Présentation

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Histoire de la
France
révolutionnaire
Troisième cours :
La monarchie constitutionnelle
(1789-1792)
Troisième cours :
1 – Les journées d’octobre
2 – Le nouvel ordre
3 – Économie
4 – État et Église
5 – Contre-révolution et surenchère
révolutionnaire
6 – Politique étrangère
7 – Le sort de Louis XVI
1 – Les journées d’octobre
• Les dispositions prises par l’Assemblée en août ne
permettent pas la résolution des problèmes. Malgré la
bonne récolte de l’été 1789, la nourriture manque, car
le chaos dans les campagnes nuit à la circulation des
approvisionnements qui n’arrivent tout simplement pas.
• À Paris, ces problèmes sont aggravés par le chômage :
les domestiques se retrouvent sans moyen de
subsistance, pendant que les boutiquiers et artisans de
luxe perdent une partie significative de leurs revenus.
• À ces difficultés viennent s’ajouter la tension politique,
relancée par les élections municipales : Bailly,
devenu maire, convoque des élections qui conduisent à
la formation d’un conseil municipal très représentatif.
• Les députés ne joueront pas un rôle très important dans
la prise de décision, mais l’intérêt de ces élections réside
dans le bouillonnement de la vie publique qu’elles
provoquent. Loin de calmer l’effervescence politique, ce
processus la décuple.
• Commence la différenciation entre le radicalisme de la
commune de Paris et une assemblée nationale plus
prompte au compromis. Si les plus aisés dominent
cette dernière, l’existence de la commune de Paris
favorise la politisation des masses populaires.
• Paris compte 60 districts très variés et les quartiers
pauvres sont plus radicaux. Le contrôle de la mairie sur
ces derniers demeure théorique et ils réclament une
décentralisation et une démocratie directe. De nouveaux
noms font alors leur apparition (Brissot, Danton).
• La tension ne baisse pas en septembre et la population
cherche un bouc émissaire, l’aristocratie et le roi. Pour
elle, rien n’a vraiment changé.
• Paris a un moyen de plus qu’avant le 14 juillet, disposant
de la Garde nationale pour se défendre et faire entendre
ses griefs. À la fin de l’été, elle est composée de près de
30 000 hommes, commandés par La Fayette.
• Lorsque se répand la rumeur de l’arrivée à Versailles
du régiment de Flandre, on s’inquiète d’un coup de
force. Le climat est d’autant plus tendu que l’on débat
alors à du veto, débat derrière lequel le roi se retranche
pour ajourner sa sanction aux décrets du 4 août.
• C’est dans cette atmosphère que l’opinion apprend
l’événement du banquet offert le 1er octobre par le roi
au régiment de Flandres, au cours duquel les officiers
piétinèrent la cocarde tricolore, symbole de la révolution.
• Les appels à une marche sur Versailles se multiplient et
le 5 octobre, les femmes de Paris prennent l’initiative
de cette marche. La Fayette tente de maîtriser ses
hommes, mais la Garde nationale décide de suivre les
femmes.
• La commune de Paris lui confie la mission de
ramener le roi à Paris, pour l’éloigner de l’influence des
aristocrates conservateurs, assurer sa sécurité et le tenir
à l’œil.
• Au matin du 6, après une nuit de siège, certains
manifestants font irruption dans le château, tuant
plusieurs membres de la garde royale et obligeant La
Fayette à s’interposer entre le roi et les émeutiers.
• Le roi n’a d’autre choix que d’apposer sa signature
au bas des fameux décrets, entérinant la légalisation
de l’ordre nouveau.
• Il se présente alors au balcon devant la foule assemblée
pour consentir à s’installer à Paris. Sa défaite lui
redonne temporairement sa popularité.
• Quant à l’Assemblée, elle décide de suivre un roi
devenu prisonnier dans sa capitale.
2 – Le nouvel ordre
2.1 – Les pouvoirs
2.1.1 – Le roi
• Les nouvelles institutions issues de l’été commencent à
fonctionner. S’agissant d’une période très instable, les
règles régissant leur fonctionnement vont grandement
évoluées, depuis l’installation de la Constituante à
Versailles, jusqu’à la convocation de l’Assemblée
législative à la fin de l’été 1791.
• Du point de vue politique tout est à faire : les
précédents sont peu nombreux et le modèle anglais est
loin de satisfaire tous les membres de la constituante,
qui partageaient le désir d’en finir avec l’absolutisme,
mais dont les points de vue désormais divergent.
• Personne ne parle de république et tous s’entendent
sur la nécessité d’établir une réelle séparation des
pouvoirs, mais si ces centres de pouvoirs sont déjà
définis, leurs attributions ne sont pas fixées.
• Un groupe de députés modérés (les monarchiens)
favorise la domination du roi sur l’assemblée et donc
de la subordination du nouveau pouvoir à l’ancien.
• Nombreux sont ceux qui craignent les débordements de
la population et cherchent un moyen de terminer la
révolution en préservant les libertés politiques.
• Tous s’entendent pour que le roi soit chef de
l’exécutif, mais les monarchiens désirent lui donner une
part du pouvoir législatif, afin de limiter celui de
l’assemblée et d’empêcher la mise en place de lois
qui remettraient en question l’ordre social.
• Ils proposent l’octroi d’un veto absolu au roi et la
création
d’un
sénat
héréditaire
composé
d’aristocrates, suivant le modèle anglais.
• Le parti national rejette ces mesures, y voyant une
tentative de limiter les effets de la révolution. Sur la
question du veto, on en viendra à un compromis : l’octroi
d’un veto suspensif temporaire en échange de la
sanction royale au texte du quatre août.
