Comment la PHOTOCATALYSE peut changer notre vie ? La photocatalyse, une technologie au service de l’environnement et du bien-être SOMMAIRE Il est aujourd’hui admis que le secteur industriel de la photocatalyse devrait enregistrer une forte croissance dans les années à venir. En effet, les technologies issues de la photocatalyse, basée sur l’utilisation de matériaux semiconducteurs, sont nombreuses : purification de l’air, épuration de l’eau, surfaces autonettoyantes, énergie… Ces technologies prometteuses sont méconnues du grand public. En matière de pollution environnementale, un cadre normatif et réglementaire plus solide pourrait avoir un impact positif sur les applications de la photocatalyse. Cet opus a pour objectif de faire connaître les technologies de la photocatalyse et de montrer ce qu’elles apportent déjà et apporteront au plan du bien-être, de la santé et de l’environnement. Origines La photocatalyse est née de la découverte, dans les années 1960, des propriétés photocatalytiques du dioxyde de titane (TiO2). Elle a la capacité d’éliminer les polluants en rompant les liaisons chimiques. Elle utilise certaines parties de l’énergie de la lumière, en particulier le rayonnement ultraviolet, et fonctionne à température et humidité ambiantes. Les photocatalyseurs dopés et/ou modifiés peuvent aussi utiliser la lumière visible. Très vite, les scientifiques ont compris le potentiel de la photocatalyse dans divers domaines : dégradation des matières organiques, dépollution et purification de l’air intérieur et extérieur, traitements des odeurs, de l’eau, surfaces et matériaux autonettoyants, et certains secteurs de l’énergie. Depuis la fin du siècle dernier, nombre d’applications ont été développées. Certaines, tels les matériaux autonettoyants et dépolluants – vitrage, béton, céramique, peinture, enduit – sont très abouties et commercialisées depuis une quinzaine d’années. À l’instar d’autres applications plus récentes (épurateurs d’air, traitement de l’eau...), elles agissent sur un environnement de plus en plus pollué sans le dégrader, et contribuent à améliorer la qualité de vie. La photocatalyse, une technologie propre En bref, la photocatalyse est un phénomène au cours duquel une substance appelée « photocatalyseur » accélère une réaction chimique sous l’action de la lumière naturelle (solaire) ou artificielle (lampe ultraviolets généralement). Elle s’apparente au processus chimique de la photosynthèse : le photocatalyseur – en général du dioxyde de titane (TiO2) – utilise l’énergie lumineuse, l’eau et l’oxygène de l’air, engendrant ainsi la formation de radicaux très réactifs. Ces derniers sont capables de décomposer certaines substances organiques et inorganiques présentes dans l’atmosphère ou dans l’eau, parfois nocives, et de les transformer en composés oxydés (dioxyde de carbone et eau, par exemple). Lors de cette réaction chimique, le photocatalyseur n’est ni consommé ni altéré, ce qui permet au processus de continuer dans le temps. Les produits issus de la réaction photocatalytique – dioxyde de carbone (CO2) et eau (H2O) – sont inoffensifs, contrairement à ceux de processus dépolluants courants comme la filtration ou la floculation. En outre, de nombreuses études portant sur la désinfection de l’air par photocatalyse ont montré que le dioxyde de titane, couplé au rayonnement ultraviolet, pouvait être utilisé pour éliminer des micro-organismes. Présent dans nombre de produits d’usage courant, le dioxyde de titane est le catalyseur le plus utilisé. La réglementation européenne considère que le dioxyde de titane ne présente pas de danger pour les personnes qui en assurent la production ni pour les utilisateurs : il n’est pas classé parmi les déchets toxiques (selon le CED, Catalogue européen des déchets) et son transport n’est soumis à aucune mesure de sécurité particulière. Les études réalisées par des organismes indépendants auprès de travailleurs exposés à des quantités élevées de TiO2, aux États-Unis et en Europe, n’ont démontré aucun rapport de cause à effet entre une exposition professionnelle au TiO2 et un risque accru de cancer. Principe de précaution oblige, le CIRC (Centre international de recherches sur le cancer) a néanmoins classé le TiO2 parmi les agents sous surveillance dans la liste 2B – « peut-être cancérogène pour l’homme ». Cela dit, si le dioxyde de titane