CauseriesdeCozes MurielPerrin,LeshébreuxenÉgypte,BibleetHistoire 19février2017 →Introduction:Ledialogueentrelecroyantetl’historien Livre fondateur, la Torah raconte la naissance du peuple d'Israël dans les replis du Croissant fertile, qui s'étendduTigrejusqu'àlavalléeduNil. ∆ RésuméBible: Les descendants du patriarche Jacob demeurent quatre cents ans dans le royaume égyptien.Ilsymènentunevied'esclaves,souslaféruledePharaon,quilesutilisecommemain-d'oeuvre pourconstruiresesvilles-entrepôtsdeRamsèsetPitom.Moïseguidesonpeuplehorsd'Egypte,assistéde Yahvé, qui fait pleuvoir un déluge de plaies sur le pays. Talonnés par les soldats de Pharaon, 600 000 HébreuxfranchissentlamerRouge,dontleprophèteamiraculeusementouvertlesflots. Au terme de quarante ans d'errance dans le désert, les Israélites parviennent au mont Sinaï, au sommet duquel Moïse scelle l'alliance de son peuple avec Dieu. Suit la conquête de la Terre promise - le pays de Canaan(laPalestineactuelle). Cette conquête de la Terre promise - rapportée dans le livre de Josué, successeur de Moïse, vers 1230 avantJésus-Christ-décritunpeupleenarmes,quisembleavoireffacédesamémoirelepremierdesDix Commandements.Lescombatssontsanguinaires,leschefsdeguerreféroces,lesvictoiresépoustouflantes. LesrobustesrempartsdeJéricholarebelles'effondrentausondestrompettesencornedebélierdeJosué, qui s'empare de Jérusalem. A Gabaon, le guerrier hébreu obtient de Yahvé qu'il suspende la course du soleil,letempsdepasserlesautochtonesaufildel'épée.UnefoisinstallésurlaTerrepromise,Josuéréunit les12tribusd'IsraëlàSichemetfondelapremièreconfédérationisraélite. Naîtleroyaumed’Israël,souslerègnedeSaül(quipeutêtrehistriquementsituévers1030-1010av.J.-C.). ∆Unepurelégende? LacitédePitomn’existaitpasaumilieuduXIIIesiècleavantl’èrechrétienne. Surtout, les archives égyptiennes, qui consignent tous les événements administratifs du royaume pharaonique–n’ontconservéaucunsouvenirdecetteprésencejuive. Rien non plus sur l’Exode, qui n’est pas davantage prouvé par les recherches archéologiques ou épigraphiques. LaprésenceaupieddumontSinaïde600000hommes–2millionsenviron,sil’onajoutelesfemmesetles enfants–auraitpourtantdûlaisserquelqueempreinte. →LafuitedesHébreuxverslaPalestineparaît,enelle-même,peuvraisemblable:lescontréesde CanaanétaientalorsentièrementsouslacoupedesEgyptiens.Cettedémarchea«autantdesensquefuir Moscou pour Varsovie au temps du stalinisme», souligne Françoise Briquel-Chatonnet, directrice de rechercheauCNRS(LesCahiersdel’Histoire,2001). ∆AuMoyenAge,onl’appellerait«Unegrandegestenationale»…Résistet-elleàl’analysehistorique? →Lespartisansdelabiblecommerecueilnonhistorique AprèsleXIXe,etlesfouilleslabibleàlamain(àlamanièredeJean-CyrilleGodefroy,auteurde«Labible avaitraison»,livretrèscritiquédanslesmilieuxscientifiques)… Aujourd’hui,mouvementinversemenépardesarchéologuestelIsraelFinkelsteinetNeilAsherSilberman: →AuXIIIesiècleavantl'èrechrétienne,lesgarnisonségyptiennestiennentfermementlepaysde Canaan,oùcoexistentdemultiplescités-Etatsvassalisées. Les Hébreux n'ont jamais conquis la Palestine, pour la bonne raison qu'ils étaient déjà sur place! Deux hypothèses: - Entre-1250et-1100,larégionduLevantsombredanslemarasme.Leshabitantss'appauvrissent, l'artisanatetlecommercedéclinent.Desjacquerieséclatentcontrelespotentatslocaux,quiétranglentles populationssouslegarrotdel'impôt.Selonlepostulatdel'archéologueWilliamDever,descitadinsruinés, 1 des marginaux et des pasteurs semi-nomades se replièrent alors vers les montagnes de Judée et de Samarie.IlsauraientétélespremiersIsraélites. - IsraelFinkelsteinfournituneautreexplication.LesHébreuxdesoriginesseraientdesbergersvenus