Il y a quarante ans, la génération d’infirmières dont je
fais partie recevait un diplôme d’état d’infirmière poly-
valente. Le dernier terme a disparu du vocabulaire
infirmier depuis longtemps, je trouve cela dommage.
Aujourd’hui, où nous allons parler d’une vision trans-
disciplinaire de soins, remarquons au passage que
c’était l’infirmière qui était polyvalente et pas sa disci-
pline. Polyvalent signifie qui a plusieurs fonctions. Cet
aspect poly-fonctionnel inscrit dans la formation au
Diplôme d’Etat Infirmier me semblait bien convenir,
car il exprimait la capacité potentielle ou impliquée,
conférée à l’infirmière pour intégrer et s’adapter har-
monieusement à de nouvelles fonctions, ou de nou-
velles activités dans le cadre de sa pratique de soins. Il
rendait compte aussi de la nécessité pour le soignant,
de sa capacité d’adaptation constante, d’un ajustement
permanent aux évolutions et changements qui ne man-
quent pas de survenir dans son paysage professionnel
et ce tout en restant fidèle à sa propre éthique de soins.
En apparence la pratique a bien changé depuis 40 ans,
si l’on prend pour seule référence le paysage de l’envi-
ronnement technique des soins. Ce qui est sûr, polyva-
lent, le soignant l’est plus que jamais.
Les soins font aujourd’hui l’objet d’une discipline uni-
versitaire, de plus en plus de responsabilité repose sur
les soins infirmiers et ce à tous les niveaux de la hiérar-
chie professionnelle. La polydisciplinarité, la multidis-
ciplinarité, l’interdisciplinarité invitent aujourd’hui à
une association des connaissances de différentes disci-
plines autour d’un projet commun : la qualité des
soins. On a longtemps séparé le champ de la pratique
des soins en pratiques hospitalières et extra hospita-
lières, l’objectif actuel n’est plus de séparer mais d’uni-
fier les disciplines qui gravitent autour du patient afin
de réunifier l’humain dans sa relation multidimension-
nelle à l’environnement biologique, psychologique, et
aussi culturel et spirituel. Cette polyvalence du soi-
gnant en faisait déjà un soignant transdisciplinaire de
manière, si j’ose dire, naturelle!
C’était donc une remarquable idée que de convier
Basarab Nicolescu, Physicien et chercheur du CNRS à
venir nous parler de Transdisciplinarité. Fondateur du
CIRET, Centre International de Recherche Transdisci-
plinaire, il a publié en 1996, Le Manifeste de La Transdisci-
plinarité. Il y présente les facettes d’une approche transdis-
ciplinaire, comme autant de remparts contre les dérives
ou les tentations dogmatiques ou idéologiques, mais sur-
tout comme une ouverture nouvelle vers une vision
holiste, offrant une série de ponts entre Science et
Connaissance, entre Science et Culture, entre Science
et Tradition.
Lors d’un Colloque sur l’Humanisme au Centre
Universitaire Méditerranéen de Nice, Basarab Nicolescu
avait évoqué une image simple pour se faire com-
prendre. La voici : «Représentons un domaine de la
connaissance des sciences exactes par une sphère,
celui de la physique par exemple, l’intérieur de cette
sphère représente le connu, c’est le volume. Tandis que
la surface représente le domaine de l’inconnu. Avec le
temps et de nouveaux apports de connaissances, la
sphère se fait plus grosse et son volume augmente.
Paradoxalement sa surface aussi augmente, donc l’in-
connu augmente avec le temps. On peut dire dans
cette image que l’inconnu augmente moins vite que le
connu.