• Quant au sénat, l’idée est largement rejetée par les
députés au début de septembre. L’assemblée aura
donc la préséance sur le roi.
• Cela ne veut pas dire que ce dernier est sans pouvoir : il
demeure le chef de l’exécutif et nomme les membres
du gouvernement.
• D’où cette étrangeté qui alimente le mécontentement et
explique en partie les journées d’octobre : le
gouvernement en place en automne 1789 (et jusqu’à la
fin de 1790) est le même qu’avant la révolution…
• Subordonné à la souveraineté nationale, le roi est
« roi des Français, par la grâce de Dieu, et la loi
constitutionnelle de l’État ».
• Cela le désacralise et fait de lui le premier magistrat de
l’État, mais il n’est plus au-dessus de celui-ci. Il en est
devenu le serviteur.
• Cette première constitution est donc un compromis
difficile entre l’autorité nouvelle et l’ancienne, qui
refuse sa subordination.
• Elle laisse au roi, outre le pouvoir de nommer les
ministres, celui de diriger la politique étrangère du
pays, mais ce dernier pouvoir est limité par le fait que
c’est à l’Assemblée de décider de la paix ou de la guerre
et que c’est elle aussi qui nomme les ambassadeurs.
• Le roi est nu : l’administration et les pouvoirs
législatifs lui échappent désormais. Les deux pôles
de pouvoir se méfient l’un de l’autre et s’acceptent
difficilement. Rien d’étonnant à ce que cette
collaboration imposée par les principes et se heurtant
aux réalités n’ait survécu que quelques années.
2.1.2 – L’assemblée
• l’Assemblée s’est installée dans l’enceinte du Manège,
où jusqu’en mai 1793 siégeront les diverses législatures.
Compte tenu de l’impossibilité de débattre sereinement,
à cause de la participation du public, le véritable travail
se fit dans les différents comités.
• Il n’y a pas de parti au sens strict et les députés sont
libres d’approuver ou non un projet de loi suivant leur
conscience et sensibilité.
• Mais compte tenu de l’importance des questions à
résoudre, on vit rapidement apparaître des clivages. De
ces premiers clivages et de la distribution des membres
dans l’hémicycle datent les catégories politiques de
gauche, centre et droite.
• On trouve à droite les opposants au décret du quatre
août, tenants d’une révolution contrôlée et limitée à une
redistribution des prérogatives politiques.
• Ils portent le nom d’aristocrates, bien qu’on trouve au
sein de ce groupe des gens qui n’en sont pas. Ils se
méfient de la bourgeoisie et leur programme consiste
à tenter de limiter les pouvoirs de l’Assemblée.
• Les monarchiens occupent le centre, car ils font aussi
partie de la mouvance révolutionnaire, mais ils craignent
les excès et cherchent à freiner le mouvement.
• La gauche est occupée par le parti national, composé
du gros des députés bourgeois. On y trouve aussi
certains aristocrates libéraux (Talleyrand, La Fayette).
• L’Assemblée ne se distingue pas par son radicalisme, ce
qui a un impact sur sa crédibilité, surtout à Paris, où
l’on considère que les choses ne vont pas assez
loin, ni assez vite.
• Le système électoral a de quoi mécontenter cette
opinion. Pas question de suffrage universel : les
députés craignent l’arrivée de représentants des classes
qui ne sont pas « préparés à la liberté et à l’égalité ».
• Tous les Français sont égaux, mais l’appellation de
citoyen est refusée à nombre d’entre eux.
• Le tiers de la population masculine est privé de droits
électoraux, (domestiques et population miséreuse). Le
droit électoral est monnayé et une contribution
financière, de 2 à 3 livres par an. est exigée. Ceux qui ne
peuvent payer ne peuvent pas voter.
• Plus de 4 millions d’hommes peuvent participer au
processus électoral, mais le système à double niveau
voté en décembre 1789 encadre et limite les droits
électoraux. Ainsi, les 4 millions de citoyens actifs ne
votent que pour les représentants des assemblées
primaires, qui sont eux-mêmes appelés électeurs.
• Pour pouvoir être électeur, il faut payer 10 livres et
50 livres pour être éligible à un mandat de député. Le
but est toujours le même : faire en sorte que le pouvoir
tombé entre les mains de la bourgeoisie ne tombe pas
plus bas dans l’échelle sociale…
C
• Ces écarts par rapport à l’idéal ne suscitent que peu de
controverses et de discussions en chambre.
• Ces dispositions inégalitaires seront peu à peu
éliminées, au fur et à mesure de la transformation de la
révolution bourgeoise en révolution populaire.
• Même en tenant compte de ces réserves, on ne peut
nier l’aspect innovateur de l’inclusion d’un si grand
nombre de Français dans le processus politique,
inclusion qui, en favorisant la participation populaire,
porte le germe de la radicalisation révolutionnaire.
• Les députés de la Constituante vont s’atteler pendant un
an et demi à la tâche colossale de la création d’un État
moderne sur les ruines de l’absolutisme.
• L’égalité de la Déclaration doit se manifester sur le plan
administratif, avec le remplacement du système de
l’ancien régime, dans lequel les différentes régions
avaient conservé des particularismes se manifestant sur
le plan de l’impôt ou du droit.
• En divisant le territoire français en 83 départements, on
supprime ces particularismes pour les remplacer par le
principe d’égalité de toutes les régions.
