Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 8 - octobre 2010
266
dossier thématique
Oxygène – Physiopathologie
des organes endocrines
et pro- ou antiapoptotiques. Les résultats discordants
concernant le lien entre l’hypoxie et ces processus sug-
gèrent l’existence de régulations particulièrement nes,
dépendant des niveaux d’oxygène ou des spécicités
liées aux types cellulaires. Il existe également des diver-
gences en fonction du sous-type de la sous-unité HIF-α
impliquée. HIF-1α, par exemple, régule positivement
l’expression de BNIP3, un membre de la famille des pro-
téines de régulation de l’apoptose BCL-2 et module de
stabilisation de p53, les 2 conduisant à l’apoptose. En
revanche, BNIP3 est réprimé par HIF-2α dans les cellules
de RCC. De même, HIF-2α favorise la surexpression de
la cycline D1, l’une des principales cyclines associées à
la transition G1-S dans le cycle cellulaire. En revanche,
HIF-1α ne régule pas la cycline D1, mais induit l’expres-
sion de la cycline G2, qui a des activités antiproliféra-
tives. Dans les PHEO et les PGL, il a été observé que les
niveaux de BNIP3 étaient inférieurs dans les tumeurs
HIF-2α-positives des patients porteurs d’une mutation
de SDHB, ce qui suggère un rôle possible de cette voie
dans l’agressivité accrue de ce sous-type de tumeurs.
Angiogenèse
L’une des premières fonctions identiées des HIF, sus-
ceptible de participer au développement tumoral, est
l’induction de l’angiogenèse (12). Il est en eet bien
établi qu’une tumeur ne peut dépasser un volume seuil
de 1 à 3 mm3 si elle n’est pas vascularisée. Les HIF sont
connus pour moduler l’expression de plusieurs facteurs
angiogéniques qui favorisent la croissance des néovais-
seaux à partir du système vasculaire préexistant. Parmi
ces cibles, le VEGF et ses récepteurs jouent un rôle cru-
cial dans l’initiation du processus de néovascularisation.
Des études, in vitro, ont montré que ces gènes sont
essentiellement régulés par HIF-2α plutôt que HIF-1α.
Ainsi, dans un contexte tumoral hypoxique, la sécrétion
de VEGF par les cellules tumorales induit l’activation du
VEGFR-2, qui promeut la migration des cellules endo-
théliales, leur prolifération et leur survie. Les PHEO et
les PGL sont classiquement décrits comme des tumeurs
richement vascularisées. Nous avons observé que les
tumeurs causées par des mutations des gènes SDH ou
VHL avaient une densité vasculaire plus forte que les
tumeurs RET ou NF1 (13). La forte expression de VEGF et
de ses récepteurs a été décrite tant dans le sérum que
dans les tumeurs de patients atteints de PHEO ou de
PGL. De plus, une surexpression signicative du VEGF
a été rapportée à la fois dans les PHEO et PGL métas-
tatiques et dans les PHEO et PGL liés à SDH et VHL. Fait
intéressant, les études réalisées sur les tumeurs malignes
ont été eectuées avant la démonstration de l’associa-
tion prédominante des mutations du gène SDHB avec
la malignité dans les PHEO et les PGL. Par conséquent, il
est envisageable que la surexpression du VEGF dans les
PHEO et PGL métastatiques reète la pseudo-hypoxie
médiée par l’accumulation du succinate plutôt que
l’invasivité de ce sous-ensemble de tumeurs.
Métabolisme énergétique
Une autre caractéristique de l’adaptation à l’hypoxie
est le switch entre les 2 formes de respiration utilisées
par les cellules animales, aérobique et anaérobique,
un phénomène constaté par Louis Pasteur à la n du
xix
e siècle. En l’absence d’oxygène, la production d’ATP
passe de la phosphorylation oxydative dans les mito-
chondries à la glycolyse dans le cytoplasme. La glycolyse
est moins ecace que la phosphorylation oxydative
pour la production d’ATP (4 ATP versus 36 par glucose).
Toutefois, en présence de susamment de glucose,
la glycolyse peut promouvoir une production d’ATP
susante en raison de l’augmentation de l’activité des
enzymes glycolytiques. En conditions d’hypoxie, HIF-1
induit l’expression de gènes codant pour les transpor-
teurs du glucose GLUT-1 et GLUT-3, qui augmentent
l’absorption de glucose intracellulaire, des enzymes
de la glycolyse, qui transforment le glucose en pyru-
vate et de la lactate déshydrogénase A, qui convertit
le pyruvate en lactate. Notons que, si HIF-2 est capable
de promouvoir l’expression du transporteur GLUT-1, il
n’est apparemment pas impliqué dans la régulation de
l’autre partie de la glycolyse.
Au début des années 1930, Otto Warburg a observé
que les cellules tumorales présentaient un métabolisme
particulier, caractérisé par un switch comparable vers un
métabolisme glycolytique, mais ce, même en présence
d’oxygène. L’hypothèse de Warburg était que le cancer
était causé par des défauts dans la phosphorylation
oxydative mitochondriale, ce qui obligerait la cellule à
passer à un procédé de production d’énergie anaérobie,
en dépit des conditions aérobies. L’augmentation de la
captation du glucose observée lors de “l’eet Warburg”
a conduit à l’utilisation en clinique de la tomographie à
émission de positons utilisant du uorodésoxyglucose
(18F) [FDG-PET] pour la détection des métastases. Le
mécanisme responsable de l’eet Warburg est resté mys-
térieux pendant des décennies. Des données récentes
suggèrent que les HIF participent à ce processus (14). En
plus du rôle de HIF-1α dans la glycolyse, il a en eet été
rapporté que les HIF pourraient également participer
à l’inactivation de la respiration aérobie dans la mito-
chondrie. Tout d’abord, la pyruvate déshydrogénase
kinase 1 (PDK1), qui phosphoryle et inactive le domaine
catalytique de la pyruvate déshydrogénase (PDH), est
activée par HIF-1α. Le pyruvate est alors activement