DE LA GENETIQUE MEDICALE DU XXe SIECLE A LA

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Le 12 janvier 2012 DE LA GENETIQUE MEDICALE DU XXe SIECLE A LA GENOMIQUE HUMAINE DU XXI e SIECLE d’après la conférence de Thierry Frébourg, professeur de génétique au CHU de Rouen, Inserm Université de Rouen. _____________________________________________________________________________________________________ La génétique est une discipline technologique et humaine. L’unique objet de la vocation du médecin étant le malade, la dimension humaine est fondamentale. I-­ HISTORIQUE -­ l’ère de Mendel : la génétique est née au milieu du XIXe siècle avec le petit pois de Mendel. Ce dernier essaie de comprendre la transmission des caractères par l’observation : la couleur, l’aspect fripé du petit pois. Ce qui régit cette transmission est identique pour le petit pois et pour la maladie. Il y a donc une dimension universelle dans la transmission du savoir. Cela est source d’humilité. Jusqu’en 1975, la génétique était une discipline contemplative (on constatait des maladies, leur récurrence) et c’était l’époque où on allait voir le médecin pour lui demander avis sur sa descendance. -­ la génétique médicale (ou l’ère moléculaire) : le grand bouleversement de la génétique a débuté dans les années 1980-­‐1990. Elle a permis de comprendre pourquoi certaines personnes présentent des maladies dues essentiellement à un accident du patrimoine génétique. Et ceci a été possible grâce au développement d’une technologie appelée biologie moléculaire. Jusqu’en 2004, il a fallu construire de nouveaux diagnostics très précis à partir d’une simple prise de sang et être capable de savoir si les personnes avaient un risque de maladie génétique. Grâce à une prise en charge pluridisciplinaire, cela a permis à de nombreuses personnes d’éviter des complications, des morts prématurées et la survenue des maladies. De la génétique médicale du XXe siècle à la génomique humaine du XXIe siècle 1 -­ la génomique humaine : elle a débuté en 2011, mais les prémices datent de 2004 quand le séquençage du génome humain a été achevé. Il est possible d’analyser aujourd’hui l’entièreté de nos 30 000 gènes, permettant une relecture des maladies génétiques, une relecture de l’humanité. Tout individu résulte d’un embryon qui n’était au départ qu’une grande cellule née de la fusion d’une cellule germinale maternelle (l’ovocyte) et d’un spermatozoïde du père. Le patrimoine génétique reçu vient donc pour moitié de la mère et pour moitié du père. Il est donc unique, le même dans toutes nos cellules. On appelle cela le déterminisme génétique. II-­ DEFINITIONS -­ les chromosomes Il y a une trentaine d’années, la seule représentation que nous avions du patrimoine génétique était les chromosomes. Ce sont des bâtonnets rigides, non visualisés spontanément, représentant un agencement fugace, extrêmement transitoire de notre patrimoine génétique. Nos cellules ont besoin de se régénérer : une cellule mère se divise, reproduit à l’identique et donne 2 cellules filles ; et pour que ce patrimoine génétique puisse être réparti, il est nécessaire qu’il soit compacté, structuré sous la forme de chromosomes. -­ l’ADN (acide désoxyribonucléique) La lecture du patrimoine génétique est aujourd’hui une double hélice d’ADN qui permet de comprendre la complexité du vivant. C’est une torsade d’un fil (une pelote) extrêmement compacte, contenue dans chacun des noyaux de nos cellules, qui contient toute l’intimité intrinsèque de l’individu. La taille est à l’échelon du micron. Si on étire cette pelote, on voit sur chaque fil des « briques » juxtaposées qui se différencient les unes des autres par les lettres de l’ADN. Cet ADN est écrit avec une orthographe composée de 4 lettres : A (adénine), G (guanine), C (cytosine), T (thymine). Depuis 2004, nous connaissons la succession des lettres (appelées des paires de « bases »). Tous les organismes sont écrits sur le plan génétique par une succession de l’ensemble de ces lettres. L’homo-­‐sapiens a dans le noyau de chacune de ses cellules 3 milliards de lettres. Toutes les autres espèces vivantes ont cette même succession de lettres parfaitement agencées. -­ la vision universelle du patrimoine génétique La boîte de levure est un « homme en culture » car c’est un organisme eucaryote où tous les gènes importants de l’homme sont retrouvés. Les laboratoires de recherche utilisent donc cette boîte pour tester les gènes humains. Par exemple, lorsque l’on veut comprendre pourquoi une mutation donne un cancer, on introduit la version défectueuse du gène humain, extraite du malade, dans la levure. Certaines espèces vivantes survivront à l’homme car elles ont un génome plus complexe que celui de l’espèce humaine ! Homo-­‐sapiens n’est donc pas la fin d’une humanité. -­ l’agencement du patrimoine