Histoire de la France révolutionnaire Troisième cours : La monarchie constitutionnelle (1789-1792) Troisième cours : 1 – Les journées d’octobre 2 – Le nouvel ordre 3 – Économie 4 – État et Église 5 – Contre-révolution et surenchère révolutionnaire 6 – Politique étrangère 7 – Le sort de Louis XVI 1 – Les journées d’octobre • Les dispositions prises par l’Assemblée en août ne permettent pas la résolution des problèmes. Malgré la bonne récolte de l’été 1789, la nourriture manque, car le chaos dans les campagnes nuit à la circulation des approvisionnements qui n’arrivent tout simplement pas. • À Paris, ces problèmes sont aggravés par le chômage : les domestiques se retrouvent sans moyen de subsistance, pendant que les boutiquiers et artisans de luxe perdent une partie significative de leurs revenus. • À ces difficultés viennent s’ajouter la tension politique, relancée par les élections municipales : Bailly, devenu maire, convoque des élections qui conduisent à la formation d’un conseil municipal très représentatif. • Les députés ne joueront pas un rôle très important dans la prise de décision, mais l’intérêt de ces élections réside dans le bouillonnement de la vie publique qu’elles provoquent. Loin de calmer l’effervescence politique, ce processus la décuple. • Commence la différenciation entre le radicalisme de la commune de Paris et une assemblée nationale plus prompte au compromis. Si les plus aisés dominent cette dernière, l’existence de la commune de Paris favorise la politisation des masses populaires. • Paris compte 60 districts très variés et les quartiers pauvres sont plus radicaux. Le contrôle de la mairie sur ces derniers demeure théorique et ils réclament une décentralisation et une démocratie directe. De nouveaux noms font alors leur apparition (Brissot, Danton). • La tension ne baisse pas en septembre et la population cherche un bouc émissaire, l’aristocratie et le roi. Pour elle, rien n’a vraiment changé. • Paris a un moyen de plus qu’avant le 14 juillet, disposant de la Garde nationale pour se défendre et faire entendre ses griefs. À la fin de l’été, elle est composée de près de 30 000 hommes, commandés par La Fayette. • Lorsque se répand la rumeur de l’arrivée à Versailles du régiment de Flandre, on s’inquiète d’un coup de force. Le climat est d’autant plus tendu que l’on débat alors à du veto, débat derrière lequel le roi se retranche pour ajourner sa sanction aux décrets du 4 août. • C’est dans cette atmosphère que l’opinion apprend l’événement du banquet offert le 1er octobre par le roi au régiment de Flandres, au cours duquel les officiers piétinèrent la cocarde tricolore, symbole de la révolution. • Les appels à une marche sur Versailles se multiplient et le 5 octobre, les femmes de Paris prennent l’initiative de cette marche. La Fayette tente de maîtriser ses hommes, mais la Garde nationale décide de suivre les femmes. • La commune de Paris lui confie la mission de ramener le roi à Paris, pour l’éloigner de l’influence des aristocrates conservateurs, assurer sa sécurité et le tenir à l’œil. • Au matin du 6, après une nuit de siège, certains manifestants font irruption dans le château, tuant plusieurs membres de la garde royale et obligeant La Fayette à s’interposer entre le roi et les émeutiers. • Le roi n’a d’autre choix que d’apposer sa signature au bas des fameux décrets, entérinant la légalisation de l’ordre nouveau. • Il se présente alors au balcon devant la foule assemblée pour consentir à s’installer à Paris. Sa défaite lui redonne temporairement sa popularité. • Quant à l’Assemblée, elle décide de suivre un roi devenu prisonnier dans sa capitale. 2 – Le nouvel ordre 2.1 – Les pouvoirs 2.1.1 – Le roi • Les nouvelles institutions issues de l’été commencent à fonctionner. S’agissant d’une période très instable, les règles régissant leur fonctionnement vont grandement évoluées, depuis l’installation de la Constituante à Versailles, jusqu’à la convocation de l’Assemblée législative à la fin de l’été 1791. • Du point de vue politique tout est à faire : les précédents sont peu nombreux et le modèle anglais est loin de satisfaire tous les membres de la constituante, qui partageaient le désir d’en finir avec l’absolutisme, mais dont les points de vue désormais divergent. • Personne ne parle de république et tous s’entendent sur la nécessité d’établir une réelle séparation des pouvoirs, mais si ces centres de pouvoirs sont déjà définis, leurs attributions ne sont pas fixées. • Un groupe de députés modérés (les monarchiens) favorise la domination du roi sur l’assemblée et donc de la subordination du nouveau pouvoir à l’ancien. • Nombreux sont ceux qui craignent les débordements de la population et cherchent un moyen de terminer la révolution en préservant les libertés politiques. • Tous s’entendent pour que le roi soit chef de l’exécutif, mais les monarchiens désirent lui donner une part du pouvoir législatif, afin de limiter celui de l’assemblée et d’empêcher la mise en place de lois qui remettraient en question l’ordre social. • Ils proposent l’octroi d’un veto absolu au roi et la création d’un sénat héréditaire composé d’aristocrates, suivant le modèle anglais. • Le parti national rejette ces mesures, y voyant une tentative de limiter les effets de la révolution. Sur la question du veto, on en viendra à un compromis : l’octroi d’un veto suspensif temporaire en échange de la sanction royale au texte du quatre août. • Quant au sénat, l’idée