Kadosh

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SOMMAIREIIIII
AVANT PROPOS
2
LE FILM
1 - Génériques
3 - Résumé
4 - Le réalisateur
5 - Filmographie
5 – Propos du réalisateur
3
4
4
7
8
APPROCHES DU FILM
1 – Découpage séquentiel
2 – Les personnages
3 – Le traitement cinématographique
4 – La critique
AUTOUR DU FILM
1 - Contexte de production du film!: les tensions
politiques et sociales dans l’Etat d’Israël
2 – Des pistes autour du film
11
20
24
27
29
31
PETIT LEXIQUE DU JUDAÏSME
35
BIBLIOGRAPHIE
42
1
AVANT-PROPOS .
Le fanatisme contre l’histoire
« Car quand on n’a pas conscience de l’oubli, de l’épaisseur du passé, il est impossible de mener à bien le
travail de l’anamnèse, de mettre à distance le texte pour le poser devant soi tel un objet à commenter et à
critiquer. » (…)
Car il y a toujours une intense et terrible revendication de pureté dans le discours intégriste, un retour à la
pureté afin de nier la modernité et ses impuretés. C’est une pensée très sereine qui vise à l’élimination des
autres systèmes. »1
Abdelwahab Medded, 1997
« Cette volonté de figer le judaïsme dans un refus de la modernité n’en est pas moins elle-même une nouveauté.
(…)Les orthodoxes contemporains (…) ont fabriqué un judaïsme fondamentalement moderne contre la
modernité, à partir d’une sélection des sources susceptibles de faire autorité et d’imposer les normes de
comportement retenues, d’une lecture elle même sélective de ces sources, et d’une interprétation fortement
biaisée du passé juif
- en fait, ils nient l’histoire. Ce qu’on nous présente dans sa pureté est une tradition réinventée. 2»
Jean Christophe Attias, 2001
Il est tout autant amer que symptomatique, que le sujet de ce quatorzième Festival international de film
et d’histoire, consacré au fanatisme, accorde une large place à la représentation cinématographique de
l’intégrisme religieux contemporain.
Il s’agit non pas de réfléchir sur un discours narratif et historique sur une période donnée mais de
projeter des témoignages culturels différents sur un phénomène toujours contemporain qui révèle que
le cinéaste, les personnages et les spectateurs sont aussi des personnes appartenant à l’Histoire en train
de se faire, responsables, ou tout du moins parti prenant des choix de société.
Dans la société mondiale contemporaine meurtrie par les dissensions et les violences nationales et
religieuses, la question du fanatisme, des codes de vie intégristes, de l’interprétation des préceptes et
des écritures, et celle de la vie en communauté (à l’intérieur et au-delà d’une confession, dans un
territoire national multiconfessionnel) est un enjeu primordial pour tenter de favoriser la paix politique
et sociale entre les peuples et les pays.
Kadosh qui se situe à Jérusalem, terre des trois monothéismes, n’est pas un film sur le racisme et la
xénophobie du fanatisme religieux. Kadosh est un film qui préfère réfléchir sur les conséquences
dramatiques et suicidaires dont l’intégrisme menace les propres individus de sa communauté. À partir
de là, le cinéaste Amos Gitaï a mis en exergue la vie des femmes que les trois religions monothéistes
ont traditionnellement cantonné à un rôle mineur au service de la communauté.
Ce film porte en lui l’horizon de la vision moderne et laïque de l’émancipation et de
l’épanouissement individuel de la femme dans la société contemporaine. Il souligne de fait la violence
de la mort physique ou sociale (hors de la communauté) de la femme. Face à une interprétation
univoque des textes par certains courants religieux, les femmes, personnes et personnages aimantes et
souffrantes, se débattent tragiquement au cœur d’une lutte qui tente de concilier leur rôle sacré
ancestral de mère et d’épouse et la reconnaissance moderne de leur désir.
Ce film est un magnifique témoignage de l’importance, pour la laïcité, de débattre, à côté de
l’exclusion des autres cultures, de la lourde menace de destruction psychique et physique des individus
qu’engendrent les communautés monothéistes intégristes.
1
Réplique à l’intégrisme, Cahiers du Cinéma n°517, octobre 1997, entretien d’Abdelwahab Medded avec
Antoine de Baecque
2
Les juifs ont-ils un avenir ?, Esther Benbassa et Jean Christophe Attias, Edition J.C Lattès, 2001, p127
2
LE FILM .
1 – Générique technique
Production
Producteur exécutif
Distribution
Scénario original
Réalisation
Assistant réalisateur
Monteur
Directeur de la photographie
Ingénieur son
Compositeurs Musicaux
Décors
Maquillage
Costumes
Scripte
Amos GITAÏ, Michel PROPPER et Laurent
TRUCHOT
Shuky FRIDMAN
Océans Films (Paris)
Eliette ABECASSIS, Jacky CUKIER et Amos
GITAÏ
Amos GITAÏ
Shai GANI
Kobi NETANEL et Monica COLEMAN
Renato BERTA
Michel KHARAT
Charlie HADDEN, Michel PORTAL et Louis
SCLAVIS
Miguel MARKIN
Ziv KATANOV
Laura DINULASCO
Gadi NEMAT
Durée : 110 minutes
Sortie en France : 1er septembre 1999
Le film a été sélectionné au Festival de Cannes.
2 – Générique artistique
Rivka
Meir
Malka
Yossef
Rav Shimon, le rabbin
Yaakov
Elisheva, la mère
La gynécologue
Yaël ABECASSIS
Yoram HATTAB
Meital BARDA
Uri Ran KLAUZNER
Yussef ABU WARDA
Sami HORI
Lea KOENING
Rivka MICHAELI
Nota!: Le personnage du rabbin est un véritable clin d’œil du réalisateur Amos Gitaï, homme
laïc et ami de grands réalisateurs palestiniens comme Elie Souleman, à la situation
contemporaine de conflit entre Israël et l’entité politique palestinienne. En effet, le rabbin est
joué par un acteur palestinien!!
3
3 - Résumé
Le quartier Mea Shearim, à la périphérie de la ville de Jérusalem, est le lieu de regroupement
de la communauté juive orthodoxe. Ce quartier maintient des codes de vie traditionnels et
archaïques qui en font un quartier à part. La population refuse d’utiliser la télévision et la
radio, qui propagent les méfaits profanes de la modernité. Les annonces qui concernent
l’ensemble de la communauté sont communiquées par différents placards sur les murs du
quartier.
Chaque couple marié du quartier vit selon un rythme immuable et une lecture à la lettre de la
Torah qui circonscrit très précisément la place de l’homme et de la femme. La femme
s’occupe de la maison et des enfants mais elle est aussi celle qui a la responsabilité de
pourvoir aux besoins financiers du couple en travaillant. Le mari du couple juif orthodoxe met
à profit son temps quotidien pour apprendre et discuter les enseignements et les prescriptions
de la Torah.
Amos Gitaï utilise pour sa fiction ce quartier pour lequel toute image est suspicieuse. Il nous
met en présence de deux sœurs Rivka, l’aînée, et Malka, la cadette.
Rivka, mariée depuis dix ans et amoureuse comme au premier jour de Meir, est écartée de la
communauté car malgré la beauté des liens qui les unissent son couple reste stérile.
Malka, amoureuse d’un chanteur marginalisé par la communauté car il a porté les armes, est
mariée de force à un jeune talmudiste proche du rabbin.
La souffrance de sa sœur aînée et la violence de son désir d’émancipation personnelle,
permettront à la cadette de prendre le chemin de la révolte.
La compassion et l’amour des deux sœurs, en butte à la violence inique de la Loi religieuse et
à l’incompréhension des hommes, n’empêcheront pas leur déchirement et leur fuite (physique
ou mortelle) en dehors de la communauté.
3 – Le réalisateur
Amos Gitaï, cinéaste israélien né à Haïfa le 11 octobre 1950.
Lors de sa venue au 20ème Festival des Trois Continents de Nantes, Amos Gitaï a été
interviewé par Emmanuel Burdeau et Olivier Joyard au sujet de sa “reconnaissance en dehors
de (son) pays”. “Quelle responsabilités cela vous donne par rapport à votre pays?” “Vous
sentez-vous le porte parole d’un cinéma national?”Amos Gitaï répondit :
“Je peux soutenir mes idées, pas toujours populaires et en tous les cas, jamais majoritaires.
Celles-ci correspondent au désir d’une partie des Israéliens d’entretenir avec les Régions un
rapport alternatif à l’officielle confrontation.”3
Amos Gitaï, 1999
Ses grands parents maternels, Eliahu et Esther Munchick Margalit, combattants pour la
réalisation d’une utopie communautaire laïque sont à l’origine de sa nationalité israélienne.
Tous deux d’origine russe et de religion juive, ils ont collaboré activement, au début du siècle,
à la fondation des premiers kibboutz (Amos Gitaï a lui-même vécu brièvement dans une
3
L’interview est reproduite dans les Cahiers du Cinéma, n°532, février 1999, p59-60.
4
communauté avec ses parents) et aux mouvements syndicaux en Palestine. Sa grand-mère a
certainement influencé son petit-fils pour le tournage de Berlin Jérusalem (1989) qui raconte
la rencontre de deux femmes étrangères en Terre Promise.
Son père, Munio Gitaï, né en Pologne en 1909, a étudié à l’école architecturale allemande du
Bauhaus et a travaillé à Berlin. Dès 1934, Munio Gitaï, s’exile hors de l’Allemagne pour
rejoindre la Palestine. Dès lors, il enseigne l’architecture à Haïfa et réalise plusieurs édifices
collectifs publics (école, théâtre) et urbains (kibboutz et pans de quartiers d’Haïfa et de
Jérusalem).
La première vocation scolaire d’Amos Gitaï prolonge tout d’abord la carrière paternelle!: il
étudie de 1971 à 1975 l’architecture à Haïfa. Il couronne ses études en 1976 par un diplôme
supérieur de l’Université californienne de Berkeley, où il demeure de 1976 à 1979. Il est
aujourd’hui titulaire d’un doctorat d’architecte. Parallèlement, et cela dès 1972, il commence
à tourner ses premiers films en caméra super 8. Son premier court-métrage s’intitule Faces.
Amos Gitaï a tourné ses images dans le ghetto de Memphis. Suivent des documentaires d’art
architectural.
1973 fut l’année de son incorporation militaire. Cette année correspond à la riposte d’Israël
dans la guerre du Kippour. Il a été blessé lors de la chute de son avion, abattu en territoire
ennemi. Il témoigne de ce conflit et de son expérience traumatisante dans le film Kippour
(2000) et dans un documentaire du même nom tourné en 1996 où il n’hésite pas à souligner
son engagement dans la carrière cinématographique après le cauchemar que fut cette guerre.
1973, c’est aussi l’année de tournage de son premier film en 16 mm Ahare qui signifie Après,
un film personnel sur la guerre d’octobre 1973.
En 1976, il inaugure sa carrière de documentariste politique avec Charisma.
En 1977, il commence sa carrière audiovisuelle en travaillant pour la télévision israélienne,
pour laquelle il tourne différents documentaires et plusieurs émissions. Selon ses propos, ce
sont ses difficultés avec la télévision et la censure israélienne, devenue paroxysmique lors du
tournage de La Maison (Bait, House, 1981) qui l’ont conduit à embrasser définitivement le
choix cinématographique de documentaire et de fiction. Ce désormais célèbre documentaire
commandé par les autorités israéliennes, et toujours censuré jusqu’à maintenant, évoquait la
reconstruction d’une propriété palestinienne en faveur d’un nouveau propriétaire juif israélien.
Bait, film de transition entre l’intérêt du cinéaste pour l’architecture et le cinéma, porte déjà
une interrogation sur les enjeux de territoire pour la nation israélienne.
Les oppositions politiques et idéologiques n’ont, en outre, pas cessé d’accompagner les
productions du réalisateur, qu’il s’agisse du documentaire antimilitariste Journal de
Campagne (1982) ou du plaidoyer contre l’orthodoxie religieuse qu’est Kadosh (1999).
Loin d’être découragé par les réticences politiques de son gouvernement vis-à-vis de ses
films, Amos Gitaï se consacre dans la première partie des années 80 à une fastidieuse
réflexion sur la mémoire et l’identité juive. Wadi (1981) filme une vallée qui abrite Juifs et
Arabes!; In search of identity (1981) interroge l’identité et la définition du peuple juif!; Yoman
Sade (Field Diary, Journal de Camapagne, 1982) évoque la guerre au Liban. La chaîne
anglaise Channel Four, qui finança une partie du dernier court-métrage cité, est resté un
producteur fidèle pour Amos Gitaï. Après plusieurs documentaires militants sur la lutte
sociale et économique tournés à travers le monde, notamment en Asie (sur la main d’œuvre
populaire avec Ananas (1983) et Bangkok-Bahrein (1984)), Amos Gitaï a réalisé son premier
long-métrage de fiction cinématographique en exil en 1985 avec Esther. Le film a été présenté
à la semaine de la critique à Cannes. L’histoire port sur une des rares héroïnes de la Bible.
C’est une parabole pessimiste qui rappelle que les anciennes victimes peuvent très facilement,
avec le pouvoir et la passion de la vengeance, devenir les nouveaux bourreaux. «!Je voulais
5
parler de ce qui se passait en Israël, mais à travers un geste métaphorique en jouant de la
parabole à partir du Texte.!»4
Installé à Paris dès 1985, Amos Gitaï continue ce qui va composer une trilogie de l’exil avec
Berlin Jérusalem (1989), Naissance d’un Golem (1991) et Golem, L’esprit de l!‘exil (1991).
Ces trois fictions sont co-financées par la chaine européenne La Sept-Arte. Amos Gitaï a
depuis lors toujours profité de financements européens, en plus des financements israéliens,
pour défendre sa vision d’Israël partout dans le monde. Entre temps, Amos Gitaï est demeuré
grand conteur contemporain des mythes politiques!: notamment ceux de l’Amérique dans
Political Myths (1977), Cultural Celebrities (1980) et American Myhologies (1981), voire
même Brand new Day sur la tournée d’Eurythmics.
En 1991, il prolonge son récit documentaire sur l’histoire israélo-palestinienne entamée avec
Wadi Salib Riots (1979) et Wadi (1981) grâce à Wadi, 10 ans après. Ces dernières années
d’exil sont fidèles à sa réputation prolixe, riches de productions diverses, notamment de mises
en scène de performances de théâtre!: Métamorphose d’une mélodie (1992) et La guerre des
fils de Lumière contre les fils des Ténèbres (1993) qui fait l’inauguration de la Biennale de
Venise. Il tourne en 1993 une fiction intitulée Jardin Pétrifié. Avant de mettre un terme à son
exil européen, Amos Gitaï tourne trois documentaires sur l’extrême droite en Europe!: Dans
la vallée de la Wuper (1993), Queen Mary (1993) et Au nom du Duce (1994).
En 1994, il prend la décision de revenir en Israël avec sa femme Rivka et ses deux enfants.
C’est le commencement au milieu des années 90 d’une période artistique de documentaires et
de fictions qui privilégient la situation contemporaine du pays. Amos Gitaï souligne dans ses
interviews que l’année 1994 correspond à l’arrivée de la gauche israélienne au pouvoir pour la
première fois depuis 1978, après l’Intifada et la guerre au Liban. Ce court moment
d’ouverture politique trouve un écho dans le cinéma d’Amos Gitaï, un lieu de réflexion
capable de briser les tabous et de réfléchir sur les problèmes de mémoire. Devarim en 1995
inaugure une trilogie (prévue comme telle dès le départ) et sa rencontre professionnelle avec
le directeur photo Renato Berta. La trilogie contemporaine d’Israël à travers les villes de Tel
Aviv et ses pionniers (Devarim), Haïfa et sa population israélo-arabe (Yom Yom, 1997) et
Jérusalem et ses ultra-orthodoxes (Kadosh, 1999) passe, selon les propos de son auteur
«!d‘une vision livresque à une vision contemporaine!» mais aussi «!plus physique et plus
romanesque!», «!d’une vision d’extérieur d’Israël, disons en plan lointain à une vision
rapprochée.!»5 Ces trois portraits cinématographiques s’attardent sur les choix idéologiques et
sociaux de la population israélienne, symbolisés par l’attention d’Amos Gitaï à l’architecture
qui guide la fiction de chacune de ces villes. Le peuple israélien est montré tiraillé par l’utopie
fondatrice et un idéal de tolérance, la lutte politique et l’espoir laïc, et enfin, le souvenir des
persécutions et de l’Holocauste et le repli communautaire. Dans le très récent livre de Serge
Toubiana, Amos Gitaï parle avec angoisse de l’avenir possible qui tenterait de réunir «!une
série d’enclaves!: les Ashkénazes arrivés dans les années 40-50, les familles de métissage
judéo-arabe et les orthodoxes de Jérusalem.!»6
Kadosh lui a permis de rencontrer le producteur français Michel Propper et d’étendre ses
financements en Europe. C’est aussi le film de sa consécration internationale à Cannes et
auprès du public.
4
Propos recueillis par Serge Toubianna dans Exils et Territoires. Le cinéma d’Amos Gitaï, Arte Editions, Les
Cahiers du Cinéma, 2003, p50.
5
idem, p62.
6
idem, p63.
6
Après Give peace a chance (1994), ses documentaires politiques de la fin des années 90
soulignent le changement de situation politique du pays suite à l’assassinat d’Itzhak Rabin!:
L’arène du meurtre (1996), Milim (1996), Guerre et paix à Vésoul (1997) co-réalisé avec le
cinéaste palestinien Elia Souliman, Souvenirs de la guerre (1997), Zion, auto émancipation
(1998), Une maison à Jérusalem (1998), Tapuz (1998) et Wadi Grand Canyon (2001). Tous
ces documentaires reflètent son angoisse face à la montée de la tentation politique de
l’intégrisme en Israël.
Comme pour rivaliser avec la rapidité des images médiatiques sur la région qui déferlent
partout dans le monde, Amos Gitaï a mis en place un système de production et de tournage
particulier. Profitant d’une famille d’acteurs fidèles, il a choisi de privilégier les budgets
serrés et les tournages rapides depuis 2000 dans un contexte tendu de crise. Il a ainsi
enchaîné les réalisations de Kippour (2000), Eden (2001) d’après l’œuvre d’Arthur Miller,
Kedma (Vers l’Orient, 2002) sur les conditions de création de l’Etat d’Israël et Alila (2003),
encore inédit. En 2001, il a également participé à la réalisation du film 11’09’01 qui présente
une image de différentes villes du monde au moment des attentats sur les Etats Unis.
5 - Filmographie
1973 - Talking About Ecology [cm!; doc.!; inédit]
1974 - Après (Ahare)
1976 - Charisma [cm!; doc.!; inédit]
1977 – Dimitri [cm!; doc.!; inédit]
1977 - La Frontière Hagvul [cm!; doc. ]
1977 - Singing in Afula / Shrim Be Afula [cm!; doc.!; inédit]
1977 - Political Myths [cm!; doc.!; inédit]
1977 - Public House / Shikun [cm!; doc.!; inédit]
1977 - Under the Water / Betoch Hamaim [cm!; doc.!; inédit]
1978 - Architectura [cm!; doc.!; inédit]
1978 - Wadi Rushmia [cm!; doc.!; inédit]
1979 - Wadi Salib Riots / M'Ora'ot Wadi Salib [cm!; doc.!; inédit]
1979 - Cultural Celebrities [cm!; doc.!; vidéo!; inédit]
1979 - Carter en visite en Israël (Bikur Carter B'Israel) [cm!; doc. ]
1980 - La Maison (House / Bait) [doc.]
1980 - A la recherche de l’identité (In Search of Identity) [doc.]
1981 - Wadi [doc.!; inédit]
1981 - American Mythologies [doc.!; inédit]
1982 - Journal de campagne (Yoman Sadeh) [doc.]
1983 - Ananas [inédit]
1984 - Travail à vendre (Bankok-Bahrain) [doc.]
1984 - Reagan : Image for Sale [doc.!; inédit]
1985 - Esther
1987 - Brand New Day [doc.!; inédit]
1989 - Berlin-Jerusalem (Berlin-Yerushalaim) [doc.]
1990 - Naissance d'un Golem [doc.!; vidéo]
1991 - Wadi 1981-1991 / Wadi, 10 ans après [doc. ]
1992 - Golem, l'esprit de l'exil [doc.!; vidéo]
1992 - Métamorphose d’une mélodie (Gibellina, Metamorphosis of a Melody) [doc. ]
1993 - Dans la vallée de la Wupper (The Neo-Fascist Trilogy : I. In the Valley of the Wupper) [doc.]
1993 - La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres [doc.!; vidéo]
7
1993 - Queen Mary (The Neo-Fascist Trilogy: II. Queen Mary) [doc.!; vidéo]
1993 - Golem, le jardin pétrifié (Petrified Garden)
1994 - Give Peace a Chance [doc.!; vidéo!; inédit]
1994 - Au nom du Duce (The Neo-Fascist Trilogy : III. In the Name of the Duce) [doc.!; vidéo]
1994 - Théâtre pour la vie (Te'atron Hahaim)
1996 – Devarim (Zihron Devarim)
1996 - L’Arène du meurtre (Zirat Ha'Rezach) [doc.!; vidéo]
1996 - Mots (Milim) [doc.!; vidéo]
1997 - Kippour, souvenirs de guerre [doc.!; vidéo]
1997 - Guerre et paix à Vesoul (War and Peace in Vesoul) [doc.!; vidéo]
1999 - Zion, auto-émancipation [doc.!; vidéo]
1998 - Orange (Tapuz) [doc.!; vidéo]
1998 - Une maison à Jerusalem (A House in Jerusalem)
1998 - Yom Yom [id.]
1999 - Kadosh [id.]
2000 - Kippour (Kippur)
2001 - Wadi Grand Canyon [doc.!; vidéo]
2001 - Eden
2002 - Kedma [id.]
2002 - 11'09''01 - September 11 / 11 minutes 9 secondes 1 image (11'09''01 - September 11) [sketch «!Israël!]
2003 - Alila [en post-production]
6 – Propos du réalisateur
« Après Devarim à Tel-Aviv et Yom Yom à Haïfa, j’aborde à Jérusalem la dernière partie d’une trilogie
consacrée aux grandes villes israéliennes. (…) Tel-Aviv est purement israélienne alors qu’Haïfa conserve un
fond d’appartenance méditerranéenne. Elle rappelle Alexandrie par sa capacité à fusionner des peuples
d’origines diverses, dans un élan pacifique.
Jérusalem reste une terre de conflits, chargée de symboles et d’histoire. Sans doute, suis-je en train d’affronter
l’épisode le plus difficile et, par là, le plus excitant. »
Amos Gitaï , Cahiers du Cinéma, n°532, p49-50
8
APPROCHES DU FILM
1 – Découpage séquentiel
Pré-Générique
(00.00 - 00.11)
Il s’inscrit en lettres blanches sur fond noir .
La musique instrumentale commence au milieu du bref pré-générique.
Séquence 1 - Rituel quotidien du levé conjugal de Meïr et Rivka
Générique
(00.11 – 07.49 / Plan séquence)
Dans une chambre modeste aux murs nus, on aperçoit, tandis qu’au premier plan se devine un
corps de femme endormie dans un second lit jumeau, un homme se réveiller et commencer sa
prière matinale, à faible voix, assis sur son lit. Un premier mouvement d’appareil accompagne
la prière rituelle qui se prolonge pendant que Meïr, debout, revêt les vêtements et les objets
rituels du judaïsme orthodoxe.
Le générique artistique commence à apparaître en surimpression en lettres noires à gauche de
l’écran. Le titre du film Kadosh (sacré) apparaît à la fin de la prière et des ablutions de Meïr.
La musique instrumentale démarrée au pré-générique cesse. Les bruits des mouvements et les
paroles psalmodiées de Meïr prennent le relais dans la bande son.
Le second mouvement d’appareil suit le déplacement de Meïr vers le lit de son épouse. Elle se
redresse et son visage entre dans le plan face au visage souriant de Meïr. « Je te respecte tant,
Rivka ».
Le troisième mouvement d’appareil élargit le cadre pour accompagner le départ matinal de
Meïr. La caméra s’attarde sur le regard aimant de Meïr qui prolonge sa présence auprès de sa
femme au moment d’embrasser la mezuzah au seuil de la porte. La porte se referme sur
Rivka.
Cut
Séquence 2 - La prière des hommes à la synagogue
(07.49 - 09.37 / 10 plans)
Meïr s’assoit pour lire et psalmodier la Torah au milieu de plusieurs autres pratiquants en
habits religieux. Les fidèles continuent de remplir le lieu. Plan rapproché de deux visages
féminins aux cheveux camouflés par un tissu, derrière des croisillons de bois. Un contre
champ subjectif, à partir de la vision obstruée des deux femmes, nous révèle le profil de
Youssef, dont le regard rencontre l’objectif de la caméra. « On se marie toute. » Après
l’entrée du rabbin, « Ce ne sera pas mon cas” affirme Malka. Gros plans successifs sur le
9
visage paisible de Meïr, le chantre inspiré de la synagogue et le visage contorsionné de
Yossef.
La voie du chantre accompagne toute la séquence.
Cut
Séquence 3 - L’entrevue secrète des amants
(09.37 - 13.15 / 5 plans)
Rivka, les cheveux voilés, fait ses comptes. Bruits d’ambiance de la rue. Elle regarde avec
bienveillance une petite fille de l’autre côté de la fenêtre du magasin. Lorsqu’elle quitte le
magasin après avoir confié les clefs à sa sœur, un jeune homme, qui a attendu son départ,
entre dans le magasin. Malka, dont le visage est au premier plan évoque son mariage arrangé.
« On ne peut rien contre eux. » dit Yaakov. Il s’éloigne d’elle à l’arrière plan et referme la
porte du magasin sur Malka.
Les bruits d’ambiance de la rue étouffés pendant le dialogue des deux amants reprennent. La
musique instrumentale démarre avec le départ de Yaakov.
Cut
Séquence 4 - Querelle liturgique à la Yeshiva entre Meïr et Yossef
(13.15 - 16.38 / 6 plans)
Assis, Meïr lit la Torah silencieusement. Debout, en arrière plan, Yossef entonne une bruyante
litanie à D. pour qu’il l’aide à se concentrer sur son étude des textes. « Car toi seul entends ma
prière!» (sic). Meïr entame un léger mouvement de balancier et retrouve sa concentration.
Tout en commençant à boire un verre de thé, Meïr interroge Yossef sur son interprétation
liturgique de la préparation du thé au moment du Shabbat.
Cut
Séquence 5 - Les douleurs du couple
(16.38 - 22.21 / 8 plans)
Des mains en très gros plans épluchent des oignons. On entend des reniflements en off. Le
plan sur le visage de Rivka révèle les pleurs de la cuisinière. Un long plan (17.30 - 19.40)
s’attarde sur la pudeur du mari et de la femme attablés ensemble. Bruits d’ambiance. Le
dialogue se fait attendre. Rivka entame ensuite un monologue sur la souffrance de Meïr. «
Les gens te montrent du doigt. Les étudiants de la Yeshiva te méprisent. Tes amis ont tous 4
ou 5 enfants. » Elle sait qu’il pense vivre dans le péché. Meïr ne parvient pas à nier ce conflit
intérieur lancinant.
Cut
10
Séquence 6 – Une nuit d’amour
(22.21 - 25.24 / Plan séquence)
Un lent panoramique (commencé à partir des pieds de Rivka) suit le glissement de Rivka en
dehors de son lit pour rejoindre celui de Meïr. Profitant du froissement des draps et du
mouvement du corps de Rivka, Amos Gitaï change de focale et élargit le plan. Arrivée près de
lui, elle embrasse son front et il dénoue le tissu qui retient ses cheveux. Le mouvement de
caméra accompagne leurs visages et leurs baisers. Le dernier plan, rapproché, révèle la
douleur sourde de Rivka, alors que Meïr embrasse son dos.
Musique instrumentale tout au long de la scène.
Séquence 7 - Prosélytisme de Yossef à l’endroit de la communauté juive
(25.24 - 27.03 / Plan séquence)
Bruits d’ambiance d’un embouteillage de voiture en centre ville. Le monologue de Yossef au
mégaphone sature la bande son de la scène pendant toute la séquence..
La voiture de Yossef se détache à l’image. Il tient dans ses mains un micro relié au
mégaphone du toit de la voiture. « Le peuple d’Israël vit. » Il tente de donner des documents
et des vidéos à un passant qui fuit. Coups de Klaxons off des voitures qui s’impatientent.
Cut
Séquence 8 - Yaakov au travail
(27.03 - 28.09 / 3 plans)
Dans un magasin de vidéos, on perçoit 3 télévisions allumées avec des images d’un riche et
considérable mariage orthodoxe. Un gros plan sur un des postes présente une manifestation de
religieux orthodoxes dans la rue. Voix off de Yaakov qui chantonne. Yaakov, une cigarette à la
bouche, affublé d’une kipa blanche chante une de ses composition à son collègue. « Ce n’est
pas si terrible d’étudier la Torah. »
Cut
Séquence 9 - Bain rituel de purification de Rivka
(28.09 - 30.34 / Plan séquence)
Reflet du visage de Rivka dans l’eau. La mère de Rivka qui officie au bain rituel interroge sa
fille sur les pratiques liturgiques qui accompagnent ses relations intimes avec son époux. On
se rapproche du visage mouillé de Rivka qui entonne une prière. La musique instrumentale
démarre au milieu de la prière de Rivka.
Cut
11
Séquence 10 - Les remontrances du rabbin à Meïr afin de rompre un mariage
stérile
(30.34 - 36.24 / Plan séquence)
Voix off de Meïr qui récite une prière. L’arrivée de Yossef perturbe Meïr qui achève de prier
et se place en retrait dans la synagogue. Le rabbin entre dans la synagogue.
Les mouvements d’appareils accompagnent le déplacement de Meïr et du rabbin. Meïr se tient
légèrement en retrait. Le rabbin sermonne Meïr sur son hésitation à rompre ses liens
conjugaux avec Rivka, lui rappelle ses devoirs religieux et la place que l’orthodoxie réserve à
la femme. « La femme n’a pas d’autres joies que celle d’élever ses enfants. » (…) « Les
enfants sont notre force. C’est grâce à eux que nous pourrons les vaincre (…) les autres. Les
impies. Les laïcs qui gouvernent le pays. Les enfants sont notre avenir. L’avenir de notre
religion.» La séquence s’achève sur un gros plan du visage de Meïr, troublé par le doute qu’à
fait naître le rabbin quant aux comportements de Rivka. Bruits off des pas du rabbin
martelant le sol.
Cut
Séquence 11 - Meïr et Yossef dans la rue
(36.24 - 37.36 / Plan séquence)
Extérieur. Les bruits de machine vont se faire de plus en plus encombrants jusqu’à saturer la
bande son. Dans une rue presque déserte, une machine de nettoyage des caniveaux travaille.
Meïr arrivé du fond du cadre rencontre Yossef et marche avec lui. Au moment où quelques
voitures obligent les deux hommes à attendre pour traverser, Yossef tape violemment sur la
voiture trop pressée alors que Meïr poursuit son chemin sans égard pour ce contre temps.
Bruits d’ambiance de la rue, de la voiture de nettoyage et du trafic.
Cut
Séquence 12 - Le désespoir de Meïr
(37.36 - 40.21 / Plan séquence fixe)
Les deux époux en pyjamas, yeux baissés, évoquent leur union. Meïr oppose au « Saint
commandement » de l’union judaïque, la malédiction de la stérilité. « Depuis notre mariage,
je n’étudie plus. ». Après avoir révélé à sa femme les doutes qui l’assaillent sur leur union,
Meïr quitte le plan.
Cut
Séquence 13 – La prière au mur du Temple de Salomon
(40.21 - 42.09 / 5 plans)
Une ruelle sombre. Bruits d’ambiance de la rue la nuit. La silhouette d’une femme dans un
manteau noir s’ éloigne du premier plan. Elle traverse une porte dans un mur d’enceinte, à
côté duquel on devine un poste frontière. Elle approche d’un lieu très éclairé. Rivka
s’approche de la partie réservée aux femmes du Mur du Temple de Salomon où d’autres
12
femmes prient. Bruits d’oiseaux. Elle baise le mur (où l’on devine des papiers chiffonnés
entre les interstices du mur) puis s’éloigne sans tourner le dos au mur. Une silhouette de
femme âgée la croise pour aller prier. Bruits d’oiseaux et des pas de Rivka.
Cut
Séquence 14 - Désespoir de Malka à l’annonce de son mariage avec Yossef
(42.09 - 46.27/ 4 plans)
Gros plan sur une théière. Dialogue en champ-contre-champ des deux sœurs suite à l’annonce
du mariage de Malka et Yossef. « J’épouse Yossef » répète Malka pour s’en convaincre et
appréhender l’horreur d’une telle situation. Elle dit devant sa sœur qu’elle pense être
quelqu’un de bien même si « (elle) n’aime pas faire ni la cuisine, ni le ménage. » Elle réduit le
mariage orthodoxe à une métaphore amère : « Ensuite, je me raserai la tête et je passerai ma
vie à être enceinte. » Alors que Rivka évoque avec tendresse le souvenir de sa nuit de noce,
Malka conclut : « Non, ça ne sera pas la même chose. »
Cut
Séquence 15 - Le chant d’amour mélancolique de Yaakov
(46.27 - 48.14 / 2 plans)
Bruits de notes de guitare off. Gros plan sur le visage de Yaakov devant un micro. La
chanson d’amour qu’il chante parle d’une femme aimée qui « disparaît, happée par un autre
monde. »
Plan moyen où l’on découvre un cabaret peu fréquenté et où l’on devine un couple non
orthodoxe qui partage ensemble un agréable moment. Bruits d’applaudissements.
Cut
Séquence 16 - La ballade de Yaakov
(48.14 - 48.30 / Plan séquence)
La silhouette de Yaakov traverse une rue de la ville.
Bruits d’ambiance d’un quartier non orthodoxe de jour et très animé. Bruits faibles d’une
sirène de police ou d’ambulance au lointain.
Cut
Séquence 17 - Révolte verbale blasphématoire de Malka et résignation de
Rivka au moment de l’essayage de la robe de mariée de la cadette.
(48.30 - 53.30 / Plan séquence)
Le mouvement de caméra accompagne Rivka dans l’escalier de l’appartement familial où
Malka l’attend pour essayer la robe de mariée. Les deux sœurs s’embrassent sincèrement.
Rivka révèle qu’elle a reçu une lettre anonyme blessante sur sa stérilité dont elle a parlé à
Meïr. Elle confesse souffrir davantage de la honte des gens qui l’entourent et particulièrement
13
de celle de Meïr, que de la situation elle même. A l’écoute de la violence sociale que subit sa
sœur, Malka se révolte!: « Notre père disait que tout est dans le Talmud, même son contraire.
Les hommes ne veulent pas qu’on sache. Comme ça ils font de nous ce qu’ils veulent. » Tout
en essayant sa robe de mariée, les yeux aux bords des larmes, elle s’insurge contre une lecture
« à la lettre » des écrits talmudiques qui prétendent que « la femme est influençable et son
cœur inconstant. » et qui affirment que « Nous rendons tout impur. » dans les « lois de la
menstruation ». Elle s’indigne des pratiques liturgiques patriarcales qui réservent l’étude des
textes aux hommes!: « Je voudrais être au centre de la synagogue. » Enfin, elle parle du reste
de la société israélienne qui vit autrement et dénonce les violences fanatiques des orthodoxes
à l’endroit des femmes qui refusent leur mode de vie.
L’essayage de la robe de mariée s’achève sur le rire de Malka qui ne peut s’empêcher de se
réjouir à la vue d’une robe aussi belle.
Cut
Séquence 18 - Le mariage orthodoxe de Malka
(53.30 - 56.44 / 4 plans)
On entend les chants liturgiques de la communauté des hommes puis ceux du chantre sur
toute la séquence.
Yossef, entouré par les hommes de la communauté dansant et chantant, sourit . Un
mouvement de caméra accompagne l’arrivée de la mariée voilée. La mère de Malka découvre
sa fille et lui présente la coupe. Yossef prononce les paroles liturgiques traditionnelles et la
femme se tait. Le mari brise le verre à ses pieds, selon la coutume. La communauté des
femmes autour de Malka est silencieuse.
Cut
Séquence 19 - La nuit de noce de Malka
(56.44 - 1.02.08 / 3 plans)
Gros plan sur des épingles à cheveux auxquelles viennent se joindre des mèches de cheveux
coupés. Un plan élargi sur le reflet d’un miroir confronte le spectateur au visage triste et
bientôt rougi de larmes de Malka qui coupe sa chevelure, selon la coutume liturgique. Un plan
moyen la montre allongée sous les couvertures. Après une prière, Yossef « monte »
maladroitement sur elle sans même la déshabiller ; il écarte ses jambes et la pénètre
violemment. De sa main gauche, il couvre les hurlements de douleur de sa femme et écrase
son visage.
La caméra est restée à distance pendant ce long plan qui confronte le spectateur à la violence
de l’action. Il n’y a pas de musique pour couvrir les bruits du lit et les hurlements de Malka.
Cut
Séquence 20 - Solitude physique de Rivka
(1.02.08 - 1.04.06 / 2 plans)
Au second plan, alors que Meïr dort, Rivka assise sur son lit, se lève. Elle se regarde devant la
glace intérieure de l’armoire et caresse son visage et son cou. Elle dégrafe sa chemise de nuit
14
pour découvrir sa poitrine enserrée dans son soutien gorge. Elle passe une main au creux de sa
poitrine que Meïr ne touche plus, persuadé d’une malédiction divine.
Cut
Séquence 21 - Le rendez vous chez la gynécologue
(1.04.06 - 1.06.44 / 7 plans)
De jour, une rue. On suit Rivka dans la rue. Une femme accueillante ouvre la porte qui
découvre Rivka et l’annonce à une doctoresse âgée dont la chevelure est courte et non voilée.
L’infirmière referme la porte sur Rivka et la gynécologue. La gynécologue interroge sa
patiente pour mesurer son éducation sexuelle. Les regards de Rivka, lors de la consultation et
de l’examen gynécologique sont fuyants. « Nous, les femmes, ne sommes pas toujours
fautives. La science et la médecine peuvent parfois nous aider et mieux que toutes sortes
d’amulettes. La stérilité est parfois le fait de l’homme. » Rivka sourit un instant, tout en
sachant que cela ne résout pas son problème.
Cut
Séquence 22 - Le bain rituel de purification de Malka
(1.06.44 - 1.08.46 / Plan séquence)
Gros plan sur le visage de Malka dans le bain rituel où officie sa mère. Cette dernière
l’interroge pour s’assurer qu’elle suit les rites liturgiques adéquats.
Cut
Séquence 23 - Prosélytisme de Yossef à l’endroit de la communauté juive
orthodoxe
(1.08.46 - 1.09.59 / Plan séquence en caméra fixe)
La caméra, fixée à l’arrière de la voiture de Yossef, filme à travers le pare brise le quartier de
Mea Shearim où défile les célèbres silhouettes noires traditionnelles de sa population.
« Nous devons nous organiser et constituer la force juive. (…) Nous devons nous organiser et
resserrer nos rangs sous le drapeau juif. » (…) « Que le nom et la mémoire de nos ennemis
disparaissent. (…) Ils paieront pour ce qu’ils ont fait à nos ancêtres. Avec l’aide de Dieu, ils
paieront . Œil pour œil, dent pour dent.»
Bruits d’ambiance de crépitements du micro.
Cut
Séquence 24 - La prière collective du Shabbat à la synagogue et la répudiation
de Rivka
(1.09.59 - 1.13.01 / Plan séquence)
La synagogue est éclairée à la bougie et les objets d’étude et de prières sont embellis par des
étoffes qui font office de parures. Meïr et le rabbin utilisent des passages du Talmud et de la
15
Bible, l’un pour expliquer ses réticences, l’autre pour l’exhorter à suivre les préceptes de la
communauté et à répudier Rivka. « Jouis de la femme de ta jeunesse. (…) Goûte la vie avec
la femme que tu aimes aux jours éphémères qui te sont donnés. » / « Croître et se multiplier »
(…) « La femme stérile n’est pas une femme. L’homme qui meurt sans descendance déchire
une page de la Torah. » Les mouvements de caméra suivent l’esclandre des deux pratiquants
au milieu de la prière collective.
Le chant du chantre couvre toute la scène. Il est couvert à la fin du plan par de la musique
instrumentale au moment où Meïr rejoint le banc de prière.
Cut
Séquence 25 - L’annonce de la répudiation à Rivka
(1.13.01 - 1.14.56 / Plan séquence)
La mère des deux soeurs annonce à sa fille cadette la décision du rabbin. Meïr va épouser «
Haya, la fille de l’oncle. » Un mouvement de caméra découvre Rivka dans une autre pièce en
train de plier son linge et de faire ses valises: « Je quitte notre maison. »
A la fin du plan, la musique instrumentale démarre.
Cut
Séquence 26 - Brève rencontre extérieure de Meïr et Yossef
(1.14.56 - 1.15.20 / Plan séquence)
La musique instrumentale continue.
Meïr consulte les panneaux du quartier qui annoncent les événements touchant l’ensemble de
la communauté. Yossef, qui le croise dans la rue, lui serre la main.
Bruits de la rue et faible murmure d’une litanie religieuse retransmise par un haut parleur.
Cut
Séquence 27 - L’exil intérieur de Rivka
(1.15.20 - 1.17.46 / 3 plans)
La musique instrumentale s’accentue.
Rivka monte, des bagages à la main, l’escalier d’un immeuble. On découvre avec elle un
appartement vide. Elle regarde par la fenêtre. Dans le tiroir, elle pose une photo de Meïr. Elle
commence à faire son lit.
Cut
Séquence 28 - Le bain rituel de la nouvelle promise
(1.17.46 - 1.19.57 / Plan séquence)
Le rabbin («Faites ce que la religion ordonne de faire ») qui domine l’arrière plan ordonne à
la mère d’officier le bain rituel de Haya. La caméra accompagne le devoir de la mère et on
assiste pour la troisième fois aux 12 immersions rituelles du corps.
Cut
16
Séquence 29 - Le silence et la retraite de Rivka
(1.19.57 - 1.23.16 / 3 plans )
Un mouvement de caméra accompagne la montée des escaliers de Malka jusqu’à
l’appartement de sa sœur. Elle implore sa sœur de briser le silence et la prostration qu’elle
s’impose et l’embrasse tendrement. Le visage de Rivka s’apaise et elle commence à se
balancer. Un bruit off nous apprend le départ de Malka.
Plan extérieur de nuit. Malka marche dans la rue et franchit une porte dans la muraille. Elle
sort du cadre. Bruits d’ambiance de la rue.
Cut
Séquence 30 - L’indifférence de Yossef
(1.23.16 – 1.25.14 / Plan séquence)
Malka en plan moyen, assise sur son lit pose un regard réprobateur sur le dos de Yossef qui
lui fait face. Elle entame un monologue et s’insurge de la responsabilité de la communauté
dans la mise à l’écart et la honte infligée à sa sœur. Yossef simule le sommeil et émet des
grognements de malaise.
La musique commence à la fin du monologue de Malka. Elle est plus sourde qu’à l’ordinaire
comme pour imiter la rage contenue de Malka.
Cut
Séquence 31 - Le désespoir de Meïr
(1.25.14 - 1.27.56 / Plan séquence)
La porte s’ouvre sur Meïr. La musique instrumentale cesse. Saôul, il s’assoit sur le lit de
Rivka et lui crie son amour avant d’entamer une prière. Muette et horrifiée par le malaise de
Meïr, Rivka a mis ses bras autour de ses jambes ramenées près de son visage.
Cut
Séquence 32 – L’adultère amoureux de Malka
(1.27.56 - 1.33.37/ 4 plans)
Yossef endormi, Malka s’habille et met du rouge à lèvres pour sortir. Elle ferme la lumière et
la porte derrière elle. Dehors. La ville la nuit. Bruits d’ambiance. Elle entre dans un bar avec
des bruits d’accords de guitare et sous des lumières criardes bleu, rouge et verte. Un barman
aux lunettes noires (Amos Gitaï lui-même), qui fume un verre à la main, demande des
explications sur sa présence et lui dit : « ce n’est pas un quartier pour touriste». Lorsqu’il
appelle Yaakov, celui-ci surgit d’une tenture et prend Malka par la main tendrement. Derrière
le plexiglas, Yaakov la prend doucement par la main, la taille et lui touche le visage. La
musique commence et s’amplifie rapidement mimant l’enthousiasme des baisers des deux
amants. Les mouvements de caméra accompagnent pudiquement les baisers des deux amants.
Bruits de baisers. La musique continue tel un cri de sirène et accompagne leur ébat. Yaakov
17
prend le temps de caresser Malka et ses mains glissent sur elle. Il lui ôte ses vêtements. Bruits
de baisers.
Cut
Séquence 33 - Insert du visage de Rivka
(1.33.37 - 1.34.09 / Plan fixe)
Plan fixe sur le visage de Rivka qui entame un balancement d’avant en arrière.
Cut
Séquence 34 - Yossef bat Malka et la chasse de l’appartement conjugal
(1.34.09 - 1.36.10/ Plan séquence)
Malka apparaît dans la cage d’escalier et entame rapidement la montée. Arrivée en haut de
l’escalier, Yossef l’attend. Il défait sa ceinture en lui demandant d’entrer dans l’appartement.
« Qu’avez vous fait à ma sœur ? As-tu vu mes cheveux ? » hurle t-elle pour le provoquer. Il
commence à la frapper sur le seuil puis lui jette sa chemise de nuit au visage et l’enjoint
d’aller sur le lit. Le cadre se vide. Bruits de coups off. Cris de Malka . « Tu n’es qu’une
trainée. » Elle fuit en courant. Il ne la poursuit que jusqu’au seuil. Il ferme la porte les yeux
mouillés de larmes.
Cut
Séquence 35 - La retraite forcée des sœurs et la folie de Rivka
(1.36.10 - 1.40.56 / Plan séquence)
Une musique instrumentale plaintive commence sourdement et remplit toute la séquence.
Travelling latéral sur un corps dissimulé sous un drap. Gros plan sur les visages des deux
sœurs. Rivka est au premier plan, de profil, le regard tourné vers le plafond. Malka, la
regarde, au second plan, face à la caméra. « J’étouffe. Il existe un autre monde. » dit Malka
qui implore sa sœur de ne pas sombrer dans la folie et de fuir la communauté avec elle. « On
est bien ici. Tout est calme. Si calme. » murmure Rivka, les yeux perdus. Elle entame la prière
de la femme enceinte. Malka embrasse sa sœur devenue folle. La caméra règle la netteté sur le
visage de Rivka. Le visage de Malka devient flou et quitte le cadre.
Cut
Séquence 36 - Le suicide de Rivka
( 1.40.56 - 1.47.47 / Plan séquence)
Meïr dort. Rivka, qui s’est dévêtue, entre dans le lit de Meïr. La musique démarre avec la
mise au point de la caméra sur Rivka qui se dévêt. Elle libère ses cheveux. Elle enlève sa
robe. La musique cesse. La scène semble éclairée davantage. Meïr se réveille et elle
l’embrasse. Un travelling remonte sur le corps des deux amoureux et révèle le sexe de Meïr
en érection sous son pyjama. La caméra fait des mouvements latéraux de droite et de gauche
pour accompagner leurs caresses et leurs baisers. Elle est au-dessus de lui et guide sa main
18
pour qu’il la caresse. Le mouvement de caméra fait un travelling jusqu‘aux pieds de Rivka.
La caméra remonte à nouveau en sens inverse jusqu’au visage des deux amoureux. Elle ferme
les yeux, apaisée, étendue sur lui. Puis, imperceptiblement, les yeux de Rivka se fixent et sa
main crispée au linge de corps de Meïr se desserre. La musique plaintive du début du plan
reprend de plus belle. Gros plans sur les deux visages endormis. Bruits d’oiseaux. La musique
commence. Le changement de lumière à l’intérieur du plan simule le lever du jour. Meïr se
réveille et regarde Rivka. Les mouvements d’appareil suivent les secousses qu’il donne au
corps inerte de Rivka, dont la tête a basculé en arrière. Accroupi sur Rivka, il pleure sur son
visage et continue de l’implorer de se réveiller. Le travelling final quitte l’amant éploré et
l’amante gisante et s’attarde sur la bibliothèque religieuse de Meïr. Bruits sourds de pleurs.
Cut
Séquence 37 - Malka découvre la liberté
(1.47.47 – 1. 51.23 / Plan séquence)
La même musique instrumentale plaintive continue et se mêle aux bruits d’oiseaux sur la fin
de la scène.
Plan moyen un peu désaxé sur une terre rouge bordée d’arbres et un chemin dont la trajectoire
coupe le plan en diagonale Malka entre de profil dans l’image d’un plan panoramique latéral
et amorce avec détermination l’ascension du chemin. Le mouvement de caméra a découvert à
l‘horizon, en plan large, la ville de Jérusalem. On reconnaît le dôme doré de la mosquée. Le
tracé du chemin la place désormais face à la caméra. Bruits de ses pas. Un autre panoramique
prend le temps de scruter l’horizon bientôt dégagé par la sortie du champ de Malka. La
caméra s’arrête sur le cimetière de la ville. Le réalisateur change la netteté du plan et révèle
les détails du cimetière. La caméra repart en sens inverse par un panoramique du cimetière au
dôme. Le plan s’élargit un peu. Un changement de lumière simule la tombée de la nuit sur la
ville de Jérusalem. Bruits de voitures et d’oiseaux.
Le générique apparaît en surimpression en lettres blanches sur ce plan très large de la colline
principale de Jérusalem.
Cut
19
2- Les personnages
Les personnages du film sont guidés par des archétypes moraux et cinématographiques qui
font pencher le film du côté du conte. Pourtant, le petit nombre des protagonistes et sans
doute aussi la sensualité de la mise en scène nous rendent ces personnages troublants, charnels
et bien vivants.
Rivka, le sacrifice
Personnage central du film, Rivka, est une sorte de sainte qui justifie le propos
démystificateur d’Amos Gitaï. Tout au long du film, elle mène une vie irréprochable, inspirée
par la piété et la reconnaissance des préceptes de la communauté ultra-orthodoxe. Elle est
l’unique sœur que nous voyons attelée aux quotidiens de la femme mariée lorsqu’elle sert à
manger à son mari ou lorsqu’elle se rend dans une boutique pour aller travailler.
Elle se conforme à la décision du Rabbin qui l’exclut de la communauté pour racheter la «
souillure » de la stérilité conjugale et elle emménage rapidement dans l’appartement solitaire
où l’a reléguée la décision religieuse.
C’est sans doute cette abnégation personnelle, que le jugement d’Amos Gitaï envoie à la folie
(lors de la scène des deux sœurs sur le lit) et à la mort, qui rend le personnage presque sacré et
qui semble susciter la révolte de sa cadette. Qu’est ce qui a sacrifié cet « agneau » religieux,
discret et silencieux, qui reproche à sa sœur ses velléités langagières impies ? Dieu ou la
violence de la communauté ? Amos Gitaï ne peut s’empêcher, dans le court travelling qui suit
son suicide, de s’arrêter sur l’amas de livres religieux de la bibliothèque. Le jugement est clair
: ce n’est pas la foi (assimilé à l’Amour dans le film) mais les exégèses de la communauté
orthodoxe qui ont tué cette amoureuse romanesque. Elle semble opposer sa propre notion du
sacré à celle de la communauté.
Pour expliquer son attitude, il faut évoquer, à côté de la foi, la force de son amour pour Meïr.
« Tu es mien et je suis tienne » continue t-elle de chanter après la répudiation. Rivka est
amoureuse de cet homme qui lui dit « je te respecte », jusqu’à la folie. C’est à cause de lui
qu’elle tente une unique transgression, celle d’aller voir une gynécologue, de s’y montrer nue
et de se faire ausculter (une pratique moderne qui la fait « connaître!» au sens religieux du
terme » par une étrangère), dans le but de donner la vie à un enfant, mais c’est aussi à cause
de lui qu’elle se résout à ne pas divulguer qui est stérile dans le couple.
Son amour pour Meïr, dont elle fait sa seule raison de vivre, un sentiment plus fort que celui
d’avoir un enfant, l’oppose aux pratiques orthodoxes qui privilégient la descendance au
détriment des sentiments individuels.
Les seuls instants qui semblent l’éloigner de la torpeur et de l’étouffement des lieux sont ceux
qu’elle partage avec sa sœur qui est aussi sa confidente. C’est par amour pour elle, et pour
l’Amour, qu’elle favorise la rencontre de Malka et Yaakov.
Ce personnage sacrificiel qui participe de la nature « sacrée » du film, que l’on peut
rapprocher de la représentation traditionnelle du sacrifice féminin, mais auquel on peut
20
reprocher son manichéisme inhumain, participe de la fascination pudique du réalisateur pour
une communauté tournée vers la pureté et la tradition auquel il reproche pourtant sans détour
de sacrifier les purs et les justes.
Meïr, le fils
Figure émouvante d’une autre abnégation, celle d’un pratiquant pour sa communauté et d’un
fils pour son père, il souffre de la répudiation de Rivka. Son amour pour elle ne semble pas
moins fort puisqu’il le pousse à perdre le contrôle de son corps et à boire pour venir lui parler
dans sa retraite. Si le scénario d’Amos Gitaï révèle que la révolte est plus aisée pour le
personnage masculin (celui de Yaakov), le pendant masculin de la soumission à la Loi
orthodoxe, s’il ne mène pas au suicide, est tout aussi douloureux.
Sa vie quotidienne le montre pieux et studieux. Amos Gitaï s’arrête plusieurs fois sur ses
pratiques liturgiques de libations et de bénédictions. Ses bénédictions régulières (à l’heure du
thé ou avant de s’unir à Rivka) témoignent de l’assimilation complète du religieux aux
pratiques de la vie quotidienne dans l’orthodoxie.
Doux avec sa femme, il est, comme elle, peu bavard. Il n’est pas présenté dans un contexte
intime et chaleureux comme l’est Rivka. C’est sans doute ce manque, cette affection en creux,
qui révèle la solitude sociale d’un pratiquant intégré à la communauté religieuse orthodoxe.
Contrairement à sa femme, il n’a pas de confident amical. Ses relations sociales se limitent à
la Yeshiva où ses collègues sont des figures de Juge intransigeant (le Rabbin, son père) ou
d’érudit rival (Yossef). Quand il rencontre les autres pratiquants, cela se passe dans la
synagogue ou dans la rue. On ne voit pas l’once d’une initiative amicale dans sa vie sociale.
A la synagogue, s’il se prête aux querelles d’interprétations de la Torah, son comportement
dénote vis à vis de la violence et de l’intransigeance de Yossef.
Quand il interroge son père : « Et je dois me sacrifier ? », la réponse est claire : « Oui, notre
lutte est sacrée ».
Ce personnage très pieux qui nous a introduit dans le mystère des rites religieux avec le
premier plan fixe du film au moment de sa prière matinale, est également un être qui accepte
volontairement leur sacrifice. Il reste un prisonnier douloureux de sa foi.
Malka, la révolte
Malka est, de tous, le personnage le plus touchant, celui d’une jeune fille qui se révolte. C’est
elle qui prononce les mots et les rancunes à l’égard de préceptes religieux et de manières de
vivre archaïques. Face au mutisme de sa sœur, elle parle beaucoup. Elle fustige une religion
qui n’offre qu’une destinée unique aux femmes : « Je passerai ma vie à être enceinte» «Je
travaillerai pour qu’il étudie. » Elle refuse cette solution qui la prive de tout horizon
personnel et qui ne se préoccupe pas de ses désirs. Lors de la scène des deux sœurs avec la
robe de mariée, elle développe des arguments féministes contre « l’esprit » d’une religion
patriarcale qui éloigne les femmes de la connaissance pour mieux les utiliser au seul profit de
la communauté. Elle se révolte contre la « lettre » de la religion qui veut qu’elle soit «
influençable et son cœur inconstant. ».
Contrairement à sa sœur qui a intériorisé une soumission totale à la communauté, Malka
découvre la violence des contraintes faites aux femmes avec l’ampleur de l’humiliation qui
accompagne la résignation. Dans une scène douloureuse, elle se coupe les cheveux en larmes.
21
Cette scène de mutilation inaugure le moment de la nuit de noce qui apparaît au spectateur
comme un « viol légal ». Cette union est loin de la scène d’amour de Rivka et Meir et de celle
de Malka et Yaakov. Yossef étouffe de sa main les cris de douleur de sa femme. Elle lutte et
hurle. La révolte se nourrit de l’humiliation ; et, après celle de couper sa chevelure, la honte
des coups reçus la pousse à la fuite salutaire. Après la révolte des mots, Malka transgresse
dans les faits le code de vie de la communauté en quittant le quartier pour commettre
l’adultère et pour finir par prendre la fuite.
Malka est le personnage le plus courageux qui brise les tabous du sexe en action (l’adultère
avec Yaakov) et en paroles lorsqu’elle oblige Yossef à entendre l’humiliation que sa sœur a
subie devant la gynécologue. La séquence 34 révèle la force de son courage lorsqu’elle n’a
pas peur d’attiser la colère physique de Yossef en soulignant de manière provocante sa tenue
et sa fuite nocturne. En outre, elle n’accepte pas de se faire humilier lorsqu’il couvre son
visage de sa chemise de nuit.
La dernière image du film, en opposition avec la prédiction de sa sœur aînée («Tu dis ça, mais
tu ne nous quitteras jamais ! »), est un moment d’espoir et de liberté qui découvre enfin dans
un lent panoramique la ville en plein jour et dans son ensemble : Jérusalem, qui a été masquée
pendant tout le film, par l’étroitesse du quartier orthodoxe.
Yossef, le fanatique
On découvre Yossef sous les yeux de Malka, présente, derrière le paravent de la synagogue.
Personnage qui a l’apparence et sans doute la réputation d’un homme de foi, il se révèle au
spectateur, au fur et à mesure que la caméra le filme, dans la synagogue. C’est un être
intransigeant jusqu’à la bêtise (dans la scène de la préparation du thé), dont les cris empêchent
les autres érudits de réfléchir sur les textes sacrés. Cette scène symbolise les efforts violents
des fanatiques devant la réflexion muette et intériorisée des élites érudites. A l’opposé du
rapport intériorisé et pudique qu’entretient Meïr avec sa religion, le rapport de Yossef à la
religion est brutal, sourd et violent.
En portant la main sur sa femme, il témoigne à nouveau de son impuissance à communiquer
et à dialoguer avec les autres, y compris dans l’intimité.
Il apparaît, de manière pessimiste (sorte d’alarme historique contre la menace intégriste
politique qui tente le gouvernement d’Israël), comme le successeur à venir du rabbin. En écho
à la violence dont il est capable de faire preuve dans l’intimité, il professe au micro, des
diatribes haineuses contre les Autres. Les Autres ce sont les juifs non orthodoxes, les laïcs non
religieux et les membres des autres confessions. Amos Gitaï, à travers ce personnage,
souligne la force et toute l’envergure du propos politique de son film, en liant la xénophobie
du fanatisme politique à la violence dans les rapports sociaux au sein de sa propre
communauté.
Ce personnage est très proche du fanatique Saïd du film Bab El Oued City (1993, Merzak
Allouache).
Rav Shimon (le rabbin), le père
Le seul personnage paternel de cette fiction est aussi le personnage religieux principal de la
communauté. Il sacrifie son fils à sa foi. Il est clair qu’il représente la tradition et le refus de la
modernité. Garant de la communauté ultra-orthodoxe, toutes ses paroles et tous ses actes
veulent la perpétuer et la « multiplier ». Il utilise son influence et son statut religieux pour
22
convaincre Meïr et faire abdiquer les réticences de la mère de Rivka et Malka. Il utilise
également la violence de Yossef comme un instrument au profit de la radicalisation de la
communauté religieuse. D’un abord plus serein et moins violent que Yossef, le poids de ses
interprétations et commandements en font un être froid et indifférent aux désespoirs humains.
C’est lui qui maintient une pratique orthodoxe intransigeante dans la communauté
Yaakov, le marginal
C’est sans doute le personnage le plus flou de cette fiction. On sait que la participation à la
guerre l’a isolé de la communauté pacifique ultra orthodoxe et qu’il a décidé de chanter dans
un cabaret le soir. Mais il tient à rester « toujours un bon juif », selon ses propres mots. On ne
sait pas s’ il demeure toujours dans le quartier (il semblerait que non puisque Malka le rejoint
dans le bar à l’extérieur du quartier) et si son choix de carrière, qui n’embrasse pas l’étude des
textes religieux, est réellement un défit lancé à sa communauté. Reste que Yaakov, malgré sa
barbe mal rasée et son bonnet, est un orthodoxe marginal. Il fume et travaille. Il a une vie
sociale épanouie et il n’est pas montré présent à la synagogue. Pourtant, ses chansons
conservent une large place au religieux. En effet, il rêve de Malka en train de commencer le
Shabbat.
Il est évident qu’ Amos Gitaï se consacre aux destins féminins dans son scénario, ce qui écarte
un portrait précis de cet amant marginal.
Cette marginalité a le mérite de souligner l’importance de l’engagement personnel de Malka,
qu’il semble accompagner un moment, sans le susciter ou le provoquer réellement. Cela
participe d’une volonté du réalisateur, emprunte de féminisme, qui souligne que la révolte
d’une femme est avant tout une décision personnelle. Yaakov, selon le choix d’Amos Gitaï,
ne sauve pas Malka, elle se sauve toute seule.
Elisheva, la mère juive traditionnelle
Mère de Malka et de Rivka, elle témoigne de la force de la tradition et de l’éducation que
transmettent les mères pratiquantes à leurs enfants. Malgré son chagrin, elle ne se révolte pas
et accepte de transmettre les gestes de la purification à celle qui va remplacer sa fille auprès
de Meir.
La gynécologue, la modernité
Seul personnage extérieur au quartier, la gynécologue révèle le fossé existant entre ce quartier
de Jérusalem et la modernité. Elle évoque crûment le refus de certaines pratiques sous
prétexte religieux (l’insémination et le test de sperme) et elle aborde pour des raisons
médicales des pratiques sexuelles (la séduction, le coït et les préliminaires) que la religion ne
permet pas de décrire et d’interroger ( Voir le doux moment où Rivka parle à sa sœur de la
connaissance divine de l’homme et de la femme lors de la nuit de noce).
Y a-t-il réellement de la place pour le plaisir et les sentiments dans la religion orthodoxe ?
semble t-elle interroger.
La gynécologue connaît la place difficile de la sexualité dans la religion mais elle demeure
maladroite devant la pudeur de l’héroïne.
23
3 - Le traitement cinématographique
« Il est très surprenant qu’il n’y ait pas davantage de cinéastes dans la région alors que les ingrédients
historiques y sont fascinants et très contradictoires. Mais je pense aussi, et j‘en parle dans mes autres films, que
c’est une région sur-médiatisée. La part qu’occupe Israël dans les reportages télévisés est énorme, comparée à
ses cinq millions d’habitants et à sa superficie. La moitié ou le tiers du temps d’antenne « international » de
CNN est consacré à Israël. L’impact de ce pays est énorme. Pour un cinéaste la question est donc : comment en
parler en évitant le langage médiatique ? Il faut montrer ce que les médias hyper actifs et frénétiques ne
montrent pas. »
Allées, venues, Les Cahiers du Cinéma, n°523, Entretien de Serge Toubianan avec Amos Gitaï, p58-61
« Le plan séquence et le plan fixe se sont-ils imposés tout de suite pour toi ? »
« Oui, parce qu’il y a une sorte d’arrêt du temps à Mea Shearim qui impose ça. (…) Le film parle d’enfermement
»
Interview d’Amos Gitaï aux Inrockuptibles, 01/09/1999, p56
Même si la chronologie narrative d’Amos Gitaï ménage des révélations scénaristiques à
rebours, la chronologie linéaire du film, la lenteur de plusieurs séquences, la beauté de la
photographie et le sens artistique des mouvements de caméra des nombreux plans séquences
favorisent l’étude artistique du film.
Si les critiques ont réagi différemment à la volonté didactique du scénario et des personnages,
elles ont toutes salué la démonstration esthétique de son auteur. La beauté du film doit
énormément à ses acteurs que la direction de la photographie magnifie par un grain presque
sacré qui lisse les corps et les visages et qui convient parfaitement aux plans rapprochés du
film.
Je soulignerai ici trois traitements cinématographiques significatifs, celui de l’enfermement,
celui de la répartition sociale des hommes et des femmes et celui du quotidien. Ces trois choix
esthétiques baignent l’ensemble de l’atmosphère du film.
I) L’enfermement
Le quartier et le spectateur
Les quelques personnages de la fiction (ils sont peu nombreux) sont filmés de très près. Ce
traitement donne un sentiment d’étouffement aux spectateurs qui mesurent ainsi le peu de
liberté des protagonistes dans ce milieu. Jusqu’au magnifique panoramique sur Jérusalem de
la fin du film, l’espace visible à travers la caméra est réduit à quelques domiciles, des rues
étroites et un lieu de prières. On n’aperçoit réellement les rues du quartier qu’à travers le parebrise de la voiture (en plan fixe à partir du siège arrière) qui permet à Yossef de faire du
prosélytisme. Les rues pavées sont peu fréquentées, sinon par les silhouettes noires des
hommes en habits religieux. La caméra fixée dans la voiture reproduit l’étroitesse de l’espace.
Mimant l’absence de contradictions et de points de vue divers, les différents angles possibles
de la caméra ne sont jamais utilisés. Les femmes ne sortent pas. La vie du quartier se fait dans
les maisons et dans les synagogues. La caméra filme à hauteur de mur (comme celui qui
24
semble enfermer le quartier duquel on s’échappe par une petite porte) et on ne voit jamais le
ciel qui est au dessus du quartier. Pour un film censé représenter Jérusalem, le constat est
pessimiste.
Seules nos deux héroïnes s’échappent du quartier, la nuit, et parviennent à élargir l’horizon du
spectateur sur la ville Sainte…
L’enfermement des personnages
Au-delà de l’enfermement du spectateur dans ce quartier, la mise en scène souligne
l’enfermement des deux sœurs. Dans le plan-séquence du début Meïr referme la porte sur
Rivka!; de même, lors de la scène de retrouvailles des deux amants, en écho, c’est Yaakov qui
referme la porte du magasin sur Malka. Les personnages masculins, quand bien même ils
aiment leur compagne, participent à l’enfermement des héroïnes.
Ces scènes d’enfermement du début du film contrastent avec les scènes extérieures de plus en
plus nombreuses au fur et à mesure du déroulement de la fiction. Les femmes prennent
l’initiative de sortir du quartier, seules, pour se confronter, sous la pression de plus en plus
lourde de la communauté religieuse sur leur vie et leur intimité, au monde extérieur profane
(le cabinet de gynécologie et le cabaret). La sortie du quartier est, pour le réalisateur, une
question de vie ou de mort : Rivka prend une décision qui l’exclut à jamais hors du monde
tandis que Malka, symbole de vie et de liberté, ne peut supporter la sensation d’étouffement.
II) La frontière homme / femme
La mise en scène des regards
Quasiment réglée dans chaque plan, la mise en scène des regards permet d’introduire l’idée
d’une frontière, invisible, établie par la religion entre les hommes et les femmes. À l’inverse,
l’attention portée aux dialogues des deux sœurs souligne le souci du réalisateur porté aux
différents liens sociaux des personnages.
Les nombreux champ / contre-champ sans raccord sur les regards témoignent de la distance
entre les hommes et les femmes en isolant l’un et l’autre des protagonistes du dialogue
homme / femme. Dans le plan séquence d’introduction, Meïr ne croise pas le regard de sa
femme avant la fin de la prière matinale. Est-ce pour ne pas l’introduire dans une pratique
exclusivement masculine ou bien est-il gêné par le sens littéral de sa prière ? Lors de leur
repas (séquence 5), les époux ont les yeux baissés et au moment de s’unir (séquence 6), ils ne
parviennent toujours pas à se regarder. En outre, lorsque Malka évoque les violences infligées
à sa sœur, son mari lui tourne le dos (séquence 30).
Les moments de dialogue sincère qui se déroulent sur un pied d’égalité amorcent un jeu
d’acteurs tout à fait différent. Ce sont les dialogues entre les deux sœurs et le dialogue entre
Rivka et la gynécologue qui tente de mettre au jour ses préjugés et ses contradictions. Les
confidences de Rivka et Malka introduisent les champ / contre-champ ( séquence 14 et 17) par
des raccords sur le regard, comme dans les dialogues du cinéma classique. Malheureusement,
le regard de Rivka ne rencontrera plus celui de sa sœur quand il sera voilé par la folie
(séquence 29 et 35). À ce moment-là, la caméra ne parviendra plus à atteindre l’horizon de
son regard égaré.
25
La frontière liturgique
La scène d’introduction du film qui présente le rite de la prière orthodoxe de l’homme à son
lever matinal est, après un travelling découvrant la présence féminine encore endormie dans
un lit jumeau séparé, avant tout un magnifique plan fixe de près de 7 minutes qui marque
l’importance du rite dans cette histoire. Meïr procède, seul, à la liturgie qui lui impose de dire
: « Merci mon dieu, de ne pas m’avoir fait femme. »
La séparation liturgique imposée aux hommes et aux femmes par le judaïsme est, en dehors
des devoirs rituels réservés aux hommes, perceptible dans les scènes qui se déroulent dans la
synagogue!: au moment du Shabbat (séquence 24), il n’y a que des hommes!; à la synagogue,
les femmes sont séparées des hommes. La caméra utilise un plan subjectif pour figurer la
vision tronquée des femmes derrière des croisillons de bois, métaphore de leur impossibilité à
participer à la lecture et à l’interprétation des textes avec les hommes.
Le cérémonial du mariage de la séquence 19 souligne la continuité de la séparation des
hommes et des femmes dans le cadre des rituels communs. Le cercle des hommes habillés en
noir, chantant et dansant, est clairement opposé au cercle silencieux des femmes qui portent
des habits clairs. Alors que Yossef professe les mots sacrés de l’engagement, la mariée ne dit
mot.
La pratique religieuse des femmes est limitée dans le film aux bains rituels de purification
(séquence 9, 22 et 28). Cette pratique féminine est à la fois un moment de détente mais aussi
un moyen de contrôle de l’intimité des femmes par la communauté.
III) Le temps du quotidien
La durée des plans
Amos Gitaï privilégie les plans fixes (séquence 12 entre les deux époux), des plans qui
s’attardent sur les silences de la vie à l’intérieur des séquences 5 (le malaise de Meïr), 6
(l’union de Rivka et Meïr), 14 (la révolte de Malka), et aussi la séquence 19 (du viol
conjugal), enfin les plans-séquences (1, 6, 7, 9, 10, 11 17, 22, 30, 33, 35, 36 et 37).
Le réalisateur redonne ainsi aux spectateurs, habitués au montage rapide des films d’action et
des reportages, la sensation et l’image d’une communauté dont le rythme de vie n’est pas
comparable à celui de la majorité des spectateurs du film. Le film est lent pour être fidèle à la
représentation du calme et de la répétition d’un quotidien qui se méfie de l’idée de loisirs et
d’images. C’est aussi une volonté esthétique militante!: prendre le temps de filmer la société
israélienne loin des manières usuelles des médias. Ce temps qui passe de manière sereine est
évoqué également à travers les changements de lumière et de netteté (de focale) à l’intérieur
même des plans-séquences 6, 36 et 37. Cette leçon de cinéma d’Amos Gitaï est un point de
vue sur le monde qui dit que les images trop rapides ne permettent pas de refléter la
complexité et l’évolution des choses.
Ce retour du temps au creux des images participe de la fascination d’Amos Gitaï pour la
sérénité qu’apporte la religion dans la maîtrise du temps quotidien.
La question du documentaire
En tournant tôt le matin en extérieur dans le quartier de Mea Shearim, en reconstituant les
intérieurs modestes de ces pratiquants, en refusant les regards surplombants et en acceptant
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d’introduire dans son film le temps des rites, Amos Gitaï donne une dimension réaliste et
documentaire à son film qui lui fournit un supplément de vérité.
L’utilisation respectueuse de l’architecture, des mentalités, des mœurs, des habitudes, du
langage et des coutumes fait de ce film un document d’histoire contemporaine et un
témoignage de la diversité de la société israélienne. Amos Gitaï prend le temps d’entrer dans
un monde étranger (celui des orthodoxes) à travers le temps, les objets et les paroles de la
prière. De nombreux dialogues du film proviennent d’extraits de la Torah et semblent issus de
mentalités et de pratiques guidées par des principes écrits plusieurs siècles avant eux. Ces
extraits parsèment tout le film, par exemple : Rivka entame une prière à la séquence 9 et le
père et le fils utilisent à la séquence 10 des extraits de la bible et de la Torah.
4 - La critique
La majorité des critiques soulignent la proximité du «temps de la caméra » d’Amos Gitaï et
du « temps du récit » de Kadosh, en écho aux problèmes politiques contemporains d’Israël,
qui ne cesse, lors de chaque élection nationale, de se confronter à la question de l’intégrisme
et de la modernité. En outre, les critiques ont célébré également, en faisant référence à une
volonté plus ou moins affirmée, ce témoignage de la violence du fanatisme religieux sur le
destin des femmes.
«
Cet univers qui n’est pas le sien, Gitaï choisit de l’observer en conservant une distance respectueuse et en
prenant son temps. Ses plans séquences durent ce que durent les rituels - voir le très beau premier plan : Meïr se
lève et s’habille en priant, déjà dans le cérémonial, un matin qui se veut exactement identique à tous ceux qui
l’ont précédé depuis des siècles. C’est une vieille histoire (un mariage arrangé), une vie hors du temps, à la fois
une vérité profonde de Jérusalem et un anachronisme flagrant lorsque l’un des hommes tente d’haranguer la
foule au cours de l’une des rares séquences en extérieur, il ne recueille que moqueries et coups de klaxon. Mais
rien n’empêche de voir dans l’obsession parfois froidement comique des règles à l’œuvre dans ce troisième volet
(le Talmud comme mode d’emploi à suivre pour chaque acte de chaque jour (…) un simple déplacement de
l’angoisse (face au temps qui passe, face à l’autre, homme ou femme, laïc ou religieux, Juif ou Arabe) des
précédents personnages de Gitaï. » (…)
« En avançant, le film se rapproche de plus en plus du point de vue de Malka, et le regard porté sur les religieux
se fait plus cruel, même si Kadosh ne devient jamais vraiment une charge contre l’intégrisme, sa mise en scène
offrant plus d’ambiguïté que son scénario un peu trop programmatique. »
Kadosh, Erwan Higuinen, Cahiers du Cinéma, n°536, p33-34
« Kadosh traite bien des rapports du sacré (sa traduction) et du profane, de l’interdit, de la faute, mais si le sacré
concerne l’obéissance aux Textes en premier lieu, il se déplace aussi vers la communauté : Meir doit se sacrifier
pour la lutte « contre les autres, les impies, les laïcs qui gouvernent ce pays » (…)
« Gitaï instaure ici un impressionnant rapport à l’espace, aux espaces clos tout d’abord, qui établissent comme un
écho aux carcans qui briment les sentiments des protagonistes. » (…)
« Le plan-séquence instaure aussi un double rapport au temps : tout d’abord à la temporalité répétitive de la
parole religieuse, et à la temporalité des rites, elle aussi figée dans une éternelle répétition des gestes (port des
tefilins, embrasser la Mezuza) , des codes ( nuit de noce, bain rituel de fécondité et de pureté)»
Jérusalem, ville fermée, ville ouverte, Baptiste Piégay, Cahiers du Cinéma, n°538, p73-74
« Dès la paupière ouverte, il récite une prière à son dieu, préalable à chacun de ses premiers gestes quotidiens,
jusqu’à enserrer son corps d’ornements rituels avant de s’habiller. On ne saurait mieux indiquer d’emblée le
ligotage du corps par une certaine conception de la religion. La prière se conclut par une phrase qui dit, de
mémoire, « Et merci mon dieu de ne pas m’avoir fait femme ». Dans le lit d’à côté, dort l’épouse, qui ,
littéralement, n’a pas son mot à dire. (…) Le cinéaste israélien a refusé délibérément d’évoquer le côté le plus
spectaculaire de ces religieux intégristes : leurs activités publiques. (…)
Par les temps qui courent dans son pays, et à quelques jours d’une élection des plus cruciales, depuis l’assassinat
de Rabin, le choix de pareil sujet est on ne peut plus brûlant. (…)
27
Gitaï plante sa caméra, tel un couteau, dans le cœur de ce qui constitue, à ses yeux, le fondement de leur rapport
au monde : l’intime, le couple, où sévit un véritable apartheid à l’égard de l’autre moitié de l’humanité,
considérée sous l’angle exclusif de la reproduction - d’enfants mâles évidemment. Ce parti pris évite le manifeste
et la charge. (…)
Mais, à simplement montrer la vie quotidienne, l’horreur s’insinue de voir combien le contrôle de la sexualité,
l’organisation de sa frustration, l’asservissement consécutif des femmes(…) sont le socle le plus dangereux pour
l’ensemble de la société, ici et maintenant à Jérusalem. (…)
Le constat est terrible pour le pays qu’il aime. Mais cette singularité- là vaut alarme bien plus universelle. Parce
qu’il s’agit de nos contemporains. Parce que la gangrène n’épargne aucune région du monde ni religion. »
Amos Gitai filme l’amour de Dieu et la haine des femmes, L’Humanité, 14/05/99
« Il regarde vivre ces personnages archaïques, enfermés dans des cérémonials d’exclusion, et persuadés de la
justesse de leur interprétation de la Torah. Dans un premier temps, il ne les condamne pas, plus fasciné
qu’opposé, il les suit dans leurs différentes activités, insiste sur l’amour passionné qui unit Meïr et Rivka, son
épouse, comprend même le regard critique qu’ils portent sur le monde moderne. Et puis, progressivement, il
pointe le doigt sur la honte inhérente aux religions monothéistes : la place qu’elles accordent aux femmes et qui,
depuis des siècles, détermine le pouvoir tant politique que religieux. Celui-ci est exercé exclusivement par les
hommes, les femmes, elles, subissent le rituel. (…)
Et si le cinéaste est profondément attaché à la laïcité, il est aussi lucide et montre qu’Israël ne peut définir son
avenir sans tenir compte de la dimension de la mémoire et de la religion.
Kadosh, Jeunes Cinémas, n°257, p46-47
« Car ce n’est que par le biais de la Femme pratiquante, à travers son regard aimant, que les traditions ancestrales
d’une des trois grandes religions de la civilisation sont observées. Pour être inscrites dans le corps, ou bien pour
être rejetées. La femme, en effet, doit-elle quitter la vie ou la ville ? (…)
La spiritualité est détournée afin de servir le pouvoir. À cet égard, l’engagement politique de Yossef, inséré sans
commentaire dans le drame intime et sacré, n’a-il, pas quelque chose de dérisoire ? » (…)
À la violence du culte faite à Rivka s’ajoute la violence physique subie par Malka entre les mains de son mari.
Kadosh est la mise en scène de la volonté de domination sur le corps de la femme. »
Kadosh. Le labyrinthe de Sion, Eithne O Neill, Positif, septembre 1999, n°463, p44-45
« Tous les intégrismes religieux se valent et se rejoignent dans la négation de l’individu, particulièrement des
femmes. (…)
En longs plans séquences vibrants et subtilement composés, le cinéaste, qui se positionne comme « israélien non
religieux », revendique une alternative laïque dans le déroulement de la vie quotidienne. (…)
Selon la loi religieuse chaque acte, même les plus communs comme se vêtir ou se nourrir, est systématiquement
jusqu’à l’exaspération, précédé ou suivi d’un rite gestuel ou d’une prière ; l’homme est fait pour étudier la Torah,
la femme pour enfanter et élever le plus d’enfants possibles.
Noël Tinazzi, Femmes broyées par l’intégrisme, La Tribune, 02/09/1999, p1
28
AUTOUR DU FILM .
1 - Contexte de production du film!: les tensions politiques et
sociales dans l’Etat d’Israël
La question politique au Moyen orient et en Israël
Paraphrasant un entretien préalablement cité d’Abdelwahab Medded sur l’intégrisme politique
(dans lequel l’auteur évoque également la question des communautés religieuses exilées dans
les pays occidentaux)!: «!Pour les «!modernes!» vivants dans l’espace (arabe) israélien la crise est
immense. Ils sont confrontés à ce que j’appellerais l’effet social et politique de «!l’accès sauvage (en opposition
à la tradition élitiste de relecture des Textes) à la lettre (coranique) hébraïque!», à cette volonté de retrouver la
pureté originelle du texte religieux, c’est-à-dire ce qui définit en premier toute forme d’intégrisme. Cette fiction
originelle d’être placé devant la parole même de dieu, renforcée par l’absence d’une véritable cléricature7
(islamique) hébraïque maîtrisant l’accès à la lettre (coranique) hébraïque, a rendu caduque la tradition
interprétative8 léguée par les classiques!».
Réplique à l’intégrisme, Entretien d’Antoine de Baecque avec Abdelwahab Medded,
Cahiers de Cinéma, n°517, octobre 1997, p40-41
C’est également la menace contre les fondements laïcs de son pays que souligne Amos Gitaï
dans ses interviews pour démontrer l’urgence de son film et d’une prise de conscience du
gouvernement et des populations.
«!J’ai voulu montrer un autre visage de la société israélienne!: celui de la religion et de ses contradictions. C’est
une question brûlante. Les élections des 17 mai et 1er juin prochain vont permettre de redéfinir précisément les
relations entre l’Etat laïc et les intégristes. Les religieux menacent la société civile. Israël doit garder un esprit
démocratique et une attitude plus rationnelle vis-à-vis du Moyen-Orient. Dans la diaspora, le judaïsme était
dispersé et décentralisé. Il y avait donc plusieurs interprétations d’un texte, d’un événement. Maintenant, il existe
un discours orchestré, unique. Une religion d’Etat à ambitions territoriales».
Amos Gitaï, le laïque, Le Figaro, 13/05/1999
Amos Gitaï est un réalisateur fervent partisan de la laïcité étatique, de la tolérance religieuse
et de la paix au Moyen-Orient.
7
La religion juive comme la religion musulmane, et en opposition avec les religions chrétiennes, ne possède pas
une hiérarchie unique concentrée.
8
Dans ses interviews, c’est avec humour et beaucoup de réflexion qu’Amos Gitaï inscrit la critique de son film
dans la tradition juive de critique des écritures ! L’auteur de la phrase, lui, fait référence notamment au
philosophe Arabe Averroès qui est le héros romancé du film Le Destin (1997) de Youssef Chahine.
29
Amos Gitaï!: la question de l’engagement du cinéaste au temps du
spectateur
«!Bien que résolument engagé, son cinéma n’a pas pour ambition d’être le reflet idéologique ou politique d’une
situation historique nouée et fort complexe. Mais ses films tentent de saisir certains nœuds, réels et symboliques,
autour desquels s’est constitué l’imaginaire collectif divisé dans cette partie du monde (…). Son cinéma travaille
à chaud l’événement, au sens fort du terme, tout en opérant un détour par la mémoire, par le texte ou par
9
l’histoire!».
Le cinéma d’Amos Gitaï, dont Kadosh est un exemple à la fois politique et plus intime (mais
le film nous montre bien à quel point l’intime est politique), est tout autant un cinéma
militant, confronté à l’asphyxie médiatique qui brouille les images internationales de son pays
et de sa population, qu’un véritable historien du contemporain capable d’ajouter aux dossiers
la vérité documentaire, la complexité de la mémoire, de l’identité, des engagements politiques
et sociaux et des projets d’avenir d’un peuple dont il travaille à propager la diversité.
Si Amos Gitaï conclut amèrement «!Elle (la société israélienne) a vite commencé à perdre
toute idée de projet collectif. Il y a une série de groupes aux objectifs très clairs!: les laïcs
fanatiques, les religieux, les Russes, etc… qui constituent autant de clans.!»10 je pense qu’il
sait que le devoir du spectateur contemporain de Pessac est d’abord de comprendre la
diversité de la communauté nationale israélienne avant de former son jugement, et cela pour
ne pas condamner l’Etat d’Israël tout entier et sa population.
Comme tous les laïcs du monde, Amos Gitaï regrette que l’utopie d’Israël qui a tenté de
rassembler le peuple de la Diaspora, ne soit plus guidée par «!un sentiment très fort de
solidarité, lié aux souffrances. Ils pensaient que cette longue histoire faite de souffrances avait
fait naître un lien au sein de cette communauté dispersée, un engagement collectif qu’ils
traduisaient en termes modernes, non religieux.!»11
Dans Kadosh, Amos Gitaï, l’historien, nous explique l’enjeu de la mémoire et les pratiques
d’une communauté traditionnelle qui perpétue une façon de vivre, vieille de plusieurs siècles,
et Amos Gitaï, le partisan, nous propose un jugement qui condamne le refus rétrograde et
destructeur de la modernité et de la laïcité.
«!En sondant l’espace d’une maison (House), puis plus tard d’une métropole (la trilogie des
villes), puis d’un texte (Esther, Berlin-Jérusalem ou Golem. L’esprit de l’exil), ou encore d’un
fait ou d’un événement historique (Kedma), le cinéma d’Amos Gitaï convie à découvrir une
autre mémoire, à écouter un autre récit, c’est-à-dire à nous faire entendre une autre
histoire.!»12
9
Exils et Territoires. Le cinéma d’Amos Gitaï, Serge Toubiana (et la coopération de Baptiste Piégay), Arte
Editions, Les Cahiers du Cinéma, 2003, introduction de Serge Toubiana, p4.
10
Exils et Territoires. Le cinéma d’Amos Gitaï, Propos d’Amos Gitaï recueillit par Serge Toubiana (et la
coopération de Baptiste Piégay), Arte Editions, Les Cahiers du Cinéma, 2003, p74.
11
Exils et Territoires. Le cinéma d’Amos Gitaï, Propos d’Amos Gitaï recueillit par Serge Toubiana (et la
coopération de Baptiste Piégay), Arte Editions, Les Cahiers du Cinéma, 2003, p70.
12
Exils et Territoires. Le cinéma d’Amos Gitaï, Serge Toubiana (et la coopération de Baptiste Piégay), Arte
Editions, Les Cahiers du Cinéma, 2003, p7.
30
2 – Des pistes autour du film
La beauté et la force des propos du film d’Amos Gitaï sont tels que Kadosh permet de lier un
travail approfondi d’analyse filmique sur les séquences, les choix de mises en scène et les
mouvements de caméra avec un travail civique de réflexion sur les questions de société issues
de la menace de l’intégrisme religieux.
Le cinéaste Amos Gitaï qui ne prétend pas posséder l’échelle de valeur acceptable du bien et
du mal, du permis et de l’interdit, se contente de souligner les contradictions et les dangers de
la religion.
Un film contre l’intégrisme
Tout pays devrait laisser place à de nombreuses manières de vivre sa religion. L’existence
d’un quartier orthodoxe n’est pas synonyme d’intégrisme. L’intégrisme naît quand une
communauté majoritaire ou minoritaire décide d’imposer sa foi et son mode de vie religieux à
toute la population.
Or, bien que la constitution du pays soit laïque, la constitution israélienne a subi de nombreux
changements sous la pression des partis de droite et l’on sait que l’existence même d’Israël
n’est pas étrangère à la reconnaissance d’une foi nationale, comme c’est le cas, nous pouvons
le noter, pour d’autres pays comme aux Etats-Unis (la religion chrétienne) ou en Iran (la
religion musulmane) par exemple, selon des modalités très différentes.
«!Les notions d’accomplissement individuel et de satisfaction personnelle ne sont pas du tout au centre des
préoccupations des religieux. Ce qui les intéresse, c’est la continuité de la communauté. Pour les
fondamentalistes, elle passe par la procréation.!»
La loi de Dieu, le joug des hommes, propos d’Amos Gitaï recueilli par Thierry Gandillot, L’Express, 26/08/1999
Le film dénonce deux dérives de l’intégrisme!: celui de la xénophobie sociale et celui de la
négation individuelle. Le film ne s’oppose pas en bloc au désir totalitaire de pureté de la
religion orthodoxe, dont il se plaît à filmer le rythme immuable, il souligne la tragédie
individuelle qu’il sécrète. Le spectateur laïc découvre ce monde de l’extérieur, mais quand on
perçoit ce qui meut les gens (peur de la modernité, transmission et sérénité de rites), cette
perception nous aide à les comprendre.
Le cinéaste tente de placer une frontière entre ce qui relève d’une réflexion salutaire sur
l’emprise de la société de consommation et des images et ce qui devrait justifier l’adaptation
moderne de la religion aux réalités contemporaines. Il développe tout au long du film des
arguments autour de la fascination nostalgique pour une identité unique et religieusement
réglée, du «!cannibalisme social!» des fanatiques religieux, du poids des religions
monothéistes (relevant d’une essence ou d’une survivance des sociétés traditionnelles!?) sur
les femmes et enfin autour de la menace politique sur la laïcité.
La dérive la plus visible de l’intégrisme religieux, et la plus grave au niveau politique, est
celle qui marque la volonté de bannir de la communauté ceux qui ne pratiquent pas la religion
comme ils l’entendent. Peu représentée dans le film d’Amos Gitaï, elle est perceptible dans le
discours prosélyte de Yossef qui est le seul moment de vie publique en dehors de la
synagogue. En outre, pour justifier la répudiation de Rivka, le rabbin agite aux oreilles de son
fils le spectre d’enfants soldats au service de la foi orthodoxe capable de vaincre les Autres.
31
Comme le souligne Amos Gitaï dans ses interviews successives, la pression des orthodoxes,
limitée dans les temps de Diaspora, profite en Israël d’un enjeu de politique nationale
(l’existence du pays) qui renforce cette menace interne. Les orthodoxes ne souhaitent pas
revenir à l’étude de l’histoire des juifs ou réformer la pensée religieuse, ils ne veulent que
revenir à des pratiques codifiées et une observance rigoureuse. Ils rompent avec des valeurs
culturelles ambiantes. Jérusalem exerce une sorte de fascination sur le milieu orthodoxe car
elle est une ville qui cristallise le combat de plusieurs religions. La négation des notions
modernes de bonheur, d’accomplissement et de satisfaction personnelle est au cœur du
système communautaire de la société théocratique. Le sacrifice de Rivka est le point de départ
d’une abnégation telle qu’elle conduit à la haine politique de l’Autre (le laïc ou celui qui
pratique une autre religion).
Ce film est un bon point de départ pour réfléchir sur la menace que représente pour elle-même
et pour les autres habitants une société religieuse autarcique qui n’admet pas la critique ou un
Etat religieux qui repose sur une foi unique et tourne le dos à la cohabitation politique et aux
destins individuels différents. Le film d’Amos Gitaï, respectueux de la dimension spirituelle
de la religion, souligne la contradiction d’une pratique de la religion, sensée apaiser
l’individu, qui en vient à le sacrifier.
À côté des questions philosophiques posées par le fanatisme, le film peut aussi être un point
de départ pour une réflexion historique sur l’histoire des religions. Chaque religion
monothéiste possède une histoire de l’obscurantisme et une tradition des Lumières, une lutte
politique et religieuse entre un courant obscurantiste et un courant moderne.
Un film féministe
«!La fille est à son père un cadeau empoisonné.
Il perd le sommeil de crainte qu’enfant, elle ne soit tentée
Jeune fille, elle succombe,
Femme, elle ne se marie,
Mariée, elle n’enfante point
13
Et vieille, ne s’adonne à la sorcellerie.!»
La lettre de la religion est inégalitaire pour les hommes et les femmes. Les textes religieux
canoniques des trois religions monothéistes ont fait de la femme un personnage secondaire
(80% des personnages de la Bible sont des hommes). Ce sont les hommes qui ont transmis et
écrit la lettre de la foi en direction d’une communauté mixte de croyants. Les trois religions
reconnaissent à la femme des devoirs de gestation et de transmission de la foi
(particulièrement dans la religion juive). Or, les nouvelles idées apportées sur les femmes par
le monde contemporain suscitent dans chaque religion une confrontation à la tradition pour
que les femmes de la communauté puissent pratiquer comme elles l’entendent, interpréter,
enseigner et transmettre.
La sexualité féminine est soumise à la loi du groupe dont les exigences sont axées sur la
préservation de la virginité, sur la pureté du corps et sur la procréation légitime. La sexualité
masculine ne connaît pas autant de tabous et de poids religieux sur la sphère intime. La
sexualité et les impositions aux femmes concernent trois facteurs!: la primauté ontologique de
13
Extrait de la Torah qui a été utilisé lors du tournage pour une scène coupée du film qui mettait en présence
Rivka et le rabbin. (La scène est présentée en bonus dans le DVD).
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l’homme sur la femme, la nécessité d’agrandir le groupe et l’assurance d’une descendance
légitime. Le monde des femmes demeure dans la religion celui des codes, des conventions et
de la violence.
Là encore le paradoxe de la religion juive se trouve dans la démesure entre la glorification de
la sexualité qui répond à l’ordre divin et la quantité des interdits et tabous qui l’entourent. Le
personnage de la gynécologue souligne l’ignorance de la pratique sexuelle des couples
orthodoxes sur «!les voies de l’amour!», «!les voies du consentement». Là encore, l’opposition
à la modernité implique l’ignorance des explications scientifiques comme l’ovulation. Cette
ignorance est un obstacle à une aide scientifique en faveur de la conception (dans le film) tout
autant qu’à la contraception.
Le film insiste en outre, avec le personnage de Malka, sur la contradiction entre un individuune femme - et la lettre des Textes sur son sexe, qui prétend que Rivka est une femme morte
si elle n’enfante pas.
Un film moderne
«!J’ai intercalé des éléments anciens et modernes en utilisant des phrases du Talmud comme des dialogues et en
l’intégrant dans la structure même du scénario.!»
Kadosh ou la kippa contre l’amour, Propos recueillis par François Jonquet, L’Evènement du Jeudi, 02/09/1999.
Kadosh se prononce pour une réflexion de chaque croyant sur la lettre et l’esprit de sa
religion. Le cinéaste a utilisé des paroles du Talmud où tout est dit de la vie quotidienne,
familiale et communautaire du croyant. Quand on sait que des textes aussi anciens dirigent la
vie quotidienne des croyants, il est bon de s’interroger sur l’évolution et le progrès technique
des sociétés (évoqué dans le film avec la voiture ou l’insémination artificielle).
L’aveuglement des sociétés orthodoxes correspond à une volonté d’arrêter le temps et de
refuser, à l’aune des évolutions techniques et sociales, de remettre en cause les préceptes
religieux. Témoin de cet aveuglement doctrinal, l’article du rabbin Philippe Haddad (Kadosh
ou le règlement de compte, La Croix, 21/09/99) qui, pour faire preuve de surenchère
talmudique, cite un extrait tronqué du Talmud où Hannah déclare à son bien aimé «!Ne suis-je
pas mieux que dix fils!?!». L’érudit a seulement omis de conter la suite de l’histoire où Dieu
donne un fils à ce couple stérile. Cette anecdote ne fait que renforcer les propos d’Amos Gitaï
qui se méfie de «!la lettre!» au profit d’une réflexion moderne sur «!l’esprit!» d’une religion et
sur la vie communautaire, deux concepts abordés en Terminale en classe de philosophie.
Ex!: La gynécologue cite une lecture à la lettre des exégèses («Tu ne répandras pas ta semence
en vain!») lue comme une interdiction de sécréter du sperme pour des raisons médicales. Mais
est-ce vain de lutter contre la stérilité quand on le peut!?
Un film sur les pratiques!religieuses
«!J’ai eu aussi envie de donner du sens et de la séduction à ce milieu.!»
Mea Shearim doit exister, Propos recueillis par Philippe Royer, La Croix, 01/09/1999
Ce film peut être l’occasion de recherches documentaires de trois genres totalement différents
mais chacune propice à davantage de compréhension entre les différents pratiquants et pour
tous les élèves.
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L’étude des pratiques quotidiennes des différentes communautés religieuses monothéistes est
un travail «!folklorique!» qui permet de souligner l’inscription historique des rites et les
similitudes entre chaque religion.
L’étude de la généalogie des dissidences religieuses de chaque grande religion monothéiste
est un travail historique de grande envergure qui peut introduire une réflexion sur les
séparations religieuses géographiques, culturelles et idéologiques. Ainsi, les différents foyers
religieux de peuplement de Jérusalem!: juifs ashkénazes, juifs séfarades, catholiques,
orthodoxes, grecs catholiques, maronites, protestants, arméniens, musulmans et druzes
représentent un beau kaléidoscope de la diversité religieuse dans le monde.
En outre, mais dans ce contexte il me semblerait favorable de montrer plutôt la totalité de la
trilogie des villes, il reste le problème de l’étude du conflit politique au Moyen Orient. Si
Kadosh évite ce sujet, suggéré par quelques images vidéos de manifestations intégristes qui
soulignent l’engouement et la tentation du radicalisme politique, il est important que ce film
ne soit pas une mauvaise pièce au dossier. Par contre, l’étude historique de la fondation
d’Israël et la question philosophique de la mémoire semblent pouvoir correspondre à des
questions de la part des élèves que le film aborde en creux.
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Petit lexique du judaïsme à destination des
profanes, des prosélytes et des pratiquants .
Ce lexique a été rédigé à partir du Dictionnaire et encyclopédie du judaïsme, Ouvrage
collectif la direction de Geoffrey Wigoder et Anne Goldberg (pour la traduction française),
Edition du Cerf, 1993.
Ablutions : Purification rituelle allant de l’immersion de tout le corps jusqu’à une
aspersion d’eau sur les mains. On retrouve cette pratique de purification dans la prière
matinale des hommes ou le bain des femmes après leur période de menstruation.
Adultère (Niouf) : un des 10 actes interdits par les 10 commandements
Amulette : Objet que l’on porte sur son corps ou à proximité pour conjurer le mal, naturel
ou surnaturel. Ces objets sont supposés, par leur origine, les inscriptions qui y figurent ou
par des associations spécifiques, avoir le pouvoir spirituel ou sacré d’écarter la malchance.
Le Talmud fait état de la pratique de prendre ou de porter en amulettes des parchemins
portant des inscriptions bibliques appropriées.
Barbe (interdiction de raser tout ou partie de la ) : Cette interdiction se fonde sur
le verset biblique suivant : « Vous ne tondrez pas en rond le bord de votre tête et tu ne
supprimeras pas le bord de ta barbe (Lv 19, 27)” (…) De nombreux juifs orthodoxes ne
coupent, ni ne taillent jamais les cheveux des tempes qui, alors, pendent des deux côtés du
visage (désignés par le terme hébraïque peol), ou sont assez longs pour être ramenés à
l’arrière des oreilles.
Bénédiction : L’idéal selon Rabbi Meïr consiste en ce qu’un juif récite chaque jour 100
bénédictions. Il existe quatre catégories de bénédictions :
- celle de la prière communautaire
- les bénédictions du plaisir (Birkhot ha-nèhènin) à prononcer avant et après avoir bu et
mangé, et avant de respirer des épices ou des parfums.
- Les bénédictions pour l’accomplissement des commandements (Birkhot ha-mitsvot) à
réciter en accomplissant un mitsvah (commandement) afin de démontrer que l’on
reconnaît et accepte les préceptes de D. (ex : la prière avant l’union conjugale, la
prière du mariage)
- Les bénédictions de gratitude ou d’action de grâce (birkhot hodaah) à réciter lorsqu’on
est témoin de phénomènes naturels ou d’événements exceptionnels, ainsi que diverses
bénédictions saisonnière, familiale ou liturgique (ex : prière aux parents, de la femme
enceinte, prière du matin)
En récitant consciencieusement les bénédictions prescrites, depuis le matin - avant toute chose
- et jusqu’à la nuit - après toute autre chose- le juif assume une forme unique de discipline
religieuse qui exprime un rappel constant de sa dépendance et de son obligation envers D.
35
Célibat : Selon la tradition juive, le mariage est un commandement, le célibat est considéré
comme une chose déplorable. Le premier précepte positif de la Bible est « Fructifiez et
multipliez vous. » (Gn 1, 28)
Chabbat (ou Shabbat) : 7ème jour de la semaine, jour de repos, l’un des fondements du
judaïsme (...) Selon les écrits bibliques, il est formellement interdit d’accomplir quelques
besognes que ce soit et de cuire des aliments.
Chantre (Hazzan en hébreux): Formé de manière à la fois vocale et liturgique, le
chantre remplit une fonction religieuse importante dans la synagogue.
Commandements (613) : 248 positifs et 365 négatifs transmis oralement par D. à Moïse
qui forment l’Alliance entre D. et son peuple
Corps : Contrairement à d’autres conceptions du monde, le judaïsme, ne considère pas le
corps comme une chose ignoble. Mêmes les fonctions physiques plus prosaïques requièrent
une action de grâce envers D. pour le remercier d’avoir créé le corps.
Couvrir (la tête) : Aucun genre de couvre chef n’est requis par la loi biblique. (…) En
gage de fidélité à la tradition juive, le port d’un chapeau ou d’une calotte s’est répandu parmi
les juifs depuis la seconde guerre mondiale. La Kipa ne répond donc pas à un stricte précepte
religieux. Si pour un homme, le fait de se couvrir la tête a longtemps été considéré comme
étant tout au plus un pacte pieux, pour une femme mariée, couvrir ses cheveux représente la
pudeur. Les épouses des Hassidims se font encore raser les cheveux avant leur noce et portent
ensuite un fichu (tikhel) qui leur couvre toute la chevelure. Aujourd’hui tandis que les femmes
orthodoxes portent perruques ou foulards, de nombreuses conservatrices et réformées ne se
couvrent la tête qu’à la synagogue.
D: Les quatre lettre hébreux qui forment le nom de dieu ne doivent pas être prononcées.
Diaspora (Galout) : Mot grec signifiant dispersion. A l’époque talmudique cet adjectif
présent dans la bible devient un nom propre désignant tout pays en dehors d’Erets Israël où
vivent des juifs.
Dans la pensée rabbinique, l’exil est un juste châtiment infligé à Israël. Au XIXème siècle, la
détérioration de la situation des juifs en Europe, conjuguée à l’éveil des nationalismes,
ranime l’espoir du qibboutts galouyot (le rassemblement des exilés).
Divorce : La bible ne permet le divorce qu’à l’initiative du mari. Selon le Talmud, « l’autel
verse des larmes pour l’homme qui répudie sa première femme. » (Sant, 22a) L’époque
talmudique a réglementé davantage le divorce en en précisant les contextes justificateurs. Un
couple resté sans enfants après 10 ans de mariage se doit de divorcer (les deux pourront se
remarier). Le refus de l’homme de remplir ses devoirs conjugaux est un motif agréé de
divorce.
Emancipation (l’) : période de l’histoire moderne qui correspond à l’intégration politique
des communautés israélites dans les pays d’Europe en faveur d’une égalité politique et en vue
de transformer le juif en un citoyen.
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Enfants : Le Talmud affirme que celui qui n’a pas d’enfant peut être tenu pour mort (Ned,
64 b)
Famille (pureté de la – Taharat ha-michpahah) : Ensemble des lois régissant les
relations sexuelles entre époux. Elles sont interdites au moment de la menstruation et pendant
les 7 jours suivants. Au terme de cette abstinence, la femme doit s’immerger dans un bain
rituel (miqveh). Elle est présumée s’unir à son mari la nuit même. Les juifs réformés rejettent
ces exigences halakhiques.
Femmes : Le rôle de la femme dans le judaïsme est influencé par la nature patriarcale de la
société. On la juge moralement et affectivement inapte à exercer un pouvoir dans les cercles
religieux et familiaux à égalité avec les hommes. Les écrits bibliques et talmudiques
circonscrivent la place de la femme au foyer et auprès des enfants. Les concepts et les prises
de position du féminisme et de la société moderne lancent un véritable défi à la tradition
religieuse et au statut liturgique de la femme dans la société. La société occidentale
contemporaine accorde à la femme une égalité croissante et reconnaît que même le principe «
séparé mais égal est, en fait, profondément inégal. C’est la raison pour laquelle des femmes
et des hommes interpellent la communauté juive pour qu’elle réexamine son attitude envers
les femmes. (..) Dans le contexte de la Halakhal, l’orthodoxie s’est avérée indésireuse ou
incapable d’opérer des changements fondamentaux. (…) Elle a créé ses propres valeurs
idéales pour la femme, et les valeurs du monde juif ne constituent pas pour elle une raison de
changement. (…) il n’est pas question d’appeler les femmes à la lecture de la Torah, ni de les
intégrer dans un quorum de culte régulier et encore moins de les ordonner rabbin.
Hassidisme (ou mouvement ultra orthodoxe) : Mouvement populaire de renouveau
religieux fondé au XVIIIème siècle en Podolie, (…) fondé à partir de petits groupes de
mystiques religieux particulièrement attentifs aux exigences de la vie religieuse qui
poursuivaient l’idéal de hassidout (sainteté). (…) En dépit de sa nouveauté, le hassidisme
apparaît moins comme une philosophie entièrement inédite du judaïsme que comme la mise
en relief de certaines idées présentes dans la bible, la littérature talmudique et surtout le
Zohar ou la Kabbale. On a vu dans ce mouvement un mysticisme populaire. (…) le hassid
apprend comment il convient de servir D. non seulement dans l’étude de la Torah et de la
prière, mais aussi dans tous les actes de la vie quotidienne et dans la conduite des affaires
profanes.
Le mouvement hassidique est en partie un mouvement de rébellion en opposition au
mouvement juif des Lumières. Il veut privilégier la prière et la dévotion répétitive et
quotidienne au détriment de l’étude critique des textes au nom d’une hiérarchie de la foi sur la
spiritualité élitiste des érudits et des intellectuels. Ce mouvement privilégie la porosité de la
frontière entre le sacré et le profane pour lutter contre leur séparation moderne. Ce
mouvement fut dès l’origine en conflit avec l’évolution des normes socio-religieuses. Il est
devenu ultra-orthodoxe et ses communautés de fidèle rescapés de la Shoah se sont installées
en priorité en Israël et aux Etat Unis.
Israël : Depuis la période romaine, la restauration de la souveraineté juive en Erest Israël
et le rassemblement des exilés sont devenus partie prenante intégrante de la vision
messianique du judaïsme. La réalisation contemporaine de ce rêve, coïncide avec la création
de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948. Les attitudes des interprètes du judaïsme face à cet Etat (…)
vont du refus de reconnaître en cet Etat une possibilité de rédemption jusqu’à l’acceptation.
Chacun d’entre eux s’appuie sur des textes de la tradition juive.
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Les orthodoxes opposants au sionisme refusent de reconnaître dans une création humaine le
possible départ d’une rédemption à partir de la tradition talmudique qui professe que D. a
obtenu la promesse qu’il (le peuple juif) ne regagnerait pas la terre sainte par la force des
armes (Ket, 11c). Ils stigmatisent la création d’une communauté regroupant des laïcs et des
non pratiquants.
Certains laïcs regrettent la création d’un Etat sur le regroupement d’une communauté
religieuse. Mais la plupart des orthodoxes, des laïcs, des pratiquants et des non- pratiquants,
ayant en mémoire le traumatisme de la Shoah et prenant état de fait de l’acquis que représente
la création du pays, se réclament du sionisme religieux, politique ou pragmatique.
Les religieux sionistes reconnaissent Israël comme Cheérit Yisraël (le reste d’Israël), c’est à
dire le lieu d’Alliance entre D. et son peuple après le grand châtiment du peuple juif pour ses
péchés.
La première loi fondamentale de l’Etat d’Israël, la loi du Retour, reconnaît en chaque juif
(toute personne de mère juive ou convertie au judaïsme) un citoyen potentiel de l’Etat
pouvant acquérir la citoyenneté en immigrant. (…) Après la guerre des 6 jours de nombreux
sionistes religieux décidèrent d’entrer en politique (…) Ils militent en faveur du Grand Israël
au détriment de la population arabe palestinienne. Ce sont eux les principaux artisans de la
colonisation des territoires occupés qui refusent toute terre sous administration arabe.
Minoritaires depuis la création de l’état laïc jusqu‘aux années 60, ils ont pris leur revanche
depuis 1977 avec le début des succès politique du parti du Likkoud.
Terre d’Israël : La bible évoque la terre de Canaan comme celle promise par D. à
Abraham et à sa descendance. Les juifs y vécurent sous domination perse, syrienne, puis
autonome et enfin romaine. C’est l’empire romain qui renomma la terre, terre de Palestine.
Peu de juifs restèrent en Palestine sous la domination romaine puis chrétienne. Néanmoins, le
peuplement juif a toujours existé. Beaucoup de juifs en Palestine se consacrèrent à la prière et
à l’étude et furent entretenus par les juifs de la diaspora. Le mouvement sioniste, fondé à la fin
du XIXème siècle, contribua à la reconnaissance de l’existence d’un foyer juif et à la
proclamation de l’Etat d’Israël en 1948.
La notion de sainteté de la terre d’Israël a toujours appartenu à la tradition juive. On la
perçoit dans la littérature et la liturgie. La première brèche religieuse à l’encontre de l’accord
général qui existait sur la question de l’importance de la terre d’Israël est imputable au
mouvement de la réforme (XIXème siècle) qui ôtait au pays sa valeur sacrée en faveur de
l’émancipation des juifs dans leur pays de diaspora. Le sionisme religieux et le sionisme
politique sont nés en partie en réaction à cet abandon liturgique.
L’orthodoxie, sioniste ou non sioniste, se voue au retour des juifs sur la terre!(…) le point
problématique étant de savoir s’il faut ou non l’intervention divine afin que ce retour
s’accomplisse.
Israélite : Terme moderne du XIXème siècle qui tente de séparer la dimension ethnique du
mot juif pour valoriser un terme confessionnel.
Jérusalem : Capitale d’Israël et ville sainte du peuple juif. L’importance déterminante de
la ville remonte aux décisions politiques et religieuses du roi David. (Second et plus
important roi d’Israël). Il y transféra l’arche d’Alliance et la ville devint la capitale religieuse
et politique du peuple israélite. (…) D. fit la promesse à David d’une dynastie éternelle.
Salomon, fils de David, construisit le premier temple de Jérusalem qui cimenta l’association
entre D. et son peuple. Jérusalem est présente dans la liturgie rituelle. Il décida également
38
que la ville recueillerait le seul sanctuaire autorisé. L’occupation romaine détruisit le Temple.
Seul demeure aujourd’hui, le soutènement du Temple, appelé Mur Occidental par les juifs et
Mur des Lamentations par les non-juifs. C’est un lieu de prières et de deuils privilégié.
Jérusalem, sous domination arabe du XIIIème siècle au XXème siècle, est également un lieu saint
musulman.
Après le mandat britannique de 1917, le premier gouvernement d’Israël fit de Jérusalem sa
capitale et y installa la Knesset (le parlement israélien). La guerre d’indépendance de 1948
sépara la ville en deux : Jérusalem Ouest pour les israéliens et Jérusalem Est pour les
Jordaniens. La ville fut réunifiée en 1967 après la guerre du Kippour et un large parvis fut
dégagé autour du mur.
Judaïsme : Première (dans un sens chronologique) des religions monothéistes. Elle possède
différents courants :
- Le judaïsme conservateur est fortement attaché aux aspirations religieuses juives et au
sionisme
- Le judaïsme orthodoxe, né à la fin du XVIIIème siècle en réaction à l’Emancipation et
au judaïsme réformé, rejette l’érudition critique et l’investigation scientifique des
Lumières du judaïsme. Il s’en remet à une interprétation rigoureuse et rigide des
textes. Ces pratiquants se prétendent divinement inspirés.
- Le judaïsme réformé né sous l’impulsion des Lumières juives favorisait l’abandon de
la langue hébreu et des aspirations messianiques nationalistes au profit d’une pratique
personnelle conciliable avec la citoyenneté en Diaspora. Ce courant nie le caractère
immuable de la loi écrite et se méfie d’une définition ethnique des israélites. Il a
inspiré le judaïsme libéral.
- Le judaïsme libéral (ou progressiste) aspire à la compatibilité de la foi et des
Lumières. Il mène un combat incessant pour être reconnu par l’Etat d’Israël.
- Le judaïsme humaniste laïc est moins un courant religieux qu’une philosophie critique
opposé aux fondements théocentriques du judaïsme. Tout en continuant à reconnaître
et revendiquer une identité culturelle historique en évolution, ce mouvement
philosophique abandonne les pratiques liturgiques, voir la vie religieuse organisée en
embrassant une représentation agnostique ou athée du monde. Une partie du sionisme
politique contemporain s’est développée dès le XIXème siècle comme un mouvement
laïc s’identifiant à l’histoire et à la culture du peuple juif sans toutefois demeurer
pratiquant.
Loi écrite (ou la Torah): Elle correspond aux textes recueillis par Moïse, et par
extension à tout l’ancien testament. La tradition rabbinique affirme que la loi écrite ne se
suffit pas à elle même et nécessite une interprétation orale (la loi orale).
Mezuzah : petit étui de métal fixé sur les portes d’entrée des maisons et qui contient un
passage de la Torah.
Mishnah : Première compilation rabbinique.
Pourim : fête mineure qui commémore le salut des juifs dans l’empire perse.
Rabbinique : Adjectif qui correspond aux interprétations successives des religieux juifs
(Lévites puis rabbins).
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Après la destruction romaine du Temple de Salomon, seul lieu sacré accepté, la communauté
juive a mis en place le culte synagogal et l’étude de la Torah. Les Yeshivots (ou écoles
rabbiniques) ont écrits la Mishnah, le Talmud et la Kabbale. Sous l’Emancipation, qui
redonna en Europe une visibilité au judaïsme, la formation des dirigeants religieux juifs fut
peu à peu transféré hors des Yeshivot traditionnels où l’enseignement était limité à la Torah au
profit de séminaires rabbiniques qui composaient avec l’éducation moderne. Les juifs
orthodoxes et les juifs réformés s’y opposèrent.
Relation entre les religions : Les populations ont toujours été en contact les unes avec
les autres. Pourtant, avant le XXème siècle, les relations officielles entre les trois monothéismes
n’existaient pas.
Dès le XVIIème siècle (avec Spinoza notamment) certains penseurs juifs et chrétiens
occidentaux ont réfléchi sur le déisme et rapproché ces deux monothéismes. Leur influence
sur les communautés religieuses a toujours été très réduite car ces penseurs étaient
soupçonnés de privilégier une vision du monde sécularisée.
Après la Shoah, les Eglise catholiques (L’encyclique papale Nostra Aetate sur les relations
avec les religions non-chrétiennes de 1965 abandonne la doctrine de la responsabilité
permanente(!) de l’ensemble du peuple juif dans la mort de Jésus) et protestantes, dont les
enseignements ont longtemps véhiculé des doctrines antisémites, condamnent publiquement
l’antisémitisme.
Les populations juives et musulmanes partagent des territoires communs depuis l’antiquité et
le Moyen âge en Espagne, en Afrique du Nord et au Moyen Orient. L’hégémonie politique de
l’Islam a engendré des attitudes diverses, selon les dirigeants politiques et les affres
économiques, face à la population juive.
L’Etat d’Israël (et le contrôle des lieux saints de Jérusalem) est un enjeu de poids dans le
dialogue des trois religions. Le Vatican n’a reconnu l’Etat qu’au milieu des années 90. Le
dialogue est coupé avec les communautés musulmanes depuis la création de l’Etat d’Israël. La
réunification des lieux saints, la « diaspora » palestinienne, la radicalisation politique de l’Etat
d’Israël depuis l’assassinat de Rabin et la volte face du pays quant aux mesures en faveur du
processus de paix, ont éloigné l’espoir futur d’un dialogue politique mais aussi d’un dialogue
entre l’Islam et le Judaïsme.
Stérilité : Dans la bible, c’est une malédiction divine. Les 3 matriarches (Sarah, Rébecca et
Rachel) qui ont eu du mal à devenir mère, ont toutes eu besoin d’une intervention divine.
C’est un motif de divorce après 10 ans de mariage. Le mari se doit de divorcer (Yes 64 a)
pour avoir un enfant mâle.
Tallit : châle rectangulaire à franges que seuls les hommes portent pendant certaines prières.
Talmud (ou Loi orale): Enseignement dérivé de l’exégèse biblique et qui fait la
spécificité de l’interprétation juive de l’enseignement biblique monothéiste. Les évangiles du
nouveau testament en sont les interprétations chrétiennes et le Coran en est l’interprétation
musulmane.
Le cœur du Talmud est la Mishnah. Ensuite, s’adjoint les enseignements rabbiniques de la
Guemarah.
Tefillin (phylactères) : 2 petites boîtes en cuir contenant 4 passages bibliques que les
hommes portent dès l’âge de treize ans (majorité religieuse des juifs) au bras gauche et sur la
tête pendant l’office du matin en semaine.
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Torah (la loi écrite) : Nom hébreu du pentateuque (cinq premiers livres de la bible :
Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome).
L’étude la Torah est obligatoire pour les hommes.
Tribus (12) : Division originale des Israélites en tribus remontant aux 12 fils de Jacob
(Israël). Après la mort du roi Salomon, elles se sont divisées en deux royaumes : le royaume
de Juda au Sud et le royaume d’Israël au Nord.
Tsitsit (frange) : Sous vêtement garni de franges aux quatre coins porté par les juifs
pratiquants à partir de 30 ans.
Yeshiva (pluriel Yeshivot) : Centre religieux d’étude talmudique.
Sionisme : Mouvement national et / ou religieux en faveur de l’installation du peuple juif
en Palestine. Fondé sur le précédent biblique, ce mouvement moderne participe des idées
européennes nationalistes du XIXème siècle. Aujourd’hui le sionisme regroupe deux visions
différentes : un sionisme socialiste et laïc qui a prévalu à la naissance d’un foyer de
peuplement en Palestine dès le début du XXème siècle et à la création de l’Etat ; et un sionisme
religieux qui a des racines historiques moins importantes mais plus anciennes.
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BIBLIOGRAPHIE ??
Livres d’histoire et Essais d’histoires religieuses
Entre la Bible et l’Histoire!: le peuple hébreu, Mireille Hadas- Lebel, Gallimard, collection
Découvertes, 1997
Histoire des juifs Sépharades!: De Tolède à Salonique, Esther Benbassa et Aron Rodrigue,
Points Histoire, 2002
Histoire juive de la révolution à l’Etat d’Israël. Faits et documents, Renée NeherBerheim, Points Histoire, 2002
Histoire universelle des juifs, Elie Barnavi et Denis Charbit, Hachette Littératures, 2002
Israël. De Moïse aux accords d’Oslo, L’Histoire (articles rassemblés de la revue), Points
Histoire, 1998
Israël imaginaire, Jean Christophe Attias et Esther Benbassa, Flammarion, 1998
Le judaïsme, Jocelyne Lenglet Ajchenbaum et Yves-Marc Ajchenbaum, Folio, Collection Le
Monde / Folio Actuel, 2000
Les Juifs ont-ils un avenir!?, Jean Christophe Attias et Esther Benbassa, Edition JC
Lattès, 2001
Le monde juif, Jean Yves Camus et Annie Paule Derezansky, les Essentiels Milan, 2001
Monothéisme et Tolérance. Colloque du C.R.J.M, Ouvrage collectif sous la direction de
Michel Abtibol et Robert Assaraf , Albin Michel, 1998
Pour comprendre les pratiques religieuses des Chrétiens, des Juifs et des Musulmans, Isabelle
Lévy, Presses de la Renaissance, 2002
La religion et la démocratie, Marcel Gauchet, Gallimard, 1998
La religion en Occident, Daniel Dubuisson, Bruxelles, Complexe, 1998
Le retour des juifs dans l’histoire, Shmuel Noah Eisenstadt, Complexe, 2002
La revanche de Dieu!: chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde, Gilles Kepel,
Points, septembre 2003
Dictionnaires
Dictionnaire et encyclopédie du judaïsme, Wigoder Geoffrey (ss dir), Goldberg Anne (ss
dir pour la version française), Editions du Cerf, 1993
Dictionnaire de la civilisation juive, Jean Christophe Attias et Esther Benbassa, Larousse,
1997
Les juifs et le XX ème siècle. Dictionnaire critique, Elie Barnavi et Saul Friedländer, CalmantLévy, 2000
Revues de cinéma et livres spécialisées
Les Cahiers du Cinéma, n°523, entretien de Serge Toubiana
Les Cahiers du Cinéma, n°532, février 1999
Les Cahiers du Cinéma, n°536, juin 1999
Les Cahiers du Cinéma, n°538, août 1999
Exils et Territoires. Le cinéma d’Amos Gitaï, Arte Editions, Collection Les Cahiers du
Cinéma, 2003
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Nota!: La sur-représentation des écrits d’Esther Benbassa (Directrice d’études à l’Ecole
pratique des Hautes Etudes, professeur d’histoire du judaïsme moderne) et Jean Christophe
Attias (Directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, professeur d’histoire du
judaïsme rabbinique (VIème- XVIIème siècle) découle d’une volonté d’utiliser et de diffuser un
discours critique contemporain d’histoire et de sociologie du judaïsme particulièrement
stimulant et pertinent.
Ce dossier a été réalisé par Claudine Le Pallec Marand, diplômée d’un DEA d’histoire sociale
contemporaine sur le féminisme, actuellement en seconde année du DESS «!Conservation et
Valorisation des patrimoines cinématographiques et des mémoires audiovisuelles!» à
l’Université de Paris VIII Vincennes - Saint Denis.
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