• On s’emploie aussi à refonder le système judiciaire et à
créer un État de droit, s’inspirant de l’habeas corpus :
transfert des pouvoirs judiciaires de l’autorité arbitraire
du roi et de ses magistrats à un système raisonné,
structuré et s’appuyant sur les textes de loi.
• Dès l’automne 1789, on encadre le processus de prise
de corps et de garde à vue et on met en place la
présomption d’innocence.
• En 1790, on affirme le caractère oral et public des
procédures et on met en place un système de jury
chargé du verdict. Le juge alors n’a plus qu’à appliquer
la loi en proportionnant la peine au délit.
• La torture est interdite, ainsi que le pilori et la
marque au fer rouge. Le système judiciaire se civilise.
• Autre grand droit, autre grand chantier : la liberté
d’opinion. Tout au long de la Constituante, la France
connaîtra une totale liberté de presse et même les
publications les plus violentes ne seront pas inquiétées.
• Cela concerne aussi la liberté religieuse. Les droits
politiques sont octroyés aux protestants à la fin de 1789
et les minorités juives reçoivent leur citoyenneté en
janvier 1790.
• Ces différentes réformes effectuent une transformation
profonde de la France légale, qui devient alors une
société d’individus aux droits égaux qui ne sont plus
définis par leur naissance et deviennent libres et
responsables de leur avenir. L’abolition des titres de
noblesse le 19 juin 1790 vient achever cette mue légale.
• On hésite d’abord à s’attaquer à l’armée car d’elle peut
dépendre le sort de la révolution. Le fait que l’armée soit
la chasse-gardée de la noblesse (de nombreux députés
sont nobles) joue aussi un rôle dans cette retenue.
• Même si le 4 août le privilège nobiliaire est aboli et
qu’on ouvre la voie de la carrière militaire à la
compétence, la situation en Europe fait en sorte que l’on
n’ose pas destituer les officiers de l’ancien régime.
• Pour le moment, la conscription obligatoire est écartée.
• Plutôt que d’affronter l’armée, la Constituante préfère la
contourner, grâce à la Garde nationale de 1789, qui se
voit dotée d’un cadre légal et structurel en 1791.
• Elle devient l’armée de la bourgeoisie, composée
exclusivement de citoyens actifs et procédant elle-même
à l’élection de ses officiers.
• La France compte désormais deux armées : l’armée
royale, élitiste, et l’armée nationale, ouverte aux talents,
comme le reste des postes et des fonctions.
• La Constituante termina ses travaux le 30 septembre
1791, pour être remplacée immédiatement par
l’Assemblée législative.
• L’Assemblée législative siègera pendant dix mois,
jusqu’au moment où la suspension du roi obligera à
repenser le système politique.
• Comme les membres de la Constituante ont voté leur
inéligibilité, ce sont des hommes nouveaux qui font
alors leur entrée.
• Cette nouvelle législature témoigne de la radicalisation
en cours et les tendances politiques se trouvent
déplacées vers la gauche.
• Sur les 745 députés, on en compte 260 identifiés à la
droite (associé au Club des Feuillants et défenseurs de
la monarchie constitutionnelle) et 136 députés
identifiés à la gauche (les Girondins).
• Au centre, près de 350 députés assurent l’équilibre
entre les deux tendances, refusant de s’inscrire aux
clubs, redoutant la compromission des uns, les
méthodes des autres.
• Un nouveau gouvernement s’installe, mais le roi n’a
plus autant de choix, compte tenu du déplacement vers
la gauche des députés.
• C’est aux Feuillants que le roi confie la tâche et après
la démission de ceux-ci, il se tournera vers la Gironde
pour des raisons tactiques, les Girondins étant alors les
plus favorables à une déclaration de guerre.
• Même si le gros du travail de réformes a déjà été
accompli, ces deux gouvernements auront à gérer
l’État dans des situations difficiles : le premier dans
un contexte de difficultés économiques grandissantes et
son corollaire, la radicalisation de l’opinion publique; le
deuxième dans le cadre d’une guerre.
2.2 – Paris et la province
• Si à partir de 1792, Paris sera de plus en plus opposé à
la province, dans un premier temps, la capitale et les
régions parlent d’une même voix.
• Paris est un cas particulier parce qu’il s’agit de la
capitale et parce qu’on y trouve concentrées ici les élites
culturelles et intellectuelles
• Même si certaines institutions municipales créées après
1789 se retrouvent aussi dans d’autres villes du pays,
l’interaction entre elles est ici très particulière.
• L’ordre municipal parisien (la Commune de Paris)
est centré autour de trois institutions : la municipalité,
les districts et la Garde nationale.
• La population se méfie d’une mairie qui ne représente
pas nécessairement l’opinion et les tendances de la
majorité.
• Bailly devient maire en juillet 1789 et s’appuie sur un
conseil de ville (60 membres), issus de l’assemblé
municipale, elle-même composée de 300 membres.
• Le système électoral national s’applique aux élections
municipales : plus ou monte dans la hiérarchie, plus
la bourgeoisie devient surreprésenté.
• Ainsi, la vie politique de Paris est double : celle des
élites, à la mairie; celle de la population dans les
districts. Rapidement, la défiance des districts se traduit
par la mise en place de liens interdistricts, visant à courtcircuiter l’ingérence du centre.
• Le système sera remanié en mai 1790 en 48 sections,
mais cela ne fera que retarder la mise en place d’un
pouvoir parallèle à Paris, dont la manifestation la plus
évidente sera le mouvement des Sans-culottes.
• Même si par la création des départements, Paris ne
représente que 1/83e du pouvoir, la présence des
institutions nationales lui confère un rôle unique.