est largement rejetée par les députés au début de septembre. L’assemblée aura donc la préséance sur le roi. • Cela ne veut pas dire que ce dernier est sans pouvoir : il demeure le chef de l’exécutif et nomme les membres du gouvernement. • D’où cette étrangeté qui alimente le mécontentement et explique en partie les journées d’octobre : le gouvernement en place en automne 1789 (et jusqu’à la fin de 1790) est le même qu’avant la révolution… • Subordonné à la souveraineté nationale, le roi est « roi des Français, par la grâce de Dieu, et la loi constitutionnelle de l’État ». • Cela le désacralise et fait de lui le premier magistrat de l’État, mais il n’est plus au-dessus de celui-ci. Il en est devenu le serviteur. • Cette première constitution est donc un compromis difficile entre l’autorité nouvelle et l’ancienne, qui refuse sa subordination. • Elle laisse au roi, outre le pouvoir de nommer les ministres, celui de diriger la politique étrangère du pays, mais ce dernier pouvoir est limité par le fait que c’est à l’Assemblée de décider de la paix ou de la guerre et que c’est elle aussi qui nomme les ambassadeurs. • Le roi est nu : l’administration et les pouvoirs législatifs lui échappent désormais. Les deux pôles de pouvoir se méfient l’un de l’autre et s’acceptent difficilement. Rien d’étonnant à ce que cette collaboration imposée par les principes et se heurtant aux réalités n’ait survécu que quelques années. 2.1.2 – L’assemblée • l’Assemblée s’est installée dans l’enceinte du Manège, où jusqu’en mai 1793 siégeront les diverses législatures. Compte tenu de l’impossibilité de débattre sereinement, à cause de la participation du public, le véritable travail se fit dans les différents comités. • Il n’y a pas de parti au sens strict et les députés sont libres d’approuver ou non un projet de loi suivant leur conscience et sensibilité. • Mais compte tenu de l’importance des questions à résoudre, on vit rapidement apparaître des clivages. De ces premiers clivages et de la distribution des membres dans l’hémicycle datent les catégories politiques de gauche, centre et droite. • On trouve à droite les opposants au décret du quatre août, tenants d’une révolution contrôlée et limitée à une redistribution des prérogatives politiques. • Ils portent le nom d’aristocrates, bien qu’on trouve au sein de ce groupe des gens qui n’en sont pas. Ils se méfient de la bourgeoisie et leur programme consiste à tenter de limiter les pouvoirs de l’Assemblée. • Les monarchiens occupent le centre, car ils font aussi partie de la mouvance révolutionnaire, mais ils craignent les excès et cherchent à freiner le mouvement. • La gauche est occupée par le parti national, composé du gros des députés bourgeois. On y trouve aussi certains aristocrates libéraux (Talleyrand, La Fayette). • L’Assemblée ne se distingue pas par son radicalisme, ce qui a un impact sur sa crédibilité, surtout à Paris, où l’on considère que les choses ne vont pas assez loin, ni assez vite. • Le système électoral a de quoi mécontenter cette opinion. Pas question de suffrage universel : les députés craignent l’arrivée de représentants des classes qui ne sont pas « préparés à la liberté et à l’égalité ». • Tous les Français sont égaux, mais l’appellation de citoyen est refusée à nombre d’entre eux. • Le tiers de la population masculine est privé de droits électoraux, (domestiques et population miséreuse). Le droit électoral est monnayé et une contribution financière, de 2 à 3 livres par an. est exigée. Ceux qui ne peuvent payer ne peuvent pas voter. • Plus de 4 millions d’hommes peuvent participer au processus électoral, mais le système à double niveau voté en décembre 1789 encadre et limite les droits électoraux. Ainsi, les 4 millions de citoyens actifs ne votent que pour les représentants des assemblées primaires, qui sont eux-mêmes appelés électeurs. • Pour pouvoir être électeur, il faut payer 10 livres et 50 livres pour être éligible à un mandat de député. Le but est toujours le même : faire en sorte que le pouvoir tombé entre les mains de la bourgeoisie ne tombe pas plus bas dans l’échelle sociale… C • Ces écarts par rapport à l’idéal ne suscitent que peu de controverses et de discussions en chambre. • Ces dispositions inégalitaires seront peu à peu éliminées, au fur et à mesure de la transformation de la révolution bourgeoise en révolution populaire. • Même en tenant compte de ces réserves, on ne peut nier l’aspect innovateur de l’inclusion d’un si grand nombre de Français dans le processus politique, inclusion qui, en favorisant la participation populaire, porte le germe de la radicalisation révolutionnaire. • Les députés de la Constituante vont s’atteler pendant un an et demi à la tâche colossale de la création d’un État moderne sur les ruines de l’absolutisme. • L’égalité de la Déclaration doit se manifester sur le plan administratif, avec le remplacement du système de l’ancien régime, dans lequel les différentes régions avaient conservé des particularismes se manifestant sur le plan de l’impôt ou du droit. • En divisant le territoire français en 83 départements, on supprime ces particularismes pour les remplacer par le principe d’égalité de toutes les régions. • On s’emploie aussi à refonder le système judiciaire et à créer un État de droit, s’inspirant de l’habeas corpus : transfert des pouvoirs judiciaires de l’autorité arbitraire du roi et de ses magistrats à un système raisonné, structuré et s’appuyant sur