Il a souffert sous Ponce Pilate,
Il a été crucifié, il est mort,
Il a été enseveli,
Il est descendu aux enfers ;
Le troisième jour, il est ressuscité des morts ;
Il est monté au ciel,
Il siège à la droite de Dieu le Père tout-puissant ;
Il viendra de là pour juger les vivants et les morts.
Le mystère d’une humanité adulte, responsable et créatrice
Mythe et réalité
Sa conception et sa naissance miraculeuses nous l’ont déjà signalé, sa descente aux enfers, sa résurrection et son ascension nous le
confirment : Jésus est le héros d’un mythe dont le symbole des apôtres nous livre le mystère, c’est-à-dire tout simplement le récit.
Depuis plus d’un siècle qu’il a été établi, il n’est plus possible aujourd’hui d’esquiver ce constat. En conclure pour autant que la
personne de Jésus n’a jamais existé serait tout aussi ridicule.
Il n’y a pas de fumée dans feu ! Et quel feu : trois siècles après que les événements qu'il raconte se soient déroulés, le mythe du Christ
crucifié et ressuscité a embrasé tout l'empire romain : la pierre qu'avaient rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. Et
depuis, en dépit des oppositions et des persécutions, des infidélités et des trahisons, l’incendie d’espérance qu’il avait allumé s'est
propagé sur toute la planète. Cela au moins est historiquement incontestable.
En récitant le symbole des apôtres, nous reconnaissons que le mythe du Christ crucifié et ressuscité organise nos existences et notre
manière de comprendre le monde et de nous y orienter.
La fondation du monde
Nombreux sont les héros mythologiques qui souffrirent, moururent, descendirent aux enfers et en remontèrent. Mais leurs sagas se
perdent dans la nuit des temps.
Le mythe du Christ crucifié et ressuscité est un mythe dans l’histoire, planté en plein cœur de la mémoire réelle de notre humanité. En
attachant le nom du préfet romain tortionnaire à celui du Christ torturé et exécuté, le mystère de la passion, de la croix et de la
résurrection de Jésus vient ancrer le mythe fondateur du christianisme dans la réalité de l’histoire universelle et des cruels jeux de
pouvoir qui l’animent.
Dans le symbole des apôtres, le mythe du Christ crucifié et ressuscité occupe la place centrale. Mais il occupe aussi la place centrale
dans la conception du monde qu’il instaure. Quand il nous parle du Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, il ne fait
référence à rien qui lui soit extérieur. Comme le suggèrent aussi à leur manière les premiers versets de l’Évangile de Jean, la passion,
la croix et la résurrection du Christ Jésus nous disent comment le Père crée et ce qu’il en est de sa toute-puissance. La puissance du
dieu de Jésus-Christ est toute patience. Et c’est dans la chair de notre humanité qu’avec Jésus, le dynamisme créateur du Père trouve
son expression, son image, la plus accomplie.
La vérité du mythe
Notre humanité naît avec la conscience de se savoir mortelle. Faute de consentir aux limites de sa condition, elle resterait enfermée
dans une enfance aussi rêveuse qu’innocente, nos projets sans échéances, notre univers un théâtre d’ombres, nos existences sans prise
sur la réalité.
L’histoire singulière de Jésus, fils de Marie, vient rejoindre la réalité de nos existences là où elle s’impose à nous de la façon la plus
incontestable : la souffrance et la mort au prix desquelles se monnaye notre créativité humaine.
Notre humanité naît de se savoir responsable de sa condition. Les enfers sont le lieu où se recueille, au risque de s’y perdre ou de s’y
figer, la mémoire définitive de nos vies achevées. Ils nous placent devant la perspective d’avoir à répondre, d’une manière ou d’une
autre, mais de façon globale, de la valeur de nos existences. Mais répondre de quoi et devant qui ? dans le tout est accompli où se joue
le mystère de la Croix, Jésus répond non pas de son destin, mais de sa vocation ; non pas devant la mort, mais devant le Dieu qui lui a
adressé vocation d’être à son image.
Notre humanité naît enfin de protester contre le tragique de sa condition. C’est son honneur que cette protestation ne cède jamais le
pas devant la résignation à la fatalité. Comme ces mythes de résurrection dont il est l’héritier, le mythe du Christ crucifié et ressuscité
exprime la conviction qu’en dépit de tout ce qui peut lui être opposé de barrières, la dynamique créatrice de la vie est plus forte que la
mort, que nos existences ne sont pas soumises à la fatalité, mais assujetties à une vocation qui les ouvre sans cesse vers de nouveaux
possibles. Cette conviction, le mystère de la passion, de la croix et de la résurrection de Jésus fait mieux que l’exprimer : il l’incarne
dans le vif de la réalité ordinaire de notre humanité ; il la réalise.
Sur le chemin du consentement, de la responsabilité et de l’ouverture au possible, Jésus nous rejoint, nous devance et nous conduit.
Pour lui, le premier, sur la croix, tout est accompli dans l’abandon et la confiance. Il est le premier né d’une humanité adulte,
responsable et créatrice.