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Recommandations sur le dépistage du cancer du poumon
Groupe d
’é
tude canadien sur les soins de sant
é
pr
é
ventifs*
Balados du CMAJ : entrevue avec lauteure à ladresse https://soundcloud.com/cmajpodcasts/151421-guide
e cancer du poumon est la cause la plus courante
de mortalité liée au cancer et le cancer le plus
couramment diagnostiqué chez les Canadiens.
Selon les estimations, 26 600 Canadiens auraient reçu
un diagnostic de cancer du poumon et 20 900 auraient
succombé à cette maladie en 20151. À l’heure actuelle
au Canada, lincidence du cancer du poumon est plus
élevée chez les hommes que chez les femmes (bien que
l’écart samenuise), et plus de 85 % des cas sont liés au
fait de fumer du tabac. Environ 44 % des Canadiens
(12,6 millions) fument ou ont fumé2. Parmi eux, ce sont
les grands fumeurs qui sont exposés au risque le plus
important de cancer du poumon. Les antécédents de
tabagisme sont souvent mesurés en paquets-années,
c’est-à-dire le produit du nombre moyen de paquets
fumés par jour et du nombre dannées de tabagisme
(p. ex., les personnes qui ont fumé un paquet par jour
[20 cigarettes] pendant 30 ans ou 2 paquets par jour
pendant 15 ans auraient toutes des antécédents de
30 paquets-année).
La mortalité est extrêmement élevée chez les patients
atteints dun cancer du poumon au stade avancé, mais elle
est beaucoup plus faible aux stades précoces (en 2007, le
taux de survie relatif après 5 ans chez les patients atteints
dun cancer du poumon de stade 4 ou 1A était de 1 % et de
49 %, respectivement)3. Le dépistage du cancer du poumon
vise à déceler la maladie quand elle en est encore à un stade
précoce, cest-dire lorsquelle répond mieux au traitement
et quelle est moins susceptible davoir des conséquences
graves ou dêtre fatale. Le dépistage est donc proposé en
appoint aux autres méthodes de réduction du fardeau du
cancer du poumon, dont les initiatives globales de lutte
contre le tabagisme et les interventions générales conçues
pour encourager labandon du tabagisme4. Aucun
programme structuré de dépistage du cancer du poumon na
encore émis en œuvre au Canada.
Portée
Les présentes lignes directrices constituent un document
dorientation destiné aux professionnels en soins primaires et
aux responsables des politiques sur le dépistage du cancer du
poumon. Elles remplacent les recommandations 2003 du
Groupe détude canadien sur les soins de santé
préventifs5. Depuis la publication des dernières
recommandations, des résultats détudes ont été publiés,
dont une étude denvergure à répartition aléatoire visant à
comparer la tomodensitométrie (TDM) à faible dose, qui
émet moins de rayonnement ionisant que la TDM ordinaire,
à la radiographie thoracique6.
Les études sur la TDM à faible dose qui sont toujours en
cours7-10 devraient fournir dautres données probantes sur
lefficacité du dépistage du cancer du poumon à laide de
cette méthode. Les recommandations actuelles seront peut-
être mises à jour une fois ces résultats publiés ou du moins au
cours des cinq prochaines années.
Méthodologie
Le groupe détude canadien sur les soins de santé
préventifs est un groupe dexperts indépendant formé de
cliniciens et de spécialistes de la méthodologie qui
formule des recommandations sur les interventions
cliniques visant la prévention primaire et secondaire
(www.canadiantaskforce.ca). Ces recommandations ont
été formulées par un groupe de travail formé de six
membres du Groupe et de scientifiques de lAgence de
la santé publique du Canada11.
Intérêts concurrents :
aucun déclaré.
Cet article a été revu par les
pairs.
* Les auteurs sont indiqués à
la fin de larticle, à la section
« Groupe de rédaction des
lignes directrices ».
La liste complète des
membres actuels du Groupe
d’étude canadien sur les
soins de santé préventifs se
trouve à ladresse
www.canadiantaskforce.ca/
members_eng.html
Pour écrire au Groupe détude
canadien sur les soins de santé
préventifs :
info@canadiantaskforce.ca
CMAJ, 2016. DOI: 10.1503
/cmaj.151421
© 2016 8872147 Canada Inc. ou ses concédants CMAJ, 5 avril 2016, 188(6) 425
CMAJ
Lignes directrices
Points cl
é
s
Chez les adultes âgés de 55 à 74 ans qui sont exposés à un risque élevé de
cancer du poumon (à savoir ceux qui fument ou qui ont cessé de fumer au
cours des 15 dernières années et qui ont des antécédents dau moins
30 paquets-années), il pourrait être avantageux de procéder au dépistage
annuel du cancer du poumon par TDM à faible dose pendant 3 années
consécutives (recommandation faible).
