L’activité pisciculture dans les districts Rhin et Meuse 1. Généralités Définitions Aquaculture : toute activité de production de consommables issus du milieu aquatique. Pisciculture : aquaculture produisant du poisson. L’aquaculture traditionnelle en eau douce est la pisciculture d’étang, particulièrement développée dès le moyen âge, destinée initialement à l’alimentation de populations locales. Les pratiques consistent à gérer le milieu et les introductions de poissons dans les pièces d’eau de telle façon qu’elles produisent de façon optimale une quantité de poisson qui est périodiquement soustraite (généralement par vidanges des étangs). Les espèces principalement issues de cette pisciculture d’étang sont les carpes et autres cyprinidés (gardons, tanches,..), mais aussi des carnassiers comme le brochet, la perche, le sandre. D’une façon générale, les aliments utilisés par les poissons sont d’origine naturelle. La pisciculture intensive, destinée surtout à la production de Salmonidés (truites), s’est considérablement développée à partir de la fin de la dernière guerre. Elle se pratique en milieu contrôlé où le poisson est maintenu en forte densité et nourri. Les aliments utilisés sont des aliments d’origine industrielle. La pisciculture continentale française atteint une production de plus de 60 000 t (année 2000) de poisson d’eau douce pour un peu plus de 600 établissements de production répertoriés sur près d’un millier de sites. De l’ordre de 50 000 t de truite-arc-en-ciel sont produites par plus de 500 pisciculteurs intensifs. La pisciculture d’étang fournit environ 10 000 t de poisson. Salmoniculture La plus grosse part de la production de poissons d’élevage est constituée par plus de 41 000 t de Salmonidés en 2000. La principale espèce représentée dans ce tonnage est la truite arc-en-ciel (Onchorynchus Mykiss) élevée intensivement. Les régions les plus actives dans cette production sont la Normandie, la Bretagne et l’Aquitaine. 1 Pisciculture d’étangs L’ITAVI (Institut Technique de l’Aviculture et des élevages de petits animaux ) comptabilisait en 1997 la production de 10 833 t de poisson d’étang, dont 5 741 t de carpe (Cyprinus g.). Pour les carpes, les principales zones de production sont le Centre (Sologne, Brenne), la Lorraine, puis les Dombes. Un quart seulement de cette production est exportée. En France, l'élevage de la carpe commune est pratiqué depuis le Moyen Age dans les cinq principales zones suivantes : la Brenne, la Camargue, la Dombes, la Lorraine et la Sologne, où des terrains bas, mal drainés, impropres à la culture ont été aménagés et donnent lieu, sur des dizaines d'hectares, à une exploitation extensive selon des méthodes assez proches de l'agriculture traditionnelle. Les rendements de cette agriculture des eaux, de 150 à 200 kg/ha, sont relativement médiocres. D'autres espèces sont aussi élevées en étang avec une production totale bien inférieure cependant aux tonnages de la carpe : le gardon (Rutilus rutilus), 2 817t produites en 1997, la tanche (Tinca tinca) , troisième espèce produite avec 1 408t, le brochet (Esox lucius) ou le rotengle (Scardinus erythrophtalmus). 2. Relations pisciculture-milieu Par rapport aux autres activités d’élevage, les relations entre pisciculture et milieu présentent un lien particulièrement étroit et la qualité de l’élevage (et donc son niveau de rentabilité) est très dépendante de la qualité du milieu. L’eau nécessaire doit être soutirée du milieu naturel, utilisée comme support d’élevage, puis restituée au milieu. De nombreux compartiments (qualitatifs et quantitatifs) sont impliqués, mais d’une façon diffuse : la délimitation entre le milieu naturel et la zone d’élevage n’est pas clairement matérialisée. En effet, les différents systèmes d’isolement (grilles, canaux) n’empêchent pas tout transfert de matières ou d’organismes. Ceci implique que le pisciculteur soit fortement sensible au maintien de cette qualité de l’eau nécessaire à son élevage. Ceci implique aussi que de nombreux élevages sont situés en zones relativement préservées (amont de bassin) et particulièrement sensibles à la pollution. Ces zones sont souvent situées en zone de déprise où la moindre activité économique, surtout si elle contribue à modeler le paysage, est considérée comme importante. Les salmonicultures ont besoin d’eaux fraîches et oxygénées. Elles sont souvent implantées sur un cours d’eau de première catégorie (réputé habité surtout par des Salmonidés - truites - et espèces d’accompagnement). Vis-à-vis de leur interaction avec le cours d’eau auquel elles sont connectées, elles sont caractérisées par : un besoin en débit relativement important, lié essentiellement au maintien d’un taux d’O2 convenable dans les eaux d’élevage (débit de l’ordre du l/s/ kg de truite produit pour un maintien de taux d’O2 >4mg/l ), des rejets en milieu naturel, avec les eaux restituées, dont la composition est liée aux concentrations de poissons et à la quantité d’aliments (et de produits de traitement) utilisés. 