La pièce est un!huis clos se déroulant entièrement dans le bureau du Gouverneur civil qui constitue une
sorte d’arène flottant dans le vide.
Comme dans ma précédente mise en scène «!Appelle moi Olympe!» de Sophie Mousset, il s’agit à
nouveau d’une uchronie, un événement qui n’a pas été vérifié par les historiens mais qui aurait pu se
passer tel que nous l’avons imaginé.
Dans la réalité, la « visite » de Manuel de Falla n’a probablement duré que quelques longues minutes. Ici, le
temps s’étire pour permettre de remonter la mécanique de l’horreur au coeur de la confrontation entre le
gouverneur de Grenade Valdès et Manuel de Falla.
C’est au prix de cette distorsion temporelle que l’anecdote peut devenir histoire.
Je souhaite que le lieu de cette confrontation apparaisse dans une symbolique de guerre, comme
une chambre d’exécution provisoire, mobile et transportable, pouvant s'installer n'importe où,
aujourd'hui ici, demain ailleurs. La sale besogne qui s’accomplit dans ce bureau ne se limite
pas à la guerre civile espagnole, mais nous transporte dans une dimension universelle.
J’imagine donc une tente installée dans une ville ou un village, pouvant être déplacée en fonction des
exigences du conflit. Ce lieu peut rappeler le quartier général d’une armée en opération que l'on peut
retrouver historiquement dans les campagnes napoléoniennes ou, plus proche de nous, celles des
guerres coloniales ou du Proche et Moyen Orient, un lieu de pouvoir où va se décider la mort du poète.
La pensée totalitaire prend place insidieusement sur n'importe quel territoire. Certes elle!s'est exprimée en
Espagne pendant la guerre civile mais elle s'impose aussi ailleurs, n'importe quand, encore aujourd'hui,
dans de trop nombreux endroits du monde.
Cette tente symbolise donc un pouvoir en capacité de se transporter de lieu en lieu pour gagner en
efficacité dans l’exercice de la tyrannie.
Le mobilier sera rapidement démontable, les bureaux du gouverneur et du jeune phalangiste seront
composés de tréteaux et d’un fauteuil pliable dossier en cuir ou encore de tabourets néanmoins élégants
et confortables.
Chacun aura son espace!: celui du jeune phalangiste secrétaire du gouverneur sera, avec sa machine à
écrire d’un autre temps et son étagère de campagne, l’endroit où seront gérés les registres, notamment
celui «!des décès par suite de blessures pour faits de guerre!», habileté sémantique pour ne pas parler de
personnes arbitrairement fusillées!; celui du Gouverneur d’autant plus imposant que sa structure
démontable peut être raffinée.
"""""""" Jean Claude Falet, Metteur en scène