s'établir dans les régions montagneuses du centre de Canaan, au XIIe siècle. Dans ces confins au sol rocailleux et aux épaisses futaies, 250 communautés auraient vécu des fruits de l'agriculture, isolées les unesdesautres,sansadministrationniinstancepolitique. Lesfouillesdanscetterégionontexhumédesvestigesdehameauxcomportantdessilosàcéréalesetdes enclospourlebétail.Là,contrairementàd'autressitesdeCisjordanie,aucunosdeporcn'aétéretrouvé.Et IsraelFinkelsteind'affirmer:«Leshabitantsdecesvillagesn'étaientautresquelespeupladesindigènesde Canaan,qui,petitàpetit,ontfinipardévelopperuneidentitéethniquequel'onpeutqualifierd'israélite.» →Enfaitdeplaceforteimprenable,Jérichon'estqu'unbourgsansmurailles. →Lepeuplehébreu?Seuleunestèledel'époque,attribuéeaupharaonMerenptah,lementionne LastèledeMérenptah,appeléeaussistèledelaVictoireouencorestèled'Israël. Découverteen1896parFlindersPetriedansletemplefunérairedupharaonMérenptah(régionthébaine). MuséeduCaire. Ellefaitpartied'unesériedemonumentsérigésparlepharaonàtraverstoutlepayspourcommémorerun évènementimportantdudébutdesonrègne(StèleàKarnak,ColonnedelavictoireàHéliopolis,stèlesà Memphis,AthribisetAmada) Texte de la stèle: Les princes sont prosternés, Canaan est dévasté, Ascalon est conquis. Gézer est pris, Yeo’amanéanti,Israëlestdésolé,sasemencen’existeplus.LaSyrieestdevenueuneveuvepourl’Egypte. Phrase lapidaire, dont on ne peut pas déduire que les tribus d'Israël constituent alors un peuple unifié autourd'unseulDieu.Laphrasesouligneplutôtqu’Israëlestunpeupled'unfaiblepoidsfaceauxgéants voisinsquivénèrentd'autresdieux,lesAssyriens,lesEgyptiens,puislesBabyloniens. Pourcesarchéologues,laBibleestunensembled'épopées,d'annalesroyales,derécitsmythologiques,de poèmes,deprièresformuléespardesprophètesainsiquedetextesjuridiques.Elleestconsidéréecomme largementmythiquemaiscontientnéanmoinsquelquesinformationsethnologiquesutilesauxhistorienset auxarchéologues. →Labible,unlivreancréhistoriquement L'HistoiredesHébreuxnousestessentiellementconnueparlaBible.Elleaétérédigéepardeséruditsou scribesjuifsprincipalemententrel'an500etl'an150avantJésus-Christ.Ilsexpliquentquelepeuplehébreu anouéuneallianceavecunDieuunique,Yahvé(«Celuiquiest»). La bible hébraïque reste la source fondamentale de l’histoire du peuple hébreu. D’autres sources: l’archéologie,lalinguistique,l’égyptologie,… LaplupartdesévénementsquerelatelaBiblesontcenséssedéroulerauIIemillénaireavantJC,mispar écritbienaprès…C’estunpremierdécalageimportant,essentiel… Ainsi,répondrequelabiblen’aaucunancragehistorique,c’estrépondreunpeuvite… Lesauteursetrédacteursbibliquespoursuiventunbuttrèsparticulier.Ilsnesontpasdeschroniqueurs historiques,ilstiennentàtémoignerdeleurfoienunDieuquis’estrévéléàtraversunelonguehistoire, leurhistoire.UndieuquientreenrelationavecdesHommes,degénérationengénération…Lestémoins anciensn’exprimentpastouslesaspectsdeleurexistence,ilsdisentavanttoutcequileurtientàcœur, etnégligentlereste:lesinstitutionssocialesetpolitiques,l’économie,laculture… Lesscientifiquess’accordentsurl’histoired’unpeupledenomades,venusversleXIVesiècleavantJ.C.pour les uns de Mésopotamie, pour les autres d’Egypte, à la rencontre de pasteurs installés depuis longtemps dans les hautes terres de Canaan. Certains d’entre eux réussissent à se rassembler autour du culte d’un dieu exclusif et d’un roi pour former un peuple. Quête qui au VIe siècle les ancrent à jamais dans le 2 monothéisme.