• En province on s’intéresse avant tout aux rapports
entre le centre et les périphéries, surtout que
l’effondrement des autorités laisse un vide politique que
la Grande Peur de l’été 1789 oblige à combler.
• C’est d’abord un souci de sécurité qui va donner
naissance à la reconfiguration administrative du
territoire: partout sur le territoire, les municipalités se
dotent de Gardes nationales.
• Pour assurer la sécurité dans un contexte de dislocation
des liens administratifs, le rétablissement de contacts
entre les régions devient impératif, ce qui fut fait par le
biais de la création de fédérations régionales. Il s’agit
ici d’un mouvement issu des périphéries, en dehors de
toute influence du centre.
• Avec la sécurisation du territoire, le souci de sécurité fait
place à un désir de reconstitution de l’unité nationale
: au-delà des particularismes régionaux, tous les
citoyens se reconnaissent une identité commune.
• Le point d’orgue de ce mouvement surviendra le 14
juillet 1790, alors que pour commémorer les
événements de l’année précédente, des délégués de
toutes les Gardes nationales du territoire se réuniront sur
le Champ-de-Mars à Paris dans le cadre de la Fête de
la fédération.
• Du point de vue des régions, la France est une
fédération et non un État unitaire dans lequel tous les
pouvoirs sont concentrés dans un centre politique.
• En 1789-1790, dans le climat d’enthousiasme et
d’idéalisme qui domine, cette différence n’est pas très
importante, mais elle porte en germe la guerre civile,
provoquée par une distanciation de plus en plus grande
entre Paris et certaines régions du pays.
2.3 – L’opinion publique
• En matière de liberté d’expression, la Constituante s’en
tient à ses principes et refuse toute forme de limitation
et de censure, permettant le déploiement d’un espace
public comme jamais auparavant.
• Les clubs politiques constituent le centre par
excellence de l’expression publique. Plusieurs existaient
avant l’été 1789, mais la politisation de la population va
faire des premières années du nouveau régime l’âge
d’or de ces organisations, qui vont être à la base de la
formation des premiers partis politiques.
• Toutes les tendances sont représentées, mais les
tenants de l’absolutisme se montrent discrets et on
connait mal leurs lieus de réunion, à l’exception du Salon
français, qui deviendra un nid de comploteurs.
• Les monarchiens durent se montrer plus discrets à
partir de 1790, alors que dans un premier temps, ils se
réunissaient sans crainte au Club monarchique et au
Club des impartiaux, mais aussi dans les salons de
l’aristocratie libérale.
• Mais les clubs furent surtout le lieu d’expression des
représentants du tiers état et des quelques membres de
l’aristocratie qui partageaient ses idéaux politiques. C’est
le cas de la Société de 1789, fondé par Sieyès et où se
réunissaient les amis de La Fayette et où la cotisation
élevée limitait le nombre d’adhérents aux plus nantis.
• À Paris, le plus important de ces clubs fut fondé sous le
nom de Société des amis de la constitution en avril
1790, mais prend forme en décembre, lorsqu’elle
s’installe au couvent des Jacobins.
• Une cotisation relativement élevée faisant en sorte
d’écarter les plus pauvres en fit le lieu de
rassemblement par excellence de la bourgeoisie.
• Le club de Paris devint éventuellement le centre d’une
fédération de clubs du même ordre partout en France.
C’est des Jacobins que prirent forme plusieurs des partis
et des factions qui occuperont par la suite les banquettes
de l’Assemblée : gironde, feuillants, montagne.
• À partir de la fuite du roi, une partie des membres du
club le quittera pour s’installer au couvent des Feuillants,
consacrant un schisme entre radicaux et modérés.
• Le club rival, la Société des amis des droits de
l’homme et du citoyen, fondé en avril 1790, s’installe
au couvent des Cordeliers. S’agissant d’un club qui ne
demande pas de cotisation, il deviendra le refuge des
radicaux, même s’il comptera des membres plus
modérés. C’est lui qui fut à l’origine de la manifestation
du Champ-de-Mars.
• L’autre grand mode de propagation des opinions, c’est la
presse écrite, dont le nombre de titres et les tirages
explosent littéralement.
Jacobins et partis politiques
• En 1791, on compte à Paris seulement environ 150
titres. Certains connaîtront une existence fort brève,
d’autres seront publiés pendant quelques années.
• Ici aussi, on retrouve une grande diversité. Le Journal
politique national qui ne parut qu’en 1789 et 1790 ou
encore, les Actes des apôtres, diffusaient les idées de la
droite monarchiste, puis contre-révolutionnaire.
• Les tendances modérées de 1789 sont cependant
peu diffusées et seul Le mercure de France peut
véritablement être considéré comme monarchien.
• Les idées révolutionnaires jouissent de nombreux titres,
autre élément concourant à la radicalisation d’une
population alors avide d’informations.
• Les titres les plus importants comprennent Le patriote
français, Les révolutions de France et de Brabant, mais
surtout L’ami du peuple. La liberté de presse est bien
illustrée par la quasi totale absence de représailles
légales à l’endroit de ce dernier journal radical et violent.
3 – Économie
3.1 – Libéralisme économique
• Les question économiques sont moins sensibles
que celle touchant à l’organisation politique, les
mutations ayant commencé avant la révolution.
• Libérale en politique, la bourgeoisie française l’est
tout autant en matière économique. Le caractère
communiquant des deux domaines est évident et l’on
passe aisément de la liberté individuelle à la liberté
d’entreprise.
