Histoire des États germaniques II : D`un empire à l`autre

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Histoire des États germaniques II :
D’un empire à l’autre
Quatrième cours :
De la Prusse au 2e Reich
(1860-1914)
1 — Otto von Bismarck (1815-1898)
— Malgré la chape de plomb imposé par la réaction royale et nobiliaire après le Printemps des Peuples, les
grandes forces sociales et économiques stimulées par le développement du capitalisme continuent de faire
leur œuvre et sous le calme apparent, le feu couve en terre prussienne.
— En 1858, les proches du roi Frédéric-Guillaume IV, constatant l’incapacité de ce dernier à assurer le
gouvernement (ses comportements deviennent erratiques suite à une attaque de congestion cérébrale)
poussent sur le trône son frère cadet, Guillaume Frédéric Louis, qui assurera la régence jusqu’à la mort du roi
en 1861, pour ensuite assumer la plénitude des pouvoirs sous le nom de Guillaume 1er.
— Le nouveau roi de Prusse, alors déjà âgé de 64 ans, est d’un naturel conservateur (en 1848, il avait tenté de
convaincre son frère de recourir rapidement à la force), mais l’influence de son épouse, une princesse de
Saxe-Weimar proche des idées libérales, rend sa politique plus complexe à comprendre.
— Toujours est-il que dès sa nomination à titre de régent, il renvoie le ministre-président Manteuffel, associé
aux courants les plus conservateurs, pour tenter de rompre avec le passé récent et rassembler autour de lui la
société prussienne, même si le successeur de Manteuffel, le prince Karl Anton de Hohenzollern-Sigmaringen
ne peut pas être considéré comme un libéral.
— Grâce au système électoral dit « des 3 classes » (qui assure la domination des grandes fortunes au
parlement), les élections de 1858 voient le triomphe électoral de la bourgeoisie, mais si le roi veut renouer le
dialogue, entre autres en assouplissant la censure, il n’entend pas partager son pouvoir, de sorte que la
confrontation avec la Diète était inévitable.
— C’est autour de la question de la modernisation de la structure de l’armée, héritée de la période
napoléonienne, que celle-ci va éclater. Le roi désirait accroitre la puissance de son armée, ce qui réclamait des
fonds importants, que la Diète était prête à concéder, mais en échange d’une réduction de la durée du service
militaire obligatoire de trois à deux ans.
— Au-delà de la question technique, le conflit révélait le maintien d’une dichotomie au pouvoir, entre un roi
se voulant absolu et un parlement, bourgeois, réclamant son mot à dire sur la gouvernance de l’État.
— Le roi résolut alors de dissoudre le parlement et de convoquer de nouvelles élections, mais la confrontation
avait favorisé la radicalisation d’une partie des députés qui formèrent alors, au sein d’une nouvelle Diète
encore plus combative que la précédente, le Parti allemand du progrès, premier parti au sens moderne du
terme, dont le nom illustre par ailleurs l’ambition de constituer une base pour l’unification allemande, que la
population, et la bourgeoise, continue d’appeler de ses vœux.
— Guillaume était donc confronté à un dilemme : ou bien abandonner la lutte en abdiquant au profit de son
fils, de tendance plus libérale, ou bien choisir de relever le gant et lutter contre la Diète. Son conservatisme et
le sentiment profond qu’il avait de sa mission lui firent choisir la seconde solution. Mais pour mener la lutte,
il allait avoir besoin d’un ministre-président capable de relever le défi.
— Il avait sous la main un tel homme depuis un certain temps, mais le caractère inflexible de celui que ses
contemporains qualifièrent de « Chancelier de fer » inquiétait le roi, de nature plus timorée. Mais la situation
dictait la nécessité et le 23 septembre 1862, Otto von Bismarck fut appelé à diriger le gouvernement.
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— Né en 1815 (il est alors âgé de 47 ans) dans une famille d’ancienne noblesse peu fortunée, le nouveau
ministre-président avait eu l’occasion depuis 1851 de faire montre de ses capacités et de former sa conception
du pouvoir et de l’État, alors qu’il représentait le gouvernement de Prusse au sein du Conseil fédéral de
Frankfort, avant d’être ambassadeur à Saint-Péterbourg, puis à Paris.
— Conservateur convaincu, Bismarck comprend cependant l’époque dans laquelle il vit et sait que pour
sauver l’essentiel (la monarchie), il devra faire des compromis. Cela ne pose d’ailleurs pas de problèmes à cet
esprit pragmatique, qui confine parfois au cynisme, esprit qui lui permettra se s’allier avec des républicains
pour vaincre d’autres monarchistes.
— Quant à la question fondamentale de l’époque, le problème de l’unité, il n’est pas contre, mais celle-ci
devra se faire (et se fera, d’ailleurs) aux conditions imposées par la Prusse, dont la grandeur et la puissance
constituent les seules véritables motivations des actions du chancelier.
— Dès sa nomination, Bismarck part à l’assaut : il dissout le parlement et devant la formation d’une
assemblée toujours plus radicale, il décide simplement de se passer de son accord pour gouverner, en même
temps qu’il multiplie les procès de censure, les fermetures de journaux et les mesures administratives
destinées à affaiblir une opposition qui apparait sonnée devant tant de mépris affiché pour les institutions et la
constitution.
— Mais d’esprit large, Bismarck comprend aussi que les problèmes du pays ne sauraient être résolus
seulement par la force : tant que le problème de l’unité nationale ne serait pas réglé, il continuerait
d’empoisonner le climat politique et social. Et puisqu’il fallait régler ce problème, autant l’instrumentaliser
pour que cela se fasse dans l’intérêt de la Prusse. Mais les solutions à ce problème dépassaient nettement les
frontières prussiennes.
2 — Les guerres d’unification et la naissance du Second Empire (1864-1871)
— Sans doute que Bismarck ne savait pas exactement ce qu’il devait faire, mais il savait quelle direction
prendre. Une fois engagé sur la voie, son pragmatisme aidant, il parviendra en quelques années à peine à
atteindre, ne serait-ce que sur une partie des terres allemandes, le but qu’avaient en vain, près de 1000 années
durant, cherché à atteindre les empereurs.
— Il comprenait ainsi que la seule façon d’imposer la Prusse à la tête de la future union allemande était de
vaincre l’autre prétendant à cette union, l’empire autrichien. Qui plus est, ayant assisté impuissant à la
« reculade d’Olmutz », sans soute voyait-il ici une excellente occasion de venger l’honneur de sa chère
Prusse.
— Mais au début des années 1860, l’empire autrichien continuait d’être aux yeux de nombreux États
allemands (qui en outre craignaient la puissance prussienne et son militarisme) le centre du monde
germanique. Plus encore, il l’était aux yeux de la majorité des puissances européennes. Avant de s’attaquer à
Vienne directement, il fallait l’isoler en s’alliant avec ces puissances.
— Avec la France, qui était à couteau tiré avec l’Autriche, la chose fut plutôt aisée et c’est d’abord grâce à
l’économie qu’eut lieu le rapprochement et en 1862, Paris signait avec le Zollverein un accord de libreéchange que Bismarck dut imposer aux autres États membres en menaçant de quitter l’organisation. Pour le
reste, on l’a vu, la France de Napoléon III était aussi désireuse que la Prusse de remettre en question l’ordre
issu du Congrès de Vienne.