//Réécriventleurhistoire,l’adaptentauxaléasdutemps…deleurfoi,foiappuyéesurune histoirecommuneetunegénéalogie. Richard Lebeau, Thomas Römer… replacent les textes sacrés dans leur contexte historique… que nous allonspartager: ❶Avantl’épisodeEgyptien:D’oùviennentlesHébreux… A. Unpeudegéographie:aucarrefourde3continents CarteLepays de Canaan, entre le Jourdain et la Méditerranée,correspond àl'actuellePalestine(ausens géographiqueetnonpolitique)etàunepartieduLiban,voiredelaJordanie. Israël et la Palestine forme un couloir entre l’Afrique et l’Eurasie, à la pointe sud-ouest du Croissant fertile…AucentredesroutesquirelientlavalléeduNilàlaMésopotamie,aucœurdeséchangesentre l’Asie,l’Afriqueetl’Europe. ∆LeProche-OrientavantlesHébreux:Cartedessitesarchéologiquesmajeurs. Lespremiershommesapparusilyaplusde3millionsd’annéesenEthiopiesontpassésparlà…Lesvestiges sontrares:2fragmentsdecrâne,2dents(LacdeTibériade).Tracesd’installationenSyrie–400000eten Jordanie et Israël – 200000 (grottes Carmel et Qafzeh). Vers -15000, réchauffement climatique, augmentationdesrécoltedecéréalessauvages…Sédentarisation. AJericho,occupéedepuisle9èmemillénaireavantJ.C.:leshommess’installentetfondentunvillage(tour funérairereligieuse). D’aprèslabible,JérichoconquiseparlestribusisraélitesmenéesparJosuéauXIIIesiècleavantJ.C.Mais l’archéologiemontrequ’àcetteépoque,Jérichoestvided’habitants,pasdemuraille… ∆Alafindu4èmemillénaire,touteslespremièresvillessontfondées.LesCananéenss’installent//Début de l’Ancien Empire // civilisation de Sumer en Mésopotamie. Kinaahu «peuple de la pourpre»: teinture produitesurlacôtéphénicienne. Un problème de source pour les Cananéens: si l’Egypte (hiéroglyphes) et Mésopotamie (Cunéiforme) adoptentl’écriture,cen’estpaslecasdesCananéens! IlssontregroupésdansdescitésEtatsquicontrôlentdesterritoireslimités,relationscommercialesavecla vallée du Nil. S’effondre sous les assauts des nouveaux venus. Retour au semi-nomadisme… Ils dominent avecleterritoireentrel’EuphrateetleJourdain.IlsdeviennentlesmaîtresdeBabylone… B. Abraham,«pèrefondateur» ∆RésuméGenèse:LaBibleracontel'histoiredesHébreuxdepuisl'allianceconclueparDieuavecAbraham (enlanguearaméenneouhébraïque,«pèred'unemultitude»).CechefdeclanprospèreseraitnéàUr,en Chaldée(l'Irakactuel). Ila99ansquandDieuluiapparaîtensonge...SelonlaGenèse,DieunoueavecAbrahamunealliance(en hébreu,Berîth,engrec,Testament).Ill'engageàquittersacontréeetàpartirverslaterredeCanaan,ainsi nomméed'aprèsCham,l'undesfilsdeNoé. Dieu annonce aussi à Abraham qu'il aura un fils, Isaac, de son épouse Sara et qu'il sera le père d'une multitudedenations.Abrahampartdoncavecsonpeuple,qu'ondénommelesHébreux. Aprèsunelongueerrance,lapetitetroupes'établitenfindanslepaysdeCanaan,«oùcoulentlelaitetle miel»,souslaconduited'IsaacetdesonfilsJacob. Jacob,filsd'Isaacetpetit-filsd'Abraham,estsurnomméIsraël(«Dieus'estmontréfort»)ensouvenirdeson combatcontreunangerelatéparlaBible. Lesrécitsbibliquessurlespatriarchesrapportentdestraditionsoralesdedifférentesépoques,misenécrit entrele–VIeetle–Ivesiècle.Ilsdonnentunedoubleorigineauxtribusd’Israël:lesuns,lesPatriarches, seraientvenusdeMésopotamie,lesautresd’Egypte… Gn12,10:AbrahamenEgypte 3 ∆Abraham,unpersonnagehistorique? CertainshistoriensfontvivreAbrahamvers–1850(de2000à1100avantJC.,l’EgyptecontrôlelaPalestine. Onsituel’exodevers-1250),d’autresversle–VIe… Hypothèse1:UnHyksos A partir du 18ème siècle avant J.C., les princes des cités–Etats sont nommés Hyksos, ils pénètrent dans le deltaduNil. Fondateursd’Avariscarte,ilsgouvernentlenorddel’Egyptejusqu’en1550…Certainshistorienscherchent Abrahamparmicesrois…OntrouvelemotHyksospourlapremièrefoisdansunereprésentationduXIXe siècle dans le tombeau d’un notable égyptien à Béni Hassan. On y voit un groupe de personnages ≪ asiatiques ≫ ramenés en Égypte par un groupe de