Histoire de la France révolutionnaire
Troisième cours :
La monarchie constitutionnelle
(1789-1792)
1 Les journées d’octobre
Les dispositions légales et idéalistes prises par l’Assemblée nationale en août ne permettent évidemment
pas la résolution des problèmes qui ont provoqué le sursaut de colère dans les rues parisiennes en juillet.
Malgré la très bonne récolte de l’été 1789, la nourriture manque dans les villes, car le chaos dans les
campagnes nuit à la circulation des approvisionnements qui n’arrivent tout simplement pas en ville et le prix
du pain se maintient à un haut niveau historique.
À Paris même, ces problèmes d’approvisionnement sont aggravés par d’autres difficultés d’ordre
économique, car l’immigration de certains membres de la noblesse, qui a déjà commencé, entraîne une
augmentation du chômage : les domestiques qu’ils employaient se retrouvent sans moyen de subsistance,
pendant que les boutiquiers et artisans de luxe perdent une partie significative de leurs revenus.
À ces difficultés viennent s’ajouter une tension politique importante, relancée par la tenue d’élections
municipales du début du mois d’août : afin de régler le problème de la gestion de la ville, Bailly, devenu
maire consécutivement au 14 juillet, convoque des élections qui conduisent à la formation d’un conseil
municipal très représentatif.
Les nouveaux députés ne joueront pas nécessairement un rôle très important dans la prise de décision,
mais l’intérêt de ces premières véritables élections à Paris réside dans le bouillonnement de la vie publique
qu’elle provoque. Loin de calmer l’effervescence politique de la capitale, ce processus nouveau la décuple.
Commence alors une différenciation, qui deviendra au fil des mois à venir de plus en plus importante,
entre le conseil de la commune de Paris, de plus en plus radicale, et une assemblée nationale plus prompte au
compromis : car si les plus aisés financièrement continuent de dominer cette dernière, l’existence même de la
commune de Paris favorise la politisation de plus en plus importante des masses populaires, lesquelles
réclament également leur part.
Paris compte 60 districts très variés sur le plan de la richesse et sans surprise, les quartiers pauvres sont
plus radicaux. Ainsi, le contrôle du centre municipal sur ces quartiers demeure plutôt théorique, d’autant que
ne se reconnaissant pas dans les membres du conseil de ville, ils réclament une plus grande décentralisation et
une démocratie directe. De nouveaux noms font alors leur apparition, comme Brissot et surtout Danton.
De sorte que la tension ne baisse pas de tout le mois de septembre et bien sûr, la population parisienne
irritée de la situation cherche un bouc émissaire, l’aristocratie et le roi. Pour elle, rien n’a vraiment changé,
sinon la possibilité d’exprimer ouvertement son mécontentement.
Paris a cependant un moyen de plus qu’avant le 14 juillet, car la ville dispose de la Garde nationale pour se
défendre et faire entendre ses griefs. À la fin de l’été, elle est composée de près de 30 000 hommes,
commandés par La Fayette, qui ne parvient cependant pas toujours à les contrôler.
Lorsque se répand la rumeur, bientôt confirmée, de l’arrivée à Versailles du régiment de Flandre, la Garde
nationale et la population s’inquiètent : pour quelle raison le roi a-t-il besoin d’une force militaire? Se
prépare-t-il à tenter un coup de force pour reprendre l’initiative? Le climat est d’autant plus tendu que l’on
débat alors à l’assemblée la question du veto royal, débat derrière lequel le roi se retranche pour ajourner sa
sanction aux décrets du 4 août.
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C’est dans cette atmosphère de suspicion que l’opinion apprend l’événement, anodin en apparence, du
banquet offert le 1er octobre par le roi au régiment de Flandres, alors que l’approvisionnement de Paris est très
précaire, et au cours duquel les officiers piétinèrent la cocarde tricolore, symbole de la révolution.
Les appels à une marche sur Versailles se multiplient et le 5 octobre, les femmes de Paris prennent
l’initiative de cette marche. La Fayette tente de maîtriser ses hommes, mais la Garde nationale décide de
suivre les femmes. La commune de Paris lui confie la mission de ramener le roi à Paris, pour l’éloigner de
l’influence des aristocrates conservateurs, assurer sa sécurité et le tenir à l’œil.
Au matin du 6, après une nuit tendue la population fait le siège de Versailles, réclamant du pain et la
signature des décrets d’août, certains manifestants font irruption dans le château, tuant plusieurs membres de
la garde royale et obligeant La Fayette à s’interposer entre le roi et les émeutiers.
