GRAND PORTAIL THOMAS D’AQUIN
GILLES PLANTE
EXCURSION “PHILOSOPHIQUE”
EN
MÉCANIQUE QUANTIQUE
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1. Frédéric Faure publie des «Notes de cours sur la Mécanique quantique» à l’adresse sui-
vante : www.1pm2c.grenoble.cnrs.fr1People/Faure.
1.1 À la page 11 de ces «notes (...) encore provisoires», le professeur Faure présente le «but
et [les] objets de la mécanique quantique» comme suit :
Le rôle de la théorie quantique est de décrire le comportement et donner les lois d'évolution des
constituants microscopiques de la matière. Plus précisément, les phénomènes quantiques (que
sont essentiellement des "phénomènes d'interférences" présentés plus loin) se manifestent pour
des objets de petite taille x et/ou de petites impulsions p telles que :
x p h
avec la constante de Planck : h = 6.626 10-34 J.s ;
on utilise aussi la constante appelée "h barre" :
ħ = h /2π.
La théorie quantique est donc essentielle en physique des particules, nucléaire, physique ato-
mique, moléculaire et physique du solide. Par ailleurs, comme les phénomènes macroscopiques
résultent du comportement collectif des objets microscopiques, la théorie quantique a des con-
séquences indirectes à l'échelle macroscopique.
La «mécanique quantique» est une «théorie» qui décrit «le comportement (...) des consti-
tuants microscopiques de la matière», description consistant à en «donner les lois d'évolu-
tion». Ainsi, à titre de «théorie», la «mécanique quantique» est donc un discours portant sur
«le comportement (...) des constituants microscopiques de la matière».
1.2 Que signifie le nom «microscopique» ? Au mot «microscope», le Petit Robert écrit : «Ins-
trument d’optique qui permet de voir des objets invisibles à l’œil nu, grâce à un système de
lentilles». Au mot «microscopique», il écrit : «Visible seulement au microscope (...) CONTR.
Macroscopique : grand, énorme». Et, au mot «macroscopique», il poursuit ainsi : «Qui se voit
à l’œil nu (opposé à microscopique)».
Posons les definienda et les definientes pertinents en ces termes :
a. microscopique : qui ne se voit pas à l’œil nu ;
b. macroscopique : qui se voit à l’œil nu.
Le professeur Faure emploie les definienda «microscopique» et «macroscopique» pour écrire
cette phrase : «Comme les phénomènes macroscopiques résultent du comportement collectif
des objets microscopiques, la théorie quantique a des conséquences indirectes à l'échelle
macroscopique». Intéressant !
Réécrivons-la phrase en employant les definienda, ce qui donne : «Comme les phénomènes
qui se voient à l’œil nu résultent du comportement collectif des objets qui ne voient pas à l’œil
nu, la théorie quantique a des conséquences indirectes à l'échelle des objets qui se voient à
l’œil nu».
Cette phrase est constituée :
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a. d’un antécédent : «comme les phénomènes qui se voient à l’œil nu résultent du compor-
tement collectif des objets qui ne voient pas à l’œil nu» ;
b. d’un conséquent : « la théorie quantique a des conséquences indirectes à l'échelle des
objets qui se voient à l’œil nu».
Examinons la phrase contenue à l’antécédent : «les phénomènes qui se voient à l’œil nu ré-
sultent du comportement collectif des objets qui ne voient pas à l’œil nu», en portant notre
attention à « résultent du comportement collectif». Au verbe «résulter», le Petit Robert écrit
qu’il provient du «latin scolastique, de re- et saltare “sauter” -> saut (encadré)». Il nous invite
ainsi à nous rendre au mot «saut», et à lire l’encadré suivant :
Ce mot est issu du Iatin saltus. «saut, bond» (…), de salire «sauter, bondir, jaillir ; saillir (la fe-
melle)», apparenté au grec hallesthai de même sens (haltère). La famille concerne le saut, qu'iI
soit volontaire ou réflexe (…).
1.3 Si, comme nous l’avons vu, la «mécanique quantique» est une «théorie» qui décrit «le
comportement (...) des constituants microscopiques de la matière», donc des « des objets
qui ne voient pas à l’œil nu», comment parvient-elle à connaître que «les phénomènes qui se
voient à l’œil nu résultent du comportement collectif des objets qui ne voient pas à l’œil nu» ?
En se commettant dans un saut. Mais le saut lui-même, est-il «microscopique» ou «macro-
scopique» ? Beau problème !
À la page 12, le professeur Faure l’évoque en soulignant les «différences et [les] relations en-
tre [la] mécanique classique et [la] mécanique quantique» en ces termes :
Le changement radical entre la mécanique quantique et la mécanique classique est essentiel-
lement que, en mécanique classique, une particule est un objet ponctuel décrit par un point
x, p
^ h
dans l'espace des phases (position - vitesse), alors que en mécanique quantique, une par-
ticule est un objet étendu, décrit par une fonction d'onde
}x
] g
. Une conséquence est la possibili-
d'interférences. Le rôle de la mécanique est de donner les lois qui gouvernent l'évolution de
ces objets. Ce sont les équations de Hamilton (ou Newton) dans le cas classique et les équa-
tions de Schrödinger dans le cas quantique.
La théorie quantique est valable pour des constituants élémentaires ou pour une assemblée de
quelques constituants (atomes molécules) tant qu'il sont "isolés" de leur environnement. On ne
peux pas parler de la fonction d'onde d'une balle ou même d'une poussière qui sont des objets
"macroscopiques" et non isolés. En principe une théorie complète devrait pouvoir décrire toutes
les échelles de la nature. À l'heure actuelle on ne sait pas rendre compatible de façon totale-
ment satisfaisante, la théorie quantique avec l'aspect "classique" de la nature à l'échelle macro-
scopique. Cela est discuté depuis longtemps, voir le paradoxe du chat de Schrodinger. Voir par
exemple [Cla88],[Aro02] pour les développements récents à ce sujet.
D’abord, remarquons que, au premier paragraphe, le professeur Faure fait la «différence»
suivante :
a. «en mécanique classique, une particule est un objet ponctuel» ;
b. «en mécanique quantique, une particule est un objet étendu».
La «différence» repose sur la division : ponctuel-étendu. Cette division peut-elle être logi-
quement fondée ?
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Revenons en arrière. Selon le Petit Robert, «microscopique» et «macroscopique» sont des
contraires. L’opposition «qui ne se voit pas à l’œil nu» - «qui se voit à l’œil nu», ainsi posée,
ne rend pas clairement la contrariété allégué. Par contre, l’opposition «qui ne se voit nulle-
ment à l’œil nu» - «qui se voit entièrement à l’œil nu» la rend clairement, dans les limites du
problème posé ; en effet, certains corps que l’astronomie étudie ne se voit ni à l’œil nu, ni au
microscope, mais au télescope.
Il devient alors possible d’énoncer le carré des oppositions suivant :
A. se voit entièrement à l’œil nu E. ne se voit nullement à l’œil nu
I. se voit partiellement à l’œil nu O. ne se voit pas partiellement à l’œil nu
Alors que A et E sont en opposition de contraires, I et O sont en opposition de sous-contrai-
res. Il est , ainsi, impossible que ce qui se voit entièrement à l’œil nu puisse ne se voir nulle-
ment à l’œil nu, et vice-versa ; ce sont des contraires. Cependant, il n’y a rien d’impossible à
ce qu’un tout soit fait de deux parties dont l’une se voit à l’œil nu, alors que l’autre ne se voit
pas à l’œil nu ; ce sont des sous-contraires. Par exemple, posons les deux prémisses d’un
Darapti tel que :
Toute particule est un objet ponctuel.
Toute particule est un objet étendu.
La seul conclusion possible est : «Quelque objet étendu est ponctuel» ; elle se convertit en :
«Quelque objet ponctuel est étendu». Sauf qu’elle est absurde si la division “ponctuel-étendu”
est bonne ; en effet, la division exige que ponctuel-étendu soient des contraires. Le profes-
seur Faure en est bien conscient, semble-t-il, puisqu’il écrit :
La théorie quantique est valable pour des constituants élémentaires ou pour une assemblée de
quelques constituants (atomes molécules) tant qu'il sont "isolés" de leur environnement. On ne
peux pas parler de la fonction d'onde d'une balle ou même d'une poussière qui sont des objets
"macroscopiques" et non isolés.