soldats égyptiens et le chef du groupe sémitique est désignécommeun≪hyksos≫(≪Maitredespaysétrangers≫). Hypothèse2:UnApirou D’autresdesApirousouHabirou,quisemanifestentcommepillardsoumercenairesetunefoisprisonniers deguerrecommeesclaves. En Egypte, un texte écrit sous le règne de Ramsès II nous parle d’Apirou fabriquant des briques pour la construction… comme dans la bible. Mentionnés aussi dans la correspondance d’Akhenaton à Tell elAmarna–1370. SelonlaGenèse,lepèred’AbrahamquitteUr(sudMésopotamie)etremontel’Euphratejusqu’àHaran,sud delaTurquie.Lesnomsdesfrèresd’Abraham,HarranetNahorpeuventtémoignerdecetteorigine. MaisauVIe,aumomentdelamiseenécritdelaTora,letermeApiroun’existeplus! Hypothèse3:UnAmorrite L’itinéraire d’Abraham tracé par la bible évoque les invasions amorrites. Nomades, pauvres, souvent affamés, les Amorrites mènent leurs troupeaux dans les oasis du croissant fertile: l’Egypte et la Mésopotamie. A Ebla, on trouve des ABA-RAMA (qui veut dire aime le père) ou Abi-RAMI (mon père est exalté). On a vu que les noms de ses 2 frères peuvent le rattacher géographiquement. Mais la bible met Abrahamenrelationavecdesaraméensquin’apparaissentdansl’Histoirequ’auIXesiècleavantJC... Hypothèse4:Eber UnetraditionbibliquefaitdesHébreuxlesdescendantsd’Eber.Danslecontextedu1ermillénaireavantJC., EbirNari(Assyrie)etAbarNahar(enzraméen)désignentl’au-delàdufleuve,soitlaSyrie-Palestine.Pourles généalogistesbibliquesquireconnaissentlaracineBR,traverser…permetdedésignerceuxquitraversent etparcourent.LesurnomeIbrimquelesEtrangersdonnentàceserrantsapuinspirerEberle«migrants». Attestéqu’unEbers’estfixéprèsd’Hebron. C. Unancrageculturel PourAbrahametsonclan,leshistoriensparlentd’hommesmonolâtres,quiadmettentl’existenced’autres dieux.LeurdieusenommeEl,chefsuprêmedupanthéoncananéen. AucœurdeJérusalem:ledômedurocher. Pourlesjuifs:c’estàcetendroitqu’Abrahamavoulusacrifiersonfils(PourlesMusulmans:c’estl’endroit ouMahometquittelaterrepourvoirdieu). ❷L’Egypte:l’épisodedeJoseph ∆ Résumé Bible: Joseph, fils de Jacob et petit-fils d'Isaac, naît sous la tente d'une famille nomade de Canaan.Ilestd'abordvictimedanssajeunessedelapersécutiondesesonzefrères,quilevendentcomme esclaveàdesmarchandsitinérants.EmmenécaptifenEgypte,ilentrecommeserviteurauprèsd'unofficier nomméPotiphar.Ilarrivequ'enl'absencedumaître,l'épousedecelui-cicourtiseJosephsanssuccès.Pour sevengerdesonrefus,ellel'accusefaussementd'avoirtentédelaséduire,etilestjetéenprison. L'emprisonnementdonnel'occasionàJosephdemontreràsesgardiensqu'ilpossèdeledond'interpréter les rêves. On lui demande alors d‘expliquer un rêve étrange qu'a fait le pharaon. La signification qu'il en donneestcelled'unmessageprophétiqueannonçantqu'uneterriblefaminevas'abattresurlepays.Sept 4 annéesderécoltessurabondantesserontsuiviesparseptannéesdesécheresseetdepénuriealimentaire. Le roi est immédiatement convaincu, et en reconnaissance il élève Joseph au rang de premier administrateurdupays,enchargedegérerlacriseéconomiqueannoncée.Josephs'acquittebrillamment de cette tâche en faisant emmagasiner d'importantes réserves de nourriture. Pendant les années de famine,sesentrepôtsfournissentdubléàl'Egypteetauxpaysvoisins.Ilretrouvesesfrèresvenusacheter desprovisions,leurpardonneetlesinviteàs'installerdurablementenEgypte. ∆Lastèledelafamineestenrésonnanceaveccetépisode: Inscription (découverte en 1889 par C.E. Wilbour) située sur l'île de Séhel sur le Nil (Assouan), qui parle d'unepériodedeseptansdefaminedurantlerègnedeDjéser(maisenréalitél'inscriptionestbeaucoup plustardiveetnedatequedel'époquegrecque(ouptolémaïque,IIIesiècleav.J.