PTHP4 2013/14 (L. Jaeger) - 1 -
THÉORIE DE LA CONNAISSANCE ET ÉPISTÉMOLOGIE
CONTEMPORAINES
I. LA PHILOSOPHIE SUR LA VOIE SÛRE (?) DE LA SCIENCE
1. Le fondement des mathématiques et le rêve logiciste au tournant du
siècle
Christian DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XXe siècle, Paris, Seuil, 20002, p. 24-37, 50-66.
Dans un souci missionnaire orienté vers le monde juif et musulman, le Catalan Raymond Lulle
(1233 - 1316) imagine une
ars combinatoria
, qui permettra de résoudre n'importe quel problème
théorique à l'aide de simples calculs.
Leibniz (1646 1716), chrétien à l'esprit œcuménique, cherche à améliorer le système de Lulle,
pour unifier les connaissances et ainsi l'humanité. Il conçoit une écriture formelle (
lingua
characteristica
) qui permet de noter tous les concepts pensables, en s'aidant d'un petit nombre de
signes primitifs et de règles combinatoires. L'exécution d'opérations clairement définies donnerait
la réponse à toute question (
calculus ratiocinator
).
Le dix-neuvième siècle voit des progrès significatifs en logique :
Georg Cantor (1845 – 1916) : invention de la théorie des ensembles.
Georg Boole (1815 1864), Charles S. Pierce (1839 1914) : progrès dans la notation des
énoncés logiques.
Gottlob Frege (1848 1925), professeur de mathématiques à l'université d'Iéna : cherche à
formaliser l'arithmétique, en la reformulant en système axiomatique, à l'aide de signes logiques.
Principales œuvres :
Begriffsschrift
(c'est-à-dire « écriture des concepts », 1879) ;
Les Lois
fondamentales de l'arithmétique
(1er vol. 1893, 2ème vol. 1903).
Bertrand Russell (1872 – 1970), d'abord étudiant, ensuite universitaire à Cambridge.
Principales œuvres :
Principes des mathématiques
(1903),
Principia mathematica
(1910, ensemble
avec Alfred North Whitehead).
Cet effort impressionnant de fonder les mathématiques sur une base purement logique échoue, en
fin de compte, comme le montrent de nouvelles évolutions en mathématiques :
Le mathématicien autrichien Kurt Gödel prouve, en 1931, que pour tout système axiomatique
assez puissant pour inclure l'arithmétique :
1. Il existe au moins une proposition indécidable (Théorème d'incomplétude).
2. Si le système est cohérent, alors la cohérence des axiomes ne peut pas être prouvée au
sein même du système.
Déjà avant ces découvertes, les critiques virulentes de son disciple Ludwig Wittgenstein, dès 1913,
découragèrent Russell à poursuivre sa construction axiomatique des mathématiques. Il travaillera
par la suite sur des questions ontologiques et épistémologiques plus générales :
Problèmes de philosophie
(1912),
Notre connaissance du monde extérieur
(1914),
L'Analyse de
l'esprit
(1921),
L'Analyse de la matière
(1927),
Déterminisme et physique
(1936),
Signification et
Vérité
(1940),
La Connaissance humaine
(1948). Les horreurs de la Première Guerre mondiale
amenèrent Russell à s'engager publiquement sur des thèmes politiques et sociaux. Prix Nobel de la
littérature en 1950.
Russell se montre hostile à la religion, et en particulier au christianisme :
Pourquoi je ne suis pas
chrétien
(1927).
2. Le cercle de Vienne : l'empirisme logique
Christian DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XXe siècle, Paris, Seuil, 20002, p. 134-157
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Autres noms : néo-positivisme (bien qu'il n'y ait pas de filiation directe partant d'Auguste Comte)
ou positivisme logique.
Autour de Moritz Schlick (1882 1936) qui occupe, à partir de 1922, à l'université de Vienne, la
chaire de philosophie créée pour le physicien Ernst Mach (1838 1916), se réunit un cercle
d'intellectuels d'arrière-plan surtout scientifique.
