L ’HISTOIRE DE BRUXELLES Cœur de la vie culturelle et administrative belge depuis le Moyen Age, Bruxelles a pendant des siècles été le lieu de nombreux bouleversements politiques mais, des batailles du XVII e siècle aux conflits du xxe, elle a toujours su renaître avec vigueur. À l'aube du IIIe millénaire, la capitale belge prospère comme centre politique et économique de l'Europe. En 58 av. J.-C., quand Jules César entreprend de vaincre les Gaulois d'Europe du Nord, il se heurte à la tribu des Belgae (origine du nom Belgique qui apparut au xixc siècle). La victoire romaine entraîne l'instauration d'une région appelée Gallia Belgica. On trouve la première mention de Bruxelles dans un manuscrit du VIIe siècle : Broucsella, «implantation dans les marais». Au Ve siècle, après la chute de l'Empire romain, le groupe germanique des Francs domine la région et établit la dynastie des rois mérovingiens, basée dans la capitale Tournai. Ils sont suivis par les Carolingiens, d'où est issu un des plus grands personnages du Moyen Âge, Charlemagne (768-814). Son remarquable talent militaire tient en échec les invasions des Saxons du Nord et des Lombards d'Italie. On lui attribue aussi d'avoir fait du christianisme la religion dominante de l'Ouest européen. En retour, le pape le couronne empereur d'Occident en l'an 800 : il devient le premier souverain du Saint Empire romain germanique, immense territoire allant du Danemark à l'Italie. À la fin du IXe siècle, la loi de succession franque conduit au partage du royaume I entre les petits-fils de Charlemagne, Lothaire, Louis et Charles le Chauve. La fondation de la forteresse de Lothaire en 969 marque officiellement celle de Bruxelles. Cette période apporte une relative permanence aux fiefs féodaux instables du royaume, entraînant un boom du commerce dans les villes nouvelles des Bas Pays. DÉBUTS INDUSTRIELS Au début du XIIe siècle, le commerce devient un acteur principal en Europe occidentale. Les centres commerçants deviennent rapidement des villes puissantes, grâce notamment aux rivières et canaux de la région. Gand, Ypres, Anvers et Bruges deviennent les pivots du commerce des textiles de la mer du Nord, entre France, Allemagne, Italie et Angleterre. Avec ses excellents artisans, Bruxelles devient une place de commerce, qui démontre sa puissance par la construction d'édifices imposants comme, en 1225, la cathédrale Saint-Michel-et-Sainte-Gudule. LA REVOLTE DES ARTISANS Les deux siècles suivants voient Bruxelles devenir une des premières villes du duché de Brabant. Le commerce se spécialise dans les belles étoffes, qu'on exporte vers les marchés lucratifs de France, d'Italie et d'Angleterre. Une poignée de marchands s enrichit et exerce le pouvoir politique sur les villes Mais les conflits naissent entre ces derniers, qui souhaitent conserver de lionnes relations avec l'Angleterre, et leurs souverains français autocrates, qui prélèvent des impôts sur les villes. Au XIVe siècle éclate une série de révoltes menées par les artisans de Bruges et de Bruxelles contre ce qu'ils nomment la tyrannie des seigneurs français En mai 1302, armés seulement de lances les artisans flamands écrasent les Français a la bataille de Courtrai dite des éperons d'or (car, tait humiliant, ils s'emparent des éperons des chevaliers), En 1356, entonnées par cette victoire. les artisans de Bruxelles se révolent contre la noblesse qui contrôle leur commerce La guerre de Cent Ans entre la France et l'Angleterre, qui débute en 1337, les exaspère, car elle menace les livraisons de laine, vitales pour leur économie. La dépression qui s'ensuit marque le début de décennies de conflits entre artisans et classes marchandes. En 1356, Jeanne, duchesse de Louvain, prend le contrôle de Bruxelles et institue la Charte des libertés des artisans : un certain pouvoir politique dans I la ville leur revient enfin. Le commerce reprend, attirant de nouveaux habitants à Bruxelles. Avec l'accroissement de la population, on construit de nouvelles rues à l'extérieur des murailles ; entre 1357 et 1379, une deuxième enceinte va s'élever autour de ces nouveaux quartiers. LA MAISON DE BOURGOGNE Les nouvelles murailles sont aussi élevées en réponse à l'invasion de Bruxelles parle comte de Flandres. Mais en 1369 Philippe, duc de Bourgogne épouse la fille du comte de Flandres. Quand ce dernier meurt en 1384. les Pays-Bas et l'est de la France deviennent domaine bourguignon Dans les années 1430 Bruxelles, capitale bourguignonne, change de visage pour toujours, et devient un centre administratif et culturel, célèbre pour l'architecture grandiose de ses églises, son palais et son commerce d'artisanat de luxe. LES HABSBOURG En 1477, Marie de Bourgogne, dernière héritière du duché, épouse Maximilien d'Autriche. Elle meurt en 1482, laissant son époux et la dynastie des Habsbourg gouverner Bruxelles, tandis que la ville vit une grave dépression économique. En1488, Bruxelles et le reste des Flandres se révoltent contre ce nouveau pouvoir, qui a renoué les relations avec la France. Les Autrichiens ne doivent de rester qu'a la peste de 1490, qui emporte la moitié de la population. En 1494 un an après être sacré empereur du Saint Empire, Maximilien confie les Ras Pays a son fils Philippe le Beau. A la mon de Maximilien, sa fille, l'impératrice régente Marguerite d'Autriche, déplace la capitale de Bruxelles à Malines, où elle élevé son neveu, le futur empereur Charles Quint. LA DOMINATION ESPAGNOLE LE PHÉNIX RENAÎT