CAS CLINIQUE
Figure 4. TDM cérébrale, accident vasculaire cérébral constitué dans le
territoire de l’artère cérébelleuse supérieure gauche.
Figure 5. Paralysie oculomotrice du nerf IV.
Position primaire
Manœuvre
de Bielschowsky Torticolis spontané
376 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 11 - décembre 2010
Discussion
Normalement, le réflexe oculocéphalique permet le maintien
d’une vision stable. Un mouvement de la tête engendre un
mouvement oculaire opposé de même vitesse. Les informations
graviceptives rejoignent le noyau vestibulaire, puis croisent la
ligne médiane pour stimuler les noyaux des nerfs III et IV, ce qui
permet le maintien d’une verticale subjective correcte malgré les
mouvements céphaliques.
Ainsi, une lésion située sur cette voie vestibulaire peut engendrer
des troubles de la perception de la verticalité et une divergence
oculaire verticale. L’atteinte peut être périphérique ou, le plus
souvent, centrale sur le tronc cérébral, mais elle peut également
se situer au niveau cérébelleux (1-3). En effet, il est maintenant
reconnu qu’une atteinte cérébelleuse isolée peut engendrer à elle
seule une divergence oculaire verticale (1, 3).
Distinguer une réaction d’inclinaison oculaire et une paralysie
oculomotrice du nerf IV peut être difficile. En effet, chez notre
patient, l’association d’une attitude vicieuse de la tête à droite et
d’une hypertropie de l’œil gauche pouvait évoquer une paralysie
oculomotrice par atteinte du nerf IV gauche. Mais, dans ce cas,
le torticolis spontané permettrait de diminuer la stimulation du
muscle oculomoteur atteint et diminuerait donc les différences de
hauteur. À l’inverse, la manœuvre de Bielschowsky, en inclinant la
tête du côté paralysé, stimulerait l’oblique supérieure déficiente.
Il semble donc qu’une action du muscle oculomoteur synergis-
tique (le droit supérieur homolatéral) aggraverait l’hypertrophie
(figure 5).
Le test à l’écran des différentes positions du regard permet aussi
d’orienter le diagnostic en répondant aux 3 questions du test de
Parks-Bielschowsky (4) : “La déviation est-elle maximale dans la
direction opposée à l’œil hypertropique ?”, “La déviation est-elle
maximale dans le regard en bas ?” et “La manœuvre de Bielschowsky
est-elle positive ?” Les réponses sont toutes positives en cas
paralysie du nerf IV, et, en cas de divergence oculaire verticale,
elles sont au contraire, dans la plupart des cas, négatives.
En cas de doute persistant, la recherche au fond d’œil d’une
anomalie de la torsion oculaire est déterminante. Une hyper-
tropie liée à une paralysie du nerf IV s’associera à une excyclo-
torsion. Dans la divergence oculaire verticale on a au contraire
une incyclotorsion (5).
Dans notre cas, la manœuvre de Bielschowsky était négative.
La déviation oculaire verticale ne variait pas selon la position de
la tête, ni selon la direction du regard. Le fond d’œil retrouvait
une incyclotorsion de l’œil gauche et une excyclotorsion de l’œil
droit. L’ensemble de ces éléments confortait ainsi le diagnostic
de divergence oculaire verticale.
Conclusion
La réaction d’inclinaison oculaire est une présentation clinique
peu fréquente qui signe une atteinte des voies vestibulaires. Elle
associe une dissociation oculaire verticale, un torticolis, une
cyclotorsion conjuguée des yeux et une atteinte de la verticalité
subjective.
Seule une démarche clinique précise permet de ne pas la
confondre avec une paralysie oculomotrice touchant l’oblique
supérieur. ■
1. Brodsky MC, Donahue SP, Vaphiades M. Skew deviation revisited. Surv
Ophthalmol 2006;51:105-28.
2. Wong AM, Sharpe JA. Cerebellar skew deviation and the torsional vestibuloocular
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3. Baier B, Dieterich M. Ocular tilt reaction: a clinical sign of cerebellar infarctions?
Neurology 2009;72:572-3.
4. Robert M. Diplopie binoculaire : orientation diagnostique. À Propos Biopharma
2010.
5. Palla A, Straumann D. Neurological evaluation of acute vertical diplopia. Schweiz
Arch Neurol Psychiatr 2002;153(4):180-4.
Références bibliographiques