Quand les fossiles vont à la rencontre de la biologie du développement: l’exemple des premiers vertébrés Philippe Janvier CNRS-UMR 7207 Muséum National d’Histoire Naturelle Paris Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) : Embryons, monstres et fossiles Louis Agassiz (1807-1873): L’« âge des poissons » et le « triple parallélisme » Agassiz 1844 Agassiz, Miller, Vogt: Le plus proche de l’embryon, le plus proche de la « création », donc le plus « parfait» Louis Agassiz (1807-1873) Hugh Miller (1802-1856) Carl Vogt (1817-1895) Hugh Miller et les plus anciens poissons (…connus vers 1840!) Les poissons du Dévonien d’Ecosse (390 Ma) Carl Vogt et la queue de la truite Carl Vogt (1817-1895) La caudale épicerque des vertébrés à mâchoires (Gnathostomes) Tous les premiers gnathostomes (par exemple au Dévonien, il y a 400 Millions d’années) avaient une nageoire caudale épicerque, comme l’embryon de truite et de tous les Téléostéens) Les requins et les esturgeons conservent cette morphologie. La caudale hétérocerque (Téléostéens) ou diphicerque (Coelacanthe, Dipneustes) est apparue plus tardivement Haeckel: ontogenie et phylogenie Ernst Haeckel (1834-1919) Que reste t-il du « triple parallélisme » ? Hiérarchie et systématique: Caractère généraux/particuliers W. Hennig Hiérarchie et temps géologique: taxons anciens/récents A. Gaudry Hiérarchie et développement: caractères précoces/tardifs K. E. von Baer Les trois propriétés uniques des fossiles 1. FORME: les fossiles présentent des associations de caractères qui n’existent plus dans la nature actuelle (ex: Achaeopteryx, Acanthostega) 2. TEMPS: les fossiles fournissent un âge minimum des caractères et donc des groupes qu’ils définissent (ex: plus ancienne plume = âge minimal des oiseaux) 3. BIOGEOGRAPHIE: les fossiles documentent des répartitions géographiques différentes des actuelles (ex: la présence de marsupiaux en Europe à l’Eocène) Les fossiles montrent des combinaisons de caractères qui n’existent plus dans la nature actuelle Acanthostega gunnari, Dévonien (360Ma) Les fossiles fournissent un âge minimum des caractères et donc des groupes qu’ils définissent Porophoraspis Le plus vieux fragment d’os (475 Ma Ordovicien, Australie) 1mm Sacabambaspis, Ordovicien (470 Ma), Sillons sensoriels> neuromastes > Placodes neurogéniques Tubercules de dentine> tissus odontogeniques > Cellules de la crête neurale? Young, J. Vert. Paleont. 1998 « Evo-Devo » ( Evolutionary Developmental Biology ou Biologie évolutive du développement) Expliquer la biodiversité nécessite l’intégration de la paléontologie avec l’ evo-devo. Tandis que la paléontologie vise à répondre à la question « Que s’est-il passé au cours de l’évolution? », l’ evodevo tente de répondre à la question « comment cela s’est-il passé? ». (Moczek et al. Evolution & Development, 2015) La preuve développementale enrichit la paléontologie en formulant et testant des hypothèses d’homologie, de définition des caractères, d’interdépendance des caractères, et fournit aussi des pistes quand aux phénomènes d’hétérochronie, la capacité d’évolution des caractères, ainsi que des explications des vitesses différentielles d’évolution. (Thewissen et al. J. Vert. Paleont. 2012) Gnathostomes (Vertébrés à mâchoires actuels) 62000 espèces Morphologie& physiologie Phylogénomique Cyclostomes (vertébrés sans mâchoires actuels) 107 espèces Myxine Morphologie & physiologie Phylogénomique Lamproie Myllokunmingiides. Cambrien (525-515 Ma) Hou et al., 2002 Haikouichthys 1mm Shu et al., 1999, 2003 Conway Morris & Caron, Nature 2014 Metaspriggina Les « ostracodermes » (Silurien-Dévonien, 475-359 Ma) vertébrés sans mâchoires, mais ossifiés Woodward 1891 Gnathostomes souches sans mâchoires (« ostracodermes ») Ostéostracés (Silurien-Dévonien, 430-370 Ma) Adrain & Wilson, 1884) Escuminaspis (Ostéostracé), Dévonien supérieur (370 Ma) Nageoires paires, endosquelette cartilagineux et calcifié Norselaspis glacialis, Ostéostracé, Dévonien inférieur (410 Ma), Spitzberg Les « placodermes » ( Silurien-Dévonien, 430-360 Ma) Arthrodires Ptyctodontides Antiarches J.A. Long Rise of fishes, 2010 Rhénanides Placodermes nageoires pectorales et pelviennes Trinajstic et al., Biol. Rev. 20014 « Placodermes » (en bleu) paraphylétiques Ostéostracés (‘ostracodermes’) Acanthothoracides Antiarches Petalichthyides Ptyctodontides Arthrodires Entelognathus Chondrichthyens Gnathostomes apicaux (crown group) Davis et al. 2012 Ostéichthyens Gnathostomes actuels (apicaux) Requins, raies, chimères (Chondrichthyens) (Actinoptérygiens) Coelacanthes (Actinistiens) Dipneustes Tétrapodes Gnathostomes actuels (apicaux) Requins, raies, chimères (Chondrichthyens) (Actinoptérygiens) Coelacanthes (Actinistiens) Dipneustes « poissons osseux (Ostéichthyens) Tétrapodes Gnathostomes actuels (apicaux) Requins, raies, chimères (Chondrichtyens) (Actinoptérygiens) Coelacanthes (Actinistiens) Dipneustes Sarcoptérygiens Tétrapodes Les nageoires paires monobasales Latimeria (Coelacanthe) Neoceratodus (Dipneuste) Nageoires/membres monobasaux de sarcoptérygiens fossiles Dipnomorphes Tétrapodomorphes Schubin et al. Nature 2006 Les Elpistostagalia: ‘dernière étape’ avant l’apparition des doigts Elpistostege (380 Ma) Tiktaalik (375 Ma) Eusthenpteron (380 Ma) 50 cm Acanthostega gunnari, Famennien, Groenland, 362 Ma Origine des doigts par extension temporelle des expressions distales de Hoxd13 Freitas et al. PLoSONE 2007 La perte de genes de l’actinodine (and 1 et and2), donc des actinotriches, empêche la formation des rayons dermiques des nageoires (lépidotriches) au cours de la transition poissons-tétrapodes Zhang et al. Nature, 2010 Rayons dermiques, doigts endochondraux et CRIPR/Cas9 Le développement des doigts aurait « kidnappé » certains des processus développementaux impliqués dans le développement des lépidotriches T. Nakamura et al. Nature 2016 Les premiers pas sur Terre…(il y a 390 Ma) Niedzwiedzki et al. Nature 2010