les textes de loi. • Dès l’automne 1789, on encadre le processus de prise de corps et de garde à vue et on met en place la présomption d’innocence. • En 1790, on affirme le caractère oral et public des procédures et on met en place un système de jury chargé du verdict. Le juge alors n’a plus qu’à appliquer la loi en proportionnant la peine au délit. • La torture est interdite, ainsi que le pilori et la marque au fer rouge. Le système judiciaire se civilise. • Autre grand droit, autre grand chantier : la liberté d’opinion. Tout au long de la Constituante, la France connaîtra une totale liberté de presse et même les publications les plus violentes ne seront pas inquiétées. • Cela concerne aussi la liberté religieuse. Les droits politiques sont octroyés aux protestants à la fin de 1789 et les minorités juives reçoivent leur citoyenneté en janvier 1790. • Ces différentes réformes effectuent une transformation profonde de la France légale, qui devient alors une société d’individus aux droits égaux qui ne sont plus définis par leur naissance et deviennent libres et responsables de leur avenir. L’abolition des titres de noblesse le 19 juin 1790 vient achever cette mue légale. • On hésite d’abord à s’attaquer à l’armée car d’elle peut dépendre le sort de la révolution. Le fait que l’armée soit la chasse-gardée de la noblesse (de nombreux députés sont nobles) joue aussi un rôle dans cette retenue. • Même si le 4 août le privilège nobiliaire est aboli et qu’on ouvre la voie de la carrière militaire à la compétence, la situation en Europe fait en sorte que l’on n’ose pas destituer les officiers de l’ancien régime. • Pour le moment, la conscription obligatoire est écartée. • Plutôt que d’affronter l’armée, la Constituante préfère la contourner, grâce à la Garde nationale de 1789, qui se voit dotée d’un cadre légal et structurel en 1791. • Elle devient l’armée de la bourgeoisie, composée exclusivement de citoyens actifs et procédant elle-même à l’élection de ses officiers. • La France compte désormais deux armées : l’armée royale, élitiste, et l’armée nationale, ouverte aux talents, comme le reste des postes et des fonctions. • La Constituante termina ses travaux le 30 septembre 1791, pour être remplacée immédiatement par l’Assemblée législative. • L’Assemblée législative siègera pendant dix mois, jusqu’au moment où la suspension du roi obligera à repenser le système politique. • Comme les membres de la Constituante ont voté leur inéligibilité, ce sont des hommes nouveaux qui font alors leur entrée. • Cette nouvelle législature témoigne de la radicalisation en cours et les tendances politiques se trouvent déplacées vers la gauche. • Sur les 745 députés, on en compte 260 identifiés à la droite (associé au Club des Feuillants et défenseurs de la monarchie constitutionnelle) et 136 députés identifiés à la gauche (les Girondins). • Au centre, près de 350 députés assurent l’équilibre entre les deux tendances, refusant de s’inscrire aux clubs, redoutant la compromission des uns, les méthodes des autres. • Un nouveau gouvernement s’installe, mais le roi n’a plus autant de choix, compte tenu du déplacement vers la gauche des députés. • C’est aux Feuillants que le roi confie la tâche et après la démission de ceux-ci, il se tournera vers la Gironde pour des raisons tactiques, les Girondins étant alors les plus favorables à une déclaration de guerre. • Même si le gros du travail de réformes a déjà été accompli, ces deux gouvernements auront à gérer l’État dans des situations difficiles : le premier dans un contexte de difficultés économiques grandissantes et son corollaire, la radicalisation de l’opinion publique; le deuxième dans le cadre d’une guerre. 2.2 – Paris et la province • Si à partir de 1792, Paris sera de plus en plus opposé à la province, dans un premier temps, la capitale et les régions parlent d’une même voix. • Paris est un cas particulier parce qu’il s’agit de la capitale et parce qu’on y trouve concentrées ici les élites culturelles et intellectuelles • Même si certaines institutions municipales créées après 1789 se retrouvent aussi dans d’autres villes du pays, l’interaction entre elles est ici très particulière. • L’ordre municipal parisien (la Commune de Paris) est centré autour de trois institutions : la municipalité, les districts et la Garde nationale. • La population se méfie d’une mairie qui ne représente pas nécessairement l’opinion et les tendances de la majorité. • Bailly devient maire en juillet 1789 et s’appuie sur un conseil de ville (60 membres), issus de l’assemblé municipale, elle-même composée de 300 membres. • Le système électoral national s’applique aux élections municipales : plus ou monte dans la hiérarchie, plus la bourgeoisie devient surreprésenté. • Ainsi, la vie politique de Paris est double : celle des élites, à la mairie; celle de la population dans les districts. Rapidement, la défiance des districts se traduit par la mise en place de liens interdistricts, visant à courtcircuiter l’ingérence du centre. • Le système sera remanié en mai 1790 en 48 sections, mais cela ne fera que retarder la mise en place d’un pouvoir parallèle à Paris, dont la manifestation la plus évidente sera le mouvement des Sans-culottes. • Même si par la création des départements, Paris ne représente que 1/83e du pouvoir, la présence des institutions nationales lui confère un rôle unique. • En province on s’intéresse avant tout aux rapports entre le centre et les