Une œuvre d`art par dimanche… LE BAPTÊME DE JÉSUS

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Une œuvre d’art par dimanche… LE BAPTÊME DE JÉSUS : Plongeons ! Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 9-­‐11. En ces jours-­‐là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-­‐aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert Une œuvre d’art Le baptême de Jésus par Jean (1362) Yovhannes de Berkri Manuscrit 404, folio 2v. Ispahan, Iran, Musée arménien. 1 Commentaire En cette période troublée, il est bon de se tourner vers nos frères chrétiens d’Orient. En Iran, une communauté d’arméniens (près de 160 000) constitue une des branches les plus anciennes de la diaspora. Installée dans un quartier périphérique d’Ispahan, la nouvelle Djoulfa, la cathédrale Saint-­‐Sauveur est le lieu privilégié de rencontre de la communauté. À côté de l’édifice fut créé un musée d’art arménien où sont conservés plus de 700 manuscrits, dont est extraite l’image du baptême du Christ peinte par Yovhannes de Berkri au XIV° siècle. Ce que je vois Au centre, Jésus reçoit le baptême des mains de Jean le Baptiste. Au-­‐dessus, fond une colombe dont le bec envoie des rayons. D’un nuage sort la main du Père qui bénit son Fils bien-­‐aimé. En haut à gauche, un ange verse l’eau d’une carafe sur une plante fleurie. Dans l’eau ondulé, un serpent noueux semble se noyer. Diverses phrases ponctuent la scène, mais n’ayant aucune connaissance de l’écriture arménienne, il m’est difficile de les traduire ! Cependant, on peut facilement imaginer que ce ne sont que des descriptions des personnages et des phrases prononcées dans l’Évangile. De fait, la scène représentée reprend bien tout ce que nous avons lu dans le texte de ce dimanche. Jésus et Jean le Baptiste Jésus est nu, simplement couvert d’un perizonium (linge qui ceint la taille). Ce vêtement est le signe que déjà le baptême n’était plus pratiqué par immersion. C’est ce même linge qu’il retrouvera sur la Croix. Comment séparer la mort du Christ de l’inauguration de son ministère lors du baptême. Écouter la Parole de Dieu et la mettre en pratique nous mène souvent « là où ne nous voudrions pas aller… » (Jean 21, 18) Sa main droite s’adresse à Jean, comme si Jésus, béni par le Père, renvoyer aussi à Jean cette même bénédiction. Ou veut-­‐il indiquer au Baptiste qui il est vraiment : pleinement homme et pleinement Dieu ? En effet, la disposition des deux doigts de la main droite du Christ (que l’on retrouve sur la main du Père) montre sa double nature humaine et divine. Jean, lui, porte une tunique rouge (annonce de son prochain martyre ?) et porte sur les épaules son manteau de poils de chameau. La barbe en broussaille, et la tête échevelée, il tend sa main droite sur le crâne du Christ. Son autre main semble aller chercher, dans le Jourdain, l’eau qu’il va verser. Mais son visage est surpris, pour ne pas dire ahuri. Ses yeux sont tournés vers la colombe qu’il voit fondre du ciel sur le Christ. Même s’il savait que le baptême de son cousin était bien différent de celui qu’il dispensait, il n’en reste pas moins décontenancé devant la scène qui se déroule sous ses yeux. Peut-­‐être nous appelle-­‐t-­‐il nous-­‐mêmes à prendre conscience de notre propre baptême, de ce que nous avons reçu, de la grâce qui nous fut faite, et de ne pas voir ce geste de notre conformation au Christ comme un simple geste banal ? La colombe de l’Esprit La voilà partie en piqué sur Jésus ! De son bec partent trois rayons blancs qui, ici, ne viennent pas que consacrer Jésus. L’un semble aussi fondre sur Jean, comme pour attester de sa mission divine. Et l’autre, sur le serpent des aux, comme pour le terrasser. Et la robe de cet oiseau semble bien noire pour une colombe. Elle ressemblerait plus à un corbeau… Faut-­‐il y voir une allusion à l’épisode de l’Arche de Noé (Genèse 8, 7) ? Il est vrai que baptême nous fait aussi passer à travers le déluge de la mort, qu’il nous évite de nous noyer en nous réfugiant dans l’arche de l’Église. Et le corbeau était l’annonce à venir du retrait des eaux de la mort. Une annonce, ou une annonciation ? 2 Une annonciation ? En effet, comment ne pas mettre en parallèle l’annonce faite à Marie et l’annonce faite à Jésus lors de son baptême : Marie ou Jésus recevant l’annonce, Jean ou l’archange comme messager, la colombe qui consacre Jésus ou Marie. Même pour les dispositions des personnages dans diverses représentations artistiques, on ne peut qu’être frappé par la similitude, et la mise en polarisation de deux mondes qui se rencontrent : celui du divin ou du céleste (l’ange Gabriel / Jésus), celui du terrestre (Marie / Jean le Baptiste). Deux mondes qui au baptême, comme à l’Annonciation, se rencontrent par l’entremise de la colombe de l’Esprit-­‐Saint qui vient les unir. Ainsi, à notre baptême, l’Esprit de Dieu vient comme diviniser notre part humaine pour nous permettre, par l’onction, de devenir comme le Christ. Cette onction du Saint-­‐Chrême fait en effet de nous des oints, ce qui se dit « Christ » en grec. Tout baptême est annonce d’une adoption divine, d’une conformation au Christ. En avons-­‐nous suffisamment