On peut représenter ainsi tous les autres domaines de
la connaissance, sciences humaines, poésie, art, reli-
gion etc.. La question est : quelle est la nature de l’es-
pace entre toutes les sphères? Et sa réponse fut : c’est
dans cet espace transdisciplinaire que nous allons
retrouver l’Homme, Trans signifiant «au-delà et à tra-
44
Recherche en soins infirmiers N° 79 - décembre 2004
VERS UN MODÈLE TRANSDISCIPLINAIRE DE LA SANTÉ*
INTERDISCIPLINARITÉ
L’
Denyse DE VILLERMAY
*Conférence présentée lors des journées d’études de l’ARSI en Janvier 2004
vers». L’attitude scientifique qui prédomine aujour-
d’hui est fondée sur le postulat qu’entre les disciplines
il n’y aurait rien. Il y aurait donc autant de réalités que
de connaissances fragmentaires de ces sphères, par
conséquent aucune compréhension du monde qui
prendrait en compte cet espace qui traverse toutes les
disciplines et les dépassent. Un espace ouvert de
liberté et de compréhension.»
Deux vraies révolutions ont traversé ce siècle, dit -il :
la révolution quantique et la révolution informatique.
La révolution quantique peut encore ouvrir notre
vision du monde que la révolution informatique est en
train de changer mais pas dans l’esprit de partage des
connaissances entre tous les humains dont elle aurait
peut être pu devenir le maître d’œuvre.
Basarab Nicolescu n’a pu venir et il va sans dire que je
ne suis pas une spécialiste de la physique quantique,
cependant la transdisciplinarité qui s’adresse à chacun
de nous, a puisé dans la physique quantique la plupart
de ses concepts et de ses symboles fondateurs. Nous
les aborderons avec simplicité et en nous aidant des
travaux de M. Basarab Nicolescu et d’autres membres
du CIRET.
Pour vous donner le goût, le parfum de ce monde
quantique de l’infiniment petit, je n’ai pas trouvé
mieux que cette évocation de ce conte mystérieux, que
l’on trouve en introduction de son ouvrage «Nous, la
particule et le monde».
«Dans son célèbre conte philosophique La Conférence
des oiseaux le poète persan du XIIesiècle, Attar nous
décrit le long voyage des oiseaux à la recherche de
leur «vrai roi», le Simorgh. Les oiseaux traversent sept
vallées, pleines de dangers et de merveilles. La sixième
vallée est celle de l’«étonnement». Là, il fait à la fois
jour et nuit, on voit et on ne voit pas, on existe et on
n’existe pas, les choses sont à la fois vides et pleines. Si
le voyageur s’accroche à tout prix à ses habitudes, à ce
qu’il connaît déjà, il est en proie au découragement et
au désespoir – le monde lui semble absurde, incohé-
rent, insensé. Mais s’il accepte de s’ouvrir à ce monde
inconnu, ce monde nouveau lui apparaît dans toute
son harmonie et sa cohérence.» Les mêmes considéra-
tions s’appliquent parfaitement à ceux qui tentent d’en-
treprendre le voyage dans le monde quantique.
LES SOURCES QUANTIQUES DE L’APPROCHE
TRANSDISCIPLINAIRE
La révolution de la discontinuité
Celui qui découvre, innove, déploie son imaginaire en
toute liberté et en toute innocence fait peur, de tous
temps il est rejeté par ses pairs, honni par les faux
savants et les faux philosophes.
Isaac Newton découvre que deux corps s’attirent pro-
portionnellement à leur masse et de façon inversement
proportionnelle au carré de leur distance. C’est la force
gravitationnelle. La théorie de la gravitation fut à son
époque rudement attaquée par Leibnitz qui reprochait à
Newton d’avoir introduit des «qualités occultes» par le
biais de l’attraction universelle, ce qui représentait à
l’époque une accusation très grave. Comment accepter
que deux masses puissent s’attirer à distance? Si Newton
le mathématicien fut respecté, l’alchimiste dérangeait,
un siècle plus tôt et il risquait le bûcher. Voltaire pour le
défendre dira «qu’il s’est amusé avec les prophéties et la
transmutation des métaux». Mais Newton qui avait lu
les Anciens, considérait sa propre théorie de la
Gravitation comme une simple redécouverte..
Une idée inouïe traverse le cerveau de Planck! 1
Il écrit lui même : «Après quelques semaines, qui
furent certes remplies par le travail le plus acharné de
ma vie, un éclair se fit dans l’obscurité où je me débat-
tais et des perspectives insoupçonnées s’ouvrirent à
moi». Cet «éclair dans l’obscurité» lui livra un
concept : le quantum élémentaire d’action. Il le
nomme quanta : quantité physique correspondant à
une énergie multipliée par un temps. C’est ce quanta
qui va révolutionner toute la physique et changer en
profondeur notre vision du monde.