périphéries, surtout que l’effondrement des autorités laisse un vide politique que la Grande Peur de l’été 1789 oblige à combler. • C’est d’abord un souci de sécurité qui va donner naissance à la reconfiguration administrative du territoire: partout sur le territoire, les municipalités se dotent de Gardes nationales. • Pour assurer la sécurité dans un contexte de dislocation des liens administratifs, le rétablissement de contacts entre les régions devient impératif, ce qui fut fait par le biais de la création de fédérations régionales. Il s’agit ici d’un mouvement issu des périphéries, en dehors de toute influence du centre. • Avec la sécurisation du territoire, le souci de sécurité fait place à un désir de reconstitution de l’unité nationale : au-delà des particularismes régionaux, tous les citoyens se reconnaissent une identité commune. • Le point d’orgue de ce mouvement surviendra le 14 juillet 1790, alors que pour commémorer les événements de l’année précédente, des délégués de toutes les Gardes nationales du territoire se réuniront sur le Champ-de-Mars à Paris dans le cadre de la Fête de la fédération. • Du point de vue des régions, la France est une fédération et non un État unitaire dans lequel tous les pouvoirs sont concentrés dans un centre politique. • En 1789-1790, dans le climat d’enthousiasme et d’idéalisme qui domine, cette différence n’est pas très importante, mais elle porte en germe la guerre civile, provoquée par une distanciation de plus en plus grande entre Paris et certaines régions du pays. 2.3 – L’opinion publique • En matière de liberté d’expression, la Constituante s’en tient à ses principes et refuse toute forme de limitation et de censure, permettant le déploiement d’un espace public comme jamais auparavant. • Les clubs politiques constituent le centre par excellence de l’expression publique. Plusieurs existaient avant l’été 1789, mais la politisation de la population va faire des premières années du nouveau régime l’âge d’or de ces organisations, qui vont être à la base de la formation des premiers partis politiques. • Toutes les tendances sont représentées, mais les tenants de l’absolutisme se montrent discrets et on connait mal leurs lieus de réunion, à l’exception du Salon français, qui deviendra un nid de comploteurs. • Les monarchiens durent se montrer plus discrets à partir de 1790, alors que dans un premier temps, ils se réunissaient sans crainte au Club monarchique et au Club des impartiaux, mais aussi dans les salons de l’aristocratie libérale. • Mais les clubs furent surtout le lieu d’expression des représentants du tiers état et des quelques membres de l’aristocratie qui partageaient ses idéaux politiques. C’est le cas de la Société de 1789, fondé par Sieyès et où se réunissaient les amis de La Fayette et où la cotisation élevée limitait le nombre d’adhérents aux plus nantis. • À Paris, le plus important de ces clubs fut fondé sous le nom de Société des amis de la constitution en avril 1790, mais prend forme en décembre, lorsqu’elle s’installe au couvent des Jacobins. • Une cotisation relativement élevée faisant en sorte d’écarter les plus pauvres en fit le lieu de rassemblement par excellence de la bourgeoisie. • Le club de Paris devint éventuellement le centre d’une fédération de clubs du même ordre partout en France. C’est des Jacobins que prirent forme plusieurs des partis et des factions qui occuperont par la suite les banquettes de l’Assemblée : gironde, feuillants, montagne. • À partir de la fuite du roi, une partie des membres du club le quittera pour s’installer au couvent des Feuillants, consacrant un schisme entre radicaux et modérés. • Le club rival, la Société des amis des droits de l’homme et du citoyen, fondé en avril 1790, s’installe au couvent des Cordeliers. S’agissant d’un club qui ne demande pas de cotisation, il deviendra le refuge des radicaux, même s’il comptera des membres plus modérés. C’est lui qui fut à l’origine de la manifestation du Champ-de-Mars. • L’autre grand mode de propagation des opinions, c’est la presse écrite, dont le nombre de titres et les tirages explosent littéralement. Jacobins et partis politiques • En 1791, on compte à Paris seulement environ 150 titres. Certains connaîtront une existence fort brève, d’autres seront publiés pendant quelques années. • Ici aussi, on retrouve une grande diversité. Le Journal politique national qui ne parut qu’en 1789 et 1790 ou encore, les Actes des apôtres, diffusaient les idées de la droite monarchiste, puis contre-révolutionnaire. • Les tendances modérées de 1789 sont cependant peu diffusées et seul Le mercure de France peut véritablement être considéré comme monarchien. • Les idées révolutionnaires jouissent de nombreux titres, autre élément concourant à la radicalisation d’une population alors avide d’informations. • Les titres les plus importants comprennent Le patriote français, Les révolutions de France et de Brabant, mais surtout L’ami du peuple. La liberté de presse est bien illustrée par la quasi totale absence de représailles légales à l’endroit de ce dernier journal radical et violent. 