Ethique professionnelle et juridicisation

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Panorama
Ethique professionnelle et
juridicisation
Koen Korevaar
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Résumé
Dans un contexte sociétal de juridicisation, quelques
développements récents en psychologie (clinique)
augmentent l’importance de la perspective juridique lors
du traitement de cas éthiques. Les cas déontologiques
peuvent être abordés sous trois angles : juridique, moral
et psychologique (clinique).
Cet article plaide en faveur d’une importance
équivalente pour ces trois perspectives lors de la
discussion de cas déontologiques et esquisse quelques
inconvénients de l’approche uniquement juridique.
Mots clés
Déontologie
1
KOEN KOREVAAR enseigne la déontologie au sein de la formation en
psychologie appliquée de la Thomas More hogeschool, et travaille
comme psychologue clinicien pour The Human Link..
E-mail: [email protected].
Cet article est paru en néerlandais dans Tijdschrift Klinische
Psychologie, 2015. La réaction de Psychologos remercie vivement
JOHAN VEREYCKEN et KOEN KOREVAAR pour leur aimable autorisation
d’en publier la traduction.
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Samenvatting
Binnen een maatschappelijke context van juridisering
vergroten enkele recente ontwikkelingen in de
(klinische) psychologie het belang van het juridisch
perspectief in de omgang met ethische casussen.
Deontologische casussen kunnen echter vanuit drie
perspectieven worden benaderd: het juridische, het
morele, en het (klinisch-)psychologische. Dit artikel pleit
voor een evenwaardig belang van deze drie
perspectieven bij het bespreken van deontologische
casussen en schetst enkele nadelen van een eenzijdig
juridische benadering.
Trefwoorden
Beroepsethiek
Summary
Within a social context of juridicisation, some recent
developments in the (clinical) psychology enlarge the
importance of the legal perspective in dealing with
ethical cases. Ethics cases, however, can be
approached from three perspectives: legal, moral, and
(clinically) psychological. This article argues for an
equal importance of these three perspectives in
discussing ethics cases and outlines some
disadvantages of a unilateral legal approach.
Key words
Deontology
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n 2014, une percée significative s’est produite
dans quelques dossiers importants dans le
domaine de la psychologie (clinique) en Belgique.
Tout d’abord, il y a la reconnaissance de la psychologie
clinique comme profession des soins de santé et la
réglementation de la psychothérapie dans la loi sur les
professions des soins de santé mentale (2014).
Ajoutons à cela, la liaison d’un nouveau code de
déontologie au registre de la Commission des
psychologues et la création d’un conseil de discipline
(www.compsy.be/deontologie). Ces deux
développements vont de pair avec une forme de
surveillance de l’exercice de la profession.
E
Peut-être est-ce parce que la surveillance de l’exercice
de la profession gagne en importance que la discussion
de cas d’éthique professionnelle lors de formations,
d’inter- et de supervisions se focalise souvent sur les
droits et les obligations. Cela ressort de questions telles
que : « Que dois-je faire dans tel ou tel cas ? »
« Quelles informations puis-je transmettre aux
parents? » « Suis-je dans l’obligation d’informer le père
dans ce cas précis? », « Ai-je besoin de l’accord
de…? » Ce sont des questions ‘déontologiques’.
Cependant, la manière dont les questions sont
formulées, implique qu’il ne s’agit pas nécessairement
de normes ou de valeurs personnelles mais plutôt de
lois et de règles dont les professionnels veulent savoir
comment les appliquer. Il serait donc plus exact
d’appeler ces questions des questions juridiques,
maintenant que le code de déontologie pour les
psychologues a été publié sous la forme d’un arrêté
royal au Moniteur belge (Arrêté royal fixant les règles de
déontologie du psychologue, 2014)
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Cette contribution éclaire les esquisses de
développements de l’exercice de la profession sous
l’angle de la juridicisation de l’éthique professionnelle.
Nous en décrivons quelques effets négatifs possibles et
nous plaidons pour que l’on discute de cas de
déontologie lors de formations, d’inter- ou de
supervisions plus largement que ce qu’en dit le code de
déontologie ou la loi relative aux droits du patient.
