La doxa occidentale et la diabolisation de l'Islam
Extrait du Oulala.net
http://www.oulala.net
La doxa occidentale et la diabolisation
de l'Islam
- Tribunes - Tribunes -
Date de mise en ligne : lundi 6 juillet 2009
Oulala.net
Copyright © Oulala.net Page 1/5
La doxa occidentale et la diabolisation de l'Islam
« La nature d'une civilisation, c'est ce qui s'agrège autour d'une religion. Notre civilisation
est incapable de construire un temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa
valeur fondamentale, ou elle se décomposera. »
André Malraux
On assiste de nos jours en Europe à des tentatives lancinantes pour stigmatiser toujours et toujours la communauté
musulmane, pour attiser les tensions, et semer la méfiance et la haine, tout cela accompagné par un contexte de
crise qui ne fait qu'aggraver toutes les peurs. Tout ceci dans un contexte nébuleux de lieux communs concernant les
préjugés contre l'Islam visant à ne présenter que le côté « fondamentaliste » propre à toutes les religions révélées.
Les médias occidentaux acquis dans leur immense majorité à ce discours tendent graduellement vers une
lepénisation des esprits par une doxa incantée comme une certitude. Qu'est au juste la doxa ? Pour l'encyclopédie
Wikipédia, la doxa est l'ensemble - plus ou moins homogène - d'opinions (confuses ou non), de préjugés populaires
ou singuliers, de présuppositions généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles
se fonde toute forme de communication, sauf par principe, celles qui tentent précisément de s'en éloigner telles que
les communications scientifiques et tout particulièrement le langage mathématique. La doxa (du grec äüîá, doxa, «
opinion »), est, dans la philosophie de Parménide, l'opinion confuse que l'on se fait sur quelqu'un ou sur un aspect
de la réalité, par opposition au vrai chemin d'accès à la vérité.
L'Express a publié une enquête début 2006 sur la montée de l'Islam en Europe. L'un des points d'appui de cette
enquête tourne autour de la position de Malraux vis-à-vis de l'Islam. Malraux lors de la campagne présidentielle en
1974 écrivait : « Politiquement, l'unité de l'Europe est une utopie. Il faudrait un ennemi commun pour l'unité politique
de l'Europe, mais le seul ennemi commun qui pourrait exister serait l'Islam. » Cette position sans nuance a été
affirmée bien avant l'idélogie des néoconservateurs aux Etats-Unis qui ont tout fait pour créer le clash que l'on sait et
qui a duré huit ans sous l'ère de G.W. Bush. Déjà en 1956 au plus fort de la guerre d'Algérie, Malraux en visionnaire
traçait à sa façon le chemin à des idéologues comme Huntington et surtout Bernard Lewis. Que disait-il ? : « La
nature d'une civilisation, c'est ce qui s'agrège autour d'une religion. Notre civilisation est incapable de construire un
temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera. » « C'est le
grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos
contemporains, cette montée de l'Islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de
Lénine. De même aujourd'hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l'Islam. En
théorie, la solution paraît d'ailleurs extrêmement difficile. Les données actuelles du problème portent à croire que des
formes variées de dictature musulmane vont s'établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis
"musulmane", je pense moins aux structures religieuses qu'aux structures temporelles découlant de la doctrine de
Mahomet. Dès maintenant, le sultan du Maroc est dépassé et Bourguiba ne conservera le pouvoir qu'en devenant
une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l'islam, si elles
avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les "misérables" ont d'ailleurs peu à perdre. Ils
préfèreront conserver leur misère à l'intérieur d'une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé.
