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VENDREDI 5SEPTEMBRE2014 festival d'automne |5
Luigi Nono
en pointd’orgue
Hommageaucompositeur vénitien àtravers un dialogue
entresamusique et celle de musiciens amis ou émules
En1987,leFestival
d’automne présentait
un cycledeneuf con-
certs, consacré àl’une
desfiguresmusicales
lesplusinsaisissables
du XXesiècle,lecompositeur ita-
lien Luigi Nono (1924-1990). Le Vé-
nitien –personnalité complexeet
radicale–avait suscitédenom-
breuses polémiquesvisantno-
tammentl’apparente dichotomie
entreson engagementmilitant(il
estinscritauParti communiste
italien dès1951) et sa musique
avant-gardiste,voire«élitiste », en
lien avec la pensée postsérielle de
Darmstadt.
Dans la secondemoitiédes an-
nées 1970,ils’oriente vers un lan-
gageélaboré àpartir desstudios
expérimentaux de musique élec-
tronique.Parmi lescinq créations
françaises de 1987,son grand
œuvre, Prometeo,Tragedia
dell’ascolto («Prométhée, tragédie
de l’écoute»)–deux heures d’abs-
traction éthéréeentre hypnoseet
extase–,donné sixfois au Théâtre
de Chaillot. Trois décennies plus
tard, la musique de Nono n’atou-
jourspas trouvé le chemin de nos
salles. «Depuis plus de dixans,
ses grandes œuvresn’ont pas été
jouées àParis », constate José-
phine Markovits, directrice ar-
tistique responsable de la pro-
grammation musicaleauFesti-
vald’automne. Aussi a-t-elle
imaginé un portrait de Luigi
Nono au miroir d’autres compo-
siteurs amis (KarlAmadeus
Hartmann, BrunoMaderna,
Wolfgang Rihm, Karlheinz
Stockhausen...) et émules (Hel-
mutLachenmann, GérardPes-
son, Olga Neuwirth...), lequel
sera couronné en 2015 par une
nouvelleproduction du génial
Prometeo, cettefois àlaPhilhar-
moniedeParis.
Quel’héritagedeLuigiNono
soit toujours problématique
n’étonne pas le pianiste et com-
positeur français Jean-Frédéric
Neuburger, interprètedeComo
una ola de fuerzayluz («Comme
un fleuve de forceetdeclarté»),
sortedeconcerto pour piano vo-
calement«commentarisé»de
1971-1972, composé aprèsla
mortdu Chilien Luciano Cruz, fi-
guredelagauche révolution-
naire, mystérieusementassas-
siné en septembre1971. «Encore
au-jourd’hui, la perception de
Nono reste tributaire de la violence
de sonengagementantifasciste et
socialiste»,affirme-t-il. Ainsi des
trois Cantidivitaed’amore :Sul
pontediHiroshima («Chants de
vieetd’amour :sur un pont àHi-
roshima») de 1962, dénonçantla
bombeatomique comme artefact
de l’apocalypse,larépression fran-
quiste et la résistance algérienne
contrel’oppression coloniale,
avantlechantfinal d’utopie em-
prunté àCesare Pavese.Ainsi de
Ricorda cosa ti hanno fatto in Aus-
chwitz («Souviens-toi de ce qu’ils
t’ontfaitàAuschwitz») pour
bandemagnétique,composé en
1966 ;d’AFloresta éjovem echeja
de vida («La forêtest jeune et
pleine de vie»), égalementde
1966, condamnantl’impérialisme
américain et la guerreauVietnam.
Rencontres et amitiés ontjalonné
Le Vénitien
asuscité
de nombreuses
polémiques
en raison de
sonengagement
politique
LuigiNono en 1988.
MARCELLOMENCARINI/LEEMAGE
la viedeLuigiNono;musiciens,
philosophes, écrivains, peintres
(lui-même étaitpetit-filsdupein-
treLuigiNono),donttémoigne sa
musique: FürPaulDessau pour
bandemagnétique (1974), dédié
au compositeur allemand et par-
tenairedeBertolt Brecht et Heiner
Müller Paul Dessau,etOmaggio a
György Kurtag (1983-1985), élaboré
au studio expérimental de la Fon-
dation Heinrich Ströbel, àFri-
bourg,enréponseàunOmaggio a
Luigi Nono quelui avaitoffertle
musicien hongrois en 1979.
«Toutesmes œuvrespartent
d’une stimulation humaine:un
événement, une expérience, un
texteentre en contact avec mon
instinct et avec ma conscience et
exige de moi –en tant que musicien
et en tant qu’être humain–deté-
moigner.» Nono,témoin àcharge
desfureurs du temps, s’orientera
peuàpeu vers une pluralité plus
grandedes mondes sonores.
Une manièred’écouteintérieure
auxportesdusilence dans le mi-
roitementd’un drame «hölderli-
nien»aux confins de la raison.
C’estlecas de Risonanze erranti.
Liederzyklus aMassimo Cacciari
(«Résonanceserrantes. Cyclede
lieder pour Massimo Cacciari»),
de 1986, sortede«Voyage d’hiver»
Tout vu,toutconnu,
tout entendu
Le Festival ases fidèles. Et ilssont
exigeants. Rencontreavecl’un deux
S’il fallait décerner le prix
du spectateur le plus as-
siduduFestival
d’automne, Dany
NGuyen, 57 ans, serait probable-
ment un bonfinaliste.Araison de
20 à30billets achetés par édition,
ce professeur de philosophiepari-
sien ypasseune bonne partiede
sa find’année: «Cela fait partie
des joies de la rentrée.» Sonpre-
mier souvenir du festival date de
1977.Ilyavait vu La Classe morte,
du metteur en scène polonais Ta-
deusz Kantor.
