12 LES ENJEUX DES BIENS PUBLICS MONDIAUX Caractériser un bien public mondial. Analyser les modes de gestion associés à ces biens et leurs impacts sur l’activité économique. Analyser les actions mises en œuvre par les organisations économiques internationales. De nouveaux besoins apparaissent avec la mondialisation1 et l’interdépendance croissante des économies, appelant à une réflexion globale au niveau mondial. Les BPM tels que la qualité de l’air, la santé, la connaissance, conduisent les Etats à envisager une approche nouvelle de la coopération internationale 2qui se justifie par leur défaillance à produire seuls de tels biens malgré les externalités positives. Aussi, les gouvernements interviennent de façon coordonnée, parfois appuyés par l’action d’ONG. Selon les cas, la gestion de biens publics peut être déléguée à des institutions, à un marché ad-hoc3 ou prévue dans un protocole. Ces modalités contraignantes ou incitatives affectent les décisions et l’activité économiques. Cependant, la gestion des biens publics se heurte à des conflits d’intérêts. I. DES BIENS PUBLICS AUX BIENS PUBLICS MONDIAUX A. LA NOTION DE « BIEN PUBLIC » 1. Définition Ce sont des biens ou des services dont l’utilisation est non rivale et non exclusive (Paul Samuelson, 1954) et qui bénéficient à tous les individus : - La non-rivalité d’un bien signifie que sa consommation par un individu n’empêche pas la consommation du même bien par un autre individu. Exemple : un phare à l’entrée d’un port permet de guider tous les marins simultanément. - La non-exclusion signifie qu’on ne peut empêcher un agent de consommer ce bien c'est-à-dire qu’on ne peut individualiser les consommations et en tarifer l’usage. Exemple : il est impossible de priver certains marins de l’utilisation du phare, ni de les faire payer pour son utilisation en fonction de leur consommation. 2. Une réponse des États aux défaillances du marché La plupart des biens publics relèvent de l’intérêt général, c’est-à-dire qu’ils sont indispensables au fonctionnement de la collectivité (la Défense nationale, les infrastructures publiques comme les routes, l’éclairage public, etc.). Leur production et leur gestion s’avèrent essentielles pour la cohésion sociale et le développement des nations. Or, la notion de « bien public » a aussi montré que des individus pouvaient avoir un comportement de « passager clandestin » dès lors qu’ils pouvaient profiter d’un bien ou d’un service sans payer le « juste » prix de son utilisation. Devant cette possibilité d’en profiter gratuitement, en laissant aux autres individus le soin de le produire et de le financer, les agents économiques ne sont pas incités à participer au financement des biens publics, ni même à les produire. En effet, aucun acteur privé n’aura intérêt à produire ce type de biens car, devant un coût trop important (les dépenses militaires pour la Défense nationale) ou devant la difficulté, voire l’impossibilité, d’en réglementer l’accès et d’en tarifer l’usage pour chaque individu, cette production ne serait pas rentable. Les biens publics ne peuvent ainsi être pris en charge efficacement par le marché. L’État doit légitimement intervenir, soit pour prendre en charge la production de ces biens collectifs, soit en aidant des entreprises privées à les prendre en charge. La mondialisation est un processus par lequel la production et les échanges tendent à s’affranchir des contraintes imposées par les frontières et les distances. Autrement dit, c’est un processus d’élargissement de l’espace économique d’intervention des agents économiques associé à la libéralisation des échanges. 2 Cf. Ch. 8 Première année, Le développement durable. 3 Le marché des droits à polluer par exemple. 