DE SES CENDRES En 1515, Charles Quint devient à 15 ans souverain de Bourgogne et à 16 ans hérite du trône d'Espagne. En 1519, il est à la tête du Saint Empire. Né à Gand, il considère les Flandres comme sa vraie patrie : il rétablit Bruxelles comme capitale, siège de trois conseils du gouvernement, que des personnalités flamandes viennent diriger. Bruxelles abrite pour la première fois une cour. Familles nobles et immigrants impatients de profiter de l'expansion de la ville sont attirés par son mélange de tolérance, de sophistication intellectuelle et d'activité commerciale. Bruxelles émerge rapidement comme la plus puissante ville flamande, dépassant ses rivales. Bruges et Anvers. Mais la Réforme, initiée en Allemagne par Martin Luthier, entraîne une période de guerres de religion. Quand Charles Quint abdique en 1555, il brise l'unité de l'empire en laissant le Saint Empire à son frère Ferdinand et les autres territoires à son fils Philippe II d'Espagne. La persécution des protestants ordonnée par ce fervent catholique va déclencher une révolte des PaysBas, conduite par la maison d'Orange. Les chefs protestants de Bruxelles se rendent en 1585 à Philippe II dont l'autorité cessera en 1588 avec la défaite de l'Armada espagnole face aux Anglais. Entre-temps. 8000 protestants auront été mis a mort. Bruxelles se remet vite des destructions du bombardement. Les guildes s'organisent pour que la Grand Place soit reconstruite en quelques années, leurs maisons portant témoignage du succès durable de la vie économique et de l'artisanat bruxellois. Au XVIIe siècle, la construction du canal de Willebroek ouvre l'accès au Rupel et à l'Escaut, Anvers et la mer du Nord. Une industrie plus lourde vient remplacer le commerce local. Fabriques et manufactures naissent autour du port fluvial de Bruxelles, qui devient centre d'exportation. LA CONTRE-RÉFORME À partir de 1598, l'archiduchesse Isabelle et l'archiduc Albert, souverains catholiques des Flandres espagnoles, installent un gouverneur Habsbourg à Bruxelles. Ils persécutent toujours les protestants : tous les non catholiques sont privés de travail Des milliers d'artisans qualifiés partent aux Pays-Bas. Mais de nouveaux métiers fleurissent : dentellière, tailleur de diamants, soyeux. Grands protecteurs des arts. Isabelle et Albert soutiennent Rubens à Anvers. INVASION DU ROI SOLEIL Le XVIIe siècle est une période de conflits religieux et politiques dans toute l'Europe. La guerre de Trente Ans (1618-1648) divise l'Europe occidentale entre protestants et catholiques. Après 1648, Louis XIV, le Roi Soleil, entreprend d'annexer les Flandres à son royaume. En 1633, après la mort d'Isabelle et d'Albert, Philippe IV d'Espagne donne le contrôle des Flandres à son frère. le faible cardinal infant Ferdinand. Persévérant dans son projet. Louis XIV assiège Maastricht dans les années 1670 et s'empare de Luxembourg. Ayant échoué à prendre l'enclave voisine de Namur, le roi mène son armée devant Bruxelles, plus vulnérable. Le 13 août 1696. d'une colline à l'extérieur des murs, les Français bombardent Bruxelles, détruisant la Grand Place et son quartier. Les Français se retirent, mais leur volonté de dominer la région sera cause de conflits dans les décennies suivantes. LA SUCCESSION D'AUTRICHE Les décennies suivantes sont marquées par lu guerre, l'Autriche et l'Angleterre s'efforçant de contenir les ambitions françaises. Quand Philippe d'Anjou succède au trône d'Espagne, il semble que la menace combinée de l'Espagne et de la France va écraser le reste de l'Europe. Allié à l'Angleterre et à de nombreux Etats allemands, l'empereur Léopold Ier d'Autriche déclare la guerre à la France. Cette guerre de Succession d'Espagne s'achèvera 14 ans plus tard en 1713 avec le traité d'Utrecht, donnant à l'Autriche les PaysBas. Bruxelles inclus Mais le traité ne met pas fin aux hostilités. Après Léopold règne l'empereur d'Autriche Charles VI. Il meurt en 1731 sans laisser d'héritier ma le, ce qui déclenche la guerre de Succession d'Autriche, qui va durer 17 ans sa fille. Marie-Thérèse, peut-elle accéder au trône ? Elle ne sera couronnée qu'en 1748, après le traité d'Aix-la-Chapelle. UNE PÉRIODE FASTE Ces conflits incessants ont leur coût ; Bruxelles, comme le reste de la Belgique, en sort appauvri. L'élite noble est très raffinée, mais la majorité de la population vit sous le mode féodal : on ne peut changer de métier ni d'adresse sans autorisation. Seulement 3 % des habitants savent lire. Dans les années 1750, Marie-Thérèse d'Autriche place à Bruxelles son frère Charles de Lorraine. Influencée par la philosophie des Lumières, sa cour attire artistes et intellectuels européens, et Bruxelles devient la ville la plus raffinée d'Europe L'industrie est aussi en plein essor grâce a la construction de routes et de canaux. La cité se transforme, avec l'aménagement de la place Royale et du parc de Bruxelles. LA REVOLTE DES TRAVAILLEURS Tandis que la noblesse et les nouvelles classes, moyennes prospèrent, les travailleurs bruxellois souffrent Avec l'accroissement de la population, ils sont plus nombreux que les emplois : les salaires chutent et les conditions de travail se durcissent. En 1780, Joseph II succède à Marie-Thérèse et engage une série de réformes, y compris la liberté de culte. Il révoque pourtant la Charte des libertés, vieille de 500 ans. Influencés par les idées de la Révolution française, les Belges exigent des réformes. Leur rébellion engendrera un État indépendant.