cancers. Les indications se multiplient dans les cancers
colorectaux, les cancers du sein, du poumon et du rein.
De même, les molécules enregistrées se multiplient et de
très nombreuses autres sont en développement préclinique
et clinique. Ce domaine est devenu un domaine clé pour
l’industrie pharmaceutique et biotechnologique. Le nom-
bre d’équipes académiques travaillant sur les mécanismes
moléculaires et cellulaires de l’angiogenèse est aujourd’hui
légion. Cette mobilisation est à la hauteur des enjeux. Tant
de questions persistent au plan de la recherche fondamen-
tale comme au plan thérapeutique. Les cibles s’affinent et
les approches anti-angiogéniques sont plus complexes. Une
meilleure compréhension des caractéristiques des vais-
seaux tumoraux est aujourd’hui à l’origine d’une recherche
translationnelle très prometteuse.
Quelles sont les caractéristiques
des néovaisseaux tumoraux ?
Désorganisés, de distribution anarchique, perméables, fra-
giles, les néovaisseaux tumoraux sont profondément anor-
maux. Leur survie est sous la dépendance d’une présence
continue de VEGF (facteur de croissance angiogénique)
qui est à l’origine de leur prolifération et de l’augmentation
de perméabilité. Leur couverture péricytaire est plus faible.
Il en résulte une augmentation de pression interstitielle
intratumorale, ce qui d’une part favorise l’essaimage de
cellules tumorales vers le courant sanguin ou lymphatique,
c’est-à-dire les métastases, et d’autre part, défavorise l’ac-
cès des chimiothérapies vers les cellules tumorales. L’hy-
poxie qui est présente au sein de la tumeur induit davantage
d’instabilité génétique et sélectionne les cellules tumorales
les plus malignes. Ainsi, les vaisseaux tumoraux sont pro-
fondément anormaux en termes de phénotype et de mar-
queurs, et d’hémodynamique. Ils sont le siège d’un remo-
delage important. Ils sont certes augmentés en nombre, la
densité capillaire est effectivement accrue dans la plupart
des cancers, mais ils sont surtout qualitativement différents
de vaisseaux normaux. Nous l’avons montré [2, 3], dans un
modèle d’hépatocarcinome murin, d’autres équipes égale-
ment [4]. En résumé, on peut dire que les vaisseaux tumo-
raux expriment de façon très importante une spécification
artérielle, les cellules endothéliales angiogéniques sont en
effet Notch 4, DLL4 et Ephrine B2 positives. Autant de
marqueurs normalement présents (et à un moindre degré)
seulement sur les cellules endothéliales artérielles. Le
remodelage vasculaire est finalement la résultante de l’hy-
perstimulation par le VEGF, facteur d’autant plus exprimé
que l’hypoxie au sein de la tumeur est forte. Il y a donc une
cascade que nous avons pu préciser sur notre modèle d’hé-
patocarcinome murin mais aussi in vitro sur des cultures de
cellules endothéliales : VEGF →Notch 4 →DLL4→
Ephrine B2. Ce remodelage induit des modifications du
flux sanguin. Nous avons pu ainsi dans ce modèle montrer
par écho-doppler qu’une augmentation de la vitesse du flux
de l’artère hépatique précédait la diffusion du carcinome
[5]. Au total, ces modifications phénotypiques, ces change-
ments d’expression de marqueurs moléculaires et ces per-
turbations hémodynamiques traduisent le profond remode-
lage vasculaire survenant dans la vasculature tumorale.
Quelles sont les approches thérapeutiques
anti-angiogéniques ?
Elles sont aujourd’hui de trois types. On peut inhiber la
croissance des néovaisseaux tumoraux, les détruire ou, et
c’est une troisième approche émergeante, les rendre encore
plus anormaux. La première stratégie fait appel aux anti-
angiogéniques proprement dits [6, 7]. La deuxième a une
classe de produits appelés vascular disrupting agents
(VDA) [8]. Ces deux groupes diffèrent par leur cible, leur
mécanisme d’action et peut-être par leurs indications et
leurs schémas d’administration. La troisième approche, la
plus récente, consiste à bloquer DLL4 [9-12].
Les anti-angiogéniques auront pour cible principale le
VEGF et/ou ses récepteurs compte tenu du rôle majeur de
ce facteur de croissance dans le remodelage vasculaire. Ils
sont maintenant mieux connus, certains d’entre eux sont de
plus en plus présents dans la pratique quotidienne des
cancérologues. C’est vrai qu’en accord avec la théorie
initiale de Folkman, on attendait des anti-angiogéniques
qu’ils inhibent la croissance des néovaisseaux tumoraux,
voire qu’ils détruisent les néovaisseaux existants. La dépen-
dance des cellules endothéliales vis-à-vis du VEGF pour
leur survie renforçait cette attente. D’un autre côté, l’aug-
mentation d’hypoxie qui en résulterait aurait pu rendre
encore plus difficile l’accès des chimiothérapies au sein de
la tumeur. Or, il n’en a rien été. D’une part les anti-VEGF
stricts, le bévacizumab par exemple, ne semblent pas effica-
ces en monothérapie vis-à-vis de la tumeur et d’autre part
leur association avec les chimiothérapies potentialise l’effi-
cacité de ces dernières. En fait, l’effet de ces anti-
angiogéniques et notamment des anti-VEGF est certes d’in-
hiber la croissance des néovaisseaux tumoraux mais aussi,
et cela était plus inattendu, de normaliser la vasculature
tumorale. Il s’agit d’un concept développé par Jain [13, 14]
et confirmé par d’autres équipes dont la nôtre. La privation
de VEGF induite par un anticorps, un composé piège ou un
inhibiteur de ses récepteurs induit une réversion du phéno-
type artériel anormal des cellules endothéliales angiogéni-
ques. Il en résulte une normalisation hémodynamique, une
meilleure oxygénation des cellules tumorales et donc une
STV, vol. 20, n° 5, mai 2008 223
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