2 Les sites de production traditionnelle en étang (sauf production de Salmonidés) constituent eux-mêmes des milieux particuliers dont la valeur écologique est reconnue. L’ancienneté des pratiques, la contribution des zones humides associées au paysage ou à la constitution de zones écologiques particulières et à la gestion des débits, font que souvent l’activité est acceptée comme globalement positive, alors même que l’impact sur les milieux récepteurs, mal apprécié, est souvent sous-estimé. 3. Incidences de l’activité pisciculture sur les milieux aquatiques (approche bibliographique) 3.1. Liste des impacts possibles Rappel : l’analyse des impacts doit être menée en relation, d’une part avec la nature de l’activité (pisciculture d’étang, extensive ou salmoniculture intensive) et, d’autre part avec la sensibilité du milieu aquatique liée localement à cette activité. 3.1.1. Impacts liés aux prélèvements d’eau ou au changement de régime des eaux superficielles Le débit prélevé peut être à l’origine d’un déficit de débit - surtout en période d’étiage - sur le tronçon de rivière court-circuité. Ce déficit de débit peut avoir des effets sur le comportement thermique de ce tronçon, mais aussi sur les conditions de migration, d’habitat,… 3.1.2. Aspects biologiques, trophiques, sanitaires 3.1.2.1. Déversement en milieu naturel de rejets d’élevage Le flux de matières organiques constituées par les rejets d’élevage peut représenter une charge polluante susceptible de perturber les équilibres écologiques. D’une façon générale, il est habituel de relativiser cet aspect. On estime que les rejets d’aquaculture (toutes activités confondues) représentent en Europe moins de 4% du total des rejets dus à l’activité agricole (INRA, T.BOUJARD). Cependant, il faut constater que localement ces rejets peuvent constituer la quasi totalité des rejets d’origine anthropique. Ainsi, l’impact d’une salmoniculture placée sur une petite rivière de première catégorie est généralement plus fort que celui d’une pisciculture placée sur une deuxième catégorie. Premières causes de nuisances : l’azote et le phosphore sont identifiés comme les deux éléments à l’origine du maximum de perturbations du milieu récepteur. Pour l’azote, il s’agit de rejet de composantes azotées résultant des résidus d’aliments non consommés, et des rejets biologiques des poissons eux-mêmes (des modèles de suivi existent pour les salmonicultures notamment) : ammoniaque, fécès, mucus. La présence d’azote réduit (NH4, NH3, N organique) dans les eaux est à l’origine d’un certain nombre de problèmes : - Toxicité directe sur les espèces Interférence avec les oxydants utilisés pour la production d’AEP Nitrification avec appauvrissement en Oxygène dissous, production d’ammoniums (NH4) et de nitrites (NO2-) toxiques, production de nitrates ( NO3-) participant de l’eutrophisation 3 Les aspects quantitatifs, considérant les rejets globaux de l’activité sur une zone géographique donnée sont souvent peu impressionnants au regard des élevages agricoles, tels bovins, porcins, volailles. Ils sont, par contre, considérables en terme d’impact local, du fait des caractéristiques d’implantation des sites de piscicultures (ex salmonicultures sur petit ruisseau de montagne). Libération de MES : nettoyage des bassins ayant un rôle de décanteur, vidange d’étangs : colmatage , anoxie, …. 3.1.2.2. Contamination du milieu naturel par des agents pathogènes « cultivés » Des agents contaminants (virus, bactéries) se développent particulièrement bien en milieu d’élevage intensif. Plus ou moins bien supporté par les espèces élevées, leur passage dans le milieu récepteur peut-être à l’origine de pathologies touchant les populations piscicoles exposées. Par ailleurs, il faut signaler les risques de nuisances liées à l’utilisation de médicaments, prophylactiques et thérapeutiques qui seraient libérés en milieu naturel. Les produits utilisés en pisciculture sont de nature à ajouter leurs effets à ceux des produits pharmaceutiques humains, qui commencent à être connus (perturbateurs endocriniens, antibiotiques).l 3.1.2.3. Contamination piscicole Une contamination piscicole des espèces présentes localement peut intervenir, par libération dans le milieu de souches compétitrices aux souches locales, ou d’espèces non représentées localement et susceptibles de perturber l’édifice écologique, ou de propager des pathologies (qu’elles supportent mieux que les souches ou les espèces locales, ou qu’elles diffusent plus). 