AU CŒUR DE LA FOI
41
view télévisée avec l’imam jordanien Salâh Ibn Fawzân présente Saddam en pécheur repen-
ti ayant atteint le degré de martyr par sa mort le jour de la fête du sacrifice d’Abraham. On
peut écouter l’interview en arabe sur le site YouTube : le clip vidéo dure six minutes. Sur
ce site, des dizaines de personnes ont réagi aux propos de l’imam. La plupart sont chiites
et expriment leur haine à l’égard de Saddam, de cet imam, des sunnites en général et des
wahhabites en particulier, dans le style le plus injurieux qui soit, à tel point qu’il est im-
possible de transcrire ou de traduire ces textes tant ils sont grossiers. Quelques sunnites y
répondent également et toujours dans le même style. De nombreuses autres vidéos, en ara-
be classique ou en dialecte, reproduisent les chansons, oraisons funèbres, éloges, poèmes ,
élégies de ses admirateurs qui tous le considèrent comme martyr. Bien plus, des centai-
nes de sites, notamment jordaniens et irakiens sunnites, exaltent Saddam, « le martyr de
la nation » (
shahîd al-umma
). D’autres vidéos viennent de chiites qui ne manquent pas
d’exprimer leur haine à son égard. De son côté, un célèbre juriste (
faqîh
) saoudien a émis
une fatwa déclarant Saddam «mécréant» (
kâfir
) expliquant que le fait qu’il ait prononcé
la double profession de foi (
shahâda
) n’en fait pas pour autant un musulman . L’imam shii-
te Fâlih al-Harbî s’est prononcé dans le même sens, l’accusant d’impiété ou d’athéisme (
zan-
daqa
), à l’instar des hypocrites (
munâfiqûn
) du temps de Muhammad . Face à ces fatwas
contradictoires, beaucoup de musulmans ne savent plus quoi penser. Significative est la
réaction d’une internaute qui prend le nom de la célèbre poétesse pré-islamique Al-Khan-
sâ’ al-Saghîra. Elle écrit : « Je souhaite que ceux qui ne le considèrent pas martyr (
sha-
hîd
), malgré le fait qu’il soit resté ferme (murâbata) dans un pays en guerre alors qu’il avait
la possibilité de fuir et de sauver sa peau, je souhaite d’eux qu’ils n’affirment pas pé-
remptoirement qu’il fait partie des gens de la géhenne... Ce sont les mêmes personnes qui
ont émis les fatwas anathématisant le parti
Ba’ath
qui m’ont enseigné que “quiconque
meurt pour défendre son honneur (
‘ird
) ou son avoir ou sa vie est martyr (
shahîd
)”[...] ».
« En toute naïveté je dis : - Par Dieu, je ne sais plus où est la vérité et où est l’erreur !
Par Dieu, je ne sais plus qui est le bourreau et qui est la victime. … Tout le monde est, en
même temps, musulman et mécréant (kâfir). Tout le monde a raison et tout le monde a
tort. Les
murâbitûn
pratiquant le
jihâd
sont des terroristes, les défaitistes lâches sont des
démocrates... Le premier d’entre nous anathématise (
yukaffir
) le dernier d’entre nous, et
qui est au milieu est partagé, ne sachant plus dans quelle direction aller ».
Militants Palestiniens
D’où vient ce développement inouï du thème du martyre, alors que le Coran est tellement
discret à ce sujet ? Tout d’abord, des savants musulmans (
oulémas
) ont cherché et trou-
vé dans le Coran d’autres versets qui encouragent les guerriers à donner leur vie sur le
chemin de Dieu. De plus, parmi les paroles attribuées au prophète de l’islam, les
hadiths
,
il y en a plusieurs qui promettent le paradis à ces mêmes guerriers. Enfin, il ne fait pas
de doute que la situation politique du monde musulman, qui se sent agressé de toutes parts
(tout en étant lui-même souvent agresseur), ait poussé une large tranche de la communau-
té musulmane à développer une spiritualité du martyre basée sur la mort volontaire pour
combattre « l’ennemi ». Ainsi s’est développée une véritable mystique du
jihâd
et des
mu-
jâhidîn
(les combattants au nom de l’islam). Cette spiritualité est présente notamment chez
les militants palestiniens (ou autres) pour défendre la Palestine contre Israël.
L’idéologie du
Fath
, le Mouvement de Libération de la Palestine, était laïque car son
but était de libérer la Palestine de l’occupation israélienne. Elle ne faisait pas appel à la
religion, mais bien au droit des peuples à se gouverner eux-mêmes et au droit interna-
tional. Les années septante voient la montée du mouvement islamique partout dans le
monde accompagnée de l’idéologie islamique. La Palestine devenait ainsi une « terre is-
lamique » et c’était le devoir de toute la communauté musulmane (et non plus des seuls
palestiniens) de la défendre contre ses agresseurs et envahisseurs.
6
5
4
3
2
Les savants musulmans ont cherché
des versets et des “hadiths”
qui encouragent les guerriers
à donner leur vie pour la foi
http://fr.youtube.com/
watch?v=1GCqVETlD9M.
En particulier, le long poème
(10 minutes) du célèbre poète
populaire irakien ‘Abbâs Jîjân,
«O toi l’aurore du jour de la
Fête», dans lequel il compare
Saddam au lion blessé,
immolé comme le mouton
de la Fête du Sacrifice.
Voir le site http://www.
kinguae.net/vb/showthread.
php?t=4751.
Voir le site http://www.
aljazeeratalk.net/forum/
archive/index.php/
t-31925.html.
Voir le site http://www.
swalflail.net/forum/
showthread.
php?t=11998&page=2.
2
3
4
5
6
01 attualita FR 4-06-2008 15:57 Pagina 41