«Unsouveniréternel!Sans paro-
les ni musique, blafard, très loin des
déclamations desgrands textes.»
Depuis, ce spectateur enthou-
siaste aenchaîné lesspectacles,
principalementdethéâtre, parfois
de danse, plus rarementdemusi-
que. «Iln’y ajamais de spectacles
franchementmauvais, ajoute-t-il
en souriant, et ceux-là, je les ai
oubliés… » Spectateur exigeant,il
préfèreles grandes salles auxplus
petits théâtres: «AuThéâtre de la
Bastille ou au Théâtre de la Cité in-
ternationale, je trouve qu’ilya
quelque chose dans la scène qui ne
marche pas.» DanyNGuyena,en-
treautres,découvert et appréciéle
travaildeSimon McBurneyetde
sa compagnie, Complicite: «Une
grande surprise!C’est quelqu’un
dont je suis désormais le travail.» Il
se souvient,avecémotion, s’être
«roulé parterre» devant lesspec-
tacles de Romeo Castellucci,
«ébloui» notammentpar Surle
concept du visage du fils de Dieu,
cettepièce du metteur en scène
italien quiavait suscitél’iredes ca-
tholiquesintégristesen2011.
Cetteannée, fidèle,ilest impa-
tientderetrouverles œuvres de
Romeo Castellucci;etilsouhaite
mieux connaîtreletravail de met-
teur en scène de VincentMacai-
gne, quimonte Idiot !parce que
nous aurions dû nous aimer,
d’aprèsletexte de Dostoïevski.
Il se montreégalementtrèsim-
patientdevoir Le Capitaletson
singe, de Sylvain Creuzevault, au
ThéâtredelaColline. Et puis, dit-il,
faussementnonchalant, «j’irai
pointerchez Robert Wilson et
William Forsythe, car on n’estja-
mais déçu ».Bon prince, il ira «par
acquis de conscience» voir Inté-
rieur, de Claude Régy:«Ilnem’a ja-
mais tourneboulé.»
Et compteaussi allervoir les
œuvres de MatthewBarney, «un
type rigolo», ou de Pascal Ram-
bert,dontilest «fan». Vastepro-
gramme, d’autantque Dany
NGuyendit ne pas allerauthéâtre
le restedel’année… p
johannaluyssen
de Nono convoquantbribes pho-
nétiquesdésespéréesd’Herman
Melvilleetd’IngeborgBachmann,
ainsi queles mânesdes maîtres de
musique ancienne –Machaut, Jos-
quin, Ockeghem. Et de sa dernière
piècede1989, «Hay que caminar»
soñando («“Ilfautmarcher”enrê-
vant »), inspirée par l’inscription
murale –attribuéeàAntonioMa-
chado– luedans un monastère de
Tolède au mitan desannées 1980,
dont il avaitfaitsamoraleetsade-
vise: «Iln’y apas de chemins. Il
faut marcher.» p
marie-auderoux
SAISON 2014 /2015
ONCLE VANIA
Anton TCHEKHOV /Eric LACASCADE
Du 8au19octobre
1er Prix du Concours “La Défense Jazz Festival 2014”
OPUS 14
Kader ATTOU
Du 6au9novembre - Première en Ile-de-France -Coproduction
UN ÉTÉ AOSAGE COUNTY
Tracy LETTS /Dominique PITOISET
Du 12 au 16 novembre - Première en Ile-de-France
Jazz /Ibrahim Maalouf
CORRERIA /AGWA
Mourad MERZOUKI / CCN de Créteil et du ValdeMarne
HENRYVICYCLE 2
William SHAKESPEARE /Thomas JOLLY
Du 3au14décembre - Coproduction
Première en Ile-de-France -Festival d’Avignon 2014
Jazz /Stéphane Huchard quintet
MESURE POUR MESURE
William SHAKESPEARE /Declan DONNELLAN
(Londres-Moscou)
Du 9au31janvier - Création en France -Coproduction
Jazz /Thierry Maillard trio
Jazz /Giovanni Mirabassi quartet
LE PRINCE DE HOMBOURG
Heinrich VON KLEIST /Giorgio Barberio CORSETTI
Du 5au14février
Première en Ile-de-France -Coproduction
Création /Cour d’honneur Festival d’Avignon 2014
Jazz /Baptiste Herbin
LA PASSION SELON SAINT-JEAN /BACH /Benoît HALLER
La Chapelle Rhénane en résidence de production
Du 13 au 15 mars - Création
Jazz /Franck Tortiller
LA MÉGÈRE APPRIVOISÉE
William SHAKESPEARE /Mélanie LERAY
Du 24 au 29 mars
Jazz /Renaud Garcia-Fons
Rencontres Musicales de Bourg-la-Reine
Jazz /André Manoukian quartet
LES RENDEZ-VOUS CHORÉGRAPHIQUES
DE SCEAUX -du10avril au 30 mai
RENCONTRE
Kader ATTOU /CCN de la Rochelle et Andrès MARÍN (Séville)
ROBOT
Blanca LI
IN THE UPPER ROOM
Twyla THARP,Noé SOULIER
Ballet de Lorraine CCN de Nancy
TUETANO
Andrès MARÍN (Séville) -Première en Ile-de-France
RÉSERVATIONS :0146613667