-C.). Le texte décrit comment le roi est en colère et inquiet, comment la terre d'Égypte est en proie à une sécheresse de sept ans, période pendant laquelle le Nil n'a pas inondé les terres à proximité. Djéser demande aux prêtres d’Imhotep de l'aide. Ils décident d'enquêter dans les archives du temple de Thot à Hermopolis.UnprêtreinformeleroiquelacrueduNilestcontrôléeparle«SeigneurdessourcesduNil», Khnoum,danslesuddelavallée:ledieuKhnoumestencolère,etpourcetteraison,ilnepermetpasaux eaux du Nil de couler correctement. Djéser ordonne d'offrir des offrandes pour tenter d'apaiser le dieu. Dans la nuit suivante, le roi a un rêve dans lequel il voit Khnoum, qui promet la fin de la famine. A son réveil, le monarque célèbre une fête pour remercier le dieu et instaure un impôt destiné à financer son culte. → Les points communs avec l'histoire de Joseph (famine de sept ans, songe royal d'inspiration divine,levéed'impôt)suggèrentuneprobableinfluencedelatraditionbibliquechezlesroisd'Egyptede l'époquegrecque. LafamilledeJosephetsesdescendantsdemeurerontdanslepayspendantplusdequatresiècles(Gn.3750). ∆Unancragesocialindéniable CemerveilleuxrécitquiterminelelivredelaGenèseasuscitédesrechercheshistoriquesetarchéologiques visant à en retrouver les traces. Loin de prouver la réalité du récit, les résultats de ces travaux se concentrentsurlespointsdecomparaisonintéressantsentrelesversetsbibliquesetlasociétéégyptienne antique. Face à ce manque de preuves, beaucoup d’érudits actuels considèrent que le texte est une création littérairetardive.Cependantlescomparaisonssonnentjustequantaucontexte,etindiquentquelaculture égyptienneabeletbieninfluencélarédactiondurécit. Unpremierindiceestconstituéparunepeinturemuralecélèbrequiillustrelemodedeviedesnomadesdu désertàl'époquepharaonique:TombedufonctionnaireKhnoumhotepIIàBeniHassan(Moyenne-Egypte, riveestduNil). Fresqueaveccaravanedebédouins,dontl'aspectphysiquetrancheavecceluidespersonnageségyptiens quil'entourent.Lesvisiteurssonthabillésdetuniquesentoilerayurée,équipésd'armesetaccompagnés d'ânes et de chèvres chargés de bagages. L'inscription hiéroglyphique qui complète l'image désigne les bédouinsparlemot«Aamou»,untermeégyptienquidéfinitlespeuplesasiatiquesdel'Est.Elleprécise que ce groupe de trente-sept nomades apporte du fard pour les yeux et qu'il se rend auprès du fils de Khnoumhotep.Lenomouletitredeleurchef,HekaKhaseAbish,peutsetraduirepar«princedupaysdes montagnesdeAbish» Cette peinture est auto-datée de l'an 6 du règne de Sésostris II, c'est-à-dire d'environ 1900 av. J.-C., une dateplutôtantérieureàl'époquedespatriarchesbibliques.Ilesttentantdefaireunliencontextuelentre cesbédouinsetlespersonnagesdeJosephetdesesfrères,etmêmed'Abrahamquifitunbrefséjouren Egypte(Gn.12,10). Cedocumentillustrelemodedeviedesnomadesautempsdespatriarches,quiparaîtn'avoirpaschangé depuisdesmillénaires. 5 D’autant plus que le cadre historique de l’histoire de Joseph est difficile à préciser...: le roi d'Egypte est appelé «Pharaon», mais son nom propre n’apparaît pas. En revanche, le texte contient d'autres indices précieux.Parexemple,lorsqueJosephdevientvice-roid’Egypte,ilestdotédevêtementsdelin,revêtudu collier d’or, porte la bague du pharaon et parcourt l’Egypte sur un char d’apparat aux côtés du roi, symbolestypiquesdupouvoirpharaonique(Gn.41,42-43). Un autre verset de la Genèse contient également des noms et des titres d’origine incontestablement égyptienne: «Pharaon appela Joseph Tsaphnath-Panéach, et lui donna pour femme Aséneth, fille de Potiphar,prêtredeOn»(Gn.41,45).LenomdudignitairePotipharpeuteneffets'assimileràl'expression Pa-di-pa-Râ qui signifie «celui qui donne