s’avérait effectivement cancérogène, il faudrait en inhaler des quantités très importantes pour, peut-être, développer une pathologie. Or, pour éviter une telle inhalation par les travailleurs et les usagers, les industriels ont recours soit à des solutions liquides, soit à des solutions agglomérées pour concevoir leurs produits. Des matériaux autonettoyants et dépolluants Avec les matériaux autonettoyants à effet photocatalytique, les façades et couvertures des bâtiments restent propres sans autre intervention que l’effet conjugué des rayons du soleil et de l’eau de pluie. C’est à ce jour la technologie la plus aboutie – technologie dont les industriels du verre ont été les pionniers avec les vitrages autonettoyants, désormais d’usage courant. Les cimentiers ont ensuite proposé des bétons formulés avec des ciments intégrant du TiO2. L’église du Jubilé à Rome (architecte Richard Meier) fut le premier bâtiment érigé avec ces matériaux (en 1999, chantier terminé en 2001). Depuis, nombre de fabricants de bardages, d’enduits, de membranes d’étanchéité ou de peinture se sont intéressés à cette technologie et proposent dans leur catalogue des systèmes autonettoyants à effet photocatalytique. La façade aux nuances vertes et bleues en céramique autonettoyante du Finchley Memorial Hospital, à Londres (Murphy Philipps Architects), ou le pavillon italien de l’Exposition universelle 2015 à Milan, construit en béton photocatalytique qui utilise le dioxyde de titane pour décomposer certains polluants comme les oxydes d’azote, sont autant d’applications récentes de la photocatalyse dans le secteur du bâtiment. DOUBLE ACTION Tous ces matériaux agissent selon le même principe et en deux étapes : dégradation et lavage. Dans un premier temps, le TiO2, déposé en surface ou dans la matrice des matériaux, dégrade les salissures (dégradation organique) par le double effet de la lumière naturelle et de l’humidité ambiante. Dans un second temps, l’eau de pluie évacue par rinçage les saletés détachées : on parle d’effet de « voile lavant ». QUELS AVANTAGES ? La photocatalyse procure divers avantages : pérennité de l’esthétique des bâtiments, limitation de la maintenance et de son coût, bénéfice pour l’environnement (économie d’eau, usage limité des produits d’entretien). Pour les vitrages, par exemple, les tests révèlent que la fréquence des nettoyages est divisée par trois. Résultat : le coût global du nettoyage pour des immeubles de bureaux peut chuter de moitié, voire plus si la façade est très bien exposée. Pavillon Italie de l’expo Milan 2015, Michele Molè et Susanna Tradati, studio Nemesi & Partners © Mario e Pietro Carrieri by Italcementi, ©Ciment Calci Retour d’expérience La Cité des arts et de la musique de Chambéry (73), conçue par l’architecte Yann Keromes, a ouvert ses portes en 2003. C’est l’un des premiers bâtiments français à avoir été construit avec un béton autonettoyant incluant du TiO2. Les concepteurs ont retenu cette option pour que la façade conserve son aspect initial sans entretien. Pour vérifier la pertinence de ce choix, le bâtiment fait l’objet d’un suivi colorimétrique. Depuis 2003, une dizaine de campagnes de mesures de la couleur sur 191 points du bâtiment ont été menées et montrent que la couleur d’origine des façades est totalement préservée, avec des écarts colorimétriques mineurs et invisibles à l’œil nu. Performances de dépollution Outre l’autonettoyance, ces produits ont un impact positif sur la pollution atmosphérique. Leur action est notable sur les COV et les oxydes d’azote (NOx). Les premiers sont émis à l’intérieur des bâtiments par les matériaux de construction et les seconds à l’extérieur par les moteurs à combustion qui contribuent à la pollution à l’ozone. On en comprend donc l’intérêt. La photocatalyse donne des résultats mais sous certaines conditions ; la luminosité (ultraviolets) et le taux d’humidité doivent être suffisants. Les expériences menées avec le béton ont montré un écrêtement des NOx et des COV. Des simulations d’applications en situation réelle, par exemple des murs antibruit installés à proximité d’autoroutes, ramènent potentiellement les NOx en-dessous du seuil d’alerte fixé par les directives de la Commission européenne. Retour d’expérience Menée dans le cadre du programme de recherche européen PICADA (Photocatalytic Innovative Coverings Applications for