Les lits identifiés de soins palliatifs : améliorer la prise en

68 | La Lettre du Neurologue Vol. XVII - n° 2 - février 2013
VIE PROFESSIONNELLE
Les lits identifiés de soins
palliatifs : améliorer la prise
en charge palliative
dans tous les services
C. Guy-Coichard*
* Centre d’évaluation et de traitement
de la douleur, hôpital Saint-Antoine,
Paris.
Élargissement nécessaire
de l’offre de soins
La loi du 4 mars 2002 a légitimé les soins palliatifs
et l’accompagnement de la fin de vie, comme un
droit du patient. Les soins palliatifs sont définis
comme des soins actifs de la personne atteinte
d’une maladie grave, évolutive ou terminale, dont
l’objectif est de soulager les douleurs et les autres
symptômes, mais aussi la souffrance psychologique
et sociale.
Dans le domaine de la neurologie, cela recouvre
des réalités très disparates. Pour les pathologies
neurodégénératives, l’entrée en phase palliative peut
avoir lieu tôt (maladie de Parkinson), voire dès le
diagnostic (sclérose latérale amyotrophique). Pour
certaines pathologies neurovasculaires, la nécessité
d’une prise en charge palliative peut être brutale et
proche de la phase terminale. Enn, pour les cancers,
elle est souvent le signe de l’échec d’un projet théra-
peutique curatif.
Les patients approchant de la fin de vie et ne
pouvant rester à domicile peuvent se voir proposer
un transfert dans une unité de soins palliatifs (USP),
mais le faible nombre de places disponibles rend
souvent inévitable une n de vie dans le service
hospitalier où ils sont suivis (en neurologie, près
de 7 % des séjours se soldent par un décès dans
le service). C’est d’ailleurs souvent le souhait des
patients, mais aussi des équipes soignantes.
Les lits identiés de soins palliatifs (Lisp) ont donc
été créés dans cette optique de diversication de
l’offre de soins palliatifs en France, en intégrant les
soins palliatifs dans le fonctionnement quotidien
de certains services hospitaliers. Les Lisp ont connu
un développement signicatif et rapide. En 2002,
année de naissance des Lisp, il existait 1 150 lits de
soins palliatifs en France (dont 800 lits d’USP) ; ils
sont passés à 6 002 n 2010 (dont 4 826 Lisp et
1 176 lits d’USP).
Reconnaissance
de la compétence de certains
services de spécialités,
mais aussi niveau d’exigence
dans la qualité de la prise
en charge
Cette nouvelle capacité à offrir aux patients qui
le souhaitent une prise en charge continue, sans
rupture, depuis le premier diagnostic à la toute n
de vie si nécessaire, doit s’accompagner d’un effort
particulier en direction des malades, mais aussi
du personnel soignant. C’est le sens de la circu-
laire DHOS du 25 mars 2008, qui reste à ce jour la
référence en matière de “cahier des charges” des Lisp.
La création de Lisp s’effectue par demande auprès de
l’agence régionale de santé (ARS), sous conditions :
la prise en charge de patients en n de vie doit repré-
senter un pourcentage signicatif de l’activité, avec
un seuil théorique de 200 décès par an dans l’établis-
sement ; l'inscription dans un projet de service ou de
pôle, une prise en charge pluridisciplinaire (médico-
psycho-sociale), la présence de référents formés à la
prise en charge de la douleur et l’intervention d’une
équipe mobile de soins palliatifs (EMSP).
Les Lisp attribués peuvent être affectés à une
unité ou répartis dans différents pôles. Ils doivent
bénécier d’un ratio de personnel supplémentaire,
de l’ordre de 0,3 équivalent temps plein (ETP) par
lit attribué.
La Lettre du NeurologueVol. XVII - n° 2 - février 2013 | 69
VIE PROFESSIONNELLE
La Société française d’accompagnement et de soins
palliatifs (SFAP), société savante de médecine
palliative, a émis en 2012 une série de recomman-
dations concernant la mise en place et la gestion
des Lisp. Elle souhaite en particulier des engage-
ments au niveau des équipements et des locaux
(chambre seule, lit pour accompagnant, espace
réservé aux familles, etc.), de l’organisation du
service (psychologue, accompagnement social des
proches, bénévoles, réunions pluridisciplinaires,
projet de soins individualisé, convention avec une
EMSP ou un réseau de soins palliatifs, partenariat
avec une USP), et enfin d’un plan de formation
initiale et continue des personnels.
Financement des Lisp
Bien entendu, en contrepartie de cet élargissement
des compétences du service, et des contraintes
afférentes, il est proposé une meilleure valorisation
nancière des séjours.
Dans les services de court séjour, financés par
l’intermédiaire de la tarification à l’activité (T2A),
cette valorisation intervient par la création d’un
groupe homogène de séjour spécifique (7993),
permettant un abondement financier de l’ordre
de 30 % par rapport à un séjour “classique”. Il
doit naturellement correspondre à un diagnostic
principal de soins palliatifs (Z 51.5), qui exclut, pour
l’instant, toute comorbidité associée et tout degré
de sévérité.