— Avec la Russie, le rapprochement fut facilité par la rébellion polonaise de 1863, alors que la Prusse
manifesta clairement son refus de s’impliquer ou de venir en aide aux insurgés. Les liens étroits unissant
depuis longtemps les Hohenzollern et les Romanov firent le reste.
— Mais l’Autriche n’avait pas abandonné son désir de demeurer le centre du monde germanique en
patronnant la réunion des États allemands grâce à la Confédération. À l’été 1863, l’empereur François-Joseph
tenta d’accroitre le pouvoir du Conseil fédéral par une réforme, mais la Prusse refusa net de participer aux
négociations, rendant le projet sans objet.
— Ce refus était pour la Prusse un grand risque et son manque de bonne volonté fut interprété très
négativement par l’opinion allemande. Heureusement, la question des Duchés danois ressurgit précisément à
ce moment pour permettre à Berlin de s’imposer comme la puissance incontournable du monde germanique.
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— Le problème des duchés (Holstein, Saxe-Lauenbourg et Schleswig, relevant de l’autorité de Copenhague
depuis le XVe siècle, mais peuplés de germanophones) était ancien et avait ressurgi à la faveur de la crise de
1848, alors que le roi du Danemark avait tenté de supprimer leur autonomie et de les incorporer directement à
son royaume. La guerre qui s’en était suivi s’était soldée par un compromis faisant des trois duchés des
territoires héréditaires du Danemark, mais distincts de celui-ci.
— Lorsque le nouveau roi danois Christian IX annonce en 1863 son désir d’incorporer les trois duchés à son
royaume, en violation des accords conclus, Bismarck tient son casus belli. La guerre, menée par la Prusse,
mais à laquelle participe l’Autriche, est déclenchée le 1 er février 1864 et s’achève le 1 er août par une victoire
allemande (mais surtout prussienne) éclatante.
— En conclusion de la guerre et d’un traité signé à Gastein en août 1865, les trois territoires passent sous
contrôle allemand : l’Autriche s’empare du Holstein, la Prusse du Schleswig, alors que le Lauenburg est
racheté par cette dernière. Malgré la méfiance qu’il suscite, Bismarck réussit à rallier même une partie des
libéraux prussiens à ce coup d’éclat et s’impose dorénavant comme le chef politique incontournable du
monde germanique.
— Le temps était venu de régler le problème autrichien directement : prétextant la volonté déclarée de Vienne
de tenir un référendum sur la question de l’appartenance des duchés (ce qui remettait en question l’accord de
Gastein), Bismarck, après une solide préparation diplomatique (il aurait laissé entendre à Napoléon III qu’il
ne voyait pas d’objection à ce que Paris annexe la Belgique et fait planer le doute sur des possibilités
d’annexion dans la région du Rhin; il s’était de même entendu avec les nationalistes hongrois et italiens)
envoie ses troupes dans le Holstein le 9 juin 1866.
— L’Autriche répond en mobilisant la Confédération contre la Prusse (mais de nombreux États du nord
germanique la soutiennent au contraire) et Bismarck annonce que Berlin quitte la Confédération. La guerre
sera courte et trois semaines après le début du conflit, l’Europe est abasourdie par la victoire de Sadowa, au
cours de laquelle les armées prussiennes font preuve de leur incroyable supériorité technique et tactique.
— Contre le désir de son roi, Bismarck pousse à une paix rapide qui n’humilierait pas son adversaire et celleci est conclue à Prague en 1866. L’Autriche est contrainte de céder à l’Italie naissante la Vénétie et la Prusse
s’empare de la totalité des duchés danois et de plusieurs des territoires des alliés de Vienne (Hanovre, Nassau,
Hesse-Cassel et Frankfort), permettant de créer une continuité territoriale des terres prussiennes.
— Si l’Autriche perd peu de territoires, elle perd cependant beaucoup politiquement, car elle doit accepter la
dissolution de la Confédération germanique et la proclamation, le 18 août 1866, de la Confédération de
l’Allemagne du Nord, menée par la Prusse et dont bien sûr l’Autriche est exclue. La solution de la « Petite
Allemagne » l’emporte, partiellement pour le moment, et Vienne est évacué de l’univers politique de
l’Allemagne.
— On ne saurait trop exagérer l’importance de l’événement, qui renverse l’ordre en place depuis le XVe
siècle dans le monde germanique et qui faisait des Habsbourg le socle politique de ce dernier. Le centre de
gravité se déplace vers le nord et, conséquence de la puissance de Berlin dans le nouvel ensemble politique,
on assistera à une lente « prussisation » du monde germanique.
— En schématisant grossièrement, on peut dire que l’univers de l’ouest et du sud germanique, avec ses
traditions libérales, son capitalisme industriel et financier, laisse place à la domination des traditions de l’est
et du nord, particulièrement celles de la Prusse : centralisme, autoritarisme, militarisme, appuyés sur une
armée puissante et une bureaucratie tatillonne.
— Malgré cette réalité dont elles sont bien conscientes, les élites libérales sont divisées sur l’évolution de la
situation et en Prusse, une part significative des libéraux, que l’on nommera dès lors les libéraux-nationaux,
appuie avec enthousiasme le nouvel homme providentiel et son programme.
— La construction institutionnelle de ce nouvel ensemble politique mérite que l’on s’y arrête, car elle
constituera la base de l’empire allemand à venir. Bismarck, qui en est le concepteur, parvient à faire cohabiter
dans le système l’édification d’un État central et le maintien d’institutions locales.
— Présenté de cette façon, le système bismarckien semble doté de plusieurs centres de pouvoir, mais c’est
bien la Prusse qui mène, et à un triple titre : d’abord, le Conseil fédéral, le Bundesrat qui regroupe les
représentants des différents territoires, est dirigé par le roi de Prusse. Celle-ci ne disposant que de 17 des 43
sièges, n’est constitutionnellement pas hégémonique, mais sa puissance réelle compense cette faiblesse
relative, concession de Bismarck à la diversité germanique.
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— L’autre centre de pouvoir est le Reichstag, la Diète d’empire, parlement commun à tous les territoires dont
les députés sont élus au suffrage universel, direct et secret des hommes de 24 ans et plus. Évidemment,
comme la Prusse est de loin l’État le plus peuplé (plus de deux tiers de la population), c’est elle qui a le poids
le plus lourd dans la députation.
— Enfin, le gouvernement est dirigé par un chancelier confédéral nommé par le président du Bundestag, le
roi de Prusse. Sans surprise, ce poste sera occupé dès sa création par Bismarck. Comme celui-ci reste
également ministre-président de la Prusse, il va de soi que les intérêts de cette dernière seront fort bien
défendus par le nouveau chancelier, d’autant que celui-ci n’est pas responsable devant la chambre, mais
seulement devant le président du Bundesrat...
— De sorte que sous les apparences, et tout en ayant en effet une certaine structure parlementaire, s’impose la
tradition prussienne d’un état fort, centralisé, dominé par l’exécutif et laissant des pouvoirs réduits (dont
certain sont importants — elles votent le budget) aux institutions parlementaires.