Sa vie et celle de sa famille étant en danger, le roi n’a d’autre choix que d’apposer sa signature au bas des
fameux décrets, entérinant la légalisation de l’ordre nouveau. Il se présente alors au balcon devant la foule
assemblée pour consentir à s’installer à Paris. Sa défaite lui redonne temporairement sa popularité. Quant à
l’Assemblée, elle décide de suivre un roi devenu prisonnier dans sa capitale.
2 Le nouvel ordre
2.1 Les pouvoirs
2.1.1 Le roi
Consécutivement aux journées d’octobre, les nouvelles institutions issues de l’été 1789 commencent à
fonctionner. Cependant, s’agissant d’une période très instable politiquement, les règles régissant leur
fonctionnement vont grandement évoluées, depuis l’installation de la Constituante à Versailles, jusqu’à la
convocation de l’Assemblée législative à la fin de l’été 1791.
La période est d’autant plus chaotique du point de vue politique que tout est à faire : les précédents
historiques sont peu nombreux et le plus important d’entre eux, le modèle anglais, est loin de satisfaire tous
les représentants de la nation. Car si tous les membres de la constituante autoproclamée à l’été 1789
partageaient le désir d’en finir avec l’absolutisme monarchique, une fois cet objectif atteint, les points de vue
diffèrent grandement.
Dès avant les journées d’octobre, le premier d’une longue série de différents avait déjà entamé la belle
unité de l’été. Certes, personne ne parle de république et tous s’entendent sur la nécessité d’établir une réelle
séparation des pouvoirs, en application des théories de Montesquieu. Mais si ces centres de pouvoirs sont dé
définis (le roi d’une part, la Constituante de l’autre), leurs attributions ne sont pas fixées.
Parmi la députation, un groupe de députés modérés, que l’on a qualifié de monarchiens (ou d’anglomanes)
penche en faveur d’une domination de l’institution monarchique sur l’assemblée et donc de la subordination
du nouveau pouvoir à l’ancien. Nombreux sont les membres de la noblesse libérale, du clergé et même d’une
certaine partie de la bourgeoisie qui craignent les débordements de la population et cherche un moyen de
terminer la révolution en préservant le gain principal à leurs yeux, les libertés politiques.
Tous s’entendent pour que le roi demeure chef de l’exécutif, mais les monarchiens désirent lui donner
aussi une part du pouvoir législatif, afin de limiter les pouvoirs de l’assemblée et ainsi être en mesure
d’empêcher la mise en place de lois qui remettraient trop radicalement en question l’ordre social. Ils
proposent ainsi l’octroi d’un veto absolu au roi. Pour appuyer ce dernier dans son rôle de garant de l’ordre, ils
proposent aussi la création d’un sénat héréditaire, suivant le modèle anglais, et composé d’aristocrates.
Le parti national rejette en bloc ces mesures, s’appuyant entre autres sur l’opinion publique, qui voit dans
ces propositions une tentative de limiter les effets concrets de la révolution. Sur la question du veto, on en
viendra finalement à un compromis : l’octroi d’un veto suspensif temporaire en échange de la sanction royale
au texte du quatre août, que le roi se refuse encore alors à signer. Quant au sénat, l’idée est balayée presque
unanimement par les députés au début de septembre. L’assemblée aura donc dans le nouveau système la
préséance sur le roi.
Cela ne veut pas dire que ce dernier est sans pouvoir : il demeure le chef de l’exécutif et à ce titre, nomme
les membres du gouvernement. D’où cette étrangeté qui alimente le mécontentement et explique en partie les
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journées d’octobre : le gouvernement en place en automne 1789 (et jusqu’à la fin de 1790) est le même
qu’avant la révolution…
La légitimité historique continue de jouer son rôle et personne ne parle, ou presque, d’abolir la monarchie.
Cela étant, le statut du roi est désormais complètement différent, car il est subordonné à la souveraineté
nationale. Il est désormais « roi des Français, par la grâce de Dieu, et la loi constitutionnelle de l’État », tel
que défini dans la constitution de 1791, ce qui le désacralise et fait de lui un homme certes important, le
premier magistrat de l’État, mais il n’est plus au-dessus de celui-ci. Il en est devenu le serviteur.
Cette première constitution de la France moderne est donc un compromis difficile entre l’autorité nouvelle
et l’ancienne, qui refuse sa subordination. Elle laisse au roi, outre le pouvoir de nommer les ministres, celui
de diriger théoriquement la politique étrangère du pays, mais ce dernier pouvoir est fortement limité par le
fait que c’est à l’Assemblée de décider de la paix ou de la guerre et que c’est elle aussi qui nomme les
ambassadeurs.
