Problèmes religieux contemporains

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Aux évêques de France
OFC 2015, n° 24
Alain Besançon, Problèmes religieux contemporains,
de Fallois, Paris, 2015, 278 p. 22 €
Historien, spécialiste de la Russie, Alain Besançon s'est depuis longtemps intéressé au
phénomène religieux : dès 1973, il a collaboré avec le P. Le Guillou dans la description des gnoses
actuelles (Le mystère du Père, Fayard). Depuis 1994, pendant plus de vingt ans, il a multiplié les
essais sur le catholicisme, le protestantisme et l'orthodoxie. Le présent volume réunit neuf études,
certaines publiées dans la revue Commentaire et d'autres inédites, écrites dans les quinze
dernières années. L'ensemble est cohérent, et Alain Besançon a tracé son sillon avec fermeté,
dans la continuité de ses précédents travaux : chaque chapitre est une question, à laquelle il
répond avec nuances – et de courtes introductions lui permettent parfois d'atténuer son propos
initial. Sur l'enseignement du fait religieux, il montre qu'il faut distinguer les religions mortes (le
paganisme égyptien, grec et romain) des religions vécues par les enfants et leur famille. Une
distinction analogue s'exerce sur l'orthodoxie, dont le judaïsme et le christianisme n'ont pas les
mêmes critères et définitions que l'islam. Alain Besançon s'interroge à ce sujet sur la capacité du
magistère romain à comprendre le communisme et l'islam: il montre ainsi comment, à partir des
intuitions pénétrantes de Pie XI dans Divini Redemptoris (1937), le caractère intrinséquement
pervers du léninisme a été progressivement atténué, à cause de l'horreur du nazisme et dans un
espoir d'entente avec la Russie et son Eglise. Mais, comme Alain Besançon l'a souvent souligné, le
mal nazi, dans sa brutalité inhumaine, n'a pas le caractère ontologiquement mauvais du léninisme,
qui est une perversion de la vérité. Pour l'islam, Alain Besançon insiste sur l'originalité d'une
religion qui n'est pas réductible à une branche tardive du judéo-christianisme, mais qui s'est
construite en opposition avec lui. Loin d'être "la plus proche" des religions non-chrétiennes, il
pourrait bien en être la plus éloignée. Un chapitre délicat s'interroge sur la possibilité d'une religion
de la Shoah : un judaïsme qui ressasserait l'innommable serait voué à la disparition. Avec doigté,
mais fermement, Alain Besançon montre qu'une interprétation catholique du judaïsme, qui revient
à laisser l'Ancien Testament aux Juifs, est une mouture renouvelée du marcionisme antique. Quant
au judaïsme, cette religiosité de la Shoah lui fait courir le risque de l'idolatrie – en ce cas, la pire,
l'auto-idolatrie ! L'auteur aborde avec beaucoup de clairvoyance – et non sans prudence – la
question du célibat des prêtres diocésains dans l'Eglise latine : entre une tradition ancienne, une
réalité sociologique nouvelle, la qualité de l'ascèse et les difficultés de la vie, il conclut sur des
"perplexités". Deux courts essais concernent l'art chrétien (l'auteur émet des réserves sur
l'épithète) et la démographie de l'Enfer, qui s'est vidé de ses habitants. Dans un chapitre incisif,
enfin, l'auteur demande : "l'intelligence a-t-elle déserté l'Eglise latine ?". L'historien est porté à une
réponse positive, tandis que le croyant ne perd pas l'espoir d'un renouveau.
Par des touches successives, et des références historiques parfaitement maîtrisées, Alain
Besançon livre une radiographie de l'Eglise qui laisse percevoir davantage parfois le squelette que
l'être de chair et de sang, mais qui ne laisse pas indifférent pour autant, tant l'attention tendre et
passionnée pour l'Eglise du Christ perce sous les analyses critiques de l'historien.
P. Jean-Robert Armogathe
Alain Besançon est agrégé d'histoire, docteur en histoire et docteur d'Etat ès-lettres, diplômé de l'Institut
d'études politiques. Il a fait sa carrière au CNRS et à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Membre
de l'Académie des sciences morales et politiques, il a reçu le prix de l'essai de l'Académie française (1981), le
prix d'histoire de l'Académie française (1987), le Grand prix catholique de littérature (2011). Principaux
ouvrages : Le tsarévitch immolé, 1967 (rééd; Payot, 1991); Les Origines intellectuelles du léninisme, 1977
(rééd. Tel, Gallimard, 1996); Une génération, Julliard, 1987 (riche autobiographie); L'Image interdite, une
histoire intellectuelle de l'iconoclasme, 1994 (rééd. Folio, Gallimard, 2000) ; Trois tentations dans l'Église,
1996 (rééd. Tempus, Perrin, 2002); Sainte Russie, de Fallois, 2012; Le Protestantisme américain. De Calvin à
Billy Graham, 2013.
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