3 – Économie 3.1 – Libéralisme économique • Les question économiques sont moins sensibles que celle touchant à l’organisation politique, les mutations ayant commencé avant la révolution. • Libérale en politique, la bourgeoisie française l’est tout autant en matière économique. Le caractère communiquant des deux domaines est évident et l’on passe aisément de la liberté individuelle à la liberté d’entreprise. • On trouve dans les premières mesures économiques mises en place par les nouveaux pouvoirs politiques une méfiance face à l’intervention étatique. • Les mécanismes de fixations des prix et des salaires sont conditionnels à l’accroissement de la richesse et s’ils provoquent l’inégalité économique, ils sont en revanche basés sur l’égalité de l’accès au marché. • L’idéalisme est à la base de la doctrine économique de la Constituante et son modèle de société idéale est une démocratie concurrentielle de petits producteurs et commerçants. Les contradictions entre libéralisme économique et pluralisme politique lui sont étrangères. • Le régime économique de la monarchie étant basée sur l’octroi de franchises et de monopoles, c’est d’abord de ce côté que se tourne la Constituante : il faut libérer la production. L’abolition des « privilèges particuliers des provinces, principautés, villes, corps et communautés » ont déjà posé les principes de ce libéralisme idéal. • Au printemps 1790, la Compagnie des Indes est démantelée et le commerce colonial est désormais ouvert à toutes les entreprises. • Il en est de même du commerce interrégional, mais en ce qui concerne le commerce international, les députés craignent qu’une ouverture n’entraîne des difficultés d’approvisionnement pour la population. De sorte que l’exportation des céréales est explicitement interdite. • Par les décrets du 4 août, le produit de la terre appartient à ceux qui la cultive. Quant aux droits d’exploitation du sous-sol, ils appartiennent à ceux qui sont propriétaires du sol. • La campagne française est inégalitaire, même parmi les paysans, car certains d’entre eux, sont parvenus à accumuler une quantité suffisante de terres pour être considérés comme entrepreneurs. • Ceux-là réclament la mise en place en campagne d’un cadre ultra libéral, basé sur la régulation naturelle des prix et conséquemment, le démantèlement de la structure communautaire favorable aux pauvres. • Compte tenu de la situation tendue dans les campagnes et de l’alliance entre la bourgeoisie des villes et les paysans, les députés hésitent à établir un tel cadre et on opte finalement pour une politique de compromis. • Les prix sont libéralisés, de même que les cultures, mais on maintient la structure communautaire (jouissance de la pâture commune et des biens communaux), afin de soutenir la paysannerie pauvre, qui est majoritaire. • Un libéralisme mur-à-mur est appliqué au travail urbain, même si les tensions dans les villes incitent les députés à la prudence et les poussent à retarder au printemps 1791 les principaux changements. • Le décret du 14 juin interdit toutes les associations professionnelles (dont l’existence remet en question le sacro-saint principe de régulation naturelle), dont les syndicats. 3.2 – Les finances de l’État • La principale difficulté économique concerne la fiscalité. Le problème fiscal ayant provoqué la crise, les députés sont bien conscients des attentes de la population. • On abolit les taxes à la consommation. En plus de donner un répit à la population, l’abolition des « aides » permet de créer sur l’ensemble du territoire une sorte d’égalité fiscale. • Mais il faut assurer à l’État des sources de revenus, d’autant que les missions de celui-ci se voient élargies à l’assistance publique et à l’éducation, responsabilités dont l’Église se chargeait auparavant. • Le système d’imposition est revu et distingue trois grands types de revenus : l’impôt foncier, (240 millions de livres) l’impôt immobilier (50 millions de livres) et la patente, qui s’applique au profit industriel et commercial. • Même si les dépenses n’ont pas augmenté de façon extraordinaire, (de 731 millions de livres en 1789 à 822 millions en 1791), il faut trouver une façon de les financer, d’autant que la révolution refuse de désavouer les dettes de la monarchie, qui s’élèvent à plus de 5 milliards de livres. • On peut mettre en vente le domaine royal, mais il n’est pas suffisamment important pour régler le problème. On se tourne donc vers les gigantesques richesses de l’Église, dont la valeur est estimée à près de 3 milliards. Et c’est un évêque, Talleyrand, qui en propose la nationalisation, ce qui est fait le 2 novembre 1789. • Devenu propriétaire de ces richesses, l’État va émettre des titres d’emprunts, assignés sur la valeur de la propriété nationale. D’où le nom d’assignats. • À l’origine, ils portaient un intérêt de 5 %, lequel sera d’abord réduit à 3 %, avant d’être totalement supprimé en 1791, alors qu’ils deviennent monnaie d’échange. • Le système aura des conséquences dramatiques : ayant cours légal, l’assignat pourra être échangé contre du numéraire, entraînant une double tarification des marchandises et favorisant la dépréciation de la monnaie et l’emballement de l’inflation. • Entre 1790 et 1793, l’assignant perd 60 % de sa valeur, entre autres à cause du recours fréquent du gouvernement à la planche à billets, au point où la valeur totale des assignats dépasse éventuellement la valeur des biens nationaux qu’ils sont censés garantir… • Cette inflation eut des conséquences négatives pour l’économie, entraînant la paupérisation des détenteurs de titres et de rentes, ce qui aura cependant un effet bénéfique sur les finances de l’État. • Jusqu’à l’automne 1791, grâce à l’abondance des récoltes, les prix demeurèrent relativement faibles et c’est surtout à partir de 1792 que les graves difficultés vont surgir. 