conscience ? La main du Père Comme nous l’avons vu, elle bénit Jésus en nous rappelant aussi l’union de ses hypostases humaine et divine. Mais elle semble aussi projeter l’oiseau ? Oui, L’Esprit-­‐Saint procède du Père et du Fils. Il vient donner la vie au baptême. Et cette main qui « projette » l’Esprit semble aussi nous appeler à la rejoindre dans les nuages, au plus haut des cieux. Le baptême ne nous permet-­‐il pas d’entrer dans le Royaume des Cieux ? Un drôle de serpent Un serpent, un dragon, un monstre en tous les cas. Il n’a pas de pattes comme celui qui fut condamné à ramper après le péché du jardin (Genèse 3, 14). Il paraît résider dans les eaux de la mort, comme celui qui mangea Jonas (Jonas 2, 1), ou est-­‐ce le Léviathan dont parle les Psaumes : « Pourtant, Dieu, mon roi dès l'origine, vainqueur des combats sur la face de la terre, c'est toi qui fendis la mer par ta puissance, qui fracassas les têtes des dragons sur les eaux ; toi qui écrasas la tête de Léviathan pour nourrir les monstres marins ; toi qui ouvris les torrents et les sources, toi qui mis à sec des fleuves intarissables » (Psaume 73, 12-­‐15 – Voir aussi Psaume 103, 26 ; Isaïe 27, 1 ; Job 3, 8). En plongeant dans les eaux du Jourdain, Jésus terrasse ce serpent de la mort, à un tel point que celui-­‐ci en est tout noué ! Ce Jésus, plus fort que la mort, marchera même un jour sur son Royaume, cheminant sur les eaux (Marc 6, 47-­‐51), imperméable à son aiguillon fatal : « Et quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-­‐il, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; ce qui donne force au péché, c’est la Loi. Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (Première Épître aux Corinthiens 15, 54-­‐57). Oui, ce dragon de la mort, ce Pharaon de la Mer Rouge est terrassé et fuit devant la puissance du Christ. Dénouer Pourtant, en voyant le nœud de ce monstre, je me dis que nous avons aussi des nœuds mortels dans nos vies, des choses qui viennent nous nouer les intestins. Au baptême, Jésus est venu anéantir la mort éternelle, effacer la condamnation du péché des origines, et nous ouvrir le chemin du Jardin. Mais notre péché quotidien continue de refaire de petits nœuds qui peuvent être bien handicapants… Seule une nouvelle plongée dans les eaux du pardon, dans le sacrement de la réconciliation, peut nous dénouer. Et comment ne pas demander à Marie son aide, elle que notre Pape François révère aussi sous le vocable de « Marie qui défait les nœuds » !? Un ange arroseur Il est là, en lévitation au-­‐dessus de la scène. En main, il tient ce curieux vase dont il verse le contenu sur cette sorte de roseau fleuri sur le bord du Jourdain. Geste tellement surprenant 3 qu’il en a le rouge aux joues ! Mais qu’elle est donc cette plante ? Est-­‐ce l’allusion à l’arbre dont la cognée est à la racine : « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu » (Mattieu 3, 10) ? L’arbre ici semble promis à une belle récolte. Il est en fleur. Comme une fleur de roseau. « Après le départ des messagers de Jean, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-­‐vous allés regarder au désert ? Un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-­‐vous allés voir ? Un homme habillé de vêtements raffinés ? Mais ceux qui portent des vêtements somptueux et qui vivent dans le luxe sont dans les palais royaux. Alors, qu’êtes-­‐vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis ; et bien plus qu’un prophète ! » (Luc 7, 24-­‐26) Ce roseau en fleurs n’est pas agité par le vent, mais nourri et abreuvé par le messager de Dieu. Un arbre en fleurs Cet arbre est celui de la Croix ? Là encore, annonce prophétique de ce qui va arriver. Cet arbre est-­‐il le signe de la Trinité : par le baptême de Jésus, c’est toute la Trinité qui inaugure la mission du Christ ? Est-­‐ce l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines. Sur Lui reposera l’Esprit du Seigneur » (Isaïe 11, 1-­‐2) ? L’Esprit vient bien reposer sur lui, l’Esprit vient bien couler sur nous. N’est-­‐il pas, tout simplement, l’arbre de vie (Genèse 2, 9 et 3, 24) qui peut maintenant refleurir ? La vie éternelle nous est aujourd’hui rendue dans le baptême. Dans quelque temps, une fois que Jésus, entré dans le Jardin du Golgotha, se laissera pendre à l’arbre de la Croix, tel un fruit, le jardin nous sera ouvert. Pour le moment, les anges l’entretiennent et l’arrosent dans l’attente de le voir porter son fruit… Le baptême nous invite aussi à la patience ! Peut-­‐être est-­‐ce même un figuier, l’arbre du Jardin (Genèse 3, 7), l’arbre de la Nouvelle Loi d’amour ? Au baptême, cette Nouvelle Loi va couler en nous, telle une eau, arrosant notre vie. Il prend même racine dans les eaux du Jourdain, dans notre baptême. Laissons le temps au temps pour grandir. Soyons patient… « Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-­‐le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” Mais le vigneron lui répondit : “Maître, laisse-­‐le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-­‐être donnera-­‐t-­‐il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” » (Luc 13, 6-­‐9) ! 4 
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