Râ». Potiphar est en outre présenté comme étant «prêtre de On»,uneréférenceprobableàlacitéégyptienned’Onouvouéeaucultedusoleil(Râ)etplusconnuesous lenomd’Héliopolis.Demême,l’épousedeJosephs'appelleAséneth,unprénomquipeutsetraduirepar «suivantedeladéesseNeith». Enfin, le titre honorifique attribué à Joseph par Pharaon, Tsaphnath-Panéach, signifie vraisemblablement «le dieu a dit qu'il vivrait». Cette dernière expression contient d’ailleurs une subtilité remarquable: sa référence à une divinité anonyme («le dieu») omet toute déité égyptienne et donc païenne, conformémentaumonothéismebiblique(Gn.41,45). ❸LeLivredeL’exode:mytheethistoire A. Moïse ∆ La naissance de Moise (Ex 2,1-10): Le narrateur met Moise en parallèle avec le roi fondateur de la civilisationassyrienneetainsimontrequelefondateurdupeuplehébreuauneorigineaussiremarquable que le plus grand roi des Assyriens. Cela confirme pour certains historiens l’hypothèse que l’auteur de la premièrehistoiredeMoiseauraitvécuauVIIesiècleavantnotreère,untempsoùleroyaumedeJudafut sousinfluenceassyrienne. LenomMoisequiestindiscutablementd’origineégyptienneestexpliquéparlafilleduPharaonparunnom hébreu, à l’aide d’une racine très rare ≪ m- š -h ≫(tirer). En réalité, il s’agit de la racine égyptienne mesi/mas/mes:enfanter.Onpeutfacilementvoirquelenarrateursaitlesensdunom,cartoutaulongde l’histoire, l’enfant est appelé yèlèd, ce qui correspond en fait à la racine égyptienne. L’affixe –mosé se retrouvedansdesnomségyptienscommePtha-mosis,Thout-mosis,Ra-msès.Cetaffixedériveduverbe≪ engendrer≫;ilestutilisépourdesnomspropressurlemodèle≪Ledieu(Ptah,Thot,Ré…)aengendré ≫conférantainsiauxporteursdetelsnomsuneoriginequasimentdivine.PourMoise,ilmanquelenom du dieu qui engendre. On peut y voir l’intervention de la censure biblique. Ceci n’est cependant pas nécessaire puisque des formes courtes du nom sont également attestées dans des textes égyptiens. On connaitparexempleunofficier≪Moise≫ouencoreuncontremaitredumêmenomayantorganiséune grèvedanslevillagedesartisansdeDeirel-Medineh. ∆Moïse,unpersonnagehistorique? Hypothèse1:unouvriersurleschantiersdePharaon OnsitueMoïsesouslerègnedeRamsèsIIvers-1300–1235.Cettehypothèseestrenforcéeparletexte bibliquequifaitdeshébreuxlesfournisseursdesbriquespourlavilledePi-Ramsès,fondéeparRamsèsII quivoulaitenfairesacapitale. Deir-El-Medineh, près de la vallée des rois à Thèbes, était construite selon un plan typique des cités ouvrières pour les grands travaux. Maisons de 3 ou 4 pièces, alignées le long d’une rue principale, en briquescrues.Unescalierpourmonteràlaterrasse. Cartedeschantierscitésdanslabible. Le récit de base du VIIe siècle se base sur une tradition plus ancienne qui provient probablement du royaumeduNord,commelemontrel’analysede1R12etd’Os12.Latraditiondel’exodeaétévéhiculée d’abord dans les sanctuaires du Nord (Israel) avant d’arriver en Juda, sans doute après la disparition du 6 royaumed’Israelen722av.notreère.Surleplanlittéraire,ilesttrèsdifficiledereconstruirelescontours decettetradition.Moisea-t-ildéjàétéliéàcettetradition?Quelssouvenirshistoriquesvéhiculait-elle? Maisencoreunefois,l’exode,telqu’ilestrelatédanslaBible,n’estnullementattestéparlesdocuments égyptiens. Hypothèse2:unprinceHyksos La mention du nom d’Israel sur la stèle de Merenptah ne présuppose nullement un ≪ exode ≫ ni une émigrationdecegroupedupaysd’Égypte.Rienn’estditd’uneprovenanceendehorsdelaPalestine.Ona parfois envisagé un lien entre l’exode et l’expulsion des Hyksos. Apparemment, ils étaient amenés en Égyptepourytravailler.Ensuite,auxXVIIeetXVIesiècles,letermeestappliquéàladynastiedesHyksosqui