Cette recommandation faible sous-entend que les professionnels de la santé
doivent discuter avec leurs patients des avantages et des inconvénients du
dépistage du cancer du poumon par TDM à faible dose et leur transmettre
linformation sur les faux positifs, les effets indésirables des procédures
complémentaires invasives et le surdiagnostic.
En raison du risque dinconvénients liés au dépistage, la TDM à faible dose et la
prise en charge subséquente doivent être pratiquées dans un établissement de
soins de santé dont le personnel possède de lexpertise dans le diagnostic
précoce et le traitement du cancer du poumon.
Sur une période de 6,5 ans, il faudrait procéder au dépistage par TDM à faible
dose chez 322 personnes pour prévenir un décès des suites du cancer du
poumon.
Le tabagisme étant associé à 85 % des nouveaux cas de cancer du poumon au
Canada, la lutte contre le tabagisme et labandon du tabagisme sont essentiels
à la réduction de la morbidité et de la mortalité liées au cancer du poumon.
Les avantages du dépistage du cancer du poumon par TDM à faible dose ne
sont pas clairs chez les adultes âgés de moins de 55 ans ou de plus de 74 ans ni
chez les adultes qui sont exposés à un risque inférieur, selon leurs antécédents
de tabagisme (à savoir les adultes fumeurs qui ont des antécédents de moins
de 30 paquets-années ou les adultes qui ont cessé de fumer depuis plus de
15 ans).
Le dépistage du cancer du poumon par radiographie thoracique (avec ou sans
examen cytologique des expectorations) ne présente aucun avantage, mais il
comporte des inconvénients (p. ex., les faux positifs, les effets indésirables des
procédures complémentaires invasives et le surdiagnostic).
FMC
Lignes directrices
426
CMAJ, le 5
avril
2016, 188(6)
Une revue systématique visant à enrichir les
présentes lignes directrices a été effectuée par le Centre
d’analyse et de synthèse des données probantes de
l’Université McMaster (à Hamilton, en Ontario) avec
l’aide dun expert clinique, qui a agi à titre de consultant
indépendant, et de scientifiques de lAgence de la santé
publique du Canada12. Dans le cadre de cette revue
systématique, les avantages et les inconvénients du
dépistage du cancer du poumon relativement à la
mortalité toutes causes confondues, à la mortalité liée au
cancer du poumon, au stade du cancer du poumon au
moment du diagnostic, au taux dabandon du tabagisme,
aux faux positifs, aux effets indésirables des procédures
complémentaires invasives et au surdiagnostic ont été
évalués12. Un aperçu du cadre de travail analytique
comprenant des questions clés et contextuelles se trouve
dans lannexe 1 (à ladresse www.cmaj.ca/lookup/suppl/
doi:10.1503/cmaj.151421/-/DC1). Le Centre danalyse et de
synthèse des données probantes et le Groupe détude sest fondé
sur le système GRADE (Grading of Recommendations
Assessment, Development and Evaluation) pour
déterminer la qualité des données probantes et la force
des recommandations (voir lencadré 1)13.
Les recherches dans la documentation publiée ont été
fondées sur les recherches réalisées dans le cadre de la
revue systématique Cochrane 2013 sur le dépistage du
cancer du poumon14. Ces recherches ont été faites dans les
bases de données CENTRAL, MEDLINE,
PREMEDLINE et Embase jusqu’au mois de mai 2012.
De nouvelles recherches ont été faites sur la période
comprise entre mai 2012 et le 31 mars 2015 dans les
mêmes bases de données et à laide des mêmes termes que
lors de la revue Cochrane. Les études repérées dans le cadre
de la revue Cochrane qui répondaient aux critères du Centre
danalyse et de synthèse des données probantes ont été
récupérées. Les données ont ensuite été extraites et incluses
dans les tableaux de décision du système GRADE.