Ainsi, à plus d’un titre, le roi est nu : l’administration et les pouvoirs législatifs lui échappent désormais.
Les deux pôles de pouvoir se méfient l’un de l’autre et s’acceptent difficilement. Rien d’étonnant à ce que
cette collaboration imposée par les principes et se heurtant aux réalités n’ait survécu que quelque temps.
2.1.2 L’assemblée
Le roi s’est donc installé aux Tuileries, à Paris, et l’Assemblée l’a suivi de peu, s’installant pour sa part
dans l’enceinte du Manège, qui sera jusqu’en mai 1793 le lieu siégeront les diverses législatures. Mais
compte tenu de l’impossibilité de débattre sereinement, à cause de la participation du public, le véritable
travail, qui fut considérable, se fit dans les différents comités.
Il n’y a pas de parti au sens strict existant alors et les députés sont donc libres d’approuver ou non un
projet de loin suivant leur conscience et sensibilité. Néanmoins, compte tenu de l’importance des questions à
résoudre, on vit rapidement apparaître des clivages parmi les membres de l’Assemblée. De ces premiers
clivages et de la distribution des membres dans l’hémicycle par rapport au président de la chambre datent les
catégories politiques de gauche, centre et droite.
On trouve d’abord à droite les opposants au décret du quatre août, donc les tenants d’une révolution
contrôlée et limitée à une redistribution des prérogatives politiques. Ils portent le nom d’aristocrates, bien
qu’on trouve au sein de ce groupe des gens qui ne sont pas issus de l’aristocratie. Ces « noirs », comme on les
nomme aussi, se méfient particulièrement de la bourgeoisie et leur programme consiste simplement à tenter
de limiter le plus strictement possible les pouvoirs de l’Assemblée.
Dans ce contexte, les monarchiens occupent alors la position centrale, car ils font aussi partie de la
mouvance révolutionnaire, seulement, ils craignent les excès populaires et cherchent à freiner le mouvement.
Enfin, la gauche est alors occupée par le parti national, composé du gros des députés bourgeois. On y
trouve aussi cependant certains aristocrates libéraux (dont Mirabeau, Talleyrand et Lafayette).
On le voit, cette assemblée ne se distingue guère par son radicalisme révolutionnaire et cette situation a un
impact important sur sa crédibilité, surtout à Paris, où l’on considère que les choses ne vont pas assez loin ni
assez vite, d’où une radicalisation palpable de l’opinion.
Le système électoral adopté a d’ailleurs de quoi mécontenter cette opinion. Car il n’est pas question de
suffrage universel : les députés craignent beaucoup trop l’arrivée en masse de représentants des classes les
plus pauvres, lesquelles à leurs yeux, ne sont pas « préparées à la liberté et à l’égalité ». Ainsi, si tous les
Français sont égaux devant les lois, l’appellation de citoyen est refusée à nombre d’entre eux.
Car environ le tiers de la population masculine du pays se voit privé de droits électoraux, soit tous les
domestiques, ainsi que la population la plus miséreuse. En outre, le droit électoral est monnayé et une
contribution financière, de 2 à 3 livres par an (l’équivalent de trois journées de travail) est exigée et ceux qui
ne peuvent payer ne peuvent pas voter.
De même, et bien que suivant ces règles, c’est plus de 4 millions d’hommes qui peuvent participer au
processus électoral, le système électoral à double niveau voté en décembre 1789 encadre et limite les droits
électoraux de la grande majorité. Ainsi, les 4 millions de citoyens actifs ne votent que pour les représentants
des assemblées primaires, qui sont eux-mêmes appelés électeurs.
Pour pouvoir être électeur, il faut payer l’équivalent de 10 journées de travail (environ 10 livres). Et pour
être éligible à un mandat de député, il faut payer un marc d’argent (soit environ 50 livres). Le but est toujours
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le même : faire en sorte que le pouvoir tombé entre les mains de la bourgeoisie ne tombe pas plus bas dans
l’échelle sociale… À noter que ces écarts par rapport à l’idéal ne suscitent au moment de leur adoption que
très peu de controverses et de discussions en chambre.
Témoignage cependant de la radicalisation de la société et de la pression exercée par l’opinion sur les
décisions politiques, ces dispositions inégalitaires seront peu à peu éliminées, au fur et à mesure de la
transformation de la révolution bourgeoise en révolution populaire.