— En ce qui concerne la répartition des pouvoirs, le roi de Prusse, en tant que président du Bundestag, est
maître de la diplomatie et dispose du droit de convoquer et dissoudre le Reichstag et d’ajourner les travaux du
Bundesrat, en plus d’être chef d’une armée fédérale formée par 1 % de la population.
— Les autres institutions confédérales sont chargées conjointement de responsabilités importantes, comme le
droit migratoire, les douanes, les transports, les postes. Mais les États membres et leurs institutions politiques
(la constitution confédérale laisse aux membres le soin de définir l’organisation de celles-ci, qui sont alors
plus ou moins pluralistes, selon les cas, plus libérales à l’ouest, plus autoritaires à l’est) détiennent des
compétences importantes, dont l’éducation, la culture et une politique fiscale autonome.
— Donc, la Prusse domine, mais elle n’écrase pas : l’intelligent Bismarck a tenu compte dans son travail des
réalités allemandes, de cette « diversité dans l’unité » si caractéristique de l’histoire allemande et du désir des
États allemands et de leurs populations de rester eux-mêmes tout en étant enfin réunis. Adoptée le 16 avril
1867, la constitution permet la mise en place et le début des travaux des institutions prévues.
— Mais l’Allemagne demeure incomplète et si Bismarck ne veut rien entendre de l’Autriche, le reste de
l’Allemagne du Sud devra rejoindre la Confédération pour achever l’œuvre.
— Le traité de 1866 avait prévu la formation d’une confédération de l’Allemagne du Sud, mais aux yeux de
Bismarck, ce n’était qu’une concession tactique faite aux puissances européennes qui observaient avec
inquiétude la formation d’un État appelé à dominer le continent, d’autant que l’Autriche aux prises avec sa
propre crise ne pouvant pas piloter le projet, celui-ci n’avait aucune chance d’aboutir.
— Rien n’illustre mieux le machiavélisme de Bismarck que la politique qu’il suit entre 1867 et 1870 pour
rallier à son projet le reste des États allemands : alors qu’il avait suggéré à Napoléon III des possibilités
d’annexion de territoires à l’ouest en compensation de sa neutralité dans le conflit avec l’Autriche, il utilise
cette menace (qu’il a lui-même créée!) pour obtenir des alliances secrètes contre Paris avec les États encore
indépendants de l’ouest et du sud...
— De même, cette pression diplomatique est assortie d’une pression économique, alors que le Zollverein
s’étend à ces territoires. Grâce au développement d’institutions centrales exécutives qui lui sont propres
(Conseil fédéral et parlement), le Zollverein s’étend désormais à tous les territoires qui deviendront
l’Allemagne, à l’exception de Hambourg et de Brême, qui sont des villes franches.
— Encore une fois, l’unification administrative et économique pavera la voie à l’unification politique. Les
résistances demeurent cependant fortes et nombreuses (surtout chez les catholiques et les libéraux de Bavière
eu du Wurtemberg) et il faudra ici aussi une occasion à Bismarck pour franchir le pas.
— Cette occasion viendra de France, car après l’affaire du Luxembourg (Paris ayant tenté de racheter au roi
des Pays-Bas ce duché germanophone), l’opinion allemande est à nouveau très remontée contre
l’impérialisme français, l’opinion française ne l’étant d’ailleurs pas moins face au révisionnisme prussien. La
tension étant grande entre les deux pays, la crise espagnole fera le reste.
— Le trône d’Espagne étant vacant depuis que la reine Isabelle II en a été chassée en 1868, Bismarck propose
la candidature d’un membre de la dynastie des Hohenzollern pour lui succéder, faisant renaitre en France la
hantise de l’encerclement de l’époque de Charles Quint.
— Le candidat pressenti fit lui même savoir son manque d’intérêt pour le trône, mais la France exigea du roi
de Prusse un engagement formel, que celui-ci se refusa poliment à donner. Voyant enfin l’occasion, Bismarck
fit modifier le texte de la dépêche du roi (sans en changer les termes) de façon à rendre celle-ci provocante et
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méprisante. C’est cette « Dépêche d’Ems », du nom de la ville où le roi se trouvait alors, qui provoquera la
guerre.
— Piqué au vif et poussé par une opinion en colère, Paris déclare alors la guerre à la Confédération, suscitant
le ralliement de tous les Allemands devant cette énième manifestation de l’impérialisme français.
— Face aux forces de la coalition des États allemands, mieux armés, mieux commandés, les armés françaises
seront tout aussi humiliées que les forces autrichiennes à Sadowa. Plus même, car l’empereur lui-même est
fait prisonnier à Sedan un mois après le début du conflit.
— L’historiographie diverge sur les raisons qui poussent alors Bismarck à abandonner sa politique habituelle
visant à ne pas humilier l’adversaire vaincu. D’aucuns prétendent qu’il n’avait pas le choix, le roi et l’opinion
réclamant que les erreurs de 1815, qui avaient laissé l’Alsace et la Lorraine entre les mains françaises, soient
corrigées. Mais peut-être voyait-il dans cette intransigeance la meilleure façon de rallier les États du sud à la
confédération.
— Quoi qu’il en soit, malgré la résistance parisienne, les forces allemandes finiront par s’imposer et le
gouvernement de Thiers acceptera des conditions très dures, comprenant l’abandon de l’Alsace et de la
Lorraine, ainsi que de lourdes indemnités de guerre à verser, lors du traité signé le 10 mai 1871 à Frankfort.
— Alors que les combats se poursuivent, Bismarck négocie avec la Bavière, le Wurtemberg et les autres États
allemands de l’ouest leur intégration dans la confédération, qui changera alors de nom, pour prendre celui,
mieux fondé historiquement, d’empire allemand. Sous ce nom de 2 e Reich, l’Allemagne moderne nait.
— Comble de l’humiliation pour l’ennemi héréditaire français, la proclamation de l’empire a lieu le 18
janvier 1871 dans la galerie des Glaces du château de Versailles, dont le premier locataire, Louis XIV, avait
tant fait pour empêcher l’unification allemande.
3 — Politique intérieure (1871-1890)
3.1 — L’unification de l’État (1870-1880)
— Certains changements sont alors apportés à la constitution de l’État, pour faire une place plus grande aux
nouveaux venus, dont l’importance est significative : portés à 58 membres, le Bundesrat peut dorénavant voir
des changements constitutionnels bloqués non seulement par la Prusse, mais aussi par la Bavière, la Saxe et le
Wurtemberg. Quelques concessions sont aussi faites à ces États (responsabilité locale pour les postes et
commandement de ses forces militaires, par exemple).
— La constitution du 16 avril 1871 réunit 25 États au sein d’un empire fédéral : 4 royaumes, 6 grandsduchés, 5 duchés, sept principautés et trois villes libres, en plus de l’Alsace-Lorraine, dont la gestion relève
directement du centre politique.
— Le titre porté par le roi de Prusse est désormais celui d’empereur allemand (et non d’empereur
d’Allemagne, pour ménager les sensibilités de certains États membres), mais jusqu’en 1890, Bismarck
demeurera le véritable maitre politique du pays.
— C’est d’autant plus le cas que, en plus de son prestige personnel, Bismarck continue de diriger la Prusse et
ses 25 millions d’habitants sur les 41 que compte alors le Reich. Loin d’être stoppée par l’élargissement
territorial, la « prussisation » de l’Allemagne s’accélère.