Concernant les inconvénients du dépistage, une nouvelle
recherche a été effectuée parmi les études à répartition
aléatoire contrôlées et les études dobservation pour veiller
à ce que toute la documentation publiée sur les
inconvénients jugés « critiques » soit repérée. Des
recherches dans les bases de données CENTRAL,
MEDLINE, PREMEDLINE et Embase ont été faites sur
la période comprise entre lan 2000 et le 31 mars 2015.
La revue systématique complète se trouve à ladresse
www.canadiantaskforce.ca.
Une nouvelle recherche pré-publication axée
uniquement sur les études à répartition aléatoire
contrôlées abordant la question des résultats critiques a
été effectuée dans MEDLINE, Embase et CENTRAL
sur les données de la période comprise entre le
31 mars 2015 et le 20 janvier 2016.
Les recommandations ont été revues et approuvées
par lensemble du groupe détude avant dêtre soumises
à un examen externe par des experts universitaires et
cliniques du domaine.
Le groupe détude applique un processus rigoureux
d’évaluation de la convivialité pour élaborer, en plus de
ses lignes directrices, des outils de transfert des
connaissances ciblant divers groupes dutilisateurs
finaux (p. ex. des cliniciens et des patients). La mise au
point de tous les outils est fondée sur les commentaires
des cliniciens (pour les outils destinés aux cliniciens et
aux patients) et des patients (pour les outils destinés aux
patients) tirés dentrevues, de groupes de discussion et
d’enquêtes.
Pour obtenir un complément dinformation sur la
méthodologie utilisée par le Groupe détude,
consultez entre autres11 le site Web de celui-ci
(http://canadiantaskforce.ca/methods/methods-manual/).
Recommandations
Nous recommandons de procéder au dépistage annuel
du cancer du poumon par TDM à faible dose pendant
une période maximale de 3 années consécutives chez les
adultes âgés de 55 à 74 ans qui ont des antécédents de
tabagisme dau moins 30 paquets-année, qui fument
encore ou qui ont cessé de fumer il y a moins de 15 ans.
Le dépistage doit être pratiqué dans un établissement de
soins de santé dont le personnel possède lexpertise
dans le diagnostic précoce et le traitement du cancer du
poumon (Recommandation faible, données probantes de
faible qualité).
Nous ne recommandons pas de procéder au
dépistage par TDM à faible dose chez les autres adultes,
quel que soit leur âge, leurs antécédents de tabagisme et
autres facteurs de risque de cancer du poumon
(Recommandation forte, données probantes de très
faible qualité).
Nous recommandons que la radiographie
thoracique, avec ou sans examen cytologique des
expectorations, ne soit pas utilisée pour le dépistage du
cancer du poumon (Recommandation forte, données
probantes de faible qualité).
Encadré 1 : Classification des recommandations
Les recommandations sont classées selon le système GRADE (Grading of
Recommendations Assessment, Development and Evaluation)13. Le système GRADE
propose deux niveaux de recommandation forte et faible. La force de nos
recommandations repose sur la qualité des données probantes à lappui; le deg
d’incertitude quant à lécart entre les effets désirables et les effets indésirables; le
degré dincertitude ou la variabilité quant aux valeurs et aux préférences; et le deg
d’incertitude quant à lutilisation judicieuse des ressources pour mener à bien
l’intervention.
Une recommandation est forte si le Groupe détude canadien sur les soins de santé
préventifs est convaincu que les effets désirables dune intervention lemportent sur
les effets indésirables (recommandation forte en faveur dune intervention) ou que les
effets indésirables dune intervention lemportent sur les effets désirables
(recommandation forte contre une intervention). Une recommandation forte sous-
entend que la plupart des personnes bénéficieraient de la mesure recommandée.
Une recommandation est faible si les effets désirables lemportent probablement sur
les effets indésirables (recommandation faible en faveur dune intervention) ou dont
les effets indésirables lemportent probablement sur les effets désirables
(recommandation faible contre une intervention), mais dont le degré dincertitude est
appréciable. Une recommandation faible sous-entend que la plupart des personnes
seraient en faveur de la mesure recommandée, mais de nombreuses personnes ne le
seraient pas.
Les cliniciens doivent donc reconnaître que le choix approprié sera différent dune
personne à lautre et aider chaque personne à prendre une décision en matière de prise
en charge qui corresponde à ses valeurs et à ses préférences. Pour établir ces politiques,
il faudra un débat de fond et la participation de divers intervenants. Des
recommandations faibles sont formulées lorsque lécart entre les effets désirables et les
effets indésirables est petit, la qualité des données probantes est inférieure ou la
variabilité quant aux valeurs et aux préférences des patients est marquée.