Nous avons d'eux une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils
préfèreront l'avenir de leur race. Tout ce que nous pouvons faire, c'est prendre conscience de la gravité du
phénomène et tenter d'en retarder l'évolution. » (1)
« Pendant des décennies, écrivent Eric Conan et Christian Makarian, la plupart des pays ont compté sur leur force
d'attraction et d'intégration pour que ces nouveaux fidèles se fondent dans leurs modèles. Ils s'aperçoivent
aujourd'hui que certaines revendications remettent en question leurs propres valeurs. En France et chez ses
voisins.(...) l'actualité européenne de ces derniers mois donne en effet l'impression que dans la plupart des pays
Copyright © Oulala.net Page 2/5
La doxa occidentale et la diabolisation de l'Islam
membres, l'Islam est devenu sinon un ennemi, du moins un problème commun. Partout semble décrétée « la fin de
la dictature de l'euphémisme », selon la formule du ministre français de l'Intérieur annonçant que nous sommes "en
guerre" contre le "djihadisme global". En 1989, l'Europe avait cru sortir des tensions de l'Histoire avec l'effondrement
de l'hydre soviétique. (...) Comme si, dans l'histoire longue du continent, la parenthèse refermée de la courte
confrontation Est-Ouest du XXe siècle laissait à nouveau la place au face-à-face entre Islam et Occident balisé par
quelques dates immémoriales dans l'histoire de l'Europe et du monde musulman : 732, la victoire de Poitiers ; 1492,
la reconquête de la péninsule Ibérique ; 1571, la bataille de Lépante ; 1683, le siège de Vienne, et 1918, la chute de
l'Empire ottoman. Une histoire qui a laissé des traces profondes dans la vie quotidienne des Européens, dont
beaucoup trempent tous les jours un "croissant" dans leur café sans savoir que ce rite date de la défaite de la
"Horde" (l'armée turque) devant les remparts de Vienne »(2)
« Aujourd'hui, la plupart des pays européens révisent cette vision optimiste en reconnaissant, de manière
simultanée, avoir négligé deux phénomènes plus puissants que prévu. D'une part, l'intensité de la crise du monde
musulman face à la modernité : les violents conflits internes que connaît cette religion, au bénéfice croissant des
islamistes - dont des milliers de musulmans dans le monde sont les premières victimes - se propagent sur le sol
européen. D'autre part, la redécouverte de la prégnance religieuse dans une Europe qui s'en était affranchie au point
de ne même pas vouloir en garder trace dans le préambule de sa Constitution. L'Européen moyen qui feuillette
vaguement un quotidien gratuit dans le métro, s'étonne de voir son voisin psalmodier sur le Coran avec une ferveur
oubliée, y compris en Espagne ou en Italie. » (2)
« Gilles Kepel, qui l'étudie depuis vingt ans, explique que cet islam de l'Ouest, divisé, n'a pas encore choisi entre
deux destins : soit un aggiornamento à valeur exemplaire pour le reste du monde, soit devenir la tête de pont d'un
prosélytisme qui, à en croire les plus exaltés, assurerait la troisième - et victorieuse - expansion islamique sur le sol
européen » (...)Cet abandon par l'Europe de ses propres valeurs a ainsi livré des millions d'individus à la propagande
très organisée du Conseil européen de la fatwa et de la recherche, créé en 1997 pour fédérer 27 organisations
islamiques sur le continent. (...) Si la vieille Europe est malade, c'est surtout d'oublier le prix des valeurs que son
histoire a forgées. Elle semble en être lasse ou honteuse au point de ne pas entendre ceux qui, au sein de cet islam
en convulsion, lui rappellent combien ce trésor doit être protégé et préservé des extrémistes qui veulent le détruire.
