Edition · Ludwig · Gumplowicz
http://agso.uni-graz.at/gumplowicz
Mouvement Social (1894d)
Archiv für die Geschichte der Soziologie in Österreich
- 4 -
Mais en cela le ministère se trompait. Les deux grands partis qui dans la Chambre
se combattaient avec acharnement depuis plus d'une dizaine d'années sont: d’un côté
le parti libéral-allemand (l’ancien [144]parti allemand-centraliste) et de l’autre côté les
partis réunis des Polonais et des cléricaux des différentes nationalités. Ce dernier parti
(les Polonais et les cléricaux) disposait de la majorité, le parti allemand-libéral était en
minorité et formait l'opposition.
Mais au moment où le comte Taaffe présentait à la Chambre son projet de réforme
électorale, projet radical puisqu’il contenait le suffrage universel pur et simple, les
deux grands partis du parlement, l’opposition allemande (bourgeoise!) et la majorité
polonaise-cléricale, voyant également compromis par cette mesure les intérêts des
classes dominantes, se sont défaits pour le moment de tous leurs soins du second ordre,
c’est-à-dire de toutes leurs préoccupations nationales et cléricales pour se défendre
contre le danger imminent de perdre leur position dominante; en un clein d'œil chez
les libéraux allemands appartenant à la classe des capitalistes ou liée avec elle; chez
les gentilshommes polonais, grands possesseurs fonciers et leurs adhérents; chez les
grands seigneurs cléricaux de différentes nationalités, disparurent tous les intérêts des
nationalités et de l’église qui les séparaient, et s’éveilla l’unique intérêt plus fort que tous
les autres, l’intérêt capitaliste qui les lie – et en un clin d'œil les adversaires d’hier qui
se combattaient depuis tant d’années, deviennent des alliés pour combattre ensemble
le ministère Taaffe-Steinbach, qui osait attenter à la position commune des classes
dominantes. La «coalition» fut faite en un moment ; le ministère perdant la majorité,
s'est vu en face d’une opposition coalisée et, n’ayant plus la possibilité d’expédier les
affaires courantes, fut contraint de donner sa démission.
Les deux grands partis, depuis de longues années adversaires si acharnés, coalisés
à présent, dressèrent en commun une liste de ministres, et au plus grand étonnement
le monde politique voit à présent dans le cabinet Windischgrœtz le libéral allemand
Plener, assis comme ministre des finances, lui, chef de l’opposition allemande contre le
cabinet Taaffe, à côté de M. Janorski, gentilhomme polonais, guide du club polonais
jusqu’alors l’appui parlementaire du gouvernement; Wurmbrand, libéral allemand,
à côté de M. Madeyski, ancien professeur polonais, son adversaire victorieux il y a
quelques années dans la question de «la langue d'état» (le comte Wurmbrand proposait
alors que la langue allemande fût déclarée langue d'Etat, proposition que M. Madeyski