Les données probantes sont classées comme élevées, modérées, faibles ou très
faibles, tout dépendant de la probabilité que dautres études changent le niveau de
confiance dans lestimation des effets. (annexe 2, disponible à ladresse
www.cmaj.ca/www.cmaj.ca/lookup/suppl/ doi:10.1503/cmaj.151421/-/DC1).
CMAJ, le 5
avril
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427
Un résumé des recommandations se trouve dans
l’encadré 2 et un résumé clinique se trouve dans
l’annexe 2 (disponible à ladresse www.cmaj.ca/
lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.151421/-/DC1). Pour
ses recommandations, le Groupe détude a cherché à
trouver le juste équilibre entre les avantages et
inconvénients potentiels du dépistage du cancer du
poumon, en jaugeant les avantages attendus dune
détection précoce de la maladie à laune des
inconvénients que sont le surdiagnostic et les procédures
complémentaires invasives.
Ces recommandations sappliquent aux adultes âgés
de 18 ans et plus chez lesquels un cancer du poumon
n’est pas suspecté. Ces recommandations ne
s’appliquent pas aux personnes ayant des antécédents de
cancer du poumon ni à celles qui présentent des signes
ou des symptômes de cancer du poumon.
Avantages du dépistage
La revue systématique réalisée pour le Groupe détude
comprenait 33 études sur le dépistage du cancer du
poumon. En tout, 13 études à répartition aléatoire
contrôlées ont été menées pour étudier les avantages du
dépistage12, et 7 études de faible qualité ont permis de
comparer le dépistage par radiographie thoracique (avec
ou sans examen cytologique des expectorations) à
l’absence de dépistage ou au dépistage moins intensif
(p. ex. dépistage par radiographie thoracique à
intervalles plus longs ou suggestion de la radiographie
thoracique). Ces études ont révélé des avantages minces
sur le plan de la détection précoce de la maladie. Le
dépistage par radiographie thoracique a permis de
détecter plus de cas de cancer du poumon au stade
précoce et moins de cas de cancer du poumon au stade
avancé, comparativement à ce qui a été observé dans les
groupes recevant les soins habituels. Toutefois, ce type
de dépistage n’a pas permis de réduire la mortalité liée
au cancer du poumon (risque relatif [RR] : 0,99;
intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,92-1,07]) ni la
mortalité toutes causes confondues (RR : 0,98, IC à
95 % : 0,96-1,00), comparativement à ce qui a été
obser dans les groupes recevant les soins habituels12.
Dans le cadre de trois études de faible qualité, le
dépistage annuel par TDM à faible dose a été comparé à
l’absence de dépistage ou aux soins habituels. Aucune
différence na été observée sur le plan de la mortali
liée au cancer (RR : 1,30; IC à 95 % : 0,81-2,11) ou de
la mortalité toutes causes confondues (RR : 1,38; IC à
95 % : 0,86-2,22) après 5 ans ou moins de suivi12. Une
recherche récente dans la documentation publiée a
révélé une étude à répartition aléatoire15 associée à des
résultats intérimaires sur le dépistage précoce du cancer
du poumon par TDM multi-coupe à faible dose
(comparativement à labsence de dépistage) en
Allemagne après 5 ans de suivi. Lajout de ces
nouveaux résultats à lanalyse de la mortalité toutes
causes confondues na pas modifié les résultats de façon
significative (RR : 1,20; IC à 95 % : 0,83-1,73).
Deux études visant à comparer la TDM à faible dose
à la radiographie thoracique ont également été trouvées.
Bien que le dépistage par radiographie thoracique ne
fasse pas partie des soins habituels au Canada, ces
études ont été incluses dans lanalyse des données
probantes parce que des études précédentes navaient
révélé aucune différence sur le plan de la mortalité entre
les groupes « radiographie thoracique » et les groupes
« soins habituels ». Une des études comprenait des
résultats liés à la mortalité (National Lung Screening
Trial)6.