Le quantum de Planck introduit une structure discontinue
de l’énergie. Planck était pleinement conscient qu’ébran-
lant l’ancien concept tout puissant de continuité, les
bases mêmes du réalisme classique seraient ainsi remises
en question, il écrit lui-même «…ce quantum représen-
tait.. quelque chose d’absolument nouveau, d’insoup-
çonné jusqu’alors et qui semblait destiné à révolutionner
une pensée physique basée sur la continuité».
45
Recherche en soins infirmiers N° 79 - décembre 2004
VERS UN MODÈLE TRANSDISCIPLINAIRE DE LA SANTÉ
INTERDISCIPLINARITÉ
L’
11900, avec la découverte de Max Planck, ces travaux faisaient surgir, au centre de la physique nouvelle, la structure discontinue de l’énergie.
Beaucoup d’autres découvertes se sont succédées jusque vers 1915, mais il est vrai que la mécanique quantique ne s’est constituée en tant que théo-
rie que vers 1920-1930 et, depuis, elle constitue la base formelle de la physique moderne des particules.
La «discontinuité» dans l’acception quantique est une
discontinuité pure et dure, qui n’a rien de commun
avec ce que ce mot recouvre en langage familier d’une
ligne discontinue, d’une bifurcation d’un chemin. Si
l’on veut saisir l’étrangeté de l’idée de discontinuité
quantique, écrit B. Nicolescu, il faut imaginer un
oiseau qui sauterait d’une branche d’un arbre à l’autre
sans passer par aucun point intermédiaire, comme si
l’oiseau se matérialisait soudain sur une branche puis
sur une autre. Seule la mathématique peut aider à com-
prendre ce genre de situation!
Comment la discontinuité protège des errements
de la pensée linéaire
La discontinuité permet l’existence de l’unité dans la
diversité et de la diversité par l’unité.
• La discontinuité permet l’évolution et l’involution.
• La discontinuité qui permet la coexistence de la cau-
salité globale et de la causalité locale.
La discontinuité assure la dignité de l’homme et
donne un sens à sa vie, elle permet le choix, le libre
arbitre, l’interaction avec l’Unité, le Tout de l’Univers.
Pour Einstein, la conception de l’espace tridimension-
nel newtonien ne suffit plus, le mouvement des masses
décide de la géométrie de l’espace et du temps. Du
niveau planétaire on passe au niveau cosmique. Ainsi,
avec cette nouvelle vision on commence à entrevoir
comment les lois de la découverte du monde quan-
tique peuvent être radicalement différentes de celles du
monde macro-physique.
La physique classique reconnaissait deux genres d’ob-
jets bien distincts les corpuscules et les ondes. Les cor-
puscules classiques, entités discrètes, bien localisés
dans l’espace et caractérisés du point de vue dyna-
mique, par leur énergie et leur quantité de mouvement.
On pourrait facilement visualiser les particules comme
des billes se déplaçant d’une manière continue dans
l’espace et dans le temps, et décrivant une trajectoire
bien précise.
Quant aux ondes elles étaient conçues comme occu-
pant tout l’espace d’une manière continue. Un phéno-
mène ondulatoire se décrit comme une superposition
d’ondes périodiques, caractérisées par une période
spatiale (longueur d’onde) et par une période tempo-
relle. D’une manière équivalente, une onde peut être
caractérisée par des fréquences : une «fréquence de
vibration» (l’inverse de la période temporelle) et un
«nombre d’ondes» (l’inverse de la longueur d’onde).
La mécanique quantique amène un bouleversement
total de cette représentation : les particules quantiques
sont à la fois particule et onde. Leurs caractéristiques
dynamiques sont reliées par les formules d’Einstein-
Planck (1900-1905) et de Broglie (1924). Ces deux for-
mules démontrent que l’énergie est proportionnelle à
la fréquence temporelle (Einstein-Planck) et que la
quantité de mouvement est proportionnelle au nombre
d’ondes (de Broglie). Quant au facteur de proportion-
nalité c’est dans les deux cas : le quantum élémentaire
d’action de Planck.