(...) Publiée l'été dernier, la fiction Mosquée Notre Dame de Paris, d'Elena Chudinova, fait un tabac dans les librairies
de Russie. L'auteur imagine la France en 2040, sous l'emprise de l'Islam, devenu majoritaire et proclamé religion
d'Etat, avec application de la charia. Un groupe de chrétiens se lance dans la résistance armée.(2)
On remarque que l'Islam est chaque fois associé à la violence en faisant l'impasse sur les textes sur la violence
occidentalo-judéo-chrétienne qui est apocalyptique. Entre immigration et conversions, la religion musulmane fait de
plus en plus d'adeptes sur le Vieux Continent. Voilà trempé dans le vitriol l'état d'esprit des biens-pensants
européens qui dénient à l'Islam tout apport civilisationnel, le contenant dans un catalogue de règles
antidémocratiques et surtout qui asservissent la femme ; cheval de bataille de l'Europe qui veut libérer la musulmane
pour en faire un objet, certes libre mais esclave d'une vision matérialiste et consumériste qui lui fait perdre son rôle
de matrice de la cohésion familiale et partant responsable de l'effritement des valeurs de la société occidentale.
Pourtant, à toutes les époques il s'est trouvé des penseurs, des poètes, des intellectuels, en un mot, occidentaux qui
ont loyalement décrit l'Islam.
Alphonse de Lamartine (1865) a écrit : « Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d'idées,
restaurateur de dogmes rationnels, d'un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d'un empire
spirituel, voilà Mohammed ! A toutes les échelles où l'on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ?
» Georges Bernard Shaw, protestant, dramaturge, prix Nobel de littérature en 1925, disait du Prophète Mohammed,
dans l'Islam authentique,1935 : « J'ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohammed parce
qu'elle déborde d'une vitalité merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d'assimiler la
phase changeante de l'existence, pouvoir qui peut la rendre si alléchante à toute période. J'ai étudié cet homme
merveilleux, et, à mon avis, loin d'être un antéchrist, il doit être appelé le Sauveur de l'humanité. »
Copyright © Oulala.net Page 3/5
La doxa occidentale et la diabolisation de l'Islam
A défaut de citer tous les spécialistes de l'Islam conquérant, citons un deuxième intellectuel qui a idéologisé la
croisade contre l'Islam, Bernard Lewis, dont la plus grande majorité de sa carrière l'avait fait connaître à l'époque
comme un spécialiste de la Turquie qui, au passage, ne reconnaissait pas en tant qu'historien la doxa occidentale là
aussi, qui veut que les Arméniens aient subi un génocide de la part des Turcs. Depuis, il a enfourché, le dada de la
croisade contre l'Islam.
Ce brusque revirement sur le tard de Bernard Lewis qui se mit à attaquer lui permit de servir de référence à
l'adminsiration américaine sous Goerges Bush. Examinons l'analyse d'Alain Gresh du Monde Diplomatique à ce
propos : « M. Bolkestein a déclaré incompatibles au début des années 1990 les valeurs des immigrés musulmans et
celles de son pays. Évoquant récemment le projet d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et la « pression
migratoire », il mettait en garde : « Si cela devait arriver, la libération de Vienne, en 1683, n'aurait servi à rien. » Nous
« les » avions arrêtés à Poitiers...Nous « les » avions arrêtés devant Vienne...Nous « les » arrêterons encore...Pour
renforcer sa démonstration, il citait l'historien Bernard Lewis : « L'Europe sera musulmane d'ici à la fin du siècle. » (3)
« (...) Depuis l'accession de M.George W.Bush à la présidence des Etats-Unis, Bernard Lewis est devenu un
conseiller écouté, proche des néoconservateurs, notamment de M.Paul Wolfovitz. (..) Pourtant, sans réduire ses
recherches à ses engagements, les uns comme les autres sont traversés par un fil rouge : le monde musulman est
pétrifié dans une opposition fondamentale à l'Occident. Dès 1957, il "découvre" le choc des civilisations : Les