Les chercheurs de létude intitulée National Lung
Screening Trial (étude à répartition aléatoire contrôlée
de qualité supérieure) ont conclu à une réduction de la
mortalité liée au cancer du poumon de lordre de 15 %
(RR : 0,85; IC à 95 % : 0,75-0,96) et à une réduction de
la mortalité toutes causes confondues de lordre de 6 %
(RR : 0,94; IC à 95 % : 0,88-1,00) associées au
dépistage par TDM à faible dose, comparativement au
dépistage par radiographie thoracique après un suivi de
6,5 ans16. Autrement dit, soumettre 1 000 personnes à
3 tests de dépistage par TDM à faible dose à intervalles
d’un an permet de prévenir trois décès des suites du
cancer du poumon, comparativement au dépistage par
radiographie thoracique (nombre nécessaire pour le
dépistage = 322). Le dépistage par TDM à faible dose a
permis de réduire le risque absolu de mortalité liée au
cancer du poumon de 0,31 % et de mortalité toutes
causes confondues de 0,46 %12. La TDM à faible dose
a également permis de détecter un nombre
significativement plus élevé de cas de cancer du
poumon au stade précoce (8 cas de plus par
1 000 personnes soumises au dépistage) et un nombre
significativement moins élevé de cas de cancer du
poumon au stade avancé (4 cas de moins par 1 000
personnes soumises au dépistage), comparativement à la
radiographie thoracique. Les résultats de la deuxième
étude17 visant à comparer la TDM à faible dose à la
radiographie thoracique nont pas été regroupés avec les
résultats de létude National Lung Screening Trial dans
la revue systématique en raison de lincompatibilité de
leur période de suivi ( 12 mois), du nombre insuffisant
d’événements déclarés (cancers du poumon) et de
l’absence de déclaration des résultats liés à la
mortalité12.
Les données probantes tirées de quatre études nont
révélé aucune différence significative sur le plan du taux
d’abandon du tabagisme entre les groupes soumis au
dépistage (TDM à faible dose ou radiographie
thoracique) et les groupes témoins12. Le risque de biais
de ces études nétait pas clair étant donné que ce résultat
est auto-déclaré.
Inconvénients du dépistage
Les inconvénients du dépistage et des procédures
complémentaires invasives son tirés de 31 études, dont
de nombreuses étaient des études dobservation12. Les
principaux inconvénients comprenaient les faux
Encadré 2 : Résumé des recommandations pour les cliniciens et les
responsables des politiques
Ces recommandations sappliquent aux adultes âgés de 18 ans et plus chez lesquels un
cancer du poumon nest pas suspecté. Ces recommandations ne sappliquent pas aux
adultes ayant des antécédents de cancer du poumon ni à celles qui présentent des signes
ou des symptômes de cancer du poumon.
Nous recommandons de procéder au dépistage annuel du cancer du poumon par
tomodensitométrie (TDM) à faible dose pendant une période maximale de 3 années
consécutives chez les adultes âgés de 55 à 74 ans qui ont des antécédents de tabagisme dau
moins 30 paquets-année, qui fument encore ou qui ont cessé de fumer il y a moins de 15 ans.
Le dépistage doit être pratiqué dans un établissement de soins de santé dont le personnel
possède lexpertise dans le diagnostic précoce et le traitement du cancer du poumon
(Recommandation faible, données probantes de faible qualité).
Nous ne recommandons pas de procéder au dépistage par TDM à faible dose chez les autres
adultes, quel que soit leur âge, leurs antécédents de tabagisme et autres facteurs de risque de
cancer du poumon (Recommandation forte, données probantes de très faible qualité).
Nous recommandons que la radiographie thoracique, avec ou sans examen cytologique des
expectorations, ne soit pas utilisée pour le dépistage du cancer du poumon (Recommandation
forte, données probantes de faible qualité).
Lignes directrices
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CMAJ, le 5
avril
2016, 188(6)
positifs, le décès et les complications importantes
associées aux procédures complémentaires invasives et
le surdiagnostic.
Les données tirées de la National Lung Screening Trial
suggèrent que pour chaque tranche de 1 000 personnes
soumises à 3 dépistages annuels par TDM à faible dose,
391 personnes obtiendraient au moins un résultat positif,
40 personnes auraient le cancer du poumon et
351 personnes obtiendraient un résultat faux positif6, 12.
Pour cette raison, des procédures complémentaires, y
compris des interventions invasives mineures (p. ex. une
bronchoscopie ou une biopsie à laiguille) et des
interventions invasives majeures (p. ex. une thoracotomie
ou une thoracoscopie) doivent être réalisées pour
déterminer si le cancer du poumon est à lorigine du
résultat positif obtenu par TDM à faible dose. Bien que ce
soit rare, ces procédures sont associées à un risque de
complications majeures et peuvent même être fatales.