— D’autant que, peu choyé en termes de ressources fiscales (taxes, postes, douanes et contributions des États
membres), l’État central dispose de peu de moyens financiers pour développer des politiques fédérales, ce qui
favorise le maintien des particularismes régionaux.
— En dépit de la puissance de l’exécutif, les institutions parlementaires joueront des rôles importants au
cours de l’ère bismarckienne, le chancelier devant tenir compte des changements sociaux et politiques qui
surviendront au cours de ces deux décennies.
— Les premières élections à survenir, le 3 mars 1871, avant même la proclamation de la constitution, verront
la formation d’une structure partisane moderne et la domination des forces soutenant alors le chancelier,
réunis au sein du parti national libéral (dont l’assisse se trouve dans l’Ouest) ou de l’un des deux partis
conservateurs (qui dominent l’est).
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— De ce moment jusqu’à sa démission contrainte en 1890, Bismarck se préoccupera essentiellement de la
consolidation d’un État qu’il sait fragile, en tentant à la fois d’accroître le pouvoir du centre et de réduire
celui des particularismes, régionaux ou sociaux.
— L’accroissement du pouvoir central doit avant tout passer par l’augmentation de ses revenus. C’est un
combat difficile à mener, car les États membres en comprennent les raisons : plus le centre disposera de
moyens financiers, plus il deviendra interventionniste et centralisateur.
— En plus des taxes qu’il s’emploie à augmenter (avec difficultés, le Reichstag les limitant au tabac, à
l’alcool et au café), Bismarck recours sporadiquement au protectionnisme, instaurant des barrières tarifaires
sur certains produits, mais cette politique suscite aussi l’opposition, des pouvoirs économiques, cette fois.
— La centralisation souhaitée passe aussi par l’uniformatisation de différentes pratiques : Code civil
commun, monnaie commune (le mark), office des chemins de fer devenu monopole de l’État central ou
encore loi militaire de 1871, qui impose à l’Armée fédérale le commandement prussien en temps de guerre.
— Mais c’est surtout par la lutte contre le maintien des particularismes que Bismarck envisage la
consolidation de l’État central. Cela concerne d’abord les minorités nationales.
— La population de l’Allemagne jouit d’une grande homogénéité et n’est en général pas confronté aux
problèmes nationaux que connait l’Autriche : quelques millions de Polonais et quelques centaines de milliers
de Tchèques en Silésie et en Poznanie, plus une communauté juive assez importante, mais dont l’intégration
est assez bien avancé et bien sûr, les francophones d’Alsace et de Lorraine.
— Malgré tout, Bismarck va s’employer à lutter contre ces minorités, en pratiquant une germanisation des
zones à fortes population non-germanophones, particulièrement en Poznanie et en Alsace-Lorraine, par le
biais de l’enseignement de l’allemand et de mesures limitatives imposées à l’enseignement des langues
locales, sans vraiment parvenir à les faire reculer.
— Cette lutte contre les francophones de l’ouest et les Polonais de l’est fut, aux dires mêmes de Bismarck, le
point de départ de son grand combat, celui qui marquera la première décennie de son règne, contre la très
importante minorité catholique du pays, connut sous le nom de Kulturkampf.
— Constituant plus du tiers de la population (car parmi les territoires s’ajoutant à la Confédération pour
former le Reich en 1871, plusieurs sont majoritairement catholiques, dont la Bavière), les catholiques
suscitent la méfiance du chancelier, car leur fidélité religieuse peut aller en contradiction avec leur fidélité
politique.
— En froid avec l’activisme du pape (Pie IX), dont une bulle vient de proclamer l’infaillibilité, le chancelier,
sous couvert d’une refonte des principes de l’État, soit l’affirmation de la séparation de l’Église et de l’État,
fait adopter par le parlement une série de lois destinées à affaiblir les institutions catholiques.
— Ces lois adoptées entre 1872 et 1875 comprennent la fermeture forcée de couvents et de monastères, avec
saisie des biens, l’expulsion des jésuites, l’obligation faite aux futurs prêtres catholiques d’étudier dans une
université d’État et la laïcalisation de l’État civil. Il va sans dire que ces mesures suscitent une intense levée
de boucliers de la part des catholiques.
— Mais comme Bismarck est un homme pragmatique qui sait choisir ses combats, le Kulturkampf sera
stoppé à la fin de la décennie, d’autant que son bilan s’avère nul, voire négatif : loin d’accélérer les processus
d’unification, le Kulturkampf suscite au contraire la division, car les forces catholiques, loin de se soumettre,
font bloc derrière leurs institutions, et donc derrière leur principal parti politique, le zentrum.
— Or, lors des élections de 1874, ce parti, qui était déjà le second parti en importance en 1871, augmente
significativement son appui populaire, obtenant 28 % des suffrages, pour 90 députés (contre 18 % et 60
députés en 1871). Si les élections suivantes, celles de 1877 et 1878, voient un certain tassement de l’appui au
Zentrum en termes de voix, la concentration de ses votes lui permet de maintenir, et même d’augmenter
légèrement (à 91, puis à 94) le nombre de sièges qu’il détient.
— De sorte qu’à la fin des années 1870, les priorités du chancelier changent, d’autant que l’arrivée sur le
trône pontifical du nettement plus conciliant Léon XIII va permettre une sortie de crise en douceur et le
rétablissement du dialogue avec les catholiques.
— Dès 1880, tout en maintenant le principe de la primauté de l’État sur les églises, le gouvernement abroge
la majorité des lois adoptées précédemment et la réconciliation sera scellée par la conclusion d’un concordat
entre la Prusse et le Vatican.
— Ce renversement de situation met en évidence le pragmatisme et l’intelligence politique du chancelier de
Fer, car même si le Reichstag dispose de pouvoir limités, les députés tiennent à les utiliser au mieux. Or, à la
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fin des années 1870, la puissance du zentrum, dont la majorité des membres est de sensibilité conservatrice, le
rend incontournable dans l’adoption des mesures protectionnistes souhaitées par Bismarck pour consolider
l’économie (le croit-il), aux prises avec le ralentissement provoqué par la crise boursière de 1873, et surtout
accroitre les revenus de l’État central.
— L’appui du zentrum est d’autant plus nécessaire à Bismarck que, si les conservateurs (parti conservateur et
parti conservateur libre) l’appuient évidemment dans sa politique protectionniste, son autre soutient
traditionnel, le parti national-libéral, encore et toujours premier parti en chambre après les élections de 1874,
1877 et 1878 est forcément contre.
— La seconde décennie du règne de Bismarck en tant que chancelier de l’empire voit ainsi une
reconfiguration importante des forces politiques et le fait que le zentrum devienne aux élections de 1881 le
premier parti du Reichstag (ce sera le cas jusqu’aux élections de 1887, alors que les nationaux-libéraux
reprendront la tête) témoigne de la justesse du calcul du chancelier, qui pourra compter sur l’appui des
catholiques avec qui il s’est si opportunément réconcilié.