4 – État et Église • La question de la nationalisation des biens de l’Église dépasse le strict cadre financier, surtout dans un pays comme la France, où le catholicisme a toujours joué un rôle politique important. • Cela étant, la majorité du clergé en 1789 soutenait très largement la cause révolutionnaire. À part quelques protestations, la nationalisation des biens de l’église et la suppression de la dîme n’entraîna pas de désaffection. • D’autant que pour assurer le fonctionnement du culte, l’État mit en place des structures de financement qui, pour la majorité des curés, signifiaient une amélioration des conditions de vie. • La Déclaration des Droits de l’homme ne mentionnait pas explicitement la liberté religieuse, mais l’article X (nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses), a certainement fait grincer des dents le clergé conservateur. • De même, l’octroi des droits civiques aux minorités protestantes et juives ne pouvait qu’inquiéter un clergé qui craignait la laïcisation du royaume. • L’Église est une institution conservatrice et si elle accepte ces changements, elle n’a pas l’intention de tolérer l’ingérence du pouvoir temporel dans ses affaires. • C’est pourtant ce que le gouvernement fait, interdisant en février 1790 que de nouveaux vœux monastiques soient prononcés et en ordonnant la dissolution de toutes les congrégations, sauf celles qui s’occupent encore de l’éducation et de la bienfaisance. • La crise éclatera en juillet 1790, avec l’adoption de la Constitution civile du clergé, qui entend changer profondément le fonctionnement de l’Église. • D’abord sur le plan administratif, par la réduction du nombre de diocèses à 83, ce qui coïncide avec les départements. • Plus dérangeante, la mise en place d’élections, parmi les ecclésiastiques ayant au moins 15 années de pratique, pour les curés et les évêques. • Le système de nomination est court-circuité, et le pape évacué, ce qui est justifié par le fait que les membres du clergé sont désormais des salariés de l’État. • Le catholicisme demeure la religion de l’État, mais les membres du clergé doivent prêter serment de fidélité à la constitution, plaçant dès lors la fidélité à l’Église en seconde position. • L’adhésion du clergé à la révolution était telle que même cette réforme radicale était acceptée. • Mais fière de son indépendance, l’Église de France refusait qu’elle lui soit imposée et revendiquait son droit à y consentir librement, par un concile, ce que les autorités politiques refusèrent • On choisit donc la confrontation : en novembre 1790, un délai de deux mois fut donné à tous les membres du clergé pour qu’ils prêtent serment sur la constitution. • Le clergé réfractaire eut un sursis jusqu’en été 1792, mais la chute de la monarchie entraîna l’application de la loi et les premiers assassinats. Le 26 août sera voté un décret contraignant les 75 000 réfractaires à quitter le territoire dans un délai de 15 jours. • Cette politique eut un effet très négatif et provoqua un schisme au sein de l’Église. Dès lors, une partie du clergé se tourna contre les révolutionnaires, entraînant derrière elle une partie de la population, jetée ainsi dans les bras de la contre-révolution. Les graines de la guerre civile étaient semées. 5 – Contre-révolution et surenchère révolutionnaire • Certains historiens considèrent que la contre-révolution commence dès le 14 juillet 1789, car de nombreux membres de l’aristocratie s’enfuient alors à l’étranger. • Mais comme il n’y a à ce moment pas de programme contre-révolutionnaire, ce point de vue est exagéré. • Il y a plusieurs tendances au sein de cette immigration : entre ceux qui craignent pour leur sécurité sans nourrir d’animosité particulière et ceux, qui attendent le moment de la revanche, les sensibilités sont diverses. • Le programme contre-révolutionnaire qui se précise au cours de l’année 1790 comporte deux volets : susciter des insurrections provinciales et tenter de faire évader le du roi, qui pourra servir de point de ralliement. • Le premier volet fut longtemps un échec. Tant que la contre-révolution demeura limitée à l’aristocratie, elle n’eut guère de succès. On compte quelques ligues nobiliaires en Alsace ou en Franche-Comté, mais ce n’est qu’à la faveur de la crise religieuse que les rangs des opposants au nouvel ordre se verront adjoindre des masses populaires importantes. • Même limitée à ces quelques mouvements, la réaction nobiliaire favorise la radicalisation révolutionnaire, particulièrement visible dans les villes. C’est le cas à Paris, où le Club des Cordeliers agite la population et où l’incapacité ou le manque de volonté des institutions politiques à régler les problèmes économiques favorise aussi cette radicalisation. • Le deuxième volet de l’activité contre-révolutionnaire ne connut pas plus de succès, même si la véritable tentative de fuite fut proche de réussir. • Les premiers projets d’évasion du roi remontent à l’automne 1789, mais ils restèrent longtemps à l’état de projet, même si le roi lui-même y pensait dès ce moment. • C’est à l’automne 1790 que le projet se précise, car la radicalisation de l’opinion ne permet plus de croire à un renversement de la situation et suscite l’inquiétude de la famille royale quant à sa sécurité physique. • Le projet de fuite ne visait pas à faire en sorte que le roi quitte le sol français et on voulait le diriger vers l’est, là où la