Il s’agit donc d’une manipulation purement adminis-
trative, puisque le patient, lui, ne change ni d’unité
ni de lit. Ce financement complémentaire doit
cependant permettre à la structure concernée de
faire face à des exigences supplémentaires en termes
de locaux, d’aménagement et de personnel ; il est
donc légitime qu’il y soit investi. La SFAP recom-
mande, an de clarier leur utilisation, l’utilisation de
critères d’inclusion en Lisp, tenant compte de critères
médicaux, de la charge de soins, de l’environnement
social et du souhait du patient. La che d’inclusion
intégrée au dossier patient assure par ailleurs
la traçabilité et permet de répondre aux éventuels
contrôles de la Caisse nationale d’Assurance maladie
des travailleurs salariés (CNAMTS).
Dans les soins de suite et de réadaptation (SSR)
[qui concentrent actuellement environ 25 % des
Lisp], les séjours sont valorisés par un mécanisme
plus complexe et moins visible, qui devrait progres-
sivement faire place à une forme de T2A dans les
prochaines années.
Fonctionnement quotidien
des Lisp et formation
du personnel
Même si beaucoup de services accueillant des
patients en phase palliative de leur maladie ont
désormais acquis une compétence importante dans
ce domaine, il semble indispensable de pouvoir faire
appel à l’expertise d’une EMSP, qui peut participer aux
équipes de médecins et d’inrmiers ou aux réunions
de concertation pluridisciplinaire (RCP), au soutien du
personnel, aux débriengs de cas difciles, etc.
Le niveau d’exigence de formation de la circulaire du
8 mars 2008 est difcile à atteindre sur tous les plans ;
on pourra tomber d’accord sur la nécessité d’un plan
de formation de tout le personnel (puisqu’il n’y a pas,
par dénition, de personnel dédié), qui peut être réalisé
avec l’aide de l’EMSP. Les équipes pluridisciplinaires,
les groupes de parole, le compagnonnage pourront
être utilisés pour compléter une formation continue
spécique.
Les services devront, au mieux, se doter de référents
médicaux et paramédicaux de la prise en charge
palliative, avec une formation plus poussée (DU ou
DIU) et un rôle essentiel : animation des réunions pluri-
disciplinaires, interlocuteurs privilégiés de l’EMSP et des
structures de l’établissement (direction, Comité de lutte
contre la douleur, comité d’éthique), élaboration du plan
de formation, rédaction du rapport annuel d’activité.
Quelques problématiques
des Lisp
L’apport des Lisp, par rapport à l’expertise tradition-
nelle d’une équipe mobile extérieure au service, ne
doit pas faire passer sous silence la nécessité d’une
vigilance accrue sur le ressenti des équipes locales. Il
nous semble en effet important de ne jamais oublier
que ces “lits identiés” se trouvent dans un service
de spécialité, où surcharge de travail, turnover des
équipes, motivation graduée des soignants à l’égard
de l’approche palliative sont une réalité. Ainsi,
valoriser la démarche palliative dans un tel service
peut renforcer l’impression, pour l’équipe, d’une
augmentation du poids des décès, avec pour consé-
quence un risque d’épuisement professionnel. Le
passage d’un patient en Lisp, qui nest qu’une codi-
cation administrative, un glissement en douceur,
sans rupture pour le malade et en respectant ses
ressources psychiques, peut générer une tension
inattendue chez certains soignants. Le déni de la
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VIE PROFESSIONNELLE Les lits identiés de soins palliatifs : améliorer la prise en charge
palliative dans tous les services
mort processus défensif des soignants peut
soudainement être bousculé par le principe de réalité
qu’imposent les Lisp.
Enfin, l’“obligation morale de qualité palliative”,
décrite et ressentie par certains, souvent les plus
investis, doit être prise en compte. Est-ce possible sans
une augmentation réelle et sufsante des moyens,
personnels et matériels ? À défaut, l’adhésion des
équipes court le risque de s’épuiser rapidement,
entraînant une perte de motivation et une dévalori-
sation de la démarche palliative. Il peut s’agir parfois,
au-delà des désillusions, d’une confrontation aux
limites mêmes des soins palliatifs envisagés dans un
service d’aigu. La crainte, qui fait à juste titre débat
dans le monde des soins palliatifs, d’avoir créé des USP
“au rabais”, risquerait de s’en trouver renforcée. Une
vigilance particulière est donc ici de mise.
Conclusion
Troisième voie dans l’offre de soins des patients
arrivant en phase palliative d’un cancer ou d’une
pathologie neurodégénérative, répondant souvent à
une demande des équipes locales, les Lisp peuvent
constituer une réponse aux besoins des équipes,
tout en permettant l’absence de rupture de la
prise en charge pour le patient, et sans forcément
empiéter sur le rôle traditionnel et incontournable
des USP.
Lévolution depuis 10 ans de cette offre de soins
laisse penser qu’elle répond à un besoin économique
et médical, qu’elle ne pénalise pas les structures qui
en font le choix, et qu’elle se fait au bénéce de la
qualité de la prise en charge des patients en phase
palliative de leur maladie.
Pour en savoir plus…
Décret n
o
2006-122
relatif au contenu du projet
d’établissement en matière
de soins palliatifs.
Guide pour l’élaboration
de demande de lits identifiés
en soins palliatifs : circulaire
DHOS/02/2004/257 du 9 juin
2004.
Circulaire DHOS/
O2/2008/99 du 25 mars
2008 relative à l’organi-
sation des soins palliatifs.
Annexe III : les Lisp.
Site Internet de la SFAP
(Société française d’accom-
pagnement et de soins
palliatifs) : sfap.org.
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