Des inégalités dans la reconnaissance des cancers professionnels Annie Thébaud-Mony, Sociologue, DR Inserm, GISCOP93 Anne Marchand, Sociologue, chargée d’études au GISCOP 93 Cécile Durand, Sociologue, chargée d’études au GISCOP 93 Groupement d’Intérêt Scientifique sur les Cancers d’Origine Professionnelle (GISCOP 93) Université Paris 13, Bobigny 1 Plan de la présentation o Eléments de contexte o Le rôle du travail dans l’épidémie de cancer : retour sur deux enquêtes o Les inégalités sociales face à la reconnaissance en maladie professionnelle o Vers la réduction des maladies éliminables: des pistes pour agir 2 Eléments de contexte • L’épidémie de cancer en France Années 80 2011 Nouveaux cas par an 150 000 365 500 Décès par an 125 000 147 500 (Données de l’Institut de veille sanitaire, 2008) • Le taux annuel de mortalité précoce par cancer : En 1980 : 4 fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres et professions intellectuelles En 2010 : 10 fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres et professions intellectuelles -> La France : record européen d’inégalité de mortalité masculine par cancer avant 65 ans 3 Le rôle du travail dans ces inégalités sociales: retour sur deux enquêtes o Enquête Sumer 2003 -2,3 millions de salariés exposés professionnellement aux cancérogènes (hors fonction publique) - Cinq secteurs parmi 36 exposent au moins 35% de leurs salariés aux cancérogènes : Commerce et réparation automobile Métallurgie et transformation des métaux Industrie du bois et du papier Industrie des produits minéraux Construction - Les fonctions de maintenance sont les plus exposées et comportent une plus grande proportion de jeunes apprentis ou en contrats formation. - Les huit cancérogènes exposant une proportion importante de salariés : Huiles entières minérales, Benzène, Perchloréthylène, Trichloréthylène, Amiante, Poussières de bois, Gaz d’échappement diesel, Silice cristalline 4 o Enquête Giscop (2002-2012) - Le contexte La Seine-Saint-Denis Le cancer Comme événement sentinelle: sentinelle • Vis-à-vis des expositions cancérogènes au cours de la vie professionnelle • Vis-à-vis de la reconnaissance du cancer en maladie professionnelle • Pas une démarche de risque attribuable, ni étiologique Comme histoire 2.Expositions professionnelles aux cancérogènes rétrospectif 1.Patient atteint d’un cancer prospectif 3.Déclaration et Reconnaissance en MProfessionnelle 5 • Les objectifs o Repérer les expositions passées à des cancérogènes reconnus dans les parcours professionnels de patients atteints de cancer o Identifier les secteurs, les postes et les situations les plus exposantes (prévention) et leurs évolutions temporelles o Suivre la procédure de reconnaissance en maladie professionnelle o Identifier les obstacles à la reconnaissance et leurs conséquences en termes de production de connaissances • La population d’enquête Recrutement : 3 hôpitaux de SSD Critères d’inclusion: Résider dans le 93 Nouveau diagnostic à partir du 01/03/2002 Cancer primitif de l’appareil respiratoire, urinaire, hémato 6 Caractéristiques de la population d’enquête : Du 01/03/2002 au 31/05/2012 : 1 116 entretiens et parcours professionnels Les cancers respiratoires prédominent 53% des patient ont moins de 65 ans, 31% encore en activité 82% des patients inclus sont des hommes 78% des postes occupés sont des postes d’ouvriers 80% des postes occupés par les femmes sont des postes d’ouvrières ou d’employées de service 83% des patients ont été exposés au moins à un cancérogène 56% ont été exposés à plus de trois cancérogènes Les situations d’exposition les plus fréquemment rencontrées: - la maintenance, l’entretien et la réparation -Les chantiers du bâtiment et des travaux publics - le nettoyage et la gestion de déchets 7 Les inégalités sociales face à la reconnaissance en maladie professionnelle Des enjeux individuels et collectifs : Connaissance Reconnaissance/réparation Financement Prévention Des inégalités à chaque étape: déclaration, reconnaissance, indemnisation Une multiplicité d’acteurs, un espace conflictuel 8 Déclare sa maladie Assuré CPAM Enquête administrative (inspecteurs ATMP, ingénieurs prévention CRAMIF, médecine du travail…) Enquête médicale (médecin conseil en lien avec médecins hospitaliers) Employeur-s Enquête contradictoire CRRMP Refus de reconnaissance Notification reconnaissance CRA Refus de reconnaissance Commission de recours amiable TASS Tribunal des affaires de Sécurité sociale 9 Motifs de rejet de reconnaissance Absence des preuves du travail et des expositions : stabilité dans l’emploi/morcellisation , activité prescrite/activité réelle Poly-exposition : non prise en compte des effets de synergie des cancérogènes Rejet pour éléments médicaux non transmis Système complémentaire non sollicité : ex : chauffeur livreur exposé durant 16 ans aux gaz d’échappement diesel : « Il n’est pas prouvé que son activité professionnelle l’ait exposé à un risque couvert par la législation des maladies professionnelles. » Les inégalités face à la réparation L’indemnisation intervient souvent après le décès du patient Réparation forfaitaire/réparation intégrale Les preuves du salaire : le cas des retraités 10 Recherche interventionnelle Résultats préliminaires Des partenariats fructueux : avec les médecins pour l’établissement des certificats, avec la Cpam pour le suivi des procédures Un taux de déclaration de l’ordre de 70 à 80% des patients éligibles Les cas reconnus de l’enquête Giscop représentent près de 50% des dossiers reconnus en SSD Des lignes qui bougent: le patient acteur se saisit de ses marges de manœuvre pour faire valoir ses droits La voie du contentieux: une forme de régulation ? 11 Synthèse des résultats de l’enquête GISCOP Mars 2002 - Mai 2012 Etat de santé P - Parcours-travail 1116 (P/C=86%) C - Consentement 1302 Non-déclaration Mise en visibilité E - « Exposés » 945 (E/P=85%) Hétérogénéité Critères restrictifs M - CMI 570 (M/E = 60%) A - Reconnus 281 D - Déclaration en MP 369 (D/M=65%) I - En attente 20 (I/D=5%) Force de la preuve R - Refus 68 (R/D=19%) (A/D=76%) (A/M=49%) (A/E=30%) 12 Pistes pour la réduction des cancers « maladies éliminables » o Créer un tableau de maladie professionnelle prenant en compte la poly-exposition aux cancérogènes o Couple réparation/prévention: déliaison temporelle o interdire la sous-traitance des risques o Eliminer le risque à sa source (rôle des CHSCT) 13