Selon les données de la National Lung Screening Trial,
3 personnes sur 1 000 personnes soumises au dépistage par
TDM à faible dose présentent des complications majeures
par suite de procédures invasives, et moins dune personne
sur 1 000 personnes soumises au dépistage meurt après
avoir subi une procédure invasive (au cours des 60 jours
suivants)6, 12. Certaines de ces complications surviennent
chez des personnes qui reçoivent des résultats faux
positifs. Les données tirées de 17 études ont révélé que
5 personnes sur 1 000 personnes soumises au dépistage par
TDM à faible dose avaient inutilement fait lobjet dune
procédure invasive majeure visant un problème de santé
qui sest ultimement révélé bénin (comparativement à
3 personnes sur 1 000 personnes soumises au dépistage par
radiographie thoracique)12.
« Surdiagnostic » est le terme qui désigne le
dépistage et le diagnostic chez une personne
asymptomatique dans le cas dun cancer du poumon à
évolution lente qui ne lui aurait jamais causé de tort au
cours de sa vie18. Bien que les estimations actuelles de la
fréquence du surdiagnostic du cancer du poumon varient
selon les seuils fixés et bien que les données sur le sujet
soient fondées sur un suivi limité, des études
d’observation suggèrent que de 2 % à 16 % des cancers
du poumon détectés par radiographie thoracique et de
11 % à 26 % des cancers du poumon détectés par TDM
à faible dose soient associés à des surdiagnostics12. Le
surdiagnostic entraîne souvent des traitements inutiles
(surtraitement), lesquels peuvent être nuisibles.
Caractéristiques du rendement des
outils de dépistage
Les caractéristiques des diverses technologies de TDM à
faible dose (p. ex. la TDM multi-coupe et la TDM en
acquisition volumique) (mais pas la radiographie
thoracique) ont été examinées dans le cadre de lexamen
effectué pour le Groupe détude12. La sensibilité de la
TDM à faible dose est élevée (de 80 % à 100 %), mais
sa spécificité varie grandement (de 28 % à 100 %), ce
qui contribue probablement à la fréquence élevée des
résultats faux positifs. Des études sur le rendement des
épreuves diagnostiques ont révélé que la TDM multi-
coupe, jumelée à la lecture et au diagnostic assistés par
ordinateur et à deux lecteurs de radiographies
autonomes, est la technique qui offre la plus grande
sensibilité (94,6 %) et la plus grande spécificité
(98,3 %)12. À titre de comparaison, la TDM en
acquisition volumique à faible dose, sans lecture et
diagnostic assistés par ordinateur, mais avec un lecteur
de radiographie, est la technique qui a été utilisée dans
le cadre de la National Lung Screening Trial. Sa
sensibilité déclarée a alors été de 94,4 %, et sa
spécificité, de 72,6 %6, 12. Les seuils fixés pour conclure
à un résultat positif à la TDM à faible dose variaient
d’une étude à lautre (de > 3 à > 10 mm). À lheure
actuelle, il ny a pas de consensus sur le seuil associé à
l’optimisation de léquilibre entre la réduction de la
mortalité et la réduction maximale des inconvénients.
Fondement
Les conclusions tirées de la National Lung Screening Trial6
suggèrent que le dépistage par TDM à faible dose peut
réduire la mortalité liée au cancer du poumon chez les
patients qui sont exposés à un risque élevé. Par contre, cet
avantage na été observé que dans le cadre dune étude à
répartition aléatoire contrôlée, sans compter que le
dépistage et les procédures complémentaires invasives
peuvent avoir des inconvénients. De plus, bien quil ny ait
pas de raison de croire que le dépistage par radiographie
thoracique augmente le risque de mortalité lié au cancer du
poumon, les chercheurs de la National Lung Screening
Trial ont comparé le dépistage par TDM à faible dose au
dépistage par radiographie thoracique et non le dépistage
par TDM à faible dose à labsence de dépistage (données
indirectes). Conséquemment, le Groupe détude a formu
une recommandation faible pour le dépistage par TDM à
faible dose chez les hommes et les femmes qui sont exposés
à un risque élevé de cancer du poumon (adultes fumeurs ou
ex-fumeurs âgés de 55 à 74 ans ayant des antécédents dau
moins 30 paquets-années). Lensemble des données qui
appuient cette recommandation est jugé de faible qualité.