1 B. L’EMERGENCE DE LA NOTION DE « BIEN PUBLIC MONDIAL » Charles Kindleberger (1986), l’un des auteurs pionniers en la matière, définit les biens publics mondiaux en ajoutant deux dimensions aux critères de non-rivalité et de non-exclusion : - Une dimension internationale Les biens publics mondiaux comme « l’ensemble des biens accessibles à tous les États qui n’ont pas nécessairement un intérêt individuel à les produire ». Cette définition souligne le caractère universel de ces biens car leur utilité dépasse le cadre des frontières nationales et leur production nécessite une coordination interétatique. Exemple : La préservation de la couche d’ozone concerne le développement de tous les États - Une dimension intergénérationnelle Les biens publics mondiaux concernent plusieurs générations de citoyens, ils ont une portée intergénérationnelle. Exemple : les préoccupations écologiques (stabilité climatique, biodiversité) visent à préserver l’environnement, tant pour les générations présentes que pour les générations futures, dans une logique de développement durable. Or, la majorité des biens publics mondiaux sont « impurs » c'est-à-dire ne respectent qu’une seule de deux conditions précitées. On distingue alors : - Les biens communs pour lesquels la condition de non-rivalité ne se vérifie pas du fait de la saturation possible de ce type de biens. Exemple : l’eau d’un fleuve ou les arbres d’une forêt sont, par nature, des ressources épuisables qui instaurent une rivalité entre les agents. - Les biens de club pour lesquels la condition de non-exclusivité est absente du fait de la possibilité d’en réglementer l’accès. Exemple : la télévision cryptée ou l’autoroute à péage sont des biens exclusifs car leur accès est limité par le paiement d’un prix. II. LES ENJEUX DES BIENS PUBLICS MONDIAUX A. AU SERVICE DE L’INTERET GENERAL DES NATIONS Les biens publics mondiaux relèvent de l’intérêt général des nations. Ils sont indispensables à leur fonctionnement social et économique dans un contexte de mondialisation et d’interdépendance croissante entre les pays. Cependant, ils répondent, suivant leur nature, à des problématiques distinctes et exigent ainsi des réponses différenciées. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a proposé de classifier les biens publics mondiaux en trois grandes catégories : - les biens publics mondiaux naturels confrontés à leur sur-utilisation et donc à leur épuisement (la biodiversité.) - Les biens publics mondiaux d’origine humaine dont l’enjeu principal est leur sous-utilisation et leur difficile accessibilité pour les pays défavorisés : Ce sont les connaissances scientifiques. - Les biens publics mondiaux « résultats des politiques globales des nations » incluant la paix, la santé et la stabilité du système financier international et posant alors le problème d’une action collective, continue, interétatique du fait d’un degré d’implication variable ou insuffisant selon les pays pour répondre à la mesure de leurs enjeux. NB : Ainsi, si certains biens sont mondiaux par nature (par exemple, la couche d’ozone), d’autres sont mondialisés de manière intentionnelle (par exemple, la santé publique). B. LA DEFAILLANCE DES MARCHES ET DES ÉTATS ET LA NECESSITE D’UNE COOPERATION INTERNATIONALE La gestion de la mondialisation dépend, dans une large mesure, de la fourniture de biens publics mondiaux. Or, les États eux-mêmes, comme les acteurs privés, ont tendance à adopter des comportements de « passagers clandestins », en laissant le soin à d’autres États de produire et gérer les biens publics nécessaires à l’ensemble de l’humanité. Par exemple, l’instabilité financière et le risque de crise financière dans un contexte de libéralisation des échanges de capitaux résultent, pour partie, d’une absence de contrôle voire d’une défaillance d’un ou de plusieurs États-nation. Les marchés financiers, comme les États, se sont avérés défaillants pour assurer une allocation optimale des ressources financières au niveau mondial et, en l’absence d’une gouvernance mondiale, seule une coopération internationale par l’intermédiaire d’acteurs publics (organisations publiques internationales) ou par délégation à des acteurs privés (associations ou agences privées) peut permettre de produire ou de gérer les biens publics mondiaux. Exemple : la recherche d’une plus grande stabilité financière est un bien public mondial qui devrait permettre de limiter, voire d’éviter, de futures crises financières en instaurant un cadre réglementaire qui serait respecté par l’ensemble des acteurs. La production de ce bien public nécessiterait la participation et la coopération de l’ensemble des acteurs de la communauté financière internationale (représentants politiques de chaque État, ensemble des Banques centrales, etc.). De même, pour favoriser la paix dans le monde, il pourra s’agir de développer la coopération internationale visant à lutter contre l’armement nucléaire des nations dans un contexte de développement du nucléaire civil.