Trois points de vue sur des cas d’éthique
professionnelle
Les cas d’éthique professionnelle sont habituellement
abordés sous trois angles : juridique, moral et
psychologique (clinique). Du point de vue juridique, il
est important de vérifier si des règles légales
s’appliquent au cas. Du point vue de la morale, il s’agit,
entre autre, de normes et de valeurs auxquelles se
réfère le professionnel. Dans la perspective de la
psychologie (clinique), il s’agit de voir comment la
méthodologie choisie est mise en pratique, tenant
compte de la relation de travail et des caractéristiques
spécifiques du client/système du client.
Le point de vue juridique
Dans l’introduction, il a déjà été avancé que
l’importance du domaine juridique s’accentue. Une
première raison à cela sont les règles disciplinaires pour
les psychologues. Les clients étant en mesure
d’introduire une plainte, le psychologue devra connaître
l’Arrêté royal fixant les règles de déontologie du
psychologue (2014). Le conseil de discipline utilisera
ces normes dans le cadre de plaintes formulées par les
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clients. Le nouveau code se base sur le code de
déontologie établi par Fédération Belge des
Psychologues (2004) et comprend en outre des articles
sur le secret professionnel.
A l’heure où le psychologue clinicien se voit reconnu
comme profession en soins de santé dans l’A.R. N° 78
(1967; Loi réglementant les professions des soins de
santé mentale, 2014), les autres articles de l’Arrêté
royal concernant le psychologue clinicien sont
également d’application, par exemple, sur la continuité
des soins ou le devoir de réorientation. Plus encore, la
Loi réglementant les professions des soins de santé
mentale (2014) élargit le champs d’application de la Loi
concernant les droits des patients (2003) aux
psychologues cliniciens. Cette loi porte, entre autres,
sur l’administration de soins de santé de qualité, le libre
choix du prestataire, le consentement éclairé, le dossier
du patient, la vie privée et le droit de porter plainte.
Mais avec cela, la liste des obligations légales est loin
d’être complète. S’il s’agit de gestion des données (la
conservation et la transmission d’informations sur les
clients), il y a la loi sur le respect de la vie privée (Loi
relative à la protection de la vie privée à l'égard des
traitements de données à caractère personnel, 1992) ;
si on travaille dans le secteur de l’aide à la jeunesse,
c’est le décret du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la
jeunesse (1991) qui est applicable en Communauté
française (1991) (ndlr) (Decreet betreffende de
rechtspositie van de minderjarige in de integrale
jeugdhulp (2004) en Communauté flamande). Par
ailleurs, il existe encore de nombreuses lois importantes
pour les psychologues, par exemple sur la protection du
titre, sur les admissions forcées, sur l’autorité parentale
ou sur le secret professionnel. Nous vous présentons ci-
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dessous un exemple (cas numéro1) dans lequel tant le
code de déontologie que la loi sur la vie privée sont
applicables et, en fonction du setting professionnel, la
loi sur les droits des patients ou le décret sur l’aide à la
jeunesse.
Cas numéro 1: enregistrements audio
Durant son stage, une étudiante en psychologie a
commencé le traitement d’un adolescent sans l’accord
du père. En outre, les sessions avec l’enfant furent
enregistrées. Le père en fut informé ultérieurement, sur
quoi il exigea l’arrêt immédiat de l’accompagnement.
Lorsqu’il apprit que les sessions avaient été
enregistrées, il exigea une copie des enregistrements
en se basant sur la loi sur la vie privée. Lorsque le cas
fut débattu entre collègues, la discussion s’orienta
rapidement sur la question (juridique) du droit du père à
disposer d’une copie des enregistrements ou encore s’il
pouvait les écouter.
La perspective morale
Les personnes émettent constamment des jugements
moraux, tant dans la cadre professionnel qu’en dehors.