• On trouve dans les premières mesures économiques
mises en place par les nouveaux pouvoirs politiques une
méfiance face à l’intervention étatique.
• Les mécanismes de fixations des prix et des salaires
sont conditionnels à l’accroissement de la richesse et
s’ils provoquent l’inégalité économique, ils sont en
revanche basés sur l’égalité de l’accès au marché.
• L’idéalisme est à la base de la doctrine économique de
la Constituante et son modèle de société idéale est une
démocratie concurrentielle de petits producteurs et
commerçants. Les contradictions entre libéralisme
économique et pluralisme politique lui sont étrangères.
• Le régime économique de la monarchie étant basée sur
l’octroi de franchises et de monopoles, c’est d’abord de
ce côté que se tourne la Constituante : il faut libérer la
production. L’abolition des « privilèges particuliers des
provinces, principautés, villes, corps et communautés »
ont déjà posé les principes de ce libéralisme idéal.
• Au printemps 1790, la Compagnie des Indes est
démantelée et le commerce colonial est désormais
ouvert à toutes les entreprises.
• Il en est de même du commerce interrégional, mais
en ce qui concerne le commerce international, les
députés craignent qu’une ouverture n’entraîne des
difficultés d’approvisionnement pour la population. De
sorte que l’exportation des céréales est explicitement
interdite.
• Par les décrets du 4 août, le produit de la terre
appartient à ceux qui la cultive. Quant aux droits
d’exploitation du sous-sol, ils appartiennent à ceux qui
sont propriétaires du sol.
• La campagne française est inégalitaire, même parmi
les paysans, car certains d’entre eux, sont parvenus à
accumuler une quantité suffisante de terres pour être
considérés comme entrepreneurs.
• Ceux-là réclament la mise en place en campagne d’un
cadre ultra libéral, basé sur la régulation naturelle des
prix et conséquemment, le démantèlement de la
structure communautaire favorable aux pauvres.
• Compte tenu de la situation tendue dans les campagnes
et de l’alliance entre la bourgeoisie des villes et les
paysans, les députés hésitent à établir un tel cadre et
on opte finalement pour une politique de compromis.
• Les prix sont libéralisés, de même que les cultures,
mais on maintient la structure communautaire
(jouissance de la pâture commune et des biens
communaux), afin de soutenir la paysannerie pauvre, qui
est majoritaire.
• Un libéralisme mur-à-mur est appliqué au travail
urbain, même si les tensions dans les villes incitent les
députés à la prudence et les poussent à retarder au
printemps 1791 les principaux changements.
• Le décret du 14 juin interdit toutes les associations
professionnelles (dont l’existence remet en question le
sacro-saint principe de régulation naturelle), dont les
syndicats.
3.2 – Les finances de l’État
• La principale difficulté économique concerne la fiscalité.
Le problème fiscal ayant provoqué la crise, les députés
sont bien conscients des attentes de la population.
• On abolit les taxes à la consommation. En plus de
donner un répit à la population, l’abolition des « aides »
permet de créer sur l’ensemble du territoire une sorte
d’égalité fiscale.
• Mais il faut assurer à l’État des sources de revenus,
d’autant que les missions de celui-ci se voient élargies
à
l’assistance
publique
et
à
l’éducation,
responsabilités dont l’Église se chargeait auparavant.
• Le système d’imposition est revu et distingue trois
grands types de revenus : l’impôt foncier, (240 millions
de livres) l’impôt immobilier (50 millions de livres) et la
patente, qui s’applique au profit industriel et commercial.
• Même si les dépenses n’ont pas augmenté de façon
extraordinaire, (de 731 millions de livres en 1789 à 822
millions en 1791), il faut trouver une façon de les
financer, d’autant que la révolution refuse de
désavouer les dettes de la monarchie, qui s’élèvent à
plus de 5 milliards de livres.
• On peut mettre en vente le domaine royal, mais il n’est
pas suffisamment important pour régler le problème. On
se tourne donc vers les gigantesques richesses de
l’Église, dont la valeur est estimée à près de 3 milliards.
Et c’est un évêque, Talleyrand, qui en propose la
nationalisation, ce qui est fait le 2 novembre 1789.
• Devenu propriétaire de ces richesses, l’État va émettre
des titres d’emprunts, assignés sur la valeur de la
propriété nationale. D’où le nom d’assignats.
• À l’origine, ils portaient un intérêt de 5 %, lequel sera
d’abord réduit à 3 %, avant d’être totalement supprimé
en 1791, alors qu’ils deviennent monnaie d’échange.
• Le système aura des conséquences dramatiques : ayant
cours légal, l’assignat pourra être échangé contre du
numéraire, entraînant une double tarification des
marchandises et favorisant la dépréciation de la
monnaie et l’emballement de l’inflation.
• Entre 1790 et 1793, l’assignant perd 60 % de sa
valeur, entre autres à cause du recours fréquent du
gouvernement à la planche à billets, au point où la
valeur totale des assignats dépasse éventuellement la
valeur des biens nationaux qu’ils sont censés garantir…
• Cette inflation eut des conséquences négatives pour
l’économie,
entraînant
la
paupérisation
des
détenteurs de titres et de rentes, ce qui aura
cependant un effet bénéfique sur les finances de l’État.
• Jusqu’à l’automne 1791, grâce à l’abondance des
récoltes, les prix demeurèrent relativement faibles et
c’est surtout à partir de 1792 que les graves
difficultés vont surgir.
4 – État et Église
• La question de la nationalisation des biens de
l’Église dépasse le strict cadre financier, surtout dans
un pays comme la France, où le catholicisme a toujours
joué un rôle politique important.