Malgré des opinions divergentes, les membres du cercle partagent deux convictions
fondamentales :
1.Le rêve logiciste et scientiste : Le langage de la science naturelle (une !), analysée à
l'aide de la logique moderne, permet d'exprimer tout problème véritable. Les questions
qui résistent à une telle formalisation sont dénuées de sens. Le « principe de
vérifiabilité » : « Le sens d'une proposition est la méthode de sa vérification. »
Cf. la proposition 4.024 du
Tractatus
: «Comprendre une proposition, c’est savoir ce
qu’il advient si elle est vraie».
2.L'empirisme radical : suivant Hume et Mach, contre Kant et l'idéalisme. L'expérience
(scientifique) seule est source de toute connaissance.
Principaux membres : les mathématiciens Hans Hahn, Friedrich Waismann et Kurt Gödel, le
physicien Philipp Frank, l'économiste et sociologue Otto Neurath (1882 1945) ; à partir de
1926, Rudolf Carnap (1871 1970). Proche du groupe : le philosophe allemand Hans
Reichenbach (1891 – 1953).
Publication d'un manifeste commun : « La Conception scientifique du monde : le cercle de
Vienne » (1929). Lancement de la revue
Erkenntnis
, en 1930.
L'
Aufbau
de Carnap (1929) constitue l'effort le plus élaboré pour mener à bien le projet de
construire, avec les seuls outils logiques, la description physique du monde, à partir de
l'expérience sensorielle.
Moritz Schlick est assassiné par un de ses étudiants en 1936. Devant la menace nazie (plusieurs
membres du cercle sont juifs, beaucoup partagent des convictions socialistes), tous les membres
du cercle partent en exile ; en particulier en 1936, Carnap, Gödel, Frank et Reichenbach pour les
États-Unis.
3. L'héritage de l'empirisme logique : la philosophie analytique
Avec l'influence de Russell et de Wittgenstein en Grande-Bretagne, des empiristes logiques aux
États-Unis (surtout de Carnap), la philosophie « analytique » devient, à partir des années 1930 et
jusqu'à nos jours, la façon dominante de faire la philosophie dans les pays anglophones, de sorte
que la philosophie analytique est devenue, dans l’esprit de beaucoup, synonyme de la philosophie
anglophone, voire américaine. Elle s'inscrit dans la suite du « tournant linguistique » qu'ont
amorcé la philosophie de Russell et l'empirisme logique : l'analyse du langage (scientifique ou
ordinaire) est un guide vers la vérité.
Quelques philosophes importants s'inscrivant dans ce « style » philosophique :
Alfred J. Ayer (1910 1989) ; les philosophes du langage « ordinaire » : John L. Austin (1911
1960), Peter F. Strawson (né en 1919) ; Willard Van Orman Quine (1908 2000) ; Nelson
Goodman (1906 1998) ; Donald Davidson (1917 2003) ; David K. Lewis (1941 2001) ; Bas
van Fraassen (né en 1941) ; Daniel D. Dennett (né en 1942).
La tradition analytique connaît aujourd’hui un retour à la vitalité en Europe continentale, y inclus la
France. Cf. la création, en 1993, de la Société de philosophie analytique (SOPHA), branche
française de l'European Society for Analytical Philosophy (ESAP).
Pour une bibliographie française : Pascal ENGEL, La dispute : une introduction à la philosophie analytique,
Paris, Éd. de minuit, 1997 ; Pascal ENGEL (dir.), Précis de philosophie analytique, Paris, PUF, 2000.
Plus que par des noms d'éventuels chefs de fil, la philosophie analytique se caractérise par un
certain nombre de problèmes qui sont discutés sous une forme codifiée. ENGEL,
La Dispute
, p. 149-
170, en fournit une liste commode.
Exemple : « Marie-qui-sait-tout » (proposé par Frank Jackson).