régnadansleDeltaàAvaris,lanouvellecapitale.Cesrois,dontonignorelenombreexact,étaientd’origine sémite. LesprincesdeThèbesparviennentàvaincrelesHyksossousAhmosis(1539-1514).Cetévénementserait-il àlabasedestraditionssurMoiseetsurl’exode,commeonlepenseparfois? Ceci n’est guère plausible d’une manière directe. L’écart chronologique avec l’émergence d’une ethnie nommée≪Israel≫enPalestineauxalentoursduXIIesiècleestbientropgrand.Enoutre,lesHyksossont des gouverneurs, et non une population située au bas de l’échelle sociale. Il est donc difficile d’identifier leurrègneaveclasituationd’asservissementdesCananéensqueprésupposelerécitdel’Exode.Cependant le souvenir de cette période étaitt peut-être suffisamment fort pour avoir laissé quelques traces dans la Bible. À noter que les textes bibliques indiquent 400 ans pour la durée du séjour des Israélites en Égypte (Gn 15,13)oumême430ans(Ex12,40);ceschiffresontd’abordunevaleursymboliqueetsontsanspertinence directepourl’historien;ilspeuventcependantrefléterl’idéed’unelongueduréequinecorrespondpasà lamiseenrécitdulivredel’Exode,lequelsituelesévénementsquimènentàl’exodedanslecontextedela viedeMoiseetdanslasuccessiondedeuxpharaons. Hypothèse3;unHapirou Un autre lien possible avec la tradition de l’exode peut éventuellement être trouvé dans les textes égyptiens mentionnant des shasou et des hapirou. Dans certains textes égyptiens, les shasou sont caractérisés par le lexème Yhwȝ qui semble être un terme géographique (une montagne ?) et, peut-être aussi,unnomdivin,donclaplusancienneattestationdunomdudieuquidevientledieututélaired’Israel. C’est peut-être parmi ces Shasou et Hapirou, entretenant des rapports conflictuels avec le pouvoir égyptien,qu’ilfautchercherlesporteursdelatraditiondel’exode.SelonNa’amanetHendelils’agitplutôt d’uneconstructiond’unemémoireparletransfertdelasituationenCanaanversl’Égypte.Durantplusieurs siècles, les pharaons ont exploité le Levant, déporté des esclaves, exigé de tributs lourds, etc. Après les Ramessides,onobserveunretraitdel’ÉgypteduLevant;ceretraitapuêtreressentietconstruitcomme unelibération. Hypothèse4:Lechefd’unpeupleasservi Onaégalementanalyséuntextehittite-hourritepubliérécemment,le≪chantdel’affranchissement≫ Cetexted’environ1400av.notreèreexpliquelachutedelavilled’Ebla.LedieuTeshubexigedeshabitants d’Eblalamiseenlibertédeshabitantsd‘Igingallishsansquoiildétruiralaville–cequ’ilfaitapparemmentà la fin (qui manque). C’est donc une étiologie de la chute de la ville d’Ebla, expliquée par un scénario comparableàceluidulivredel’Exode. →Bienquelaquêtedel’historicitépuisseêtrepassionnante,ilnefautpasoublierquecen’est pas la fuite d’un petit groupe de nomades ou de marginaux qui est constitutive du judaisme, mais la constructiondurécittelqu’ilsetrouvedanslelivredel’Exodeetquireflèteautantlaconfrontationavec lepouvoirassyrien.D’ailleurs,lerécitbibliquemontrelui-mêmequ’ilneveutêtrecompriscommeun≪ récithistorique≫ ,maisdavantagecommeunrécitthéologique:lePharaonneportepasdenom;la 7 situationenÉgyptedemeurepeuprécise.Lerécitdel’exoden’estdoncpashistorique,ilestlerésultat d’unemnémohistoireselonJanAssmann. ∆Lathéophanie:lebuissonardent(Ex3,1-6),quelleréalitégéographique? Le lieu de la révélation est décrit avec trois expressions, mais aucune ne permet une localisation : ≪ derrièreledésert≫,≪montagnedeDieu≫,≪Horeb≫.LenomdeSinain’estpastotalementabsent de ce récit.TroisfoisilestquestionenEx3,2-4 d’un buisson, mot très rare qui se dit(סנהsenèh) et qui évoque très clairement le Sinai, comme le confirme aussi l’autre texte où ce mot se trouve encore, Dt 33,16. La meilleure explication pour un feu qui ne détruit pas, mais brûle constamment, est qu’il s’agit d’uneallusionàlamenoraquisetrouvaitauSecondTempleetquiexprimelaprésencedivine.Transporter lamenoradansledésertpeutdoncexprimerqueDieuestprésentmalgrél’éloignementduTemple. ∆Les≪ plaies≫ d’Egypte:unecompétitiondemagiciens?