• Cela étant, la majorité du clergé en 1789 soutenait
très largement la cause révolutionnaire. À part
quelques protestations, la nationalisation des biens de
l’église et la suppression de la dîme n’entraîna pas de
désaffection.
• D’autant que pour assurer le fonctionnement du culte,
l’État mit en place des structures de financement qui,
pour la majorité des curés, signifiaient une amélioration
des conditions de vie.
• La Déclaration des Droits de l’homme ne mentionnait
pas explicitement la liberté religieuse, mais l’article X
(nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même
religieuses), a certainement fait grincer des dents le
clergé conservateur.
• De même, l’octroi des droits civiques aux minorités
protestantes et juives ne pouvait qu’inquiéter un clergé
qui craignait la laïcisation du royaume.
• L’Église est une institution conservatrice et si elle
accepte ces changements, elle n’a pas l’intention de
tolérer l’ingérence du pouvoir temporel dans ses
affaires.
• C’est pourtant ce que le gouvernement fait, interdisant
en février 1790 que de nouveaux vœux monastiques
soient prononcés et en ordonnant la dissolution de
toutes les congrégations, sauf celles qui s’occupent
encore de l’éducation et de la bienfaisance.
• La crise éclatera en juillet 1790, avec l’adoption de la
Constitution civile du clergé, qui entend changer
profondément le fonctionnement de l’Église.
• D’abord sur le plan administratif, par la réduction du
nombre de diocèses à 83, ce qui coïncide avec les
départements.
• Plus dérangeante, la mise en place d’élections, parmi
les ecclésiastiques ayant au moins 15 années de
pratique, pour les curés et les évêques.
• Le système de nomination est court-circuité, et le pape
évacué, ce qui est justifié par le fait que les membres du
clergé sont désormais des salariés de l’État.
• Le catholicisme demeure la religion de l’État, mais les
membres du clergé doivent prêter serment de fidélité à
la constitution, plaçant dès lors la fidélité à l’Église en
seconde position.
• L’adhésion du clergé à la révolution était telle que même
cette réforme radicale était acceptée.
• Mais fière de son indépendance, l’Église de France
refusait qu’elle lui soit imposée et revendiquait son
droit à y consentir librement, par un concile, ce que
les autorités politiques refusèrent
• On choisit donc la confrontation : en novembre 1790, un
délai de deux mois fut donné à tous les membres du
clergé pour qu’ils prêtent serment sur la constitution.
• Le clergé réfractaire eut un sursis jusqu’en été 1792,
mais la chute de la monarchie entraîna l’application de la
loi et les premiers assassinats. Le 26 août sera voté un
décret contraignant les 75 000 réfractaires à quitter le
territoire dans un délai de 15 jours.
• Cette politique eut un effet très négatif et provoqua un
schisme au sein de l’Église. Dès lors, une partie du
clergé se tourna contre les révolutionnaires, entraînant
derrière elle une partie de la population, jetée ainsi dans
les bras de la contre-révolution. Les graines de la
guerre civile étaient semées.
5 – Contre-révolution et
surenchère révolutionnaire
• Certains historiens considèrent que la contre-révolution
commence dès le 14 juillet 1789, car de nombreux
membres de l’aristocratie s’enfuient alors à l’étranger.
• Mais comme il n’y a à ce moment pas de programme
contre-révolutionnaire, ce point de vue est exagéré.
• Il y a plusieurs tendances au sein de cette immigration :
entre ceux qui craignent pour leur sécurité sans nourrir
d’animosité particulière et ceux, qui attendent le moment
de la revanche, les sensibilités sont diverses.
• Le programme contre-révolutionnaire qui se précise au
cours de l’année 1790 comporte deux volets : susciter
des insurrections provinciales et tenter de faire
évader le du roi, qui pourra servir de point de
ralliement.
• Le premier volet fut longtemps un échec. Tant que la
contre-révolution demeura limitée à l’aristocratie,
elle n’eut guère de succès. On compte quelques ligues
nobiliaires en Alsace ou en Franche-Comté, mais ce
n’est qu’à la faveur de la crise religieuse que les rangs
des opposants au nouvel ordre se verront adjoindre des
masses populaires importantes.
• Même limitée à ces quelques mouvements, la réaction
nobiliaire favorise la radicalisation révolutionnaire,
particulièrement visible dans les villes. C’est le cas à
Paris, où le Club des Cordeliers agite la population et où
l’incapacité ou le manque de volonté des institutions
politiques à régler les problèmes économiques favorise
aussi cette radicalisation.
• Le deuxième volet de l’activité contre-révolutionnaire ne
connut pas plus de succès, même si la véritable
tentative de fuite fut proche de réussir.
• Les premiers projets d’évasion du roi remontent à
l’automne 1789, mais ils restèrent longtemps à l’état de
projet, même si le roi lui-même y pensait dès ce
moment.
• C’est à l’automne 1790 que le projet se précise, car la
radicalisation de l’opinion ne permet plus de croire à un
renversement de la situation et suscite l’inquiétude de la
famille royale quant à sa sécurité physique.
• Le projet de fuite ne visait pas à faire en sorte que le roi
quitte le sol français et on voulait le diriger vers l’est, là
où la réaction nobiliaire était la plus forte, d’où il pourrait
rallier les forces conservatrices et marcher sur Paris.