3.2 — Bismarck et la social-démocratie (1880-1890)
— L’importance que le chancelier accorde à l’opinion parlementaire et à l’évolution des forces politiques au
Reichstag est aussi bien illustré par la politique qu’il mènera au cours des années 1880 à l’endroit de la
nouvelle force politique, dont l’ascension semble irrésistible : le mouvement ouvrier et les forces socialedémocrates, qui deviendront jusqu’à la guerre le principal facteur de l’évolution politique du Reich.
— Évidemment, ce conservateur forcené qu’est Bismarck ne peut guère partager la vision du monde défendu
par ces puissances montantes, d’autant qu’elles constituent justement l’un de ces particularismes dont
l’existence menace à ses yeux le consensus à l’origine de l’empire. Pragmatisme oblige, il devra cependant
tenir compte de leurs revendications, mais la lutte entre elles et lui se poursuivra tout au long des années 1890
et en fin de compte, ce sont elles qui triompheront du chancelier de fer.
— Comme ailleurs dans le monde, l’industrialisation en Allemagne a engendré le développement fulgurant
de la classe ouvrière, le prolétariat, dont le nombre croissant, associé aux très difficiles conditions de vie
qu’ils connaissent et aux différents courants humanistes issus de la Révolution française, a favorisé
l’émergence d’organisations politiques.
— Les syndicats et autres organisations d’entraides formées spontanément lors du printemps des Peuples ont
rapidement été interdits et démantelés, mais les conditions leur ayant donné naissance se perpétuant, ils
réapparaissent progressivement un peu partout sur les territoires germaniques, la Saxe ayant été la première,
dès 1861, à les autoriser, avant qu’elles le deviennent (quoique temporairement) sur tout le territoire du Reich
en 1871.
— La légalisation des associations ouvrières va évidemment favoriser la diffusion des idéaux socialistes et
socio-démocrates en Allemagne. L’une des sources de la social-démocratie allemande, Ferdinand de Lassalle,
publie en 1863 son Programme ouvrier (Arbeiter Programme) et fonde l’Association générale des
travailleurs, proposant l’unification des diverses associations ouvrières des terres germaniques.
— Marxiste hétérodoxe, Lassalle, sans remettre en question les bases du marxisme politique, croit préférable
de proposer aux ouvriers allemands un programme évolutionniste plutôt que révolutionnaire. Même s’il meurt
en duel en 1864, Lassalle induit ainsi dès son origine une tendance parlementaire et légaliste au mouvement
ouvrier allemand, qui le distingue des mouvements analogues en Europe.
— Dans la foulée de la formation de la 1 ère internationale, l’Allemagne se dote, en 1869, d’un parti plus
radical et plus marxiste, croyant à la nécessité de mener une révolution. Ce parti ouvrier social-démocrate
empiétant sur la clientèle du mouvement lassalien, pousse l’un de ses fondateurs, Wilhelm Liebknecht, à
proposer la fusion des deux organisations.
— Celle-ci sera réalisée en 1875, avec la fondation du SPD, le plus vieux parti politique allemand à exister
encore aujourd’hui. Dans son programme fondateur, adopté lors du congrès de fondation à Gotha, les idées
lassaliennes prennent le pas, car les partisans de Lasalle sont beaucoup plus nombreux dans le nouveau parti,
sans pour autant évacuer les forces minoritaires. Ce compromis original et originaire marquera toute l’histoire
du SPD.
— L’efficacité politique du compromis, aidé par la conjoncture économique difficile, ne tardera pas à se
manifester et dès les premières élections auxquelles il prend part, en 1877, le SPD obtient 9 % de suffrages et
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envoie une députation de 12 membres au parlement. Légèrement mieux que les 9 députés des élections
précédentes auxquelles avait participé le Parti ouvrier social-démocrate, mais ce n’est que le début : malgré
des reculs ponctuels, lors des élections de 1890, le SPD deviendra le premier parti du Reichstag en terme de
suffrages.
— Avec son sens aigu de la politique, Bismarck, qui réagit d’abord par la force, en interdisant la majeure
partie des activités publiques du SPD et en ordonnant la dissolution des syndicats en 1878 (qui se
reconstitueront rapidement sous la forme d’associations de secours mutuels), comprend qu’il n’a rien à
gagner à s’opposer de front à l’évolution sociale et sans abandonner le bâton (les lois de 1878 seront
reconduites à chaque trois ans jusqu’en 1890), va dès lors favoriser la carotte, le dialogue et les concessions
aux mouvements ouvriers.
— C’est dans cette optique qu’il donne naissance aux prémisses de l’État providence allemand. En 1883, une
loi d’assurance maladie obligatoire est adoptée, programme financé aux deux tiers par les cotisations
ouvrières, l’autre tiers provenant des versements patronaux.
— Après avoir fait adopter en 1884 une loi sur les accidents de travail, faisant porter la responsabilité sur
l’employeur et le forçant à indemniser les accidentés, il obtient l’accord du Reichstag en 1889 pour une loi
sur l’invalidité et la vieillesse, qui met en place un système de retraite financé à parts égales par les employés
et les employeurs, dont les prestations sont versées à partir de 65 ans.
— Malgré leurs limites, ces mesures très innovatrices pour l’époque et qui fondent le socialisme d’État
bismarckien, explique la modération traditionnelle des mouvements ouvriers allemands, qui constatent alors
la possibilité du dialogue avec l’État et les patrons, et préfèrent conséquemment la politique du compromis à
celle de la rupture.
— L’élément le plus remarquable de cette politique, c’est que Bismarck parvient à faire admettre aux forces
politiques centristes et conservatrices qui dominent le Reichstag la nécessité de partager les fruits de la
croissance avec le reste de la population. La base de ce que l’on nomme le « capitalisme rhénan » est ainsi
posée.
3.3 — L’Allemagne wilhelmienne (1890-1914)
— Après la mort en 1888 de Guillaume 1 er à l’âge vénérable de 90 ans, son fils Frédéric III lui succède pour
une courte période de 3 mois et sa mort à 56 ans laisse alors le trône au petit-fils du fondateur, dernier
empereur du Reich, Guillaume II, alors âgé de 27 ans seulement.
— Rapidement, Bismarck se retrouve en opposition avec le nouvel empereur, Guillaume II supportant mal la
puissance et l’influence du chancelier et désirant assurer davantage de pouvoir. Si leurs désaccords sur la
politique extérieure constituent la première cause de leurs différends, c’est la situation intérieure qui va
permettre à Guillaume de contraindre Bismarck à la démission.
— Car ni la carotte, ni le bâton ne sont venus à bout de l’irrésistible ascension du SPD, car l’habilité tactique
de ses dirigeants et le contexte économique difficile que connait alors le pays permet au parti d’obtenir son
meilleur résultat aux élections de 1890. Même si le mode de scrutin ne lui donne qu’une quarantaine de
députés, cela sera suffisant pour empêcher, grâce aux votes de Zentrum, la reconduction des lois d’exception
de 1878.
— Alors que l’empereur envisage d’élargir les lois sociales, Bismarck prépare un stratagème typique de son
cynisme : il propose à l’empereur d’engager une procédure de modification constitutionnelle heurtant de front
le SPD et les forces semi-syndicales. Devant les réactions et les manifestations inévitables de la part de ces
derniers, il serait alors aisé d’évoquer la sécurité de l’État pour briser le mouvement ouvrier.