ressentiments actuels des peuples du Moyen-Orient se comprennent mieux lorsqu'on s'aperçoit qu'ils résultent, non
pas d'un conflit entre des Etats ou des nations, mais du choc entre deux civilisations. Commencé avec le
déferlement des Arabes musulmans vers l'Ouest et leur conquête de la Syrie, de l'Afrique du Nord et de l'Espagne
chrétiennes, le "grand débat", comme l'appelait Gibbon, entre l'Islam et la chrétienté s'est poursuivi avec la
contre-offensive chrétienne des Croisades et son échec, puis avec la poussée des Turcs en Europe, leur farouche
combat pour y rester et leur repli. Depuis un siècle et demi, le Moyen-Orient musulman subit la domination de
l'Occident - domination politique, économique et culturelle, même dans les pays qui n'ont pas connu un régime
colonial (...). Je me suis efforcé de hisser les conflits du Moyen-Orient, souvent tenus pour des querelles entre Etats,
au niveau d'un choc des civilisations. » (...) « Le coeur de l'idéologie de Bernard Lewis à propos de l'Islam est que
celui-ci ne changera jamais, souligne Edward Saïd, (...) que toute approche politique, historique ou universitaire des
musulmans doit commencer et se terminer par le fait que les musulmans sont des musulmans. » Et sans doute
quelque scientifique américain découvrira bientôt un gène de l'Islam, gène qui expliquera ce qui « les » différencie du
reste de l'humanité civilisée.(3)
Alors comment les différents Etats européens doivent réagir vis-à-vis de ce phénomène ? Et surtout quelle est la
position de cette coalition impérialiste et sioniste qui domine, tire les ficelles et tente d'orienter nos sociétés. Devant
cette veillée d'armes entretenue entre un Islam piètrement défendu en se focalisant sur l'accessoire et en oubliant
l'essentiel, comment aller vers l'autre avec une parole désarmée et se mobiliser et à mettre les moyens pour ouvrir
les canaux de dialogue et de communication entre l'ensemble des citoyens, pour mieux se connaître, se
comprendre, dissiper les peurs, les préjugés et les malentendus et oeuvrer ensemble à construire la nouvelle
communauté internationale.
Les musulmans ont besoin de retrouver l'essence du message originel. Ils ont besoin d'un nouveau souffle capable
de faire en sorte que la Foi ne se refroidisse pas en rites pervertis par les hommes. Ils ont besoin de nouveaux
Djamel Eddine Al Afghani qui seront de leur temps des penseurs qui pensent non pas en fonction de la doxa
occidentale, mais en fonction d l'apport réel à la communauté humaine . Nous devons tourner le dos aux exégèses
auto-proclamés ces intellectuels européens d'origine arabe qui s'autorisent au nom de leur racine et de leur « Islam
dit des Lumières », et qui , en voulant plaire voire se faire une « place au soleil en Occident » font assaut
d'allégeance pour présenter, en fait, un Islam soft discrédité, sans aspérité un Islam édulcoré où la foi s'est refroidie
en rites et en folkhlore. une grande partie
Pour être crédibles, il nous faut l'être d'abord chez nous en militant pour l'avenir de sociétés endogènes fascinées
Copyright © Oulala.net Page 4/5
La doxa occidentale et la diabolisation de l'Islam
par l'avenir. Malek Bennabi disait que les sciences morales, sociales et psychologiques sont aujourd'hui plus
nécessaires que les sciences de la matière qui constituent plutôt un danger dans une société où les hommes restent
ignorants d'eux-mêmes. Mais il est infiniment plus difficile de connaître et de faire de l'homme une civilisation que de
fabriquer un moteur ou d'habituer un singe à porter une cravate....(4) Nous sommes d'accord.
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger
Post-scriptum :
1.André Malraux, le 3 juin 1956 Valeurs Actuelles n° 3395 paru le 21 Décembre 2001-
2.Eric Conan, Christian Makarian, Enquête : montée de l'islam en Europe. L'Express 26/01/2006
3.Alain Gresh : Bernard Lewis et le gène de l'Islam. Le Monde Diplomatique
4.Malek Bennabi : Vocation de l'Islam. p. 32. Rééditions Anep 2006.
Copyright © Oulala.net Page 5/5
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !