Centre de Sociologie des Organisations
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problématisations et aux logiques d’action. Ensuite parce qu’il fait une place aux questions relatives à
la politique des savoirs, des normes, de l’expertise.
Pourquoi Sociologie politique de la santé ? Au vu du sommaire, le politique ne semble pas être au
cœur du livre. Les auteurs défendent le scénario de la rupture qui s’est produite ces trente dernières
années. Le système de santé qui s’est stabilisé au milieu du XXe siècle se caractérisait par
l’autonomie de la profession médicale, et dans une moindre mesure, de la régulation de la politique
de santé. La crise actuelle contribue à remettre en cause l’Etat-providence, et à favoriser le rôle que
jouent les patients. La période actuelle voit également le développement de la médecine des
preuves. Mais ces recompositions restent partielles car les professions médicales conservent leurs
prérogatives, la faiblesse de la santé publique persiste (voir par ex. la gestion du risque médicalisée),
l’asymétrie des rapports médecin-patient n’a pas disparu, l’évaluation économique de la santé a un
impact partiel. Toutes ces questions, en effet, participent du politique et le titre du livre se justifie
pleinement.
Jean-Paul Gaudillière développe son commentaire à partir de trois entrées : la place de l’histoire, le
néo-libéralisme et la comparaison entre Etats.
D’abord le champ historique gagnerait à être élargi afin d’éviter certains biais. Les auteurs abordent
la variabilité des pratiques, le développement scientifique de la médecine, le contrôle des conduites
individuelles, mais ne traitent pas des conduites économiques. Une étude sur la longue durée
modifierait l’éclairage, en ce que la santé n’a jamais totalement appartenu aux seuls médecins. Le
rôle des acteurs non médecins et du paramédical est sous-évalué, et il est par exemple très peu
question des pharmaciens dans le livre. Sur les médicaments, il est bon de remarquer que la
régulation administrative de leur fabrication et diffusion existe dès le début du XXe siècle. Les
données historiques relativisent ainsi l’importance du tournant amorcé ces trente dernières années.
De vrais nouveaux éléments en revanche sont le vieillissement de la population et tout ce qui
concerne la « mise en risque » des comportements, des pratiques, des problèmes, etc.
Sur l’importance d’un tournant néolibéral et le rôle des marchés, le livre reste prudent et on ne peut
que souscrire à cette retenue, même en constatant l’augmentation du recours aux indicateurs de
performance, des audits, ou encore, sans être exhaustif, de la place accordée aux consommateurs.
Parallèlement on peut quand même toujours affirmer que la santé appartient au médecin. L’exemple
de la pharmacie le confirme et montre comment les outils sont liés aux acteurs. En effet les essais
cliniques sont bien liés au marketing médical, et ils sont depuis longtemps portés par l’industrie, et ce
depuis bien avant la régulation administrative.
À l’échelle internationale, le livre considère chaque État-nation en regard de ses pratiques mais n’en
dit peut-être pas assez sur la circulation qui peut exister entre eux. De même il renseigne peu sur
l’impact de la mondialisation et l’état de la santé hors États-Unis et Europe. Or il y a là, en particulier
avec les pays émergents, un réservoir d’informations sur ce qu’est la santé, dans un contexte où il y a
peu de médecins, des dispositifs qui contournent la bio-médecine, ou des formes alternatives de
traitement.
Pierre-Louis BRAS, Inspecteur général des affaires sociales (IGAS), intervient en tant qu’acteur des
politiques publiques. Il remarque que les représentants de l’État sont parfois présentés dans la
littérature sociologique française comme de simples agents, consentants mais largement
inconscients, de la mise en œuvre d’une idéologie néolibérale. Il se réjouit donc que l’ouvrage discuté
s’inscrive dans une logique prudente sur les effets du néo-libéralisme et rende compte des logiques
plurielles qui président à l’action de l’État.
Son intervention concerne principalement l’influence des médecins sur les politiques publiques.