• Le complot d’évasion fut mal ficelé et la méfiance des
forces révolutionnaires aboutit à l’échec inévitable : parti
dans la nuit du 20 au 21 juin, le convoi fut stoppé à
Varennes le 21 juin et ramené à Paris le 25. La
Fayette tenta sans succès de présenter la chose comme
une tentative d’enlèvement.
• Cette version fut retenue par la commission d’enquête
qui rendit son rapport le 15 juillet, innocentant le roi et
faisant porter la responsabilité à des exécutants qui
avaient de toute façon fui le pays.
• Dès la suspension du roi, ordonnée le temps de
l’enquête, la droite de l’Assemblée avait quitté
l’hémicyclique,
considérant
cette
suspension
anticonstitutionnelle.
• La crise conduisit à la tuerie du Champ-de-Mars, où La
Fayette fit ouvrir le feu sur quelques milliers de Parisiens
assemblés, qui réclamait que le roi fût châtié.
• Même si ce ne fut pas un massacre, c’était la première
fois qu’une tendance de la révolution ouvrait le feu
sur une autre, consommant une rupture entre modéré
et radicaux qui fera par la suite bien d’autres victimes.
• En ajoutant à cela les difficultés économiques et le
mécontentement devant les défaites, on se retrouve en
avec un mouvement populaire et urbain radical.
• Provoquées par les difficultés d’approvisionnement,
des émeutes agitent les villes tout au long de l’hiver
1791-1792. Puis le mouvement se donne des objectifs
politiques, quand les « citoyens passifs » font entendre
leur voix. Le mouvement des sans-culottes est né.
• Même s’il ne s’agit pas d’un mouvement prolétarien, car
aux ouvriers se mêlent artisans et petits boutiquiers, il
s’agit du premier mouvement politique détaché de la
bourgeoisie.
• Ce nouvel acteur politique provoque une autre
redistribution des cartes à l’Assemblée et alors que les
Feuillants se montrent favorables à la manière forte, les
Jacobins, menés par Robespierre et Marat, sans
soutenir les émeutiers, refusent de créer un autre
schisme dans le tiers état et se disent en faveur de la
satisfaction d’une partie des revendications des sansculottes.
6 – Politique étrangère
• On peut penser que le nouveau régime politique en
France avait autre chose à faire que de déployer une
politique étrangère active. Et c’est en effet ce qu’il tente
de faire dans un premier temps.
• Mais la nature du changement politique et les
interrelations entre les différents trônes d’Europe ne lui
permettront pas de s’en tenir à ses réformes intérieures.
Car l’Autriche s’inquiète du sort de la famille royale
et les régimes absolutistes suivent avec inquiétude
l’évolution de la situation en France.
• Les événements de juillet suscitent la sympathie chez
une grande partie de l’aristocratie européenne, mais
les décrets du 4 août ont un effet inverse : l’aristocratie
d’Europe aspire à plus de libéralisme, mais s’inquiète
des tendances égalitaristes qui se manifestent alors.
• Les bourgeoisies européennes y sont sympathiques et
les classes populaires sont enthousiasmées. Dès
1789, des révolutions éclatent à Liège et aux Pays-Bas.
Elles sont réprimées avec succès, mais la leçon a porté.
• Le cas de l’Alsace, ainsi que celui de la principauté
d’Avignon, qui demande son rattachement, témoignent
en outre de l’imbrication des intérêts en Europe.
• Cela étant, les États d’Europe regardent alors vers
l’est de l’Europe et ce n’est que dans la foulée de la
tentative de fuite du roi, avec la publication de la
déclaration de Pilnitz que le gouvernement français va
commencer à s’inquiéter : si la guerre menace, ne vaut-il
pas mieux prendre l’initiative?
• L’enthousiasme de Louis XVI pour la guerre est
suspect. Le roi croyait qu’une intervention étrangère
était le meilleur moyen de regagner son pouvoir. Les
calculs du roi rencontrent l’idéalisme révolutionnaire de
la gauche, particulièrement des députés de la Gironde.
• Pour ces derniers, la guerre sera facile, car les peuples
se soulèveront contre leurs maîtres pour se joindre à
une nouvelle Europe.
• Sous l’effet conjugué de ces deux tendances, l’opinion
se radicalise et la plupart des députés en viennent à
partager ce désir d’en découdre. Des grands noms de
la révolution, seul Robespierre s’oppose.
• Lorsque le gouvernement des Feuillants, seule faction à
s’opposer à la guerre, remet sa démission et qu’il est
remplacé par les Girondins, la table est mise pour une
déclaration de guerre.
• Le 20 avril 1792, le roi obtient l’appui de l’Assemblée
pour déclarer la guerre à l’Autriche. Dès lors, la
suspicion européenne fait place à une franche hostilité
• Mais l’armée française n’est pas prête : les officiers
sont peu fiables, l’armement manque et le recrutement
est déficient. 6 000 des 9 000 officiers avaient fui après
Varennes et l’Armée ne comptait que 120 000 hommes.
• Cela n’entame pas l’enthousiasme guerrier, mais sur le
champ de bataille, alors que l’Armée du nord s’est
portée vers les Pays-Bas, les défaites et les retraites
s’accumulent, malgré certaines victoires, non décisives,
remportées en Belgique et aux Pays-Bas.
• Incapables de comprendre que l’armée n’est pas prête,
les députés crient à la trahison des officiers aristocrates,
dont les désertions se multiplient. Le peuple réclame la
tête des responsables, mais il a pris l’habitude depuis
trois ans de prendre lui-même l’initiative.
