ARRÊT 4 : COL DE L’IZOARD TRIAS SUPÉRIEUR À JURASSIQUE SUPÉRIEUR Di : Depuis 3 jours nous avons identifié des marqueurs d’épisodes de divergence et de convergence (collision) géographiquement localisés (voir carte ci-dessous). Le Col d’Izoard se situe également dans une zone remarquable (à placer sur la carte). Pb : En quoi les structures rencontrées au Col de l’Izoard s’inscrivent-elles dans l’histoire géologique des Alpes ? Objectif(s) de méthode : Reconstituer une chronologie à partir d’observations de terrains (panorama, affleurement). Compléter un schéma et faire un croquis, Adopter une démarche explicative répondant au problème. CARTE DES ALPES FRANCO-ITALIENNES -220 à -150 Ma PANORAMA VISIBLE AU NORD Lecture Croquis Jurassique Synthèse des observations Le col d'Izoard offre un beau panorama vers le Nord sur le versant méridional du massif du Chenaillet. Deux unités géologiques différentes sont superposées dans le paysage : - L’unité supérieure est reconnaissable à sa topographie en pentes douces tapissées de pelouses alpines. Il s’agit du massif du Chenaillet. Les roches sombres qui constituent ce massif appartiennent aux ophiolites du Chenaillet et de La Replatte du Gondran, datées du Jurassique : ce sont des roches endogènes et les sédiments océaniques caractéristiques du fond de l’océan alpin dont l’ouverture a débuté au Jurassique. - L’unité inférieure est représentée par les parois claires qui dominent le village de Cervières. Ces reliefs sont constitués de roches carbonatées, les dolomies. Ces roches, fréquentes dans la région, sont bien reconnaissables à leurs couleurs (ocre et grise) et aux reliefs qu’elles forment. Ces roches sédimentaires appartiennent à la marge européenne de l’océan alpin (domaine Piémontais) et sont datées du Trias (moyen à supérieur). - Les calcaires dolomitiques et les gypses associés à de grands accidents tectoniques ont donné lieu à la formation de cargneules qui soulignent la base des nappes de charriage et prennent un aspect ruiniforme caractéristique. Des unités paléogéographiques jadis en continuité spatiale (marge européenne et lithosphère océanique) sont actuellement superposées par l'intermédiaire d'un contact anormal (chevauchement) jalonné de cargneules. Un raccourcissement dans un contexte de convergence permet d'expliquer l'empilement observé. Lors de la fermeture de l’océan alpin, à l’Éocène, la convergence des plaques a provoqué le chevauchement du domaine océanique (ophiolites du Chenaillet d’âge jurassique) sur la marge continentale européenne (dolomies triasiques) : la superposition des deux unités est l’expression d’un raccourcissement avec pour conséquence un épaississement crustal. AFFLEUREMENT Observations CARGNEULES GYPSE Synthèse des observations Cet affleurement est globalement à la limite entre les unités Piémontaises à l'Est (massif de Rochebrune) et les unités Briançonnaises à l'Ouest (nappe de Clot La Cime). Situé légèrement plus à l'Est entre Côte-Belle et Rochebrune, le contact entre ces deux unités est de nature tectonique Le col d'Izoard correspond à une "pincée" de gypse et cargneule dans une nappe Briançonnaise. Les cargneules sont des roches d'aspect carié, souvent de couleur ocre. Elles se présentent souvent sous forme de brèches calcaréo-dolomitiques dans lesquelles les fragments de dolomie ont subi une dissolution préférentielle sous l'action des eaux sulfatées (proximité du gypse). A l'échelle du paysage, les cargneules forment des pitons caractéristiques (relief ruiniforme). Elles jalonnent souvent les contacts anormaux entre unités d’âge Mésozoïque, ce qui facilite l’identification des chevauchements dans le paysage. Le gypse, roche évaporitique, est ici sous sa forme saccharoïde, en masses blanchâtres. C'est une roche très tendre (rayable par l'ongle), soluble dans l'eau (libération d'ions SO 42-). Le gypse a joué le rôle de lubrifiant ("couche savon") lors du décollement et de la mise en place des nappes de chevauchement dont il souligne la surface basale. Cet affleurement localisé au niveau d'un col est à rapprocher de la faible résistance à l'érosion du gypse. Au Nord, en contrebas de l'affleurement, des petites dépressions (entonnoirs de dissolution) témoignent de la présence de gypse en profondeur. PANORAMA DE LA CASSE DÉSERTE Observations Entonnoir de dissolution Synthèse des observations Ce paysage a un intérêt géologique : les roches présentent renseignent sur les conditions de sa formation (le paysage). Des pitons de cargneules aux silhouettes caractéristiques émergent d'un immense éboulis (une casse) dolomitique en provenance de la crête de Côte-Belle. L'eau est à la fois un agent d'altération chimique (cargneulisation) et physique (cryoclastie), cette dernière étant favorisée par la porosité caractéristique des cargneules. La morphologie rend compte des différentes actions de l’eau sur les roches : o Altération chimique de la cargneule (la dissolution différentielle des constituants de la cargneule lui donne son aspect carié (photo) caractéristique) et des gypses (formation d’entonnoirs de dissolution) o Gélifraction des calcaires dolomitiques fissurés : en gelant, l’eau augmente de volume et provoque le détachement de fragments de roche (les cryoclasts) qui alimentent les éboulis Synthèse : réponse au problème de départ La dolomie et le gypse sont des roches sédimentaires souvent associées car elles se forment dans des environnements similaires, sous un climat chaud entraînant une forte évaporation (lagunes côtières peu profondes, sebbkra…). Il en résulte une précipitation de sulfate de calcium et une augmentation de la concentration en magnésium dans l'eau de la lagune. Les ions Mg2+ peuvent alors épigéniser la calcite en dolomite en se substituant partiellement aux ions Ca 2+. La dolomite, (Ca, Mg) (CO3)2, et la calcite, CaCO3, sont deux carbonates constituant en proportions variables, les dolomies et les calcaires dolomitiques. Les cargneules associées aux chevauchements alpins sont des brèches de dolomies. Elles doivent leur aspect alvéolaire à la dissolution préférentielle des fragments anguleux de dolomie enfermés dans une trame calcaire. Le calcaire fait effervescence à froid avec de l'acide dilué (HCl à 10%) alors que les fragments dolomitiques ne font effervescence à l'acide dilué que si la roche est réduite en poudre. Or, La mise en place des nappes de charriage grâce à la «couche-savon» de gypse (CaSO4, 2 H2O) s’est accompagnée d’une fracturation hydraulique des dolomies et calcaires dolomitiques. La libération des ions SO42- (sulfates) et d’H2O (eau) a favorisé la précipitation de carbonate de calcium et cimenté les éléments de la brèche dolomitique. Ainsi, les cargneules visibles au col de l’Izoard n’ont pu être mise en place (cargneulisation) qu’en présence de calcaires dolomitiques et de gypses, d’une part, et d’eau, d’autre part. Les calcaires dolomitiques et gypses sont des sédiments marins mis en place lors de la formation de l’océan alpin. Mais leur altération chimique par l’eau (hydrolyse) n’a été possible qu’après émersion puis fracturation hydraulique. Ce qui témoigne d’une tectonique convergente accompagnée de la mise en place de nappes de charriages, caractéristiques d’une orogénèse. Les structures rencontrées au col de l’Izoard, témoins d’une tectonique convergente, s’inscrivent donc dans l’histoire des Alpes.