La recommandation est entre autres fondée sur les données
tirées dune étude de qualité supérieure (National Lung
Screening Trial)6, mais les résultats critiques, eux, ont é
fondés sur les données dautres études de faible qualité.
Conformément à la méthodologie du système GRADE, la
détermination de la qualité de lensemble des données doit
être fondée sur les données de plus faible qualité utilisées.
Les recherches qui sont en cours pourraient altérer le niveau
de confiance quon associe aux avantages du dépistage du
cancer du poumon par TDM à faible dose. Nos
recommandations seront donc réévaluées une fois que ces
nouvelles données seront publiées.
La recommandation en faveur du dépistage de la
population qui est exposée à un risque élevé accorde
plus de valeur aux petits avantages que sont la réduction
de la mortalité liée au cancer du poumon et la
connaissance du pronostic sombre du cancer du poumon
non traité19. Elle accorde moins de valeur au risque
d’effets indésirables, au surdiagnostic et au manque de
données comparatives entre le dépistage par TDM à
faible dose et labsence de dépistage. Aucune étude sur
le dépistage par TDM à faible dose menée auprès
d’adultes exposés à un risque faible ou modéré de
cancer du poumon ou dadultes ayant dautres facteurs
de risque non liés au tabagisme (p. ex. lexposition au
radon) ne portait sur les résultats jugés critiques ou
importants par le Groupe détude. Par conséquent,
l’ensemble des données a été jugé de très faible qualité.
L’avantage absolu du dépistage devrait être moins
important chez les hommes et les femmes qui ne sont
pas exposés à un risque élevé de cancer du poumon (à
savoir les fumeurs qui ont des antécédents de moins de
30 paquets-années ou ceux qui ont cessé de fumer il y a
plus de 15 ans) que chez les patients exposés à un risque
élevé qui ont participé à la National Lung Screening
CMAJ, le 5
avril
2016, 188(6)
429
Trial, mais ils risqueraient tout de même de subir les
inconvénients (p. ex. les résultats faux positifs, les
conséquences des procédures complémentaires
invasives et le surdiagnostic) associés au dépistage. Pour
ces raisons, nous recommandons fortement de ne pas
procéder au dépistage chez les adultes qui ne sont pas
exposés à un risque élevé ou qui ont dautres facteurs de
risque de cancer du poumon non associés au tabagisme.
Nous avons fondé notre recommandation forte
contre le dépistage par radiographie thoracique sur les
données de faible qualité parce que les données
disponibles suggèrent quil ny a aucun avantage à
procéder au dépistage par radiographie thoracique sur
le plan de la mortalité liée au cancer du poumon ou de
la mortalité toutes causes confondues, seulement des
inconvénients (p. ex. le surdiagnostic, les résultats
faux positifs et les complications associées aux
procédures complémentaires).
Considérations relatives à la mise
en œuvre des recommandations
Ces recommandations sappliquent seulement aux
adultes chez lesquels un cancer du poumon nest pas
suspecté, selon des données cliniques. Chez les adultes
qui présentent des symptômes de cancer du poumon
(p. ex. hémoptysie, perte de poids et dyspnée), quel que
soit leur âge et leurs antécédents de tabagisme, les
cliniciens doivent envisager les épreuves diagnostiques
indiquées sur le plan clinique.
Une recommandation faible signifie que la plupart
des adultes admissibles voudraient être soumis au
dépistage du cancer du poumon, mais que bon nombre
d’entre eux choisiront peut-être, et avec raison, de sy
soustraire. Les professionnels en soins primaires doivent
discuter des inconvénients et des avantages possibles du
dépistage avec leurs patients qui sont exposés à un
risque élevé de cancer du poumon en raison de leur âge
et de leurs antécédents de tabagisme. Ils doivent
également envisager l’état de santé général de leurs
patients au moment daborder ce sujet avec eux, car
l’espérance de vie du patient doit être raisonnable et
celui-ci doit pouvoir recevoir le traitement du cancer du
poumon (lorsquun tel cancer a été détecté) pour que le
dépistage soit avantageux. Les personnes qui accordent
une valeur supérieure aux avantages sur le plan de la
réduction possible de la mortalité et qui se soucient
moins des inconvénients associés au dépistage (p. ex. le
taux élevé de faux positifs et les complications des
procédures complémentaires) seront plus susceptibles
d’opter pour le dépistage, alors que celles qui sont
préoccupées par les inconvénients et les avantages
négligeables sur le plan de la mortalité choisiront peut-
être de sy soustraire.