Cette représentation d’une particule quantique défie
toute forme dans l’espace et dans le temps, car il est
impossible de se représenter mentalement quelque
chose qui serait à la fois corpuscule et onde en même
temps. Les concepts de continuité et de discontinuité
se trouvent donc réunis par nature. Chaque nouvel
être est une identité nouvelle discontinue et en même
temps il apparaît dans une continuité génétique. Et
l’on voit bien que dans la vie l’aléatoire se manifeste
à tous les moments de l’existence. Quelle est sa place
dans cette «réduction du paquet d’ondes» qui oriente
le champ des possibles vers un évènement ou un
autre? La réponse nous l’avons demandée à Michel
Random : «L’idée physiologique de toute chose
n’existe que par la cohérence des énergies qui relie
toutes choses, mais l’étonnement de l’univers veut
que l’on ne trouve jamais de chaos réel, mais toujours
un sens à toute chose. L ‘univers des énergies est une
potentialité qui répond à tout regard et à toute ques-
tion, parce que le regard est une énergie comme la
question qui interroge. La question est capable de res-
treindre le déterminisme de l’aléatoire, en clair si
on rajoute de la causalité, on ne diminue pas l’aléa-
toire mais on augmente la causalité. Si on utilise la
question comme un levier de la conscience qui se
manifeste, la réponse s’affirme et l’on restreint la cau-
salité».
Ce que nous faisons en tant que soignants peut se com-
prendre comme une participation avec le patient à la
réduction d’une causalité. Nous pouvons considérer le
symptôme, l’accident, la maladie, l’affect.. comme
autant de chaos ou de ruptures de continuité. Toute
interprétation affective, tout jugement de valeur s’effa-
cent dans ce cadre. Le regard sur le soin est plus clair,
centré sur l’être que l’on soigne plus que sur les causa-
lités multiples qui ont pu ou pas, l’amener à la situa-
tion présente. Il faudrait aussi admettre que le retour à
la santé devrait aussi être envisagé comme un autre
possible de rupture de continuité.
46
Recherche en soins infirmiers N° 79 - décembre 2004
Considérer le chaos comme un Tout ludique, car il y a
de l’humour dans l’univers. La réponse n’est jamais là
où on la cherche, elle habite souvent un infime point,
si proche qu’on ne peut le voir ni le concevoir, mais il
induit des fausses réponses pour cacher ailleurs la
réponse. Il rappelle l’homme à l’humilité en créant des
bulles de fausses certitudes, d’habitudes, de faux
savoirs dont on ne peut sortir. On n’échappe pas à son
identité, à ce que l’on est. Reste à regarder le réel qui
offre le spectacle extraordinaire du vivant et du cos-
mos. On peut voir des étoiles à des milliers d’années
lumière et qui n’existent plus et passer à côté d’une
vérité lumineuse qui nous crevait l’oeil.
Il faut prendre conscience du fait que la particule
quantique est une entité tout à fait nouvelle, irréduc-
tible aux représentations classiques : la particule quan-
tique n’est pas une simple juxtaposition d’un corpus-
cule et d’une onde. La particule quantique peut se
comprendre comme une unité de contradictoires mais
les physiciens trouvent plus juste de dire qu’une parti-
cule n’est ni corpuscule ni onde. L’unité des contradic-
toires est plus que la simple somme de ses compo-
santes classiques.
La découverte du monde quantique attribue une valeur
scientifique à la notion de «degré de matérialité» et
associe la subtilité de la matière à la fréquence des
vibrations, ainsi l’expression «densité de vibrations»
correspond à celle de «fréquence de vibrations» et son
sens est opposé à celui de «densité de matière». La
matière la plus subtile correspondrait par conséquent à
la plus grande «densité de vibrations». Deux niveaux
de réalité différents gouvernés par des lois différentes.
«L’existence de différents degrés de matérialité a per-
mis d’envisager la possibilité de plusieurs matières, dit
B. Nicolescu, la physique quantique retrouve ou révèle
un matérialisme dans une forme d’alchimie intérieure
de l’homme.