Les jugements moraux ne décrivent pas l’état des
choses tel qu’il est à un moment donné (descriptif),
mais tel qu’il devrait être (normatif). Ces jugements
moraux personnels incitent à agir de façon éthique,
surtout si ces actes sont en lien avec nos propres
valeurs. Les normes sont souvent concrètes et
déterminent partiellement le cadre du comportement
(exemple : « je refuse toute demande de devenir ami
sur les réseaux sociaux venant de clients »). Par contre,
les valeurs sont souvent formulées positivement en
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indiquent la manière dont les personnes devraient se
comporter (Van Tongeren, 2003). Elles encouragent le
comportement éthique. Si les dispositions légales ne
sont pas soutenues par des normes et des valeurs
personnelles, ne subsiste alors qu’une motivation
négative à suivre des règles (exemple : éviter les
problèmes au travail ou les plaintes).
La philosophie morale tente de faire la clarté
conceptuelle sur les normes et les valeurs que nous
portons dans la vie quotidienne. Les nombreuses
théories éthiques peuvent être subdivisées en plusieurs
courants. Certains courants mesurent la valeur morale
d’un comportement, alors que pour d’autres c’est plutôt
l’intention qui sous-tend un comportement qui détermine
la valeur morale. Un troisième courant analyse si
certains traits de la personnalité ou des manières de
vivre sont intrinsèquement meilleures que d’autres. Il
existe aussi des formes d’éthique qui s’attachent à
certains domaines, telle que la bio-éthique (exemple:
Beauchamp & Childress, 2009).
Nous explicitons l’importance des valeurs morales
personnelles à l’aide d’un exemple (cas numéro 2).
Dans cet exemple, les dispositions légales offrent peu
de prise : il y a trop peu d’articles traitant explicitement
de l’acceptation de cadeaux de clients. Il se pourrait que
le psychologue dont il est question dans le cas ait
mauvaise conscience en acceptant une bouteille de vin.
Cela peut être dû, d’une part aux caractéristiques
spécifiques du client et à la relation de travail (cf. infra,
‘la perspective de la psychologie clinique’). Il se pourrait
également que le clinicien sente qu’il a dépassé ses
propres normes, même s’il n’apparaît pas encore
clairement à ses yeux de quelle norme il s’agit. La
réflexion à ce propos peut aider à formuler, argumenter
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et critiquer cette norme. De plus, cette règle peut être
affinée dans la pratique, éventuellement en consultant
des collègues. Expliciter les valeurs (exemples :
l’orientation client, l’altruisme, les bonnes pratiques) et
réfléchir à leur application concrète peut aider les
jeunes praticiens à construire une attitude
professionnelle de base.
Cas numéro 2: le cadeau d’un client.
Un psychologue traite un client souffrant d’anxiété
sociale. Durant le traitement, le client remet au
psychologue une bouteille de vin en remerciement des
progrès réalisés. Cependant, le traitement n’en est qu’à
mi-chemin. Par ailleurs, il est apparu lors des contacts
qu’il se pourrait que le client soit dépendant à l’alcool.
Le psychologue accepte la bouteille de vin.
La perspective de la psychologie clinique
Les deux premiers domaines offrent des arguments
pour ou contre une certaine façon de faire. Le
psychologue doit ensuite mettre la stratégie choisie en
pratique. Et, parfois, c’est l’aspect le plus difficile d’un
cas. Dans le cas de la maltraitante d’enfant, on peut
décider que l’article 458bis du Code pénal autorise le
praticien à enfreindre le secret professionnel. Mais qui
faut-il informer ? De quelle manière ? Est-ce que
l’équipe prévient d’abord les parents que la situation
sera signalée ? Et sur quel ton le fait-elle ?
Il s’agit de voir comment les décisions sont mises en
pratique. Cela peut se faire de manière respectueuse
ou moins respectueuse, patiemment ou dans la
précipitation. La façon de faire est souvent tout aussi
importante que l’option qui est choisie.
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Accorder de l’attention à la communication et avoir une
écoute active peuvent résoudre bon nombre de
problèmes ‘déontologiques’, tels qu’illustrés dans le cas
numéro 1 à propos du consentement éclairé pour les
enfants et les enregistrements audio.