— Guillaume II rejette avec hauteur ce plan et accable de reproche son chancelier, qui n’a d’autre voie de
sortie honorable que la démission. Le 20 mars 1890, le fondateur du 2 e Reich annonce à l’empereur sa
retraite. Il vivra encore huit ans, qu’il consacrera à critiquer les décisions de ses successeurs, devenant de son
vivant l’objet d’un véritable culte.
— Désireux de gouverner lui-même, les chanceliers que Guillaume II choisira seront beaucoup plus effacés.
Quatre hommes se partageront ce poste du couronnement de Guillaume jusqu’en 1914 : Leo von Caprivi
(1890-1894), Chlodwig von Hohenlohe-Schillingsfürst (1894-1900), Bernhard von Bülow (1900-1909) et
Theobald von Bethmann Hollweg (1909-1917).
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— Le règne de Caprivi est le plus agité, car la tension sociale n’est bien sûr pas résorbée par le simple départ
de Bismarck de la chancellerie. C’est pourquoi l’empereur confie à son chancelier le soin de poursuivre sur la
voie du « socialisme d’État » : limitation du temps de travail des femmes et des enfants, interdiction du travail
dominical, obligation faite aux entreprises minières de construire des logements, nouveau code du travail
protégeant mieux les ouvriers, etc.
— Parallèlement, le chancelier élabore un nouveau régime fiscal, qui introduit le principe de l’impôt
progressif en fonction des revenus, mesure évidemment favorables aux plus pauvres.
— Mais rien n’y fait, l’appui au SPD continue de croitre lors des élections de 1893. Peut-être pour cette
raison, peut être à cause d’une diminution des tensions sociales dues à l’amélioration de la situation
économique, Caprivi est remercié en 1894. Son départ marque la fin des innovations sociales.
— D’ailleurs, la période 1894-1914 est très pauvre sur le plan de la politique intérieure : presqu’entièrement
préoccupés par la politique étrangère et la montée des tensions, l’empereur et ses chanceliers laissent en
général le pays se développer sur la voie choisit par Bismarck (témoignage remarquable de l’efficacité des
politiques menées par le Chancelier de fer), aidé en cela par le redressement économique.
— Cela n’exclut pas une certaine tension, croissante, entre le gouvernement et le Reichstag, car l’empereur
s’emploie autant qu’il le peut à ne pas tenir compte de l’opinion du parlement, suscitant peu à peu la colère
des parlementaires, au point où la veille de la guerre, la situation entre le gouvernement et le parlement atteint
un point critique, alors que ce dernier est dominé depuis les élections de 1912 par une coalition antigouvernementale.
— Cette tension est sans doute l’une des raisons qui explique que le SPD n’a cessé de faire des progrès, car à
l’exception des élections de 1907, qui voient le parti connaitre une légère baisse de son soutien populaire,
celui-ci croit de façon continue jusqu’à son triomphe lors des élections de 1912.
— Lors du scrutin de janvier 1912, le SPD obtient le plus fort pourcentage d’appuis reçus par un parti de
toute l’histoire du Reich (près de 35 %) et malgré le mode de scrutin désavantageux pour lui, il devient le
premier parti du Reichstag, avec 110 députés sur 397.
— Ce succès s’explique aussi cependant par la progression et la pénétration du mouvement syndical par le
SPD : sur les 4 millions de syndiqués que compte le pays en 1913 (contre moins d’un million pour la France à
la même époque), plus de la moitié sont directement affiliés au SPD.
— Enfin, il convient d’évoquer, et c’est peut-être l’élément le plus significatif, l’élargissement de la clientèle
du parti, car en conséquence de sa montée en puissance, les éléments doctrinaux les plus radicaux font place à
une conception proche de la social-démocratie moderne.
— Car le SPD est devenu pratiquement une entreprise qui, à la veille de la guerre, emploie plus de 15 000
personnes. En outre, 20 000 de ses membres siègent dans divers conseils municipaux du pays et les
coopératives ouvrières qui lui sont affiliées emploient 1,6 millions de personnes, pour un chiffre d’affaire de
500 millions de marks.
— La gestion de cette machine réclame des spécialistes qui, en intégrant le parti, modifient sa doctrine dans
un sens plus conservateur, plus centriste : plus question de faire la révolution, mais plutôt d’intégrer le
jeu politique, pour faire du parti un acteur clé et ainsi améliorer graduellement la situation économique des
classes ouvrières.
— Il va de soi que cette reconversion « bourgeoise » ne fait pas l’unanimité au sein du parti et la question de
la guerre provoquera un schisme dont l’origine se situe précisément dans cette mutation qui a fait, en quatre
décennies, d’un parti ouvrier marginal la première puissance politique du Reich. Lorsque celui-ci s’effondrera
en 1918, c’est tout naturellement que le SPD recueillera la succession.
— On ne peut terminer ce bref tour d’horizon de l’évolution politique sous Guillaume II sans évoquer un
élément moins positif, relevé par la plupart des historiens, même ceux que l’on ne peut absolument pas
suspecter de germanophobie.
— Car la puissance intérieure et extérieure que développe l’Allemagne au cours des décennies précédant la
guerre présente un envers de la médaille. Car après avoir souffert pendant de longs siècles d’un complexe
d’infériorité face à la France ou au Royaume-Uni, la société allemande (ou à défaut, au moins ses élites
politiques et économiques), fière de ses succès et consciente de sa puissance, fait montre d’une certaine
arrogance envers les autres nations, les autres États, les autres cultures.
— Les manifestations de cette nouvelle attitude, dont certains éléments ne sont par ailleurs pas unique à
l’Allemagne (on pense ici à l’antisémitisme, dont l’affaire Dreyfus souligne qu’il est bien à l’époque un mal
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occidental), vont des déclarations grandiloquentes de certains de ses représentants (comme celle de l’amiral
Tirpitz, à l’effet que seule la flotte britannique s’oppose désormais à la domination mondiale de l’Allemagne)
aux politiques de germanisation intensive de ses minorités.
— Bien qu’il soit impossible de préciser le degré d’adhésion de la population à la politique triomphaliste
menée par le gouvernement (la Weltpolitik), l’enthousiasme d’une partie significative (quoique sans doute
non majoritaire) de la population devant l’entrée en guerre du pays témoigne d’une réalité, celle d’une
Allemagne aux mieux trop confiante en ses moyens, au pire, franchement arrogante. Du reste, la société
allemande de l’époque n’est pas seule dans ce cas, en cette ère de nationalisme intransigeant.
4 — Démographie et Société
— Ce n’est pas pour rien que les puissances européennes, la France en tête, se sont opposées de longs siècles
durant à l’unification allemande, car elles comprenaient fort bien que la réunion de ces territoires, cohérents
sur la plan ethnique et complémentaires économiquement, signifiait l’apparition d’une puissance si
importante qu’elle redéfinirait l’ordre européen et mettrait fin au « condominium » franco-austro-britannique
sur le continent qui déterminait l’ordre européen depuis de longs siècles.
— Et en effet, une très grande puissance est apparue en Europe en février 1871 qui, grâce à sa vitalité
démographique et ses structures économiques, allait s’imposer dès la fin du siècle comme l’une des
principales, et dans certains domaines, la principale, puissance économique du continent et du monde.