Entrons dans ce monde de l’infiniment petit : un
retour à la Nature
L’étude du monde et l’étude de l’homme sont indisso-
ciables, simplement parce que l’humain fait partie de
ce monde. C’est en l’observant qu’il découvre sa
propre relation d’altérité avec ce monde. Son regard
sur toute la nature se modifie alors qu’il apprend de
plus en plus de cette symbiose avec elle. Pourtant la
vision de la nature comme objet connu, déchiffrable,
au service de l’homme et de ses caprices, nous a
menés dans une impasse. Le mot même de nature dis-
paraît du vocabulaire, on lui préfère l’écologie.
«La Nature a perdu son mystère, devenue machine
avec ou sans Dieu horloger, elle se décompose en
pièces détachées. Plus besoin d’un Tout cohérent et
transcendant, la nature cède la place à la complexité,
dit B. Nicolescu. Une complexité inouïe qui envahit
tous les domaines de la connaissance de l‘infiniment
petit à l’infiniment grand. Que reste t-il de la nature? Il
répond : Et si la nature n’était pas un livre mort à notre
disposition pour être déchiffré, mais un livre vivant
sans cesse en train de s’écrire».
Les niveaux de réalité, la logique du tiers inclus
et la non contradiction.
Pour comprendre ce monde avec de nouveaux termes
Basarab Nicolescu, propose la notion de niveau de
réalité et de logique du tiers inclus. Il définit la réalité
par ce qui résiste à nos représentations, descriptions,
images.
Par niveau, il entend un système invariant à l’action de
certaines lois, par exemple les atomes, le monde ato-
mique le monde corpusculaire. Ainsi deux niveaux de
réalité sont différents si en passant de l’un à l’autre, il y
a rupture des lois et rupture des concepts fondamen-
taux.
On voit bien la différence de ces niveaux de réalité
quand on parle du niveau microphysique et du niveau
macrophysique. Entre la physique classique et la phy-
sique quantique, la rupture est radicale. C’est pourquoi
l’interprétation des phénomènes quantiques en langage
macrophysique entraîne des paradoxes. Personne n’a
encore trouvé une mise en forme qui permette le pas-
sage d’un monde à l’autre. Et cependant ces deux
mondes coexistent, nous en sommes la preuve. Nous
sommes faits de vide et dans ce vide il y a des grains
de matière : c’est le niveau atomique. Au niveau
macrophysique nous présentons une consistance de
corps avec une forme déterminée qui persiste grâce à
la vitesse qui anime ces particules dans le monde
quantique. Que nous partagions avec les particules ce
double aspect corpusculaire et vibratoire faisant de
nous des micro cosmos à l’image du cosmos, que nous
soyons aussi matière et vibration, les grandes traditions
l’avaient dit bien avant Planck.
Ce qui a causé et cause encore le plus de scandale dans
les neurones c’est «la logique du tiers inclus». La méca-
nique quantique à mis en lumière des couples de contra-
dictoires, mais qui le sont uniquement si l’on veut à tout
prix s’en tenir à la logique classique. Stephane Lupasco
47
Recherche en soins infirmiers N° 79 - décembre 2004
VERS UN MODÈLE TRANSDISCIPLINAIRE DE LA SANTÉ
propose une restructuration de l’infinie multiplicité du réel
à partir de trois termes logiques. Il postule l’existence d’un
troisième type dynamique antagoniste qui coexiste avec la
logique de l’homogénéisation qui gouverne la matière
physique macroscopique et celle de l’hétérogénéisation
qui gouverne la matière vivante. Ce nouveau mécanisme
dynamique demande un état d’équilibre entre les pôles
d’une contradiction dans une semi-actualisation et une
semi-potentialisation strictement égales. Cet état Lupasco
le nomme état T pour l’initiale de tiers inclus. La structure
binaire homogène-hétérogène, celle de l’antagonisme
énergétique est remplacée par une structure ternaire.
