“L’OBJET SURÉVALUÉ RISQUE DE RESTER
TROP LONGTEMPS EN VENTE, SUSCITANT
AINSI LA MÉFIANCE DES ACHETEURS”.
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Comment fixer le “juste prix” d’un bien immobilier?
Pour évaluer un bien, les professionnels tiennent compte à
la fois de critères comme l’âge, l’état général, la qualité de
la construction, les équipements et finitions mais aussi de la
situation, de la vue, etc. L’état de l’offre et de la demande entre
bien évidemment en ligne de compte.
Actuellement, la notion de “juste prix” est mise à mal, en tout
cas dans certains endroits. Le bassin lémanique par exemple
est une région où seule tend à régner la loi de l’offre et de la
demande. Or en ce moment, la demande est très forte et l’of-
fre très faible: il y a une quinzaine d’années, nous avions 500
mandats de vente pour trois acheteurs potentiels, aujourd’hui
c’est exactement l’inverse! Il devient très difficile de raisonner
en termes de “juste prix” dans une telle situation.
Cet état du marché influence-t-il les personnes qui ont
un objet à vendre?
Bien entendu! Cette situation est connue et a tendance à créer
une certaine euphorie chez beaucoup de ceux qui ont un bien
à la vente. Les rumeurs vont bon train: “Untel a vendu son
appartement similaire au mien à tel prix”, “la villa de celui-ci
est partie à tant”, etc.
Un tel climat incite inévitablement certaines personnes à suré-
valuer leur bien, à croire qu’être vendeur d’un objet immobilier
aujourd’hui, c’est à coup sûr réaliser un gros bénéfice!
Quel regard portez-vous sur cette tendance?
Bien que nous soyons en effet dans une situation globale de
pénurie, cela ne signifie pas que n’importe quoi va se vendre
à n’importe quel prix. Les gens comparent souvent ce qui
n’est pas comparable, ils raisonnent uniquement en termes de
surfaces ou d’emplacements. Or deux objets de même surface
ou situés au même endroit n’ont pas forcément la même
valeur: il y a beaucoup d’autres critères qui influent sur le prix
d’un objet immobilier. Il restera toujours des objets délicats à
vendre, quel que soit l’état du marché: mauvaise construction,
vétusté, manque d’équipements, environnement, etc.
C’est un ensemble de paramètres qui permet au professionnel
d’apprécier - pour les biens courants en tout cas - un “juste
prix”, que l’on peut se permettre, il est vrai, de légèrement
surévaluer dans une situation de forte demande.
Quel est votre rôle en tant que professionnels?
Nous jouons un rôle de garde-fous et ramenons les vendeurs
à la raison lorsque leurs prétentions sont exagérées. Notre
expérience et nos connaissances nous permettent d’avoir
une appréciation plus objective de la valeur d’un objet, tenant
compte de l’ensemble des critères mentionnés précédem-
ment. Dans la mesure où le vendeur fait appel à nos compé-
tences, c’est qu’il attend des conseils de professionnels: notre
avis est donc en général bien reçu.
Il faut également être conscient que chaque vente est déter-
minée par des circonstances uniques. Certaines situations
professionnelles, familiales ou autres incitent des personnes à
réaliser celle-ci dans des délais relativement brefs. Notre rôle
est alors de réunir les conditions idéales pour y parvenir. Or,
surévaluer un objet risque de retarder la vente, ce qui dans ce
cas précis ne serait pas dans l’intérêt de notre client.
Cette situation de prix à la hausse n’est-elle pas une
aubaine pour les professionnels de l’immobilier?
En aucun cas. Un marché aussi tendu rend l’exercice de
notre profession difficile. Si un acheteur n’est pas satisfait du
prix auquel nous estimons son bien, il fera jouer la concur-
rence entre courtiers et se tournera vers celui qui lui “offre”
le meilleur prix, en oubliant un peu vite que le chiffre que
peut avancer un courtier n’est pas forcément celui auquel se
vendra réellement l’objet.
Vous avez dit
“juste prix ?”
SURÉVALUER UN OBJET,
C’EST PRENDRE UN RISQUE
L’objet surévalué risque de rester
en vente trop longtemps. L’offre du
marché - et ceci d’autant plus qu’il
est restreint - est en effet connue de
la part des acheteurs potentiels: un
même objet qui revient trop souvent
dans les annonces ne manquera pas
d’être rapidement repéré.
L’expérience nous enseigne que le
public se méfie d’un objet qui traîne
trop longtemps, il se décrédibilise.
On tombe alors dans un cercle vicieux:
plus l’objet stagne sur le marché, plus
il est suspect et plus il est suspect,
plus il stagne.
Dans une telle situation, revoir le prix
à la baisse peut être envisagé, mais
ce n’est paradoxalement pas la solu-
tion idéale pour écouler rapidement
l’objet. Le raisonnement des ache-
teurs est le même que quand vous
faites les soldes: si le prix a baissé
une première fois, pourquoi ne bais-
serait-il pas une seconde? Attendons
donc encore un peu!
Voici pourquoi déterminer au plus juste
le prix d’un bien immobilier dès le
début de sa mise en vente est fonda-
mental. Cela évite de “griller” l’objet,
comme on dit dans notre métier.
Interview de Tiziano Fabbo, courtier Domicim Morges