conditions
réelles d’exposition humaine qu’une injection sous-cutanée unique d’une
forte dose d’un seul congénère. Il est également important de développer des
approches moléculaires plus fines pour mieux évaluer les perturbations induites par les différentes expositions. Enfin, comme le montre la seule étude
longitudinale, il est important d’évaluer les effets au cours du temps car des
phénomènes d’adaptation (de récupération) peuvent avoir lieu.
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