réaction nobiliaire était la plus forte, d’où il pourrait rallier les forces conservatrices et marcher sur Paris. • Le complot d’évasion fut mal ficelé et la méfiance des forces révolutionnaires aboutit à l’échec inévitable : parti dans la nuit du 20 au 21 juin, le convoi fut stoppé à Varennes le 21 juin et ramené à Paris le 25. La Fayette tenta sans succès de présenter la chose comme une tentative d’enlèvement. • Cette version fut retenue par la commission d’enquête qui rendit son rapport le 15 juillet, innocentant le roi et faisant porter la responsabilité à des exécutants qui avaient de toute façon fui le pays. • Dès la suspension du roi, ordonnée le temps de l’enquête, la droite de l’Assemblée avait quitté l’hémicyclique, considérant cette suspension anticonstitutionnelle. • La crise conduisit à la tuerie du Champ-de-Mars, où La Fayette fit ouvrir le feu sur quelques milliers de Parisiens assemblés, qui réclamait que le roi fût châtié. • Même si ce ne fut pas un massacre, c’était la première fois qu’une tendance de la révolution ouvrait le feu sur une autre, consommant une rupture entre modéré et radicaux qui fera par la suite bien d’autres victimes. • En ajoutant à cela les difficultés économiques et le mécontentement devant les défaites, on se retrouve en avec un mouvement populaire et urbain radical. • Provoquées par les difficultés d’approvisionnement, des émeutes agitent les villes tout au long de l’hiver 1791-1792. Puis le mouvement se donne des objectifs politiques, quand les « citoyens passifs » font entendre leur voix. Le mouvement des sans-culottes est né. • Même s’il ne s’agit pas d’un mouvement prolétarien, car aux ouvriers se mêlent artisans et petits boutiquiers, il s’agit du premier mouvement politique détaché de la bourgeoisie. • Ce nouvel acteur politique provoque une autre redistribution des cartes à l’Assemblée et alors que les Feuillants se montrent favorables à la manière forte, les Jacobins, menés par Robespierre et Marat, sans soutenir les émeutiers, refusent de créer un autre schisme dans le tiers état et se disent en faveur de la satisfaction d’une partie des revendications des sansculottes. 6 – Politique étrangère • On peut penser que le nouveau régime politique en France avait autre chose à faire que de déployer une politique étrangère active. Et c’est en effet ce qu’il tente de faire dans un premier temps. • Mais la nature du changement politique et les interrelations entre les différents trônes d’Europe ne lui permettront pas de s’en tenir à ses réformes intérieures. Car l’Autriche s’inquiète du sort de la famille royale et les régimes absolutistes suivent avec inquiétude l’évolution de la situation en France. • Les événements de juillet suscitent la sympathie chez une grande partie de l’aristocratie européenne, mais les décrets du 4 août ont un effet inverse : l’aristocratie d’Europe aspire à plus de libéralisme, mais s’inquiète des tendances égalitaristes qui se manifestent alors. • Les bourgeoisies européennes y sont sympathiques et les classes populaires sont enthousiasmées. Dès 1789, des révolutions éclatent à Liège et aux Pays-Bas. Elles sont réprimées avec succès, mais la leçon a porté. • Le cas de l’Alsace, ainsi que celui de la principauté d’Avignon, qui demande son rattachement, témoignent en outre de l’imbrication des intérêts en Europe. • Cela étant, les États d’Europe regardent alors vers l’est de l’Europe et ce n’est que dans la foulée de la tentative de fuite du roi, avec la publication de la déclaration de Pilnitz que le gouvernement français va commencer à s’inquiéter : si la guerre menace, ne vaut-il pas mieux prendre l’initiative? • L’enthousiasme de Louis XVI pour la guerre est suspect. Le roi croyait qu’une intervention étrangère était le meilleur moyen de regagner son pouvoir. Les calculs du roi rencontrent l’idéalisme révolutionnaire de la gauche, particulièrement des députés de la Gironde. • Pour ces derniers, la guerre sera facile, car les peuples se soulèveront contre leurs maîtres pour se joindre à une nouvelle Europe. • Sous l’effet conjugué de ces deux tendances, l’opinion se radicalise et la plupart des députés en viennent à partager ce désir d’en découdre. Des grands noms de la révolution, seul Robespierre s’oppose. • Lorsque le gouvernement des Feuillants, seule faction à s’opposer à la guerre, remet sa démission et qu’il est remplacé par les Girondins, la table est mise pour une déclaration de guerre. • Le 20 avril 1792, le roi obtient l’appui de l’Assemblée pour déclarer la guerre à l’Autriche. Dès lors, la suspicion européenne fait place à une franche hostilité • Mais l’armée française n’est pas prête : les officiers sont peu fiables, l’armement manque et le recrutement est déficient. 