génétique Toutes les lettres (les bases) n’ont pas le même rôle, ni la même importance. Les gènes sont des segments qui contiennent une information génétique. Ils sont séparés entre eux De la génétique médicale du XXe siècle à la génomique humaine du XXIe siècle 2 par des séquences inter-­‐géniques, avec la même organisation A G C T. Ils vont s’exprimer, coder la construction de notre organisme. -­ le gène L’ADN est le support du patrimoine génétique et l’élément-­‐clé est le gène. Un gène est une succession de lettres (ou bases). La taille du gène varie entre 10 000 et 100 000 lettres, voire 1 million. Le nombre de gènes présent chez l’homo-­‐sapiens est de 30 000. En 2004, l’identification des 3 milliards de base et la description des 30 000 gènes ont été un moment essentiel de la génétique annonçant la transition vers la génomique. Depuis cette date, nous connaissons le séquençage des lettres, donc du génome humain. Les chromosomes sont utilisés comme des cartes géographiques. Ils sont en double (23 paires) et, sur chacun, il y a des centaines voire des milliers de gènes. III-­ LES MALADIES GENETIQUES Ce sont des maladies dans la genèse desquelles le poids de la génétique est déterminant et absolu. Elles représentent une partie des maladies, excluant les maladies multifactorielles extra-­‐génétiques. A-­ Les catégories des maladies génétiques 1-­‐ les maladies chromosomiques Elles sont dues à des « accidents », un défaut de construction des chromosomes. Ex : la trisomie 21 (il y a un excès de gènes : 3 chromosomes 21 au lieu de 2) la trisomie 18 (qui n’est pas viable) : une des grandes causes des fausses couches et avortements spontanés est due à un désordre chromosomique. Il existe des maladies plus compliquées avec des chromosomes remaniés. Une maladie chromosomique est une maladie génétique, mais une maladie chromosomique est exceptionnellement une maladie héréditaire. 2-­‐ les maladies géniques Elles sont dues à l’altération d’un gène, une anomalie sur l’écriture d’un des 30 000 gènes. Elles peuvent être graves et ne sont dues qu’à une faute d’orthographe sur 3 milliards de lettres et donc une mutation sur les 30 000 gènes. Le métier de généticien consiste à trouver cette mutation. Ex : le cancer du sein héréditaire, le cancer du colon héréditaire, l’hémochromatose, la mucoviscidose, les cardiomyopathies, les retards mentaux, la maladie de Huntington. B-­ Le diagnostic des maladies génétiques au laboratoire Le diagnostic post-­‐natal représente plus de 80% de l’activité. Toutes les cellules étant à l’identique, il se fait sur une prise de sang. En France, le diagnostic prénatal (prélèvement fait sur le fœtus en début de grossesse) est réservé à certaines maladies génétiques graves et létales, intraitables, touchant l’enfant. La pluridisciplinarité est essentielle pour décider de proposer ces diagnostics. Dans le prélèvement, la pelote d’ADN est extraite. La région à analyser est grossie grâce à des « photocopieuses de gènes », coloriée par des méthodes de fluorescence. Le De la génétique médicale du XXe siècle à la génomique humaine du XXIe siècle 3 séquençage de l’ADN est ensuite réalisé grâce à des « séquenceurs d’ADN». La succession des 4 lettres de l’ADN est ainsi déterminée. Puis, une analyse par tranche de 500 lettres est effectuée pour trouver la faute d’orthographe (une lettre à la place d’une autre, le manque d’une lettre). Le diagnostic est familial. Les spécialités rouennaises sur le plan génétique sont les prédispositions héréditaires aux cancers du sein, du colon, aux tumeurs pédiatriques, aux maladies neuromusculaires et à la maladie d’Alzheimer. Mais la génétique est une discipline d’abord clinique. IV-­ INTERET Il est médical car il permet : -­‐ un diagnostic de certitude rapide évitant des investigations lourdes et permettant de mettre en place un traitement pour éviter aggravations et complications, -­‐ un diagnostic pré-­symptomatique. V-­ CONCLUSION Il existe dans l’espèce humaine une hyper-­‐mutabilité intrinsèque du génome, nous sommes tous porteurs de mutations. Ce qui fait que quelqu’un a ou n’a pas une maladie génétique est dû à la tolérance biologique, l’endroit où tombe la « faute d’orthographe ». Les nouvelles machines des laboratoires permettent l’analyse du génome entier, ce qui était impensable il y a 1 an. La difficulté du métier n’est pas de détecter les mutations mais de les interpréter. Le travail du généticien médical est de savoir si la variation analysée par cette explosion technologique est le fait d’une variation commune permettant aux générations futures de s’adapter, une variation innocente ou une vraie mutation délétère. La normalité génétique n’existe pas. De la génétique médicale du XXe siècle à la génomique humaine du XXIe siècle 4 
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