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La philosophie analytique actuelle se caractérise moins par une doctrine partagée que par un style
employé : l'ESAP définit la philosophie analytique par trois buts : elle « recherche la clarté, []
recommande qu'on explicite les arguments apportés à l'appui des idées que l'on défend, […]
insiste sur l'utilité de soumettre constamment les idées avancées à l'évolution critique et à la
discussion entre pairs1. » Elle continue à valoriser l'échange d'arguments (souvent de grande
technicité), par rapport à l'étude historique des penseurs. Mais elle a assez largement abandonné
la lutte contre la métaphysique et compte même, en son sein, d'impressionnantes esquisses
ontologiques. Il y a des philosophes chrétiens travaillant dans cette tradition, p.ex. Peter van
Inwagen (né en 1942), Paul Helm, Cyrille Michon.
BOURGEOIS-GIRONDE Sacha, GNASSOUNOU Bruno, POUIVET Roger (dir.), Analyse et théologie : croyances
religieuses et rationalité, Paris, Vrin, 2002.
La description de la philosophie analytique, proposée par l'ESAP (également sur leur site web) fait
partie de la rhétorique habituelle de ce courant : la prétention d'être la seule philosophie
véritablement claire (cf. la polémique, dès les origines de l'empirisme logique, contre le
phénoménalisme de Husserl et ses héritiers, Heidegger et al.).
4. Le retour du sujet connaissant
Ludwig Wittgenstein (1889 – 1951).
Dans
Logique de la découverte scientifique
2 (1934), Karl Popper (1902 1994) remplace le
« principe de vérifiabilité » par le « principe de falsibialité » : on ne prouve pas une théorie
scientifique par le cumul d'observations qui la confirment (l'induction), mais par des efforts répétés
et systématiques, mis en échec, pour la falsifier (méthode hypothético-déductive).
Popper reste tributaire de l'idéal formel de la raison. Comme l'empirisme logique, il ne reconnaît
pas la dimension
personnelle
de la connaissance.
Précurseur (marginal par son originalité) : Michael Polanyi (1891 1976), chimiste, sociologue
et philosophe d'origine hongroise, 1920-33 chercheur et enseignant en chimie à Berlin, depuis
1933 professeur à Manchester.
Lydia JAEGER, Croire et connaître : Einstein, Polanyi et les lois de la nature, Cléon d’Andran/Nogent-sur-
Marne, Excelsis/Institut Biblique de Nogent, 1999, p. 13-59.
Principales œuvres :
Personal knowledge : towards a post-critical philosophy
(1958),
The Tacit
Dimension
(1966),
Knowing and Being
( essais édités par Marjorie GRENE 1969),
Meaning
(avec
Harry PROSCH, 1975).
« Toute connaissance est
tacite
, ou bien
s’enracine dans une connaissance tacite
. Une connaissance
totalement
explicite est impensable3. »
Polanyi aboutit à une distinction entre le savoir tacite et le savoir explicite dans tout acte de
connaissance en établissant une différence entre la conscience subsidiaire et la conscience focale.
Alors que la conscience subsidiaire concerne les différents éléments particuliers de la chose à
connaître, la conscience focale les intègre dans une structure cohérente qui constitue, à proprement
parler, la chose connue.
« Notre capacité de connaissance dépasse notre capacité d’expression (w
e can know more than we
can tell
)4. »
1 Lors de son congrès fondateur en 1993 : Robert FRANCK, « Philosophie analytique, pourquoi donc analytique », dans Précis de
philosophie analytique, p. 11.
2 La traduction du titre allemand Logik der Forschung est assez malheureuse ; car Popper est convaincu que la découverte de
nouvelles hypothèses scientifiques n'est pas une activité logique ; la logique ne s'applique qu'à la justification des hypothèses
(séparation du contexte de découverte du contexte de justification).
3 « The Logic of Tacit Inference », 1964, dans Knowing and Being, 1969, p. 144.
4 Andy F. SANDERS, Michael Polanyi's Post-Critical Epistemology, A Reconstruction of Some Aspects of “Tacit Knowing”,
Amsterdam, Rodopi, 1988, p. 3, en se basant sur The Tacit Dimension, Garden City (N.Y.), Doubleday, 1966, p. 4.
- 4 -
Le théologien Lesslie Newbigin (1909 – 1998) s'est inspiré de Polanyi pour formuler une théorie de
la connaissance d'inspiration augustinienne, qui confesse l'Évangile comme vérité publique dans le
contexte de la société occidentale marquée par la science et le relativisme religieux.