Mais même en tenant compte de ces réserves très limitatives quant à la portée du caractère universel des
droits, on ne peut nier l’aspect innovateur de l’inclusion d’un si grand nombre de Français dans le processus
politique. Paradoxalement, cette inclusion, en favorisant la participation de la population, porte en elle le
germe de la radicalisation révolutionnaire.
De même, et même si les députés, bourgeois et aristocrates libéraux, ont à cœur le maintien de leur
domination, ils vont s’atteler pendant un an et demi à la tâche colossale de la création d’un État moderne sur
les ruines de l’absolutisme.
L’égalité dont il est question dans la Déclaration doit d’abord se manifester sur le plan administratif, avec
le remplacement du complexe système de l’ancien régime, dans lequel les différentes régions, issues de la
lente formation de l’État français, avaient conservé des particularismes se manifestant sur le plan de l’impôt
ou du droit. En divisant le territoire français en 83 départements, on supprime ces particularismes pour les
remplacer par un rapport d’égalité de chacune des régions dans l’ensemble national.
Toujours en application des principes de la Déclaration, on s’emploie aussi à refonder le système
judiciaire et donc à créer un État de droit. En s’inspirant grandement de lhabeas corpus de l’Angleterre, on
met en place un système judiciaire moderne qui, par le transfert des pouvoirs judiciaires de l’autorité
arbitraire du roi et de ses magistrats à un système raisonné, structuré et s’appuyant sur les textes de loi,
parvient à assurer la sécurité des personnes.
Dès l’automne 1789, on encadre le processus de prise de corps et de garde à vue et on met en place la
présomption d’innocence. En 1790, empruntant ici aussi à la législation anglaise, on affirme le caractère oral
et public des procédures judiciaires et on met en place un système de jury (composé de douze citoyens)
chargé du verdict. Le juge alors n’a plus qu’à appliquer la loi en proportionnant la peine au délit. De même, la
torture est interdite, ainsi que le pilori (l’exposition publique) et la marque au fer rouge. Bref, le système
judiciaire se civilise.
Autre grand droit, autre grand chantier : la liberté d’opinion. Dans l’ancien régime, il suffisait que le roi se
sente offensé d’un écrit pour qu’il ordonne la détention de l’auteur. Tout au long de la période de la
Constituante, soit jusqu’à lautomne 1791, la France connaîtra une totale liberté de presse et même les
publications les plus violentes (comme l’Ami du peuple, de Marat) ne seront pas inquiétées.
La liberté d’opinion concerne aussi la liberté religieuse. Dès avant les grands changements, les protestants
français avaient obtenu la tolérance de la part de l’État, laquelle est confirmée par la Déclaration universelle
et les mêmes droits politiques leurs sont octroyés à la fin de 1789. Cela concerne aussi les minorités juives,
qui reçoivent leur pleine citoyenneté en janvier 1790 (sauf les Juifs d’Alsace, qui devront attendre septembre
1791).
Ces différentes réformes visant à répondre concrètement aux principes de la Déclaration effectuent une
transformation profonde de la France légale, qui devient alors une société d’individus aux droits égaux, où les
hommes, devenus citoyens, ne sont plus définis par leur naissance et deviennent libres et responsables de leur
avenir. L’abolition des titres de noblesse le 19 juin 1790 vient achever cette mue légale.
Il est un domaine cependant où les députés font preuve d’une grande circonspection : l’Armée. D’une part
parce qu’on hésite à s’attaquer de front à une institution dont peut dépendre le sort des réalisations de la
révolution, mais d’autre part parce que traditionnellement, et encore plus depuis la loi de 1781, elle est la
chasse gardée de la noblesse, dont de nombreux représentants siègent à la Constituante.
Cependant, le 4 août, le privilège nobiliaire est néanmoins aboli avec les autres et on ouvre ainsi la voie de
la carrière militaire à la compétence. Mais compte tenu de la situation en Europe, on n’ose pas destituer les
officiers de l’ancien régime. De même, pour le moment, l’idée d’une conscription obligatoire est écartée.
En fait, plutôt que de risquer d’affronter l’armée, la Constituante préfère la contourner, grâce à la Garde
nationale de 1789, qui se voit dotée d’un cadre légal et structurel en 1791. Elle devient dès lors l’armée de
cette bourgeoisie nouvellement aux commandes de l’État, composée exclusivement de citoyens actifs et
procédant elle-même à l’élection de ses officiers. La France compte désormais deux armées : l’armée royale,
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élitiste, formée à l’ancienne et composée dans une grande mesure de mercenaires étrangers, et l’armée
nationale, ouverte aux talents, comme le reste des postes et des fonctions, au service de ce nouvel État et de
ses principes.