Cas numéro 1: enregistrements audio (suite)
Au lieu de limiter la discussion à la question de savoir si
le père pouvait obtenir une copie des enregistrements,
on s’est demandé quels étaient ses objectifs. Il fut
décidé d’inviter le père et de bien écouter ce qu’il
voulait. Il est apparu que le fait de donner l’occasion au
père d’exprimer sa colère, sans réagir de façon
défensive, a été essentiel dans la résolution de ce
conflit. Finalement, il fut décidé de permettre au père
d’écouter des fragments des sessions, via des
écouteurs, en présence de la fille et de la mère. Ce
compromis a permis au père d’être rassuré et aux
autres parties concernées de s’y retrouver.
Lors de l’évaluation des options en situation de travail,
la relation de travail avec le client jouera presque
toujours un rôle, quand il s’agit par exemple de clients
qui représentent un danger pour des tiers. A la question
de savoir si le secret professionnel peut être brisé, il est
important d’évaluer la relation thérapeutique avec le
client (Leijssen, 2005). Tant que cette relation est
bonne, le praticien est le mieux placé pour diminuer le
danger.
Les caractéristiques individuelles d’un client peuvent
également déterminer l’approche d’un cas
« déontologique ». Prenez l’exemple d’un client qui
envoie régulièrement des sms en dehors des heures de
travail à son clinicien. Avec certains clients, il est avisé
de passer des accords clairs à ce sujet et de ne pas
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renforcer ce comportement en y répondant. Avec
d’autres clients, il peut être avisé de l’autoriser
(temporairement), parce qu’il se pourrait que, sans cela,
le client ne soit pas être aidé convenablement.
Conséquences d’une approche uniquement
juridique
Restreindre les problèmes déontologiques à des
questions juridiques cadre avec l’évolution sociétale de
la juridicisation, décrite par Put et Van Assche (2013)
comme un ‘processus d’influence croissante du droit’
(p.94) qui comprend tant une réglementation croissante
des rapports sociaux qu’un recours croissant au droit et
à la procédure juridique. Ces tendances sociétales ont
des explications sociologiques qui ont un rapport avec
le développement de l’Etat providence, une population
plus critique et mieux formée, une cohésion sociale
amoindrie et à une instrumentalisation du droit (Put &
Assche 2013).
Considérer ces questions déontologiques comme étant
des questions principalement juridiques peut avoir des
effets négatifs. Une première conséquence est que des
options d’approche peuvent être négligées si la
question se limite à ce qui est ou n’est pas ‘autorisé’.
Ecouter attentivement ce que recherchent les parties
intéressées et leur demander si ces objectifs peuvent
être atteints d’une autre manière offrent parfois de
nouvelles perspectives sur le cas.
Une seconde conséquence est que l’éthique
professionnelle risque d’être rapidement sous traitée
par des ‘spécialistes’ en droit de la santé, en
déontologie et par des commissions d’éthique. Leur
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contribution peut être utile mais ce sont finalement les
professionnels eux-mêmes qui doivent tenir un dossier,
préserver l’intégrité de leur rôle avec leur client, et
savoir dans quels cas ils peuvent partager des
informations avec des tiers. Le code de déontologie
stipule clairement que les professionnels portent la
responsabilité finale de leur actes (Art. 25, A.R. fixant
les règles de déontologie du psychologue, 2014).
Laisser la sous-traitance des questions éthiques à des
spécialistes peut être plus un piège qu’un avantage.
A cela il faut ajouter que les cours de déontologie
donnés lors de la formation des psychologues risquent
de mettre plus l’accent sur le contenu du code que sur
son application pratique (Europen federation of
Psychologists’ Association, 1999).