— À la base de cette puissance, il y a bien sûr la démographie : cette caractéristique qui avait assuré la
domination française du continent favorise désormais sa puissante voisine allemande.
— On l’a vu, le boom démographique que connaissent les terres allemandes ne date pas de l’unification, mais
l’union de ces territoires très dynamiques sur ce plan, alliée à la modification des structures politiques que
cette union implique et à la coopération économique de zones complémentaires qu’elle induit accentue ce qui
était déjà un boom démographique remarquable.
— Pendant les quatre décennies qui couvrent la période allant de la naissance du 2e Reich à son entrée en
guerre (1871-1914), la population passe de 41 millions à 67 millions d’habitants, soit une hausse de plus de
50 % en moins d’un demi-siècle, ce qui fait du pays le plus peuplé, et de loin, de l’Europe.
— À titre de comparaison, au cours de cette même période, la France connait une hausse nettement plus
modeste de sa population, qui passe de 38 à 41 millions (8 %). Et même si la démographie britannique est
beaucoup plus dynamique (de 27 à 41 millions, pour une croissance, ici aussi, de l’ordre de 50 %), la
population totale demeure nettement inférieure.
— Puisque les territoires de l’Allemagne occupent un espace légèrement plus petit que ceux de la France
(540 000 et 600 000 kilomètres carrés, respectivement), on doit en déduire une densité de population
beaucoup plus importante.
— Cela s’explique par une très forte urbanisation et en effet, dès la fin du siècle, le seuil de 50 % de
population urbaine est franchi (ce ne sera le cas en France qu’après la Seconde Guerre mondiale) et à la veille
de la Grande Guerre, déjà plus de 60 % de la population du pays est urbaine et le pays compte déjà 45 villes
de plus de 100 000 habitants.
— Si la natalité est évidemment en baisse, conséquence de la forte poussée urbaine, elle demeure cependant
robuste, avec en 1910 3,6 naissances pour 100 habitants et celle-ci va de pair avec la diminution sensible de
la mortalité et l’allongement de l’espérance de vie que connait toute l’Europe en cours d’industrialisation,
mais en Allemagne, la situation s’explique par l’amélioration générale des conditions de vie grâce au
« socialisme d’État » de Bismarck.
— La population du Reich est alors très jeune (34 % de la population a moins de 15 ans) et elle est déjà
fortement scolarisée, grâce à une alphabétisation de masse débutée depuis longtemps et même si
l’enseignement universitaire demeure l’apanage des classes supérieures.
— Malgré cette réserve, une partie de cette jeune population, celle issue des nouvelles classes moyennes, a un
accès de plus en plus grand aux institutions d’enseignement secondaire et spécialisé, dont les célèbres écoles
d’ingénieurs, l’une des bases de la puissance technique et technologique de l’Allemagne.
— Autre raison qui explique l’exceptionnelle croissance démographique du 2 e Reich, le solde migratoire.
Pendant longtemps, le caractère précoce de la transition démographique allemande a entrainé une saturation
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du territoire : la productivité agricole augmentant considérablement avec la réduction, puis l’abolition du
servage a entrainé un chômage rural qui a incité la population des campagnes a quitter pour d’autres cieux.
— Jusqu’au milieu du XIXe siècle, et malgré la croissance économique importante que connaissait déjà le
pays, les villes allemandes étaient incapables d’absorber le trop-plein démographique des campagnes. Cette
situation, ajoutée aux politiques autoritaires et parfois franchement répressives des gouvernements
germaniques, fit des territoires allemands des terres d’émigration.
— Et même à si l’émigration se poursuit au cours des décennies du 2 e Reich, elle ralentit considérablement,
passant de près de 2 millions de départs au cours de la période 1880-1895 à environ 400 000 pour les 15
années suivantes. De plus, le dynamisme économique remarquable du pays, et malgré des périodes moins
faste, attire désormais des populations étrangères.
— De sorte que, même s’il serait excessif de qualifier l’Allemagne de terre d’immigration au début du XXe
siècle, il n’en demeure pas moins que la balance migratoire penche de plus en plus en sa faveur.
— Les flux migratoires concernent aussi les mouvements intérieurs, alors que les zones urbaines et
industrielles de l’Ouest vont bénéficier d’un accroissement de la mobilité des populations, qui va permettre au
trop-plein des zones rurales de l’est de se déverser à l’ouest. L’équilibre naturel ainsi créé permet
l’amélioration des conditions de vie de tout le monde, en plus d’assurer l’apport en main d’œuvre si
nécessaire à la croissance industrielle.
— Avec le temps, le clivage socio-économique est-ouest va s’estomper, même s’il demeure tout de même
important à la veille de la Grande Guerre. La politique de Bismarck, qui s’appuie sur l’union des classes
dominantes de l’est (les grands propriétaires terriens de la Prusse, qui fournissent la majeure partie des cadres
de l’État et de l’armée) et de l’ouest (la grande bourgeoisie industrielle et financière) va favoriser la
consolidation de la classe dominante.
— Malgré la tendance générale allant dans le sens d’une diminution de la puissance des premières au
bénéfice des seconds, ces deux catégories de la population, dont le nombre ne dépasse pas le demi-million de
personnes, s’entendent pour se partager le contrôle économique et politique de l’État.
— Ce ne sont cependant pas les seules catégories de la population qui bénéficient de l’essor économique du
pays, car une partie des classes moyennes (petits industriels, commerçants, hauts fonctionnaires et membres
des professions libérales) sont aussi gagnantes, même si dans l’ensemble, le pouvoir politique leur échappe,
ce qui constitue la grande différence avec la 3e République française, qui voit au contraire la puissance
politique de sa bourgeoisie exploser au détriment de l’aristocratie et du grand capitalisme.
— À cette strate supérieure de la classe moyenne, qui rassemble environ 3 millions de personnes, il faut
ajouter les autres membres de la catégorie médiane (petites bourgeoisies, paysans propriétaires, artisans,
commerçants et petits fonctionnaires), qui représente 20 à 25 % de la population et dont la situation est plus
difficile, car la concentration capitalistique qui caractérise la période favorise leur paupérisation et fait peser
sur elle la menace d’une prolétarisation.
— Enfin, les classes inférieures, soit le prolétariat urbain et la paysannerie, forment environ 70 % de la
population totale. Si la situation dans les campagnes demeure précaire (autre facteur favorisant
l’urbanisation), la situation des ouvriers des villes, très difficile au début de la période, s’améliore
graduellement au cours des décennies, ce qui s’explique par la politique menée par Bismarck et l’action des
organisations syndicales.
— Sans exagérer le phénomène, on assiste en Allemagne au cours de la période à un « embourgeoisement »
de la classe ouvrière beaucoup plus fort que partout ailleurs en Europe.
— Peu importe la cause de cette situation (tradition luthérienne et calviniste d’implication sociale,
intelligence des classes dominantes qui comprennent la nécessité de partager les fruits de la croissance), elle
rend la classe ouvrière allemande peu révolutionnaire et partisan de l’évolutionnisme, ce qui explique par
ailleurs l’évolution des forces politiques qui les représentent.