Lesslie NEWBIGIN, Une Religion pour un monde séculier, Tournai, Casterman, 1967, p. 92, 95 ; et Truth to
tell, The Gospel as public truth, Grand Rapids (Mi.), Eerdmans, 1991.
Thomas S. Kuhn,
La structure des révolutions scientifiques
, 1962, a déclenché une véritable
révolution en théorie de la connaissance. Cet historien des sciences américain propose, appuyé sur
des travaux historiques, une nouvelle conception de la science, modèle de la connaissance
rationnelle. Ses thèses-clé :
L'activité scientifique, pendant ses phases « normales », se déroule à l'intérieur d'un
« paradigme » donné : la communauté scientifique s'accorde pour reconnaître le cadre dans
lequel la recherche prend place.
Tout paradigme comporte des anomalies. Quand celles-ci deviennent trop nombreuses, elles
déclenchent une crise. Trois suites possibles : des efforts supplémentaires permettent, après
tout, de les résoudre dans le cadre de la science normale ; elles sont reconnues comme
insolubles ; par un saut créatif, un nouveau paradigme émerge qui s'impose ensuite à son
tour comme science normale.
Deux paradigmes sont incommensurables : la communauté scientifique ne vit plus dans le
même monde après une révolution scientifique (changement de paradigme).
Difficulté pour l'épistémologie kuhnienne (comme pour toute théorie de la connaissance qui prend
au sérieux la dimension historique du savoir) : Comment prendre en compte le fait que toute
observation est lestée de théorie, que tout savoir dépend de présupposés tacites sans verser
dans le relativisme ?
5. La déconstruction de la raison
Paul Feyerabend (1924 1994) : D'origine autrichienne, il était (simultanément) professeur à
Berkeley et à l'École polytechnique à Zurich. Œuvre principale :
Contre la méthode : esquisse
d'une théorie anarchiste de la connaissance
(1975). Son slogan : « N'importe quoi peut passer
(
anything goes
) ».
Richard Rorty (né en 1931) : Philosophe américain ; après avoir enseigné pendant vingt ans à
Princeton, il est aujourd'hui professeur de littérature comparative et de philosophie à Stanford
University. Il défend une compréhension pragmatiste de la vérité : la valeur d'une idée ne dépend
pas de sa correspondance à la « réalité », mais de son utilité à diriger nos actions. Rorty combine
le pragmatisme avec la conviction wittgensteinienne que le sens est un produit socio-culturel, de
sorte que notre langage ne se trouve pas dans une relation de correspondance au monde.
Ouvrage principal :
La Philosophie et le miroir de la nature
(1979).
Débat avec Pascal Engel (un des penseurs phares de la philosophie analytique en France) :
A quoi
bon la vérité ? (
2005).
Michel Foucault (1926 1984) : Il étudie la philosophie et la psychologie à l'École normale
supérieure, à partir de 1946. En 1948, suite à une tentative de suicide, son père le fait placer en
hôpital psychiatrique. Membre du parti communiste de 1950-52, Foucault devient méfiant de tout
discours globalisant. Il rejette la vérité comme donnée et s'efforce d'écrire l'histoire de la vérité. A
la suite de Nietzsche, il proclame la mort de l'homme après la mort de Dieu (Nietzsche). « Plus
d'un, comme moi sans doute, écrivent pour n'avoir plus de visage5. » Il participe à l'invention de
l'université alternative à Vincennes (1968) et est élu au Collège de France, comme professeur
d'histoire des systèmes de pensée (1970). En parallèle à son activité de philosophe, il s'engage
dans la lutte sociale, en faveur des minorités marginalisées (malades psychiques, prisonniers,
5 Michel Foucault, L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 28.
PTHP4 2013/14 (L. Jaeger) - 5 -
homosexuels). Homosexuel aux multiples partenaires, expérimentant le sadomasochisme
consensuel, Foucault meurt comme une des premières victimes du Sida.
Christian DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XXe siècle, Paris, Seuil, 20002, p. 322-334.