Semble-t-il, disons-nous, parce qu’il ajoute :
En principe une théorie complète devrait pouvoir décrire toutes les échelles de la nature. À
l'heure actuelle on ne sait pas rendre compatible de façon totalement satisfaisante, la théorie
quantique avec l'aspect "classique" de la nature à l'échelle macroscopique.
Quel est le «principe» selon lequel «une théorie complète devrait pouvoir décrire toutes les
échelles de la nature» ? C’est celui de la sous-contrariété qui oppose I et O dans le carré des
oppositions suivant :
A. Tout aspect de la nature est macroscopique. E. Nul aspect de la nature n’est macroscopique.
I. Quelque aspect ... est macroscopique. O. Quelque aspect ... n’est pas macroscopique.
La sous-contrariété qui oppose I et O fait que I et O peuvent être simultanément vraies, étant
entendu que l’aspect macroscopique et l’aspect microscopique sont parfaitement distincts l’un
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de l’autre. Par exemple, une barre de fer peut être en partie chaude et en partie froide ; ce-
pendant, la partie chaude est chaude, et la partie froide, froide.
Admettons qu’il en est ainsi pour l’aspect microscopique et l’aspect macroscopique de la na-
ture. Alors, on ne voit pas clairement comment comment le «collectif des objets qui ne voient
pas à l’œil nu», autrement dit une collection d’objets «microscopiques», puisse faire que les
objets deviennent macroscopiques.
1.4 À cet égard, il s’impose de dire que l’opposition microscopique - macroscopique concerne
l’œil qui, nu, ne voit que le macroscopique, alors que, muni de lentilles, il voit le microscopi-
que. Évidemment, être ou ne pas être muni de lentilles ne change rien à ce qu’il y a à voir. Or,
eu égard à ce qu’il y a à voir, le professeur Faure écrit trois propositions :
1. «en mécanique classique, une particule est un objet ponctuel» ;
2. «en mécanique quantique, une particule est un objet étendu» ;
3. «une conséquence est la possibilité d'interférences».
Dans la mesurela «mécanique classique» et la «mécanique quantique» sont l’une et l’au-
tre une «théorie», donc un discours, toute «conséquence» dans l’une ou l’autre suit les prin-
cipes de la conséquence logique. Or, il semble bien que «les lois qui gouvernent l'évolution
de ces objets (…) sont les équations de Hamilton (ou Newton) dans le cas classique et les
équations de Schrödinger dans le cas quantique». Alors, se situe la «possibilité d'interfé-
rences» ? Entre les théories, ou entre les objets ? Beau problème !
1.5 Quoi qu’il en soit, à la page 13, le professeur Faure établit les «prérequis supposés» au
«cours sur la Mécanique quantique» en ces termes :
En mathématiques : notion d'espace vectoriel, de Tranformée de Fourier.
En physique : mécanique analytique, Hamiltonienne.
En mécanique quantique : problèmes ID stationnaire, ... , le cours et TD de Licence.
Le professeur Faure énonce ainsi, succinctement, trois domaines se trouvent les principes
requis pour saisir l’enseignement donné dans le cours. À prime abord, il ne semble pas que
des principes “philosophiques” soient exigibles. Que pourraient bien être de tels principes
“philosophiques” ? Dans Le paysan de la Garonne, Jacques Maritain écrit :
Je ne vais pas m’embarquer dans ici dans les problèmes ardus de l’épistémologie. Je noterai
seulement que les sciences de la nature ont, toutes, prise sur le réel entant seulement qu’ob-
servable (ou dans les limites de l’observable). (...) Toutes relèvent (...) pareillement d’une intel-
lection d’ordre empiriologique (...). Au contraire, la philosophie de la nature relève d’un type d’in-
tellection qui par l’observable, ou par les signes saisis dans l’expérience, atteint le réel dans son
être, et qu’on doit appeler une intellection d’ordre ontologique (la plus naturelle à vrai dire ; l’au-
tre demande une sorte spéciale de dressage ou d’ascèse). (...) Nous sommes en face de
deux claviers différents. 1
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1 Jacques Maritain, Le paysan de la Garonne, Paris, 1966, Desclée de Brouwer, pp. 207-208
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