• Le 11 juillet, devant le danger d'une invasion
autrichienne, l’Assemblée décrète la patrie en
danger : la Garde nationale est convoquée, on lève de
nouveaux bataillons de volontaires et de partout de la
province converge vers Paris les forces fédérées.
• Le 30 juillet, les bataillons marseillais entrent dans la
capitale en chantant un chant à l’origine composé à par
le capitaine Claude Joseph Rouget de l’Isle.
7 – Le destinde Louis XVI
• Devant la menace, le 1er août, Paris entre à nouveau
en insurrection, à l’instigation des sections dominées
par les sans-culottes. Les autorités sont suspendues et
une Commune insurrectionnelle est mise en place par
des « citoyens passifs » résolus à cesser de l’être.
• Les députés hésitent, mais certains comprennent qu’il
vaut mieux tenter de rejoindre le courant pour le
contrôler de l’intérieur, plutôt que de s’opposer.
• Cette fois, l’élément déclencheur a été le manifeste du
Duc de Brunswick, dans laquelle la population voit la
preuve de la trahison du roi et des aristocrates. Les
troupes fédérées, mêlées aux sans-culottes de Paris
marchent sur les Tuileries le 10 août.
• Barricadée dans sa résidence, la famille royale tente
de résister. Des négociations permettent au roi et à sa
famille de trouver refuge dans la salle du manège, où
siège l’Assemblée législative, mais la population ne
désarme pas et devant la pression, l’Assemblée vote la
destitution du roi et son remplacement par un comité
exécutif provisoire.
• Ainsi prend fin l’expérience d’une monarchie
constitutionnelle à la française. Par ailleurs, c’est la
première fois que Paris s’impose par la force à
l’assemblée représentant l’ensemble du territoire.
• Violant l’autorité du roi et de l’Assemblée législative, la
population de la capitale s’écarte de la légalité
révolutionnaire, imposant par la force une redistribution
des pouvoirs. D’où le nom de seconde révolution que
porte dans l’historiographie cette journée du 10 août.
• Dès le 10 août, le roi et sa famille sont arrêtés et
incarcérés.
• Les conditions de détentions du roi sont difficiles et il est
isolé des membres de sa famille. La grande question qui
agite alors les autorités est le sort de Louis Capet.
• Dès les premières perquisitions menées aux tuileries, on
découvre des documents qui témoignent des rapports
qu’entretenait le roi avec les mouvements contrerévolutionnaires et on en déduit donc qu’il y a matière à
poursuivre le roi déchu pour haute trahison.
• Mais les membres de la Convention, qui a remplacé
depuis septembre l’Assemblée législative, sont très
partagés sur la voie à suivre. Les plus radicaux
s’opposent à une mise en accusation et à un jugement
formel, réclamant que Louis soit déclaré coupable et
exécuté sans jugement.
• Pour une majorité de députés, qui croient le roi
coupable, un procès est néanmoins nécessaire pour
ne pas laisser planer de doute quant à la légitimité
du verdict.
• C’est cette option qui l’emporte et le 10, l’acte
d’accusation est présenté à la Convention, qui se
chargera elle-même de la procédure judiciaire.
• Le procès débute le 21 décembre, avec la première
comparution du roi, qui tente de faire valoir les lois et
rejette la prétention de la Convention à se substituer au
processus judiciaire normal. Ces arguments juridiques
sont avancés parce que sur le fond, celui de la trahison,
les documents sont accablants et les dénégations de
l’accusé ne suscitent que la colère des députés.
• Le 14 janvier 1793, les députés sont appelés à se
prononcer sur trois questions : la culpabilité du roi, la
possibilité d’en appeler au peuple pour qu’il décide du
sort de l’accusé et la peine applicable si la majorité
répond « oui » à la première et « non » à la seconde.
• À la question de la culpabilité, les députés sont
presque unanimes, alors que sur la deuxième question,
le non l’emporte avec plus des deux tiers des voix.
• Reste la question la plus difficile : que faire du
coupable? La condamnation à mort peut sembler
évidente, mais il s’agit d’un roi. En plus de la réaction
des cours étrangères, il fallait tenir compte de l’impact
qu’une exécution aurait en France.
• Pour les tenants d’une mise à mort, Louis Capet
devait être exécuté en tant que symbole de l’ancien
monde et de la contre-révolution. Tant que le roi
vivrait, celle-ci disposerait d’un point de ralliement.
• C’est cette vision des choses qui va s’imposer, mais
difficilement : 366 députés sur 721 voix exprimées
(soit à peine 51 %) se prononcent en faveur de la
condamnation à mort.
• Le 19 janvier, à la demande de la Gironde (qui constitue
alors le gouvernement), un vote est tenu concernant la
possibilité de sursoir à l’exécution, proposition qui
est rejetée par 383 voix. Le 20 janvier, le roi est informé
des décisions de la convention.
• Le 21 janvier au matin, Louis Capet est conduit à la
place de la Révolution. Il tente de s’adresser au peuple
assemblé, mais on l’en empêche. À 10 h 20, sa tête
tombe sous la lame de la guillotine, sous les
acclamations de la population parisienne.
• À l’exception de Paris, la population manifeste peu
d’enthousiasme. Mais on note aussi peu de
condamnation : à Lyon et à Orléans, on portera le
deuil, mais il s’agit d’exceptions. Même les royalistes
demeurent calmes.
• La mort du Très Chrétien survient dans une
indifférence quasi générale, fait qui témoigne à lui seul
de la désacralisation déjà consommée du personnage,
comme si, seulement 4 mois après les débuts de la
république, il représentait un passé depuis longtemps
révolu. La France est alors déjà passée à autre
chose.
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