VIE PROFESSIONNELLE Les lits identifiés de soins palliatifs : améliorer la prise en charge palliative dans tous les services C. Guy-Coichard* Élargissement nécessaire de l’offre de soins * Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Saint-Antoine, Paris. La loi du 4 mars 2002 a légitimé les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie, comme un droit du patient. Les soins palliatifs sont définis comme des soins actifs de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale, dont l’objectif est de soulager les douleurs et les autres symptômes, mais aussi la souffrance psychologique et sociale. Dans le domaine de la neurologie, cela recouvre des réalités très disparates. Pour les pathologies neurodégénératives, l’entrée en phase palliative peut avoir lieu tôt (maladie de Parkinson), voire dès le diagnostic (sclérose latérale amyotrophique). Pour certaines pathologies neurovasculaires, la nécessité d’une prise en charge palliative peut être brutale et proche de la phase terminale. Enfin, pour les cancers, elle est souvent le signe de l’échec d’un projet thérapeutique curatif. Les patients approchant de la fin de vie et ne pouvant rester à domicile peuvent se voir proposer un transfert dans une unité de soins palliatifs (USP), mais le faible nombre de places disponibles rend souvent inévitable une fin de vie dans le service hospitalier où ils sont suivis (en neurologie, près de 7 % des séjours se soldent par un décès dans le service). C’est d’ailleurs souvent le souhait des patients, mais aussi des équipes soignantes. Les lits identifiés de soins palliatifs (Lisp) ont donc été créés dans cette optique de diversification de l’offre de soins palliatifs en France, en intégrant les soins palliatifs dans le fonctionnement quotidien de certains services hospitaliers. Les Lisp ont connu un développement significatif et rapide. En 2002, année de naissance des Lisp, il existait 1 150 lits de 68 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 soins palliatifs en France (dont 800 lits d’USP) ; ils sont passés à 6 002 fin 2010 (dont 4 826 Lisp et 1 176 lits d’USP). Reconnaissance de la compétence de certains services de spécialités, mais aussi niveau d’exigence dans la qualité de la prise en charge Cette nouvelle capacité à offrir aux patients qui le souhaitent une prise en charge continue, sans rupture, depuis le premier diagnostic à la toute fin de vie si nécessaire, doit s’accompagner d’un effort particulier en direction des malades, mais aussi du personnel soignant. C’est le sens de la circulaire DHOS du 25 mars 2008, qui reste à ce jour la référence en matière de “cahier des charges” des Lisp. La création de Lisp s’effectue par demande auprès de l’agence régionale de santé (ARS), sous conditions : la prise en charge de patients en fin de vie doit représenter un pourcentage significatif de l’activité, avec un seuil théorique de 200 décès par an dans l’établissement ; l'inscription dans un projet de service ou de pôle, une prise en charge pluridisciplinaire (médicopsycho-sociale), la présence de référents formés à la prise en charge de la douleur et l’intervention d’une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP). Les Lisp attribués peuvent être affectés à une unité ou répartis dans différents pôles. Ils doivent bénéficier d’un ratio de personnel supplémentaire, de l’ordre de 0,3 équivalent temps plein (ETP) par lit attribué. VIE PROFESSIONNELLE La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), société savante de médecine palliative, a émis en 2012 une série de recommandations concernant la mise en place et la gestion des Lisp. Elle souhaite en particulier des engagements au niveau des équipements et des locaux (chambre seule, lit pour accompagnant, espace réservé aux familles, etc.), de l’organisation du service (psychologue, accompagnement social des proches, bénévoles, réunions pluridisciplinaires, projet de soins individualisé, convention avec une EMSP ou un réseau de soins palliatifs, partenariat avec une USP), et enfin d’un plan de formation initiale et continue des personnels. Financement des Lisp Bien entendu, en contrepartie de cet élargissement des compétences du service, et des contraintes afférentes, il est proposé une meilleure valorisation financière des séjours. Dans les services de court séjour, financés par l’intermédiaire de la tarification à l’activité (T2A), cette valorisation intervient par la création d’un groupe homogène de séjour spécifique (7993), permettant un abondement financier de l’ordre de 30 % par rapport à un séjour “classique”. Il doit naturellement correspondre à un diagnostic principal de soins palliatifs (Z 51.5), qui exclut, pour l’instant, toute comorbidité associée et tout degré de sévérité. Il s’agit donc d’une manipulation purement administrative, puisque le patient, lui, ne change ni d’unité ni de lit. Ce financement complémentaire doit cependant permettre à la structure concernée de faire face à des exigences supplémentaires en termes de locaux, d’aménagement et de personnel ; il est donc légitime qu’il y soit investi. La SFAP recommande, afin de clarifier leur utilisation, l’utilisation de critères d’inclusion en Lisp, tenant compte de critères médicaux, de la charge de soins, de l’environnement social et du souhait du patient. La fiche d’inclusion − intégrée au dossier patient − assure par ailleurs la traçabilité et permet de répondre aux éventuels contrôles de la Caisse nationale d’Assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Dans les soins de suite et de réadaptation (SSR) [qui concentrent actuellement environ 25 % des Lisp], les séjours sont valorisés par un mécanisme plus complexe et moins visible, qui devrait progressivement faire place à une forme de T2A dans les prochaines années. Fonctionnement quotidien des Lisp et formation du personnel Même si beaucoup de services accueillant des patients en phase palliative de leur maladie ont désormais acquis une compétence importante dans ce domaine, il semble indispensable de pouvoir faire appel à l’expertise d’une EMSP, qui peut participer aux équipes de médecins et d’infirmiers ou aux réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), au soutien du personnel, aux débriefings de cas difficiles, etc. Le niveau d’exigence de formation de la circulaire du 8 mars 2008 est difficile à atteindre sur tous les plans ; on pourra tomber d’accord sur la nécessité d’un plan de formation de tout le personnel (puisqu’il n’y a pas, par définition, de personnel dédié), qui peut être réalisé avec l’aide de l’EMSP. Les équipes pluridisciplinaires, les groupes de parole, le compagnonnage pourront être utilisés pour compléter une formation continue spécifique. Les services devront, au mieux, se doter de référents médicaux et paramédicaux de la prise en charge palliative, avec une formation plus poussée (DU ou DIU) et un rôle essentiel : animation des réunions pluridisciplinaires, interlocuteurs privilégiés de l’EMSP et des structures de l’établissement (direction, Comité de lutte contre la douleur, comité d’éthique), élaboration du plan de formation, rédaction du rapport annuel d’activité. Quelques problématiques des Lisp L’apport des Lisp, par rapport à l’expertise traditionnelle d’une équipe mobile extérieure au service, ne doit pas faire passer sous silence la nécessité d’une vigilance accrue sur le ressenti des équipes locales. Il nous semble en effet important de ne jamais oublier que ces “lits identifiés” se trouvent dans un service de spécialité, où surcharge de travail, turnover des équipes, motivation graduée des soignants à l’égard de l’approche palliative sont une réalité. Ainsi, valoriser la démarche palliative dans un tel service peut renforcer l’impression, pour l’équipe, d’une augmentation du poids des décès, avec pour conséquence un risque d’épuisement professionnel. Le passage d’un patient en Lisp, qui n’est qu’une codification administrative, un glissement en douceur, sans rupture pour le malade et en respectant ses ressources psychiques, peut générer une tension inattendue chez certains soignants. Le déni de la La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 69 z e n n o b A ! s vou VIE PROFESSIONNELLE 10 numéros Les lits identifiés de soins palliatifs : améliorer la prise en charge palliative dans tous les services par an Abonnez-vous mort − processus défensif des soignants − peut soudainement être bousculé par le principe de réalité ✓✓ Décret n o 2006-122 qu’imposent les Lisp. relatif au contenu du projet E IQU HN FICHE TEC d’établissement eniction matière vasoconstr Enfin, l’“obligation morale de qualité palliative”, Syndrome de ersible : ébrale rév de cér soins palliatifs. décrite et ressentie par certains, souvent les plus pour information ✓✓ lesGuide patientspour l’élaboration investis, doit être prise en compte. Est-ce possible sans de demande de lits identifiés une augmentation réelle et suffisante des moyens, en soins palliatifs : circulaire personnels et matériels ? À défaut, l’adhésion des DHOS/02/2004/257 du 9 juin 2004. équipes court le risque de s’épuiser rapidement, ✓✓ C i r c u l a i r e D H O S / entraînant une perte de motivation et une dévaloriAU POINT O2/2008/99 du 25 mars MISESde es sation laraldémarche palliative. Il peut s’agir parfois, réb 2008 relative à l’organi-Thromboses veineuses cé au-delà des désillusions, d’une confrontation aux sation des soins palliatifs. antiques Les formes sém limites mêmes des soins palliatifs envisagés dans un Annexe III : les Lisp. s ve ssi gre s primaires pro ✓✓ Site Internet de la SFAPdes aphasieservice d’aigu. La crainte, qui fait à juste titre débat (Société française d’accomr . fdes dans le monde soins palliatifs, d’avoir créé des USP dimark www.e pagnement et de soins “au rabais”, risquerait de s’en trouver renforcée. Une palliatifs) : sfap.org. vigilance particulière est donc ici de mise. Pour en savoir plus… ialist r du spéc le courrie e Troisième voie dans l’offre de soins des patients et bénéficiez de nombreux services arrivant en phase palliative d’un cancer ou d’une pathologie neurodégénérative, répondant souvent à une demande des équipes locales, les Lisp peuvent constituer une réponse aux besoins des équipes, tout en permettant l’absence de rupture de la prise en charge pour le patient, et sans forcément empiéter sur le rôle traditionnel et incontournable des USP. L’évolution depuis 10 ans de cette offre de soins laisse penser qu’elle répond à un besoin économique et médical, qu’elle ne pénalise pas les structures qui en font le choix, et qu’elle se fait au 46 bénéfice Contactez-nous au 01 67 62de 74,la qualité de la prise en charge des patients en phase du lundi au vendredi de 9 h à 18 h,■ palliative de leur maladie. + le Web GRATUIT + de 20 revues en ligne ! A. Ducros ntoro F. Macian-Mo O. Moreaud Société éditrice Conclusion : EDIMARK SAS : 1276-9339 81397 – ISSN CPPAP : 0317 T DE FORMA TION PÉRIOD IQUE FRANÇ AISE EN LANGU E Mensuel o : 21 € Prix du numér alité Toute l’actu lité sur de votre spécia v www.edimark.t N° 2 Février 2013 www.edimark.fr ou par fax au 01 46 67 63 09, ou par e-mail à [email protected] À TRÈS VITE ! ... 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