communautaire » [15] qui utilise la représentation de la « communauté musulmane », notamment lors de
prises de positions ou de « discours sur la légitimation et la reconnaissance de la population musulmane »
[16]. Par ces prises de position, les notables ont « l’espoir de négocier des avantages matériels, financiers
ou symboliques » [17] pour leur situation personnelle/mosquée/fédération/réseau. Ils peuvent ainsi se
positionner comme des représentants légitimes auprès de la « communauté musulmane », des pouvoirs
publics, de grandes fédérations nationales, de réseaux transnationaux ou bien des États étrangers. Pour
ces notables, il est difficile de séparer la pratique religieuse des intérêts propres [18] et le culte peut ainsi
être porteur d’enjeux interliés : économiques (halal, pèlerinage, dons), politiques (clientèle, influence
médiatique et communautaire) ou cultuels (élections du Conseil Régional du Culte Musulman, CRCM). À
la croisée de ces enjeux, les mosquées importantes peuvent être des lieux stratégiques, d’autant plus
qu’elles confèrent un rayonnement, une représentation de licéité [19] et de confiance, ou encore des
délégués aux élections du CRCM. D’où l’existence de rivalités fortes concernant le contrôle des
associations cultuelles ou culturelles qui en ont la gestion. Ces rivalités peuvent notamment résulter en
des poursuites judiciaires contestant les assemblées générales associatives, comme cela a pu être le cas
au sein de l’Association des musulmans de Gironde à Bordeaux [20], de l’Association cultuelle islamique
de Marseille de la mosquée de la Porte d’Aix [21], ou bien au sein de la mosquée Adda’wa à Paris [22].
De par son pouvoir administratif et politique, la municipalité, et principalement le maire, est un acteur
déterminant [23] de la question cultuelle car il définit le cadre de la pratique locale du culte musulman
[24]]. Il choisit la personne (élu ou membre de cabinet) qui s’occupera de cette mission, il peut mettre en
place des subventions pour des associations, financer la partie culturelle d’un projet, faciliter l’obtention
d’un permis de construire ou encore mettre à disposition un terrain via un bail emphytéotique [25]. En
fonction du contexte local (extrême droite puissante), de leurs intérêts (besoin de voix lors d’élections
municipales [26], contrôle des réseaux, collecte d’information, paix sociale) et représentations (de la
laïcité [27], de l’islam, du fondamentalisme), les maires sont en mesure de légitimer un acteur ou de faire
avancer ou reculer un projet [28] de construction de mosquée. Ainsi, ils s’insèrent dans le « processus
d’organisation de la minorité musulmane » [29], comme cela a pu être le cas à Montreuil [30] ou
Montpellier [31], au risque parfois d’être source d’une forme de clientélisme électoral [32].
Certains États étrangers, principalement l’Algérie, le Maroc et la Turquie, exercent une influence [33] sur
les expatriés et binationaux qui résident en France. Localement, leurs enjeux en France peuvent être la
collecte de renseignements, un certain contrôle sur les mosquées, ou la victoire de notables proches de
leurs intérêts lors d’élections du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Parmi les grandes
fédérations qui structurent la représentation de l’islam en France, certaines sont liées à des États
étrangers, comme l’Union des mosquées de France (UMF), proche du Maroc, la Fédération Nationale de
la Grande mosquée de Paris (FNGMP ou GMP), proche de l’Algérie, le Comité de coordination des
musulmans turcs de France (CCMTF), proche de la Turquie. Néanmoins, il ne s’agit pas de surévaluer le
rôle des États qui sont en fait pris dans des relations complexes : ils peuvent être sollicités par des
notables locaux ou par des fédérations dans le cadre d’intérêts communs ou afin de tirer parti de leurs
ressources [34] (influence auprès des pouvoirs publics locaux, place sur des listes électorales du CFCM,
financements) et ne contrôlent pas forcément les dons privés de mécènes de leurs nationalités qui peuvent
financer des projets [35]. Il existe également d’autres fédérations, comme l’Union des Organisations
Islamiques de France (UOIF), proche de l’idéologie islamiste des Frères musulmans [36], qui dispose d’un
réseau important [37] dont des associations (les Jeunes Musulmans de France, la Ligue Française de la
Femme Musulmane, etc.), des écoles privées [38], une soixantaine de mosquées [39], et un rassemblement
annuel au Bourget, la Rencontre annuelle des musulmans de France (RAMF). Enfin, il existe aussi des
réseaux transnationaux islamistes comme le mouvement Tabligh (notamment l’association Foi et
Pratique), le Millî Görüş (principalement la Tendance nationale union islamique en France dans l’est de la
France) [40] ou encore les salafistes, avant tout quiétistes (une centaine de mosquées) [41].
II. L’échelle internationale, une géopolitique indépassable ?
Pour des raisons historiques, l’échelle internationale tient un rôle important dans la question du culte
musulman en France. La mise en place de l’Empire colonial français a créé un véritable lien entre la