FRANÇOISE LE BORGNE-UGUEN ET MURIEL REBOURG
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la diversité mais aussi la fragilité et l’inégalité de l’entraide familiale. Quelles sont
les conditions normatives et matérielles de la préservation de choix pour les
différents acteurs et probablement pour certains plus que pour d’autres ? Il s’agit
de quitter une vision substantialiste des solidarités tout en examinant les formes,
l’importance de leurs contenus et leurs remaniements. S’éloigner d’une vision
naturalisée de solidarités, enchantées ou défaillantes, pour interroger les usages
indigènes de ce terme. Cet ouvrage actualise cette analyse à propos de plusieurs
situations pour lesquelles l’intervention des parents est attendue, voire requise.
Les travaux des auteur(e)s réuni(e)s envisagent particulièrement les effets de
l’entraide sur les individus et certains membres de leur parenté, les transferts
obligés en direction de certains parents, dans un contexte de pression et de
recomposition de l’intervention de l’État. Au-delà des lois et des droits, un appel
à la responsabilisation des acteurs se renforce, en particulier pour les individus
éloignés des protections liées au salariat continu et stable. L’action déployée par
l’État peut être analysée selon deux directions. D’une part, l’État, dans sa rencontre
avec les citoyens, cherche à mobiliser les valeurs et normes de la responsabilité
vis-à-vis de soi et de l’engagement vis-à-vis d’autrui. De l’autre, par les politiques
sociales, l’État vise à empêcher que les nouvelles formes familiales, lorsqu’elles se
conjuguent avec de la précarité économique, n’affaiblissent ou fassent disparaître
les liens des individus à leur parenté et à la société. Souci de cohésion sociale
et de mobilisation familiale s’élaborent en continuité. Face à la promotion de
droits individuels, d’une société d’individus responsables et autocontrôlés, les
sociologues identifi ent les effets des modes de régulation adoptés, en repérant les
inégalités, selon le genre, les âges, les parcours personnels, familiaux et sociaux.
Les différents chapitres rendent compte de tensions dans la mise à l’œuvre de
services fournis par les familles et par d’autres réseaux sociaux, permettant de
saisir l’enchâssement entre différentes normes et formes de solidarités. Le terme
de solidarité sociale, publique ou socialisée, recouvre les liens des individus à
la société. Par distinction, différents usages, indigènes et scientifi ques, du terme
de solidarité familiale sont proposés par plusieurs auteurs, juristes et sociolo-
gues. Ils éclairent ainsi: «La seule véritable question que pose, au plan descrip-
tif, l’usage d’une unique catégorie englobante de “solidarité familiale”…: elle
mêle des échanges ou transferts très différents, puisque certains font partie de la
défi nition même des liens de parenté comme liens institués tandis que d’autres à
l’inverse n’en font pas partie, voire s’y opposent tout à fait sciemment» comme le
souligne I.Théry (2007). Ces formes de l’entraide restent trop souvent étudiées
de manière segmentée, mis à part de récents travaux qui permettent de penser
«l’écart entre les principes moraux de solidarité auxquels les individus restent
attachés et les conditions réelles d’application de ces principes, lesquels sont
variables d’une société à une autre» (Paugam, 2007).
Une forte activité de soutien, acquise implicitement ou sous contrainte de la
loi, se généralise du fait de la diversité des moments du parcours de vie durant
[« Logique du délire », Jean-Claude Maleval]
[ISBN 978-2-7535-1331-0 Presses universitaires de Rennes, 2011, www.pur-editions.fr]