4. Activité aquaculture et pisciculture dans le district Rhin et le district Meuse 4.1. Présentation de l’activité La pisciculture lorraine est une activité traditionnelle depuis le moyen-âge. La région Lorraine est l’une des premières régions de France pour sa production de poissons d’étang. Les zones concernées sont principalement le Sud-Est de la Moselle (étangs de Lindre) et la Woëvre (Ouest Moselle, Est Meuse). La valeur écologique des zones de production - zones humides comportant des surfaces d’étang importantes - est connue et de nombreux sites font l’objet de protection au titre de la protection de l’avifaune, d’associations végétales, révélant l’importance de l’activité pour le maintien des zones humides… En matière de salmoniculture, on note que la maîtrise de la reproduction artificielle de la truite (Salmo trutta fario) est historiquement revendiquée par des pisciculteurs de La Bresse. La salmoniculture dans le massif vosgien est essentiellement tournée vers la production d’alevins de repeuplement. Ailleurs, sur le bassin Rhin-Meuse, la salmoniculture est moyennement développée. Parmi les productions, on note une activité d’astaciculture. Le tableau de la page 5 donne les caractéristiques principales de l’activité de pisciculture dans le Nord-Est de la France : nombres d’entreprises ou d’emplois, espèces, produits et tonnages par type de production, chiffres d’affaire. On peut citer aussi la pêche professionnelle, très peu pratiquée sur le district (un seul vrai pêcheur professionnel uniquement sur le fleuve Rhin), mais caractérisée par la transformation et la mise sur marché d’espèces du Rhin. 4 Grands traits de l'activité de pisciculture du Nord Est de la France (données 2000, source Aqualog) Régions LORRAINE CHAMPAGNEARDENNE ALSACE Caractéristiques Surface étangs Production Salmonicultures dont certains sites non commerciaux Chiffre d'affaire Nombre d'emplois directs Sites de transformation des produits Principales zones d'élevage 7 000 ha (600 exploitants concernés), dont 3 800ha gérés par Syndicat des Propriétaires et Exploitants d'étangs Salmoniculture : 2 113 t 2 200 ha exploités (dont 1 320 ha piscicultures et 480 loisirs pêche/chasse) 320 t étang 410 t (adultes + alevins) Etang : 1 100 t Consommation directe, dont 49 % truites et 7 % étangs 320 t salmonidés (213 t TAC et 13 t TRF), dont 19 % consommés 37 sites (80 000 m² de bassins) 14 entreprises dont 3 non 22 sites commerciales 44.5 MF (salmoniculture) 90 MF (étangs) > 200 dont 130 étangs et 72 salmonicultures 5 ateliers Plateau lorrain : 65 % des entreprises Woëvre : 35 % (Moselle, Meuse) 9.41 MF (salmoniculture) 10.5 MF 14 entreprises 40 10 unités (dont la plupart travaillent des espèces marines)soit environ 300 emplois Transformation de 15 t de truites 14 entreprises Haut-Rhin (Sud) et piémont vosgien Salmoniculture surtout en Marne (39 % des sites) - Ardennes (33%) 5 4.2. Développement récent et à venir L’activité de pisciculture est plutôt constante et régulière dans le Nord-Est de la France. La demande en poissons de consommation et de repeuplement est régulière Une association unique rassemble tous les acteurs de la filière aquacole lorraine (la FLAC) depuis 1987. L’Aquarium de Nancy, en relation avec les professionnels de la pisciculture, mène des expérimentations pour la diversification et l’amélioration des productions. Le Conseil régional de Lorraine s’implique directement dans la gestion du site de Lindre pour conserver et améliorer la filière de production de poissons d’eau douce. 5. Inventaire des pressions liées à l’activité piscicole Le ROM est un réseau d’observation du Conseil supérieur de la pêche destiné à alimenter une base de données sur l’état des milieux, l’unité géographique étant le « contexte » piscicole. L’expertise de l’état du milieu est représentée par une notation de l’impact des perturbations engendrées par les activités humaines. Les cartes ci-jointes illustrent les contextes impactés par les activités piscicoles. 6 7 8 Bibliographie et sources d’information • AQUACULTURE, 1986. Collectif. Coordonnateur G.Barnabé.Collection Technique et Documentation, Lavoisier. ISBN 2-85206-302-6 ; 2 volumes. • AQUACULTURE, 1998. Collectif, ENITA Bordeaux. Collection Références, Ed Synthèse agricole ISBN 2910340-21-X • BILLARD R., 1995. Les systèmes de production aquacole et leur relations avec l’environnement. Cah.Agric., 4, p.9-28. • BOURGET-RIVOALLAN S., 1982 - L’impact des piscicultures sur les rivières à salmonidés ICaractérisation générale des rejets sur le milieu. Propositions de solutions. (essai bibliographique). IIIAnalyse d’un exemple dans le cas du Scorff, rivière de Bretagne sud. Mémoire DAA.opt.Protec.amgt.mim.nat., Ensa Rennes, Inra Lab.écol.hydrobio., 29p. • CEMAGREF, 1984. 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