(Ex5,1-10,28) Onpeutdéceleruneprogressiondanslagravitédesplaies.Lastructuredesrécitssuitleschémasuivant :Poiss.Gren.Verm.PesteGrêleSaut.Mort L’originedel’idéedesplaiesd’Égypte:assezcouranteestl’idéequel’éruptionduSantorinseraitàl’origine desplaiesdécritesdansl’Exode.Celasemblecependanttrèsspéculatif.Ya-t-ilencoreunemémoiredecela ?Ladiversitédesplaiess’opposecependantàl’idéequecetteéruptionseraitlaseuleetuniquecausedes récitsdesplaiesquitirentleurorigineplutôtdesexpériencesconcrètesetdelarhétoriquedestraitésde vassalité. ∆LepassagedelaMer(13,17-14,31) La traduction «Mer Rouge» est remise en cause: littéralement, la traduction donne «l’eau des joncs». S’agit-ilalorsdulacSirbonis,peuprofond?Entoutcas,lerécitbibliquemetenscènelanaissanced’Israël parunpassagedelamortàlavie,commel’ontcomprisPauletd’autresauteurschrétiensquiyontvuune préfigurationdubaptême. ❹Desinfluencesculturellesincontestables:l’exempleduveaud’or D’oùvientl’idéedereprésenterDieuparunjeunetaureau? Une interprétation populaire consiste à y voir un lien avec l’Egypte, où la déesse Hathor est représentée comme une vache et le dieu Apis par un taureau, comme on le voit p. ex. sur une stèle de l’époque de Psammétique(634avantnotreère).Cependant,lanarrationnementionnenullepartquelepeupleaurait été séduit par des dieux égyptiens. Il est cependant possible que l’influence de l’art et de l’iconographie égyptiensenJudaaitpuaussisusciterdetellesassociations.Sil’onpartdel’hypothèsequec’estl’histoire de1Rois12quiainfluencécelled’Ex32,ilfautplutôtpenseràuneinfluenceduNord,d’autantplusque d’autrestextesendehorsde1Rois12,notammentceuxdulivred’Osée,attestentlavénérationdeDieu sousformebovineenIsraël.SiAaronsert,danslerécitduveaud’or,deprototypepourleroiJéroboam, MoïsedevientlepremierréformateurcultueletainsileprécurseurduroiJosias. Aumomentdel’alliancerenouvelée,Moïseapparaîtavecdescornes.A-t-ilprislaplacedutaureau?D’une certaine façon, c’est le cas: il est le médiateur visible entre Dieu et Israël ; il n’est certes pas la représentation de Dieu, mais il demeure définitivement son meilleur représentant. Dans l’alliance renouvelée,lecultesacrificielquioccupeunrôleimportant(presquetoutelapremièrepartiedulivredu Lévitique lui est consacrée) est réservé aux prêtres. La promesse faite à Israël de devenir un peuple de prêtresestainsimodifiée. →Conclusion Bientôtvictimesdevexations,lesHébreuxselibèrentdujougégyptienetreviennentàCanaan,la«Terre promise»,souslaconduiteduprophèteMoïse.CettelibérationestcommémoréelejourdelaPâque. 8 Les douze tribus issues de la descendance de Jacob reçoivent chacune un lot du pays de Canaan à l'exceptiondesdescendantsdeLévi,auxquelsMoïsearéservél'exerciceduculte. C'estledébutd'uneHistoireglorieuseettragiquequisepoursuitencoredenosjours. Les chercheurs penchent pour une installation pacifique. Les villes du XIVe avant JC? font moins d’1 Ha. 8/76villagessontfortifiés… Idéalisation… Au XIIe avant JC., une confédération de tribus parle la langue de Canaan, leur unité réside danslacroyanceenunseulDieu,YHWH(celuiquiest). Pour dire son identité, chaque groupe ou peuple a recours à des mythes fondateurs. Un groupe peut d’ailleursenavoirplusieurs.Cesmythesracontentsouventcommentungroupeouunpeuples’estformé etcommentilareçusaterre. Celanesignifiepasquelabiblen’estpasancréehistoriquement.Lessourcessontencoretroplacunaires,la scienceàsesdébutssurcettequestion… 9