— Quant aux paysans, qui sont désormais libres, leur situation est difficile et la dépendance économique a
pour une bonne part remplacé la dépendance personnelle. Devenus pour beaucoup simples ouvriers agricoles
(pour ceux, la majorité et particulièrement à l’est, qui n’ont pas pu accéder), ils sont alors soumis à des
réglementations sévères, qui les obligent à obéir et les empêchent de porter plainte devant les tribunaux.
— À noter que la situation des paysans de l’ouest est un peu meilleure et qu’ils sont plus souvent
propriétaires. Mais pour les ouvriers agricoles, le temps passant et la prussisation aidant, les conditions de vie
et de travail tendent à ressembler à celle de leurs confrères orientaux.
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5 — Économie
— L’évolution économique de l’Allemagne au cours de la période suit les grands mouvements que connait
l’économie mondiale, mais la relative faiblesse de l’intégration économique du pays, à tout le moins au cours
de la période 1873-1890, ainsi que le rôle limité de l’agriculture dans l’économie allemande, la rend d’abord
moins dépendant de la situation économique extérieure que d’autres.
— De sorte que si les années 1873-1896, celles de la Grande dépression, correspondent à un fléchissement de
la croissance, elle est moins marquée qu’ailleurs sur le continent. De même, lorsque l’économie redémarrera
graduellement dans la dernière décennie du siècle, le développement économique allemand sera favorisé par
la réorientation de la politique étrangère de Guillaume II.
— Rappelons la caractéristique la plus évidente de l’économie allemande au moment de la formation du
Reich, qui tend à s’estomper avec le temps, mais qui perdure néanmoins : la dualité entre les territoires
agricoles de l’est et les zones industrielles de l’est.
— Les origines de cette dualité sont lointaines et reposent sur des raisons politiques plus qu’économiques,
même si ces dernières ont leur importance (qu’on pense aux réseaux d’échanges plus développés à l’ouest,
grâce entre autres au réseau fluvial), car en fait, les terres de l’ouest (et du sud, par ailleurs) sont généralement
de meilleure qualité que celle du nord-est.
— L’abolition précoce du servage est venue au nord-est renforcer la grande propriété terrienne, alors que
dans l’ouest, l’éclatement territorial très ancien, réaffirmé par les traités de Westphalie de 1648, a empêché
l’émergence d’une grande agriculture noble et favorisé à l’inverse le développement de la bourgeoisie
commerçante et industrielle.
— Les grands domaines de 100 hectares et plus continuent constituer la majorité des propriétés terriennes de
l’est et leurs propriétaires refusent systématiquement que l’on touche à l’assise de leur pouvoir, d’où les
grandes difficultés de mener des réformes pour accroître l’accessibilité à la terre.
— Les Junkers font d’ailleurs valoir qu’ils ont besoin de vastes terres pour y introduire les techniques
modernes, ce qu’ils ont effectivement commencé à faire depuis un certain temps, et une partie de la
production agricole est transformé sur place. À noter que les propriétaires exploitent rarement leurs terres,
confiant celles-ci à des fermiers et consacrant leur existence aux carrières administratives et militaires.
— La production agricole double au cours de la période 1880-1914 et grâce aux recours massifs aux engrais
et aux nouvelles technologies, dont une certaine mécanisation, la productivité croit de près de 80 %.
— De sorte que l’Allemagne occupe à la veille de la Grande Guerre le 4 e rang en matière de production
agricole, mais compte tenu de sa forte et dynamique démographie, cette production ne suffit pas à nourrir la
population et le pays doit recourir à l’importation pour combler ses besoins.
— Il est intéressant de noter que dès cette époque, l’économie allemande développe (ou consolide, car
certaines de ces caractéristiques existaient déjà au moment de l’unification) les traits spécifique qui la
caractérise aujourd’hui, dont sa puissance exportatrice et sa maitrise de l’innovation technologique. Et même
si l’agriculture progresse, c’est véritablement l’industrie qui devient le moteur de cette économie.
— En 1913, l’Allemagne occupe des positions de tête dans plusieurs secteurs industriels : 3e rang mondial
pour le charbon (260 millions de tonnes), 2 e pour la fonte (17 millions de tonnes) et 2 e pour l’acier (17
millions de tonnes) et 1ère dans les industries chimiques et électriques.
— Quatre zones géographiques se partagent cette industrie en croissance continue, soit la Ruhr, plus vieille
zone industrielle du pays, la Silésie, dont la richesse houillère permet le développement des industries de
base, puis la Saxe et la région berlinoise, où prédominent les industries de transformation.
— La capital financier accumulé depuis longtemps dans l’ouest donne naissance à un secteur bancaire très
dynamique, dont le rôle est fondamental dans l’essor industriel. Le secteur se caractérise par une très forte
concentration, alors que les quatre plus grandes banques détiennent la moitié du capital bancaire disponible.
— Cette concentration, allié une orientation très favorable à la croissance industrielle dans la politique
d’investissement des institutions bancaires, a donné naissance dès la fin du siècle à une interpénétration
remarquable de l’industrie et de la finance, la première obtenant de la seconde les fonds nécessaire à son
développement et à leur modernisation de l’outil de production, la seconde en étant récompensé par des titres
et des actions issues par les premières.
— L’autre caractéristique fondamentale de l’industrie allemande, qui découle de la première, c’est sa grande
concentration, qui prend la forme, sur le plan de l’intégration verticale, d’immenses konzern, dont celui
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d’Ugo Stinnes, qui, avec ses mines de charbon de la Ruhr, ses mines de fer de Lorraine, ses usines de fonte et
d’Acier de la Rhénanie et sa compagnie de transport contrôle les sources, la production et le commerce de
ses produits industriels. Les entreprises Krupp et Thyssen sont d’autres bons exemples.
— La concentration horizontale est moins poussée et varie selon les secteurs, mais la dépression relative que
connait l’économie européenne au cours des années 1873-1895 et à laquelle n’échappe par l’Allemagne
favorise la prise de contrôle des petites et entreprises par les géants. Siemens, qui se spécialise dans les
industries électriques, prend son essor dans ce contexte.
— Dans d’autres secteurs, cependant (charbon et acier, par exemple), de nombreuses petites entreprises,
plutôt que d’être absorbées, vont former avec les plus grosses des cartels, dont l’exemple type est celui du
« comptoir charbonnier » en Westphalie, qui en 1913 produit plus de 50 % du charbon du pays et réunit 64
entreprises.
— La grande croissance démographique que connait le pays ne suffit cependant pas à absorber la croissance
encore plus forte de l’industrie et dès la fin du XIXe siècle, l’économie allemande développe une forte
dépendance aux exportations, caractéristique qui existe toujours aujourd’hui.
— Les exportations, soutenues parfois par des politiques de libres échanges, se développent ainsi
considérablement au cours de la période, grâce à la qualité et aux prix raisonnables de la production
allemande (conséquence d’une forte productivité), mais aussi à une politique commerciale agressive et
efficace.
— Enfin, la balance commerciale largement excédentaire sera résorbée à partir des années 1890 et de
l’internationalisation de la politique allemande par des investissements importants hors des frontières, qui
feront avant la guerre de l’Allemagne l’un des principaux acteurs économiques de certaines puissances en
devenir, dont l’empire ottoman et l’empire russe. À ce moment, à 22 milliards de marks investis, les
investissements internationaux de l’Allemagne ne cèdent en importance que devant ceux du Royaume-Uni.
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