6 000 des 9 000 officiers avaient fui après Varennes et l’Armée ne comptait que 120 000 hommes. • Cela n’entame pas l’enthousiasme guerrier, mais sur le champ de bataille, alors que l’Armée du nord s’est portée vers les Pays-Bas, les défaites et les retraites s’accumulent, malgré certaines victoires, non décisives, remportées en Belgique et aux Pays-Bas. • Incapables de comprendre que l’armée n’est pas prête, les députés crient à la trahison des officiers aristocrates, dont les désertions se multiplient. Le peuple réclame la tête des responsables, mais il a pris l’habitude depuis trois ans de prendre lui-même l’initiative. • Le 11 juillet, devant le danger d'une invasion autrichienne, l’Assemblée décrète la patrie en danger : la Garde nationale est convoquée, on lève de nouveaux bataillons de volontaires et de partout de la province converge vers Paris les forces fédérées. • Le 30 juillet, les bataillons marseillais entrent dans la capitale en chantant un chant à l’origine composé à par le capitaine Claude Joseph Rouget de l’Isle. 7 – Le destinde Louis XVI • Devant la menace, le 1er août, Paris entre à nouveau en insurrection, à l’instigation des sections dominées par les sans-culottes. Les autorités sont suspendues et une Commune insurrectionnelle est mise en place par des « citoyens passifs » résolus à cesser de l’être. • Les députés hésitent, mais certains comprennent qu’il vaut mieux tenter de rejoindre le courant pour le contrôler de l’intérieur, plutôt que de s’opposer. • Cette fois, l’élément déclencheur a été le manifeste du Duc de Brunswick, dans laquelle la population voit la preuve de la trahison du roi et des aristocrates. Les troupes fédérées, mêlées aux sans-culottes de Paris marchent sur les Tuileries le 10 août. • Barricadée dans sa résidence, la famille royale tente de résister. Des négociations permettent au roi et à sa famille de trouver refuge dans la salle du manège, où siège l’Assemblée législative, mais la population ne désarme pas et devant la pression, l’Assemblée vote la destitution du roi et son remplacement par un comité exécutif provisoire. • Ainsi prend fin l’expérience d’une monarchie constitutionnelle à la française. Par ailleurs, c’est la première fois que Paris s’impose par la force à l’assemblée représentant l’ensemble du territoire. • Violant l’autorité du roi et de l’Assemblée législative, la population de la capitale s’écarte de la légalité révolutionnaire, imposant par la force une redistribution des pouvoirs. D’où le nom de seconde révolution que porte dans l’historiographie cette journée du 10 août. • Dès le 10 août, le roi et sa famille sont arrêtés et incarcérés. • Les conditions de détentions du roi sont difficiles et il est isolé des membres de sa famille. La grande question qui agite alors les autorités est le sort de Louis Capet. • Dès les premières perquisitions menées aux tuileries, on découvre des documents qui témoignent des rapports qu’entretenait le roi avec les mouvements contrerévolutionnaires et on en déduit donc qu’il y a matière à poursuivre le roi déchu pour haute trahison. • Mais les membres de la Convention, qui a remplacé depuis septembre l’Assemblée législative, sont très partagés sur la voie à suivre. Les plus radicaux s’opposent à une mise en accusation et à un jugement formel, réclamant que Louis soit déclaré coupable et exécuté sans jugement. • Pour une majorité de députés, qui croient le roi coupable, un procès est néanmoins nécessaire pour ne pas laisser planer de doute quant à la légitimité du verdict. • C’est cette option qui l’emporte et le 10, l’acte d’accusation est présenté à la Convention, qui se chargera elle-même de la procédure judiciaire. • Le procès débute le 21 décembre, avec la première comparution du roi, qui tente de faire valoir les lois et rejette la prétention de la Convention à se substituer au processus judiciaire normal. Ces arguments juridiques sont avancés parce que sur le fond, celui de la trahison, les documents sont accablants et les dénégations de l’accusé ne suscitent que la colère des députés. • Le 14 janvier 1793, les députés sont appelés à se prononcer sur trois questions : la culpabilité du roi, la possibilité d’en appeler au peuple pour qu’il décide du sort de l’accusé et la peine applicable si la majorité répond « oui » à la première et « non » à la seconde. • À la question de la culpabilité, les députés sont presque unanimes, alors que sur la deuxième question, le non l’emporte avec plus des deux tiers des voix. • Reste la question la plus difficile : que faire du coupable? La condamnation à mort peut sembler évidente, mais il s’agit d’un roi. En plus de la réaction des cours étrangères, il fallait tenir compte de l’impact qu’une exécution aurait en France. • Pour les tenants d’une mise à mort, Louis Capet devait être exécuté en tant que symbole de l’ancien monde et de la contre-révolution. Tant que le roi vivrait, celle-ci disposerait d’un point de ralliement. • C’est cette vision des choses qui va s’imposer, mais difficilement : 366 députés sur 721 voix exprimées (soit à peine 51 %) se prononcent en faveur de la condamnation à mort. • Le 19 janvier, à la demande de la Gironde (qui constitue alors le gouvernement), un vote est tenu concernant la possibilité de sursoir à l’exécution, proposition qui est rejetée par 383 voix. Le 20 janvier, le roi est informé des décisions de la convention. • Le 21 janvier au matin, Louis Capet est conduit à la place de la Révolution. Il tente de s’adresser au peuple assemblé, mais on l’en empêche. À 10 h 20, sa tête tombe sous la lame de la guillotine, sous les acclamations de la population parisienne. • À l’exception de Paris, la population manifeste peu d’enthousiasme. Mais on note aussi peu de condamnation : à Lyon et à Orléans, on portera le deuil, mais il s’agit d’exceptions. Même les royalistes demeurent calmes. • La mort du Très Chrétien survient dans une indifférence quasi générale, fait qui témoigne à lui seul de la désacralisation déjà consommée du personnage, comme si, seulement 4 mois après les débuts de la république, il représentait un passé depuis longtemps révolu. La France est alors déjà passée à autre chose.