Une troisième conséquence négative possible est la
juridicisation de la relation psychologue-client. D’autres
secteurs, tels que l’enseignement, ont déjà précédé la
psychologie en ce domaine. Les relations de soin et les
personnes sont ramenées à un ensemble de droits et
d’obligations qui privilégient la résolution de conflits à la
communication et au dialogue. Les soignants peuvent
être enclins à agir de manière plutôt défensive afin
d’éviter les plaintes plutôt que d’agir dans l’intérêt
général, voire même dans l’intérêt du client. Ce
développement peut provoquer l’accroissement des
charges administratives en vue de pouvoir définir les
responsabilités à postériori.
Par ailleurs, la juridicisation peut avoir quelques effets
positifs, tels que la protection juridique, la sécurité
juridique et un point d’appui ainsi qu’un stimulant à la
professionnalisation et à des soins de qualité (Put &
Van Assche, 2013).
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Ethique procédurale et juridicisation
La juridicisation en matière d’éthique a une longue
histoire. En matière d’éthique, on peut distinguer morale
substancielle (éthique au sens large) et morale
procédurale (au sens étroit) (Strawson, 1970). L’éthique
‘large’ est basée sur une interprétation en matière de
contenu de ce que représente une vie humaine de
qualité. Une éthique ‘étroite’ repose sur quelques
principes minimaux généralement acceptés. Ainsi
l’éthique est ramenée à une procédure de décision
formelle et rationnelle (Taeks, 1994). Un exemple
centré sur la psychologie l’éclairera. Une idée de fond
élaborée de ce que l’aide psychologique devrait
apporter aux clients doit être considérée comme une
éthique ‘large’. Le but est-il de supprimer les plaintes du
client ? Une vie ‘sans plaintes’ est-elle possible et
souhaitable ? Le développement personnel des clients
fait-il partie des missions des soin de santé mentale ?
Une réponse circonstanciée à ces questions demande
que l’on détermine ce qu’est une bonne manière de
vivre et comment un psychologue clinicien peut y
contribuer. Par contre, un code de déontologie doit être
vu comme un ensemble de principes minimaux qui
valent pour tous les psychologues : donc une forme
d’éthique ‘étroite’.
Les formes d’éthiques ‘larges’ sont souvent basées sur
et portées par des convictions personnelles fortes, mais
difficiles à soutenir d’un point de vue scientifique. Une
des raisons étant qu’une ‘preuve’ empirique et
scientifique d’une conception morale est impossible.
Une science empirique repose sur une séparation des
faits et des valeurs. Cela rend les convictions morales
fragiles face à la critique dans une société où l’on
demande d’abord des ‘preuves scientifiques’ comme
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fondement des convictions. C’est pourquoi se
développent des formes d’éthique ‘étroites’ légitimées
par le consensus et l’efficacité. En matière d’éthique
professionnelle pour les psychologues, cela se traduit
par des discussions de cas du fait que les convictions
morales personnelles sont plutôt considérées comme
‘subjectives’, alors que le code professionnel prévaut.
Conclusions
Dans un contexte sociétal de juridicisation, quelques
développements récents en psychologie (clinique)
augmentent l’importance de la perspective juridique
dans le traitement des cas d’éthique. Une discussion de
fond d’un cas va au-delà de la discussion du cadre légal
: les convictions morales personnelles et l’exécution
pratique des actes choisis méritent autant d’attention.
Le domaine le plus souvent perdu de vue lors de la
discussion d’un cas sont les convictions morales
personnelles, peut-être parce que ces convictions sont
considérées comme ‘purement subjectives’. Une
pluralité de convictions morales ne mène pas
nécessairement au scepticisme moral (Beauchamps &
Childress, 2009). Toutes les convictions morales n’ont
pas la même valeur : elles peuvent se contredire,
reposer sur des informations fausses ou incomplètes,
sans nuances ou témoigner de peu de connaissance de
soi. La discussion de cas peut offrir au psychologue la
possibilité de nuancer ces convictions, de les corriger
ou de les compléter. Son importance est indirectement
reconnue par les commissions de discipline. En cas de
plainte, la commission de discipline ne se laissera pas
uniquement guider par ce que le psychologue aura fait.
La commission de discipline analysera la motivation et
la qualité de sa décision. Et c’est précisément dans la
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motivation et la décision que les convictions morales
jouent un rôle central.
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