Depollution Assessment), l’expérimentation « rue du Canyon » visait à reproduire les conditions environnementales d’une rue (à l’échelle 1/5e) et à recouvrir les murs de deux types d’enduits : l’un à base de ciment dépolluant, et l’autre de ciment ordinaire. Le protocole consistait à produire des gaz d’échappement en continu pendant sept heures. Les résultats relevés, via des capteurs introduits dans les enduits, sont édifiants : plus les gaz restent en contact avec la surface des murs, plus l’action dépolluante est efficace. À l’inverse, cette dernière sera moindre quand les vents chassent la pollution à l’extérieur de la rue. Une donnée essentielle puisque lors des pics de pollution, les vents sont inexistants. De son côté, le projet européen Life+ PhotoPAQ (Demonstration of Photocatalytic remediation Processes on Air Quality), qui a débuté en 2011, a pour but de démontrer l’utilité des matériaux de construction photocatalytiques pour purifier l’air à échelle réelle, en milieu urbain. PhotoPAQ a organisé deux campagnes de terrain extensives en Europe, dont un test à grande échelle à Bruxelles (Belgique) où des matériaux photocatalytiques cimentaires ont été appliqués sur les parois du tunnel Léopold II. En conclusion, l’efficacité du dispositif est dépendante de nombreux paramètres. PHOTOPAQ a permis de déterminer les conditions idéales d’utilisation de la photocatalyse. Améliorer la qualité de l’air intérieur Avec le confinement des bâtiments imposé par la performance énergétique, la qualité de l’air intérieur devient une préoccupation majeure et un enjeu de santé publique. Les épurateurs d’air photocatalytiques et les produits photocatalytiques passifs (peintures, céramiques…) peuvent faire partie des solutions. Un épurateur d’air photocatalytique est constitué d’un ventilateur qui achemine, selon sa puissance, un débit d’air (moins de 1 000 m3/h pour les modèles grand public), d’un filtre à particules et d’un média photocatalytique horizontal ou traversant, associé à une ou plusieurs lampes (généralement UVA ou UVC). Dans certains cas, il intègre des éléments complémentaires, tel un ioniseur ou un filtre à charbon actif. © Pilkinton CERTIFICATION ET EXPÉRIMENTATION Des démarches de certification et des études sont en cours pour ces épurateurs d’air. Leur objectif est double : renseigner sur le fonctionnement, les utilisations et les limites de ces produits, et retirer du marché ceux qui ne sont pas conformes. Dans tous les cas, la mise en œuvre de tels produits requiert une réelle expertise scientifique et technique, ainsi qu’une bonne connaissance des polluants présents dans l’atmosphère et qu’il convient de traiter. Des essais préliminaires portant sur plusieurs épurateurs d’air du marché, menés conformément à la norme européenne faisant l’objet d’une enquête CEN, ont clairement démontré la nécessité d’une certification. La formation de sous-produits et les effets du vieillissement ont été étudiés très attentivement. Toutefois, ces études préliminaires ont permis de conclure à l’absence de relargage de nanoparticules de TiO2 dans l’atmosphère. D’autres normes spécifiquement conçues pour les matériaux photocatalytiques passifs (carrelages, peintures) permettront également d’évaluer les réactions de surface et l’apport réel de ces matériaux en termes de dépollution d’air intérieur (voir l’annexe 1). Epurer l’eau De nombreux travaux de recherche concernent les applications de la photocatalyse dans le cadre de l’épuration de l’eau, afin d’éliminer des résidus industriels, organiques, pharmaceutiques et médicaux, y compris les polluants organiques persistants. ACTION SUR LES POLLUANTS ORGANIQUES Le traitement de ces effluents fait le plus souvent intervenir des processus biologiques aérobies. Certains rejets présentant une faible part biodégradable, ces traitements biologiques s’avèrent alors peu efficaces ou insuffisants. Une solution consiste à les coupler à d’autres procédés d’oxydation chimique, comme la photocatalyse par le biais de photoréacteurs. On parle alors de procédés d’oxydation avancée (POA). L’efficacité de ces traitements étudiée depuis une vingtaine d’années est attestée sur la majorité des produits organiques : produits de synthèse comme les solvants, pesticides, colorants, et plus récemment les composés pharmaceutiques (antibiotiques, analgésiques, stéroïdes ou cyanotoxines)... Des