On le voit, la Constituante ne chôma pas. Elle termina ses travaux le 30 septembre 1791, pour être
remplacée immédiatement par l’Assemblée législative, qui siègera pendant dix mois, jusqu’au moment la
suspension du roi obligera à repenser le système politique. Comme les membres de la Constituante ont voté
leur inéligibilité, ce sont des hommes nouveaux qui font alors leur entrée.
Cette nouvelle législature témoigne clairement de la radicalisation en cours et les tendances politiques se
trouvent déplacées vers la gauche. Parmi les 745 membres, on compte 260 députés identifiés à la droite
(associé au Club des Feuillants et fenseurs de la monarchie constitutionnelle) et 136 députés identifiés à la
gauche (Girondins), ou l’idée de république fera son apparition. Au centre, près de 350 députés assurent
l’équilibre entre les deux tendances, refusant de s’inscrire aux clubs, car redoutant la compromission des uns,
les méthodes des autres.
C’est aussi un nouveau gouvernement qui s’installe à partir du moment siège l’Assemblée législative,
mais le roi n’a plus autant de choix, compte tenu du déplacement vers la gauche des députés. C’est bien r
aux Feuillants que le roi confie la tâche, mais après la démission de ceux-ci, il se tournera vers la Gironde
pour des raisons tactiques, car les Girondins sont alors les plus favorables à une déclaration de guerre.
Le gros du travail de réformes ayant alors été accompli, ces deux gouvernements auront néanmoins à gérer
l’État dans des situations difficiles : le premier dans un contexte de difficultés économiques grandissantes et
son corollaire, la radicalisation de l’opinion publique; le deuxième dans le cadre d’une guerre.
2.2 Paris et la province
Si à partir de 1792, Paris sera de plus en plus opposé à la province (au moins à certaines régions), dans un
premier temps, et même si les processus politiques diffèrent, la capitale et les régions parlent d’abord d’une
même voix.
Paris est un cas particulier d’abord parce qu’il s’agit de la capitale, mais aussi parce que, la population y
étant plus nombreuse, se trouvent concentrées ici les élites culturelles et intellectuelles du pays. Ainsi, même
si certaines institutions municipales créées après 1789 se retrouvent aussi dans d’autres villes du pays,
l’interaction entre elles est ici très particulière.
L’ordre municipal parisien (que l’on nomme Commune de Paris) est centré autour de trois institutions : la
municipalité (donc la mairie), les districts et la Garde nationale. Ayant elle-même pris en main la situation en
juillet 1789, la population se méfie d’une mairie qui a en quelque sorte récupéré le fruit de ses efforts et ne
représente pas nécessairement l’opinion et les tendances de la majorité de la population.
C’est Bailly, membre de la Constituante qui devient maire en juillet 1789. Il s’appuie pour diriger sur un
conseil de ville composé de 60 membres, issus de l’assemblé municipale, elle-même composée de 300
membres. Comme le système électoral national s’applique aux élections municipales, plus ou monte dans la
hiérarchie, plus la bourgeoisie est surreprésentée. D’où, la suspicion des districts à l’endroit du centre
municipal.
C’est ainsi que la vie politique de Paris est double : celle des élites, à la mairie; celle de la population dans
les soixante districts de la ville. Assez rapidement, la défiance des districts par rapport à la municipalité se
traduit par la mise en place de liens interdistricts, visant à court-circuiter l’ingérence du centre.
Pour pallier cette perte de pouvoir, le système de district sera remanié en mai 1790 par la Constituante en
48 sections, mais cela ne fera que retarder la mise en place d’un pouvoir parallèle à Paris, dont la
manifestation la plus évidente sera le mouvement des Sans-culottes, lequel participera à tous les grands
changements gouvernementaux qui vont suivre, surtout après le 10 août, alors que se mettra en place la
Commune insurrectionnelle de Paris.
C’est ainsi que, même si par la réforme de l’administration nationale et la création des départements, la
ville de Paris ne représente théoriquement que 1/83e du pouvoir politique, la présence des institutions
nationales confère à la capitale un rôle unique.
Pendant que Paris s’emploie à définir son fonctionnement interne, en province on s’intéresse avant tout
aux rapports entre le centre et les périphéries, surtout que l’effondrement des autorités laisse un vide politique
que les tensions de la Grande Peur de l’été 1789 obligent à combler.
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