John COFFEY, « La Vie après la mort de Dieu ? : Michel Foucault et l'athéisme postmoderne », Forum de
Genève IV, 2, 2001, 4 p.
Principaux ouvrages :
Folie et déraison : histoire de la folie à l'âge classique
(1961) : Notre conception de la folie comme
maladie mentale n'est qu'une compréhension parmi d'autres.
Les Mots et les choses : une archéologie des sciences humaines
(1966) ;
L'Archéologie du savoir
(1969) : L'agent de l'histoire des idées n'est pas l'individu pensant ; car à chaque époque, la
structure du langage dominant (
épistèmè
) décide du pensable. Seule une rupture anonyme et
souterraine permet de changer d'
épistèmè
.
Surveiller et punir : naissance de la prison
(1975) : En prolongement de la méthode
« archéologique », Foucault adopte un style d'analyse « généalogique » (terme introduit par
Nietzsche). Le changement dans les systèmes de langage est rattaché à de multiples petits
changements, sans lien entre eux, dans les structures du pouvoir social.
Histoire de la sexualité
: vol. 1 :
La Volonté de savoir
(1976) ; vol. 2 :
L'Usage des plaisirs
(1984) ;
vol. 3 :
Le Souci de soi
(1984) : Avec la disparition du Créateur, l'homme est appelé à la
« construction de soi », de faire de sa vie une « œuvre d'art », de se créer une existence de
plaisir, libérée de la recherche d'un soi pré-existant.
Jacques Derrida (1930 2004) : Philosophe d'origine juive, en Algérie ; étudiant à l'École
normale supérieure à partir de 1952, il y enseigne de 1964 à 1984, date à laquelle il devient
directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales. Il fonde le Collège international
de philosophie en 1983. Derrida trouve sa plus grande audience aux États-Unis ; l'influence de ses
idées dépasse les milieux de philosophie professionnelle : Paul de Man (1919 1983), professeur
à Yale, adapte la « déconstruction », pour en faire une méthode de critique littéraire. Principaux
ouvrages :
De la grammatologie
(1967),
Écriture et différence
(1967),
Marges de la philosophie
(1972),
Spectres de Marx
(1993).
Manola ANTONIOLI (dir.), Abécédaire de Jacques Derrida, Vrin/Sils Maria, Paris/Mons, 2007, 248 p.
Christian DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XXe siècle, Paris, Seuil, 20002, p. 339-347.
Alain PROBST, « Une critique de la métaphysique occidentale : la philosophie de Jacques DERRIDA », Revue
Réformée XXIV, 1973, p. 29-43.
Thèmes-clés :
Dénonciation du « logocentrisme » ou « phonocentrisme » : la pensée occidentale a déprécié
l'écriture par rapport à la parole, car celle-ci procure (l'illusion de) la transparence. Au contraire,
l'écriture, marquée par l'absence de l'auteur, révèle le véritable statut du langage : il n'y aucun
accès direct au sens et à la pensée. Du coup, tout langage est nécessairement équivoque.
Différance : substantif formé par Derrida sur le participe présent du verbe « différer ». Il désigne
l'impossibilité de nommer un fondement quelconque, dans lequel la pensée pourrait s'enraciner.
Déconstruction : Derrida s'efforce de rendre ainsi le terme allemand de
Destruktion
de Heidegger,
qui signifie la fin de toute métaphysique : La réalité n'est jamais ce que nous disons d'elle ; il y a
toujours un aspect inattendu, qui vient en contradiction d'une affirmation quelconque. En
particulier, nous ne pouvons pas accéder à un quelconque point de départ « originel », fondement
de la pensée et du sens. Cf. la «voie du milieu» du bouddhisme Mahâyâna, enseignée par
Nagarjuna au deuxième siècle de notre ère
:
Où que ce soit, quelles qu’elles soient
Les choses ne sont jamais produites
A partir d’elles-mêmes, d’autres,
Des deux ou sans cause6.
6 NAGARJUNA, Traité du milieu, chap. I, 1, trad. G. DRIESSENS, 1995, p. 29.
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