Lupasco met le concept d’énergie au centre de sa médita-
tion philosophique. Dans la physique classique le rôle
central est dévolu à la notion d’«objet», la notion d’«éner-
gie» étant dérivée ou secondaire. La physique moderne
relativiste et quantique a renversé de manière radicale
cette hiérarchie. La notion d’objet est remplacée par celle
d ‘événement, de relation, d’interconnexion. Le vrai mou-
vement est celui de l’énergie. Tout est lié dans le monde.
Tout système implique l’existence d’un système antago-
niste, il résulte que deux systèmes quelconques vont
être liés par une chaîne de systèmes antagonistes.
L’antagonisme énergétique est donc une vision de
l’unité du monde, unité dynamique, unité d’enchaîne-
ment indéfini des contradictions fondée sur une struc-
ture ternaire universelle.
En fait, il vaut mieux faire comme les oiseaux du conte
d’Attar, entrer joyeux dans la vallée de l’étonnement.
Cette logique quantique est basée sur trois axiomes :
1- l’axiome d’identité : A est A
2- l’axiome de non contradiction : A n’est pas non-A
3- l’axiome du tiers exclus : il n’existe pas de troisième
terme on le nomme T «pour Tiers inclus» qui soit à
la fois A et non-A
Effectivement si l’on reste dans le même niveau de réa-
lité, c’est impensable mais en fait on oublie de voir que
ces deux axiomes sont indépendants l’un de l’autre.
Mais nous sommes infirmières et avons l’habitude des
paradoxes, de la complexité de la nature de l’humain,
et de l’unité des contradictoires, nous pouvons jouer,
juste pour voir.
Considérons le terme A et nous le nommons : Santé.
Axiome d’identité A est A : La santé est la Santé
Axiome de non-contradiction A n’est pas non-A : la
Santé n’est pas la non-Santé
Tiers inclus : A est à la fois A et non A : la santé est à la
fois santé et non santé.
Le saut quantique fait un peu chinois je vous l’accorde.
On peut se dire à quoi ça sert de se casser ainsi la tête,
d’accord. Mettons-nous dans les plumes de l’oiseau
parti à la recherche de son Roi, pour celui qui sait, qui
possède la connaissance, le chemin ne sera jamais trop
plié ou déplié.
Cet état T, Stephane Lupasco le définit comme un état
«ni actuel, ni potentiel». Avec un petit effort, la lampe
de l’imaginaire allumée, on peut se dire calmement, la
particule est à la fois onde et corpuscule. Nous
sommes faits de particules et c’est une évidence : La
santé est à la fois santé et non santé. Au premier degré
de réalité on n’est pas vraiment choqué. On comprend
bien que selon le niveau où l’on se place, on peut,
avec un petit effort, dire que la santé peut être aussi
non santé. La première idée qui me vient est celle de
l’affection psychiatrique. Sur le plan corpusculaire,
cette personne peut être en bonne santé. Sur le plan
vibratoire, l’esprit peut être affecté, cela n’entache pas
le premier niveau. Si la santé ne pouvait pas être aussi
non santé, que signifierait la prévention? Comment
qualifier la période d’incubation, etc..
Si l’on remplace le mot santé par maladie, c’est pareil,
il y a matière à réflexion.
Changeons et prenons le mot maladie, puis essayons un
plus subtil celui de liberté, peut-on être à la fois libre et
non libre? Je pense que oui, le poète dans sa prison est
libre de son imaginaire, de sa vibration créatrice.
Quant à celui de soin qui nous est cher, le concept de
Samu Social a ouvert un autre regard sur un soin global
où l’on va vers les personnes sans domicile, pour créer
un lien sans obligation de part et d’autre. Ce soin qui
est un non-soin tout en étant un soin, est déjà un soin
quantique.
La loi de Trois
Depuis la nuit des temps, la pensée binaire a marqué
l’activité de l’homme. Pourtant, selon la Tradition la loi
de Trois est «la loi fondamentale qui crée tous les phéno-
mènes dans toute la diversité ou l’unité de tous les uni-
vers. C’est la «Loi de Trois», la loi des Trois Principes ou
des Trois Forces. Selon cette loi, tout phénomène est le
résultat de la combinaison ou de la rencontre de trois
forces différentes et opposées.
48
Recherche en soins infirmiers N° 79 - décembre 2004
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !