Département SLP Séminaire 2013-2014 « Islam en France, Islam de France ?» Séance du 10 juin 2014 Intervenant : Madame Dounia Bouzar Résumé du rapport du CPDSI « Processus et étapes de la radicalité dans l’islam en France » Mots clés : islam, embrigadement, emprise, radicalisation, terrorisme. Au cours de cette séance du séminaire « Islam en France, islam de France ? » Madame Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux/gestion de la laïcité, auteur de « Désamorcer l’islam radical, ces dérives sectaires qui défigurent l’islam » et fondatrice du Centre de Prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), a présenté le premier rapport de ce centre dont elle est la co- auteur avec M. Christophe Caupenne, intitulé : « Une nouvelle forme d’embrigadement des mineurs et des jeunes majeurs dans le terrorisme » Ce rapport a été réalisé à partir d’un croisement de recueil de données de 55 familles confrontées au problème d’endoctrinement de leurs enfants et qui se sont adressées depuis le début de l’année au CPDSI et par l’intermédiaire d’un numéro vert mis en place par le ministère de l’Intérieur avec l’analyse des vidéos de propagande diffusées sur internet par un certain Omar Omsen, « émir » rattaché à Al Nostra, francophone lui-même, dans l’orbite d’Al Quaida et qui nomme ceux qui le suivent « Les Véridiques » . Cette étude analyse le profil et les motivations de ces jeunes de familles très diverses, de classes sociales et de convictions religieuses totalement différentes, ayant suivi un pseudo-enseignement diffusé par un moyen de communication (internet) leur proposant une communauté de substitution virtuelle les conduisant progressivement dans un islamisme radical, qui pourra les entrainer à un départ en Syrie. Or ce discours d’apparence religieuse entrainant emprise et confusion chez les jeunes peut relever de la dérive sectaire car il vise par des manœuvres de déstabilisation psychologique, à obtenir d’eux une allégeance inconditionnelle et à rompre tout lien social, familial et sociétal et à les priver par voie de conséquence de leurs droits les plus fondamentaux, notamment le droit à la liberté , à la sûreté de sa personne, à l’éducation et à la santé. 1 Pôle de Recherche Assistante : Chrystel CONOGAN - [email protected] – 01.53.10.41.95 Un certain nombre d’éléments convergeant dans les mécanismes d’emprises mentales des mineurs et des jeunes majeurs et les conditions environnementales dans lesquelles cette emprise a pu s’opérer ont été observés : 1. La rupture produite par la notion de pureté du groupe, base du processus sectaire de l’islam radical, apparait à différents niveaux. Ceux qui se nomment les « Véridiques » doivent développer un sentiment d’appartenance à une communauté plus pure, au dessus du reste du monde ce qui se manifeste concrètement par l’observation de ruptures sociales : La première rupture repérée par les parents est celle avec les anciens amis. - La deuxième étape de rupture concerne les activités extra scolaires, dites de loisir et d’éducation populaire. - La troisième étape de rupture concerne le domaine de l’école ou de l’apprentissage professionnel. Ces indicateurs doivent être utilisés par les parents pour évaluer le niveau de rupture et établir le diagnostic de la situation de danger. L’approche est donc centrée sur le comportement et non sur la croyance religieuse. 2. Une rupture familiale à géométrie variable La substitution indispensable de l’autorité du groupe, à l’autorité parentale n’apparait pas toujours sous la même forme : - Dédoublement de la personnalité des jeunes : l’autorité du groupe s’est substituée à l’autorité parentale sans que les jeunes ne le montrent (deuxième Facebook) - Parfois, tout est mis en place pour que la rupture familiale s’opère frontalement tant les comportements du jeune entravent la possibilité d’un vivre-ensemble familial (nourriture, fêtes, cinéma interdits..) - De nombreux parents témoignent d’un sentiment de véritable désaffiliation, de rupture du lien affectif, ce qui constitue l’un des objectifs principaux des Véridiques - Dès qu’ils sont partis en Syrie une sorte d’anesthésie affective se met en place, au moins dans les premiers temps. - Les parents perçoivent le début du désendoctrinement à la reprise du lien affectif, souvent provoquée par un choc émotionnel. 3. L’effacement des identités individuelles au profit de l’unité du groupe Pour créer cette dépersonnalisation favorisée par une norme vestimentaire et des comportements similaires, un code est mis en place pour se reconnaitre et se distinguer radicalement des autres, de façon à renforcer l’exaltation du groupe. 2 Pôle de Recherche Assistante : Chrystel CONOGAN - [email protected] – 01.53.10.41.95 - - - - - La dépersonnalisation des filles passe par l’effacement du « contour » individuel. Le vêtement est le premier accessoire d’identification et de démarcation, il devient un élément pour marquer sa différence puis pour se couper de l’extérieur (port du jilbab ou du niquab) La dépersonnalisation des garçons ne passe pas par l’effacement du « contour » individuel (sauf éventuellement la barbe et les pantalons courts) et certains jeunes garçons sont partis en Syrie sans passer par le moindre changement d’apparence. La fusion du groupe passe par un clonage des comportements et par la consommation des mêmes produits dits purs interdisant tout contact avec les marchandises venant des EtatsUnis tout comme avec ceux fabriqués en France et en Europe. Tous les jeunes endoctrinés achètent sur des sites internet spécifiques créant ainsi un réseau financier parallèle. La mise en veilleuse de la raison facilite la fusion. Les Véridiques remplacent la raison par la répétition et le mimétisme : même pensée générale et absolue facilitant l’exaltation du groupe et l’absence de tout doute, comme en état d’hypnose. Le discours radical auquel les jeunes sont soumis parvient à annihiler toute singularité jusqu’à ce que l’identité du groupe remplace leur propre identité. Les Véridiques font croire à ces jeunes qu’ils sont « élus » pour régénérer le monde en les persuadant auparavant d’un complot des « forces du mal »et déforment le concept de la Hijra (retour vers un pays musulman) en insinuant que tout musulman doit vivre en Syrie au risque de ne pas être fidèle à l’islam. La paranoïa est aussi fondée sur l’imminence de la fin du monde et la promesse que seuls ceux qui auront combattu contre ce mal accèderont au paradis. 4. Les différents modes identificatoires qui font basculer les jeunes. Aucun jeune n’a conscience de rentrer dans un embrigadement. Au contraire, par un endoctrinement adapté à leur profil, ces jeunes se soumettent à ce qu’ils croient être un processus de libération et de changement. Ils y ont trouvé des rôles différents pour s’inscrire dans cette histoire. Au travers des témoignages des familles et des vidéos diffusées par les Véridiques, au moins cinq modes d’identification ont été trouvés : - Lancelot ou celui qui cherche l’idéal chevaleresque, prêt à offrir sa vie pour une cause qiu le transcende. Mère Térésa ou celui qui part pour une cause humanitaire. Ce type d’identification concerne la plupart des filles mineures qui se destinaient à des métiers médicaux ou para médicaux. Le « porteur d’eau » ou celui qui cherche un groupe. Ce modèle attire ceux qui sont en quête d’identité et ont besoin d’un groupe qui leur donne une place et un rôle qui les rassure. Call of Duty (l’appel du devoir). C’est le modèle d’identification des jeunes qui sont attirés par les armes et par une communauté de garçons qui va à l’aventure et au front. Zeus ou celui qui cherche la toute-puissance et le pouvoir Ce modèle attire les individus qui sont sans limites ;, ils cherchent le pouvoir, à contrôler les hommes et leur faire faire ce qu’ils veulent. L’intégralité de ce rapport du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam est consultable sur son site : http://www.cpdsi.fr 3 Pôle de Recherche Assistante : Chrystel CONOGAN - [email protected] – 01.53.10.41.95