substances organiques qui sont, dans leur presque totalité, entièrement minéralisées par la photocatalyse. Cette technologie, prometteuse, est encore peu utilisée en Europe. En revanche, elle trouve de nombreuses applications en Amérique du Nord. Comme pour le traitement de l’air, elle demande à être caractérisée et de nombreuses études sont en cours (Annexe 2). Travaux de normalisation et recherches © SB Diverses initiatives de normalisation visant à garantir aux utilisateurs la fiabilité et l’innocuité des systèmes sont en cours. Ces travaux sont soutenus par les organismes de normalisation nationaux, la Fédération européenne de photocatalyse, des associations nationales, les institutions européennes, des fabricants et industriels européens. À noter : des normes peuvent démontrer l’efficacité des systèmes et des matériaux dans des conditions idéales contrôlées en laboratoire. Des travaux de normalisation portant sur toutes les applications de la photocatalyse – de l’épuration de l’air et du traitement de l’eau jusqu’aux surfaces autonettoyantes – ont débouché sur la définition de normes nationales, européennes (CEN/TC 386) ou internationales (ISO/TC 206/WG 9) – liste dans l’annexe 1. L’étape suivante, la certification sur la base des normes disponibles, garantira au consommateur l’efficacité et la sûreté des produits mis sur le marché. ANNEXE 1 Normes européennes (CEN/TC 386) CEN/TS 16599-2014 (sources lumineuses) EN 16546-1 (dispositifs photocatalytiques) EN 16845-1 (activité chimique anti-salissures dans des conditions solide/solide pour des surfaces poreuses) CEN/TS 00386023 (dégradation du monoxyde d’azote (NO) contenu dans l’air par des matériaux photocatalytiques) Normes françaises XP B44-011 (dégradation des NOx, flux continu de gaz) XP B44-013 (COV dans l’air intérieur en recirculation, test en enceinte confinée) XP B44-200 (COV en flux continu (passage unique), particules) Normes italiennes UNI 11247-2010 (dégradation des NOx, flux continu de gaz) UNI 11484-2013 (dégradation des NOx, flux continu de gaz – réacteur à fonctionnement continu) UNI 11238-2007 (dégradation BTEX) UNI 11259-2008 (test pour liants hydrauliques (rhodamine B) – test de décoloration) Norme allemande DIN 52980 : Activité photocatalytique des surfaces - Détermination de l’activité photocatalytique par dégradation du bleu de méthylène Autres normes nationales La norme ISO 22197-1 a été adoptée en tant que norme nationale au Royaume-Uni et en Espagne. ANNEXE 2 Les activités de recherche et développement majeures dans ce domaine sont illustrées par les 85 projets de recherche CORDIS identifiés à l’aide du mot-clé photocatalytic (www.cordis. europa.eu). Voir par exemple : – PhotoPAQ (2010-2014): Demonstration of Photocatalytic remediation processes on Air Quality – Light2CAT (2012-2015): Visible LIGHT Active PhotoCATalytic Concretes for Air pollution Treatment – Life MINOx-street (2013-2018): Monitoring and modelling NOx removal efficiency of photocatalytic materials: A strategy for urban air quality management – PHOTOAIR (2014): Exploring the potential for photocatalytic air purification – INTEC (2013-2014) Smart INks as a standard TEsting tool for self Cleaning surfaces – PHOTOMEM (2010-2012): Photocatalytic and Membrane Technology Process for Olive Oil Wastewater Treatment” – LIMPID (2012-2015): Nanocomposite materials for photocatalytic degradation of pollutants – FOPS-WATER (2014-2019): Fundamentals of Photocatalytic Splitting of Water – CO2SF (2014-2016): Solar Fuel Chemistry: Design and Development of Novel Earthabundant Metal complexes for the Photocatalytic Reduction of Carbon Dioxide. www.photocatalysis-federation.eu [email protected] Photo recto - verso : SGG FÉDÉRATION EUROPÉENNE DE PHOTOCATALYSE Forte de plus de 100 membres, industriels et chercheurs (universités, laboratoires, centres de recherche...) venant de la majeure partie des pays européens, la Fédération européenne de photocatalyse (EPF) a pour mission la promotion et la diffusion de cette nouvelle technologie. Elle soutient fermement et finance les initiatives de normalisation et de certification. Tous les deux ans, la Fédération organise les Journées européennes de la photocatalyse (JEP). Cette rencontre offre la possibilité d’échanger sur les dernières avancées et innovations et favorise les échanges entre universitaires et industriels.