Étant donné que lexactitude de la détection et la qualité
des épreuves et de la prise en charge complémentaires sont
essentielles à lobtention dun rapport avantages/
inconvénients favorable, le dépistage du cancer du poumon
par TDM à faible dose devrait uniquement être envisagé
dans les établissements de soins de santé dont le personnel
peut offrir des soins complets qui sont semblables ou
supérieurs aux soins offerts dans le cadre de la National
Lung Screening Trial6 (p. ex. les centres où travaillent des
radiologistes et des techniciens en radiologie compétents
qui suivent des lignes directrices en matière de suivi post-
examen et post-diagnostic qui sont conformes au protocole
de létude et qui posdent lexpertise dans le diagnostic
précoce et la prise en charge du cancer du poumon).
L’intégration doutils de calcul du risque à laide de
valeurs sur les nodules peut également réduire le risque
de surdiagnostic et le taux de résultats faux positifs. La
mise en œuvre de ces recommandations dans les
établissements de soins de santé dont le personnel ne
possède pas lexpertise nécessaire pourrait faire en sorte
que le rapport avantages/inconvénients ne soit plus
favorable. Le Groupe détude reconnaît que la TDM à
faible dose et lexpertise nécessaire ne sont pas
accessibles à lheure actuelle dans certaines régions du
Canada (p. ex. dans les régions rurales et éloignées). Il
s’agit dun problème auquel les responsables des
politiques doivent remédier.
Valeurs et préférences des patients
Les préférences des patients à légard du dépistage du
cancer du poumon ont été évaluées dans le cadre de
sept études comprises dans la revue systématique12. De
nouvelles données sur ce sujet ont également été recueillies
pour le Groupe détude. La revue systématique a permis de
conclure que la plupart des participants du groupe de
patients exposés à un risque élevé (à savoir les adultes
fumeurs ou ex-fumeurs âgés de 55 à 74 ans) manifestent
beaucoup dintérêt pour le dépistage du cancer du poumon
en raison de leurs antécédents de tabagisme, de leur
conviction que le diagnostic précoce améliore les résultats
et de leurs antécédents familiaux de cancer du poumon12.
Les obstacles possibles à la participation comprennent les
inconvénients du dépistage et les expériences négatives
avec les travailleurs de la santé ou les établissements de
soins de santé. Les patients qui ont été soumis au dépistage
du cancer du poumon par TDM à faible dose nont pas
éprouvé de sentiment de détresse ou danxiété
substantielles12. Dans le contexte de lévaluation du
Groupe détude, la constance des données permettant de
conclure que les patients qui sont exposés à un risque élevé
veulent être soumis au dépistage du cancer du poumon
appuie la recommandation en faveur du dépistage chez ce
groupe.
Le Groupe détude a organisé une série de réunions
de groupes de discussion et mené une enquête auprès de
15 membres du public (âge moyen de 63 ans [plage de
36 à 76 ans], dont 12 étaient des femmes et 8 étaient
fumeurs ou ex-fumeurs) pour évaluer les perceptions
que les patients ont de ces recommandations relatives au
dépistage du cancer du poumon20. En général, les
participants étaient daccord pour dire que ces
recommandations étaient adéquates, avantageuses et
possibles à mettre en œuvre, même si certains se
disaient préoccupés par laccès à la TDM à faible dose
et ladmissibilité limitée aux adultes âgés de 55 à
74 ans.
Autres considérations
Si la période de dépistage était plus longue ou si le
dépistage était plus intensif, les avantages seraient peut-
être plus nombreux, mais ce nest quune spéculation
puisquaucune donnée détude à répartition aléatoire
contrôlée nappuie une telle recommandation. Bien
quun programme de dépistage continu (à savoir plus de
trois tests de dépistage) puisse réduire encore davantage
la mortalité, il pourrait également entraîner plus de
résultats faux positifs et de complications associées aux
procédures complémentaires invasives, ce qui pourrait
perturber léquilibre entre les avantages et les
inconvénients, conformément aux conclusions de la
National Lung Screening Trial6.
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