Annales FLSH N° 19 (2015)
1
REFLEXIONS SUR LA SCIENCE MODERNE ET LA
MORALE PERSPECTIVES ANTHROPOLOGIQUE
ET ETHIQUE
Par
BONGILO BOENDY
1
et
BEKEKA LIKANE
2
ABSTRACT :
« Essay on modern science and moral: Anthropological and ethical
perspectives”.
The present work is an essay on modern science and moral. It
tempts to tackle the moral crisis to the technical civilization which
more and more alienates man.
This is easily observed in the fact that man overpowered by
science technology and political organization, is in conflict with
himself and with society.
Viewed under this aspect and immoral, illicit and thus
unacceptable, both in individual and in societal, each action which is
to be directed to unity which is liberty of universal reason.
In fact, the instrumentalization of modernity in service of
efficiency and material progress seems to be not sufficient even
though it leads to abundance, but without ensuring humanization of
man.
0. INTRODUCTION
Le problème éthique ou moral est incontournable à l’homme et
à la société. Ceci se remarque par le fait que sans morale, il n’existe
pas de société véritablement humaine, pas de progrès scientifique
véritable ni durable. La question morale ne concerne que l’homme
en tant que personne dotée de conscience et de raison pour connaitre
et choisir ce qui convient. En toutes ses actions, il a les facultés de
savoir et d’agir selon ses désirs et finalités. En son agir, il sait
distinguer le vrai et le faux, l’utile de l’inutile, l’essentiel de
l’accessoire, le bien du mal.
1
Professeur à l’Université de Kisangani
2
Assistant à l’Université d’Ikela
Annales FLSH N° 19 (2015)
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Comme on le voit, seul l’individu se veut moral, c’est-à-dire
universel dans son action morale. Vue sous cet angle, est immorale,
illicite et donc inadmissible tant sur le plan de l’individu que de la
société, toute action qui n’est pas dirigée vers cette unité qu’est la
liberté de la raison universelle. Est inadmissible, toute action dont
l’intention vise autre chose que la réalisation de cette liberté
raisonnable dans le monde de l’individu empirique. En d’autres
mots, est inadmissible toute action dont « la maxime est celle de
l’être particulier du désir, de l’intérêt individuel et qui traite l’être
infini et raisonnable comme seulement fini, le transformant ainsi en
instrument et objet » (E.WEIL, 1969, pp.56-57)..
En fait, ce qui intéresse l’individu, ce n’est pas une théorie des
morales, ni un système des règles positives considéré comme un
système parmi d’autres ; ce qu’il veut, c’est une morale qui soit
valable seulement pour telle ou telle communauté, mais valable
universellement. A la suite de RUSS, la morale renchérit,
BONGILO « reste un effort dans la recherche qui nous conduit vers
la sagesse et le bien » (BONGILO BOENDY, J. F., N°16, 2012,
p.206). La sagesse, cette culture cumulée qui donne à l’homme la
connaissance de mener une vie ordonnée conduit à la recherche du
bien acceptable par tous.
Dans le cadre de cette réflexion, le problème posé est
considéré sous l’aspect éthique. Car le problème éthique surgit
justement parce que l’homme gagné par la science, la technique et
l’organisation politique est en conflit avec lui-même et avec la
société. C’est ainsi qu’il faut dégager les rapports entre individu et
société pour comprendre de façon critique le problème, car la vie de
la personne est indiscutablement tache personnelle et engagement
communautaire.
Cet essai tente de cerner la crise morale occasionnée par la
civilisation technique qui aliène davantage l’homme.
Pour mieux la saisir, ce texte se focalise sur trois points
essentiels : Nous aborderons tour à tour la négation du sujet moral, la
valeur éthique du travail, et enfin la problématique actuelle de la
bioéthique vis-à-vis de la science moderne.
I. LA NEGATION DU SUJET MORAL
Pour appréhender davantage la civilisation technique, nous
nous inspirons « des principes directeurs tels qu’ils sont véhiculés
dans la société moderne par le philosophe Eric WEIL (Op.cit,
p.57)». Mais le premier constat qu’il fait sur la civilisation technique
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moderne est que celle-ci considère la négation du sujet moral comme
un de ses postulats. En effet, dans le projet même qu’elle poursuit, la
civilisation technique omet d’envisager autrement l’homme que
comme un prolétaire (ouvrier).
I.1. Caractéristiques de la société moderne
I.1.1. La société moderne est matérialiste
En principe, pour toute société moderne, toute la vie sociale,
c’est-à-dire l’organisation aussi bien du travail social que des
institutions sociales ne dépend ni des facteurs spirituels, ni des
facteurs historiques (traditionnels) mais uniquement des facteurs
matériels à savoir la richesse sociale, l’état des techniques et la
forme de son organisation. En d’autres termes, la vie dans la société
moderne dépend essentiellement des facteurs qui peuvent permettre
à cette société de combler les besoins matériels de l’ensemble de sa
population.
I.1.2. La société moderne est calculatrice
Parmi les concepts qui caractérisent la société moderne, la
domination systématique de la nature est peut être celui qui exprime
le mieux la modernité de cette société. En effet, toute l’activité de la
société moderne ne vise qu’un seul but : rendre plus systématique et
donc plus efficace la domination de l’homme sur la nature. Pour une
meilleure appréhension de la société moderne considérée comme
calculatrice le problème résulte de ses rapports avec la nature
extérieure, car, toute société cherche à transformer ce qu’elle y
trouve afin de satisfaire les besoins primordiaux de ses membres. Or,
si cette transformation est commune à toute société, même à celle de
type traditionnel, il existerait dans ce processus un moment ou la
société chercherait non seulement à lutter de façon statique et
défensive (E.WEIL, 1956. MOLES et A.NOIRAY, 1972, pp.654-
697) contre la nature mais, aussi à modifier de façon permanente ses
procédés de transformation. Ce qui rend cette lutte agressive. Il est
certain que ce que vise la société par cette transformation de ses
méthodes de travail est essentiellement l’efficacité.
Ainsi, parlant de la transformation de l’idée de liberté dans la
société moderne, industrielle, A. MOLES et André NOIRAY ont
écrit : « le pouvoir sur le monde est la nouvelle dimension de notre
liberté. Celle-ci a cessé d’être ce libre arbitre, pouvoir de choix
abstrait sur lequel dissertaient les métaphysiciens, elle est de moins
en moins ce droit d’user et d’abuser par lequel on caractérisait
autrefois la sphère personnelle de l’homme. Elle se mesure
aujourd’hui, très pragmatiquement, en unités d’espace, de temps,
d’énergie, elle s’exprime en termes de puissance, de vitesse, de
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précision, de rendement… » (A. MOLES et A. NOIRAY, op.cit.,
p.655). Ces auteurs cités ci-haut estiment que l’idée vague de
progrès (vers quoi ?, Pour qui ?) est remplacée par l’axiome
concret : ce que la machine fait mal aujourd’hui, elle le fera bien
demain. Ce qui implique l’idée d’une perfectibilité indéfinie des
entreprises humaines. Dans le même ordre d’idée, il y a lieu de
signaler la perspective nouvelle de l’idée de nature. Loin d’être cette
réalité intangible séparée de l’homme, la nature est aujourd’hui
perçue comme le milieu, l’environnement dans le quel se déroulent
la vie et les activités de l’homme qui, aujourd’hui a comme
principale ambition de réaliser ses rêves, ses mythes d’hier par
l’asservissement de la nature à sa loi. De ce fait, grâce à la science,
l’homme réalise progressivement ce qui, hier n’était que mythe :
« Icare est le mythe de l’aviation, Babel est le mythe de la machine à
traduire, Prométhée celui de l’énergie atomique, Golem est le mythe
de la Cybernétique » (TSHIBANGU WA MULUMBA, 1978,
p.319-329).
Toutes ces réalisations d’ordre scientifique et technique ont
créée un impact tel que la société moderne est devenue calculatrice
dans le sens qu’elle vise dans toutes ses actions et son organisation,
c’est-à-dire dans le rendement social, à une plus grande efficacité.
I.1.3. La société moderne est mécanisée
Pour mieux situer l’aspect mécaniste, il faut partir de ce que la
société moderne cherche à atteindre. On l’a dit, ce qu’elle vise, c’est
l’efficacité dans sa domination sur la nature. Si en tant que
calculatrice, la société moderne vise le même but, en tant que
mécaniste, elle cherche par quel processus elle peut parvenir à cette
maximisation de sa victoire sur la violence de la nature.
Comme tout groupe humain, la société moderne a ses
problèmes. On pouvait mentionner le problème des loisirs, celui de
la libération de la société, de la violence de la nature, celui de la
division du travail, celui enfin de la coexistence des facteurs
historiques et modernes dans la société actuelle.
Alors que, pour résoudre ces problèmes, les communautés «
traditionnelles » s’appuient sur des données et des valeurs de leur
univers essentiellement magico-religieux, la société moderne essaie
quant à elle d’intégrer ces problèmes dans sa recherche des voies et
moyens en vue de parvenir à une plus grande domination de la
nature.
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Du coup, tous les problèmes qui ne peuvent pas relever du
mécanisme du travail social apparaissent comme illégitimes et sont,
de ce fait, considérés comme des faux problèmes. Car ils ne
permettent pas aux hommes de la société moderne de mieux vivre,
c’est-à-dire, d’être à l’abri de la violence.
Des lors, on peut dire que ce qui intéresse la société moderne
en tant que mécaniste, en principe, ce n’est pas la recherche d’une
finalité qui serait pour ainsi dire inscrite dans le travail humain, mais
c’est le résultat à obtenir tel qu’il est par la rationalité même du
travail sociale.
I.2. L’individu et la société
I.2.1. De l’individu comme combattant
Vivant dans une société dont nous venons de brosser les
principes implicites, l’individu en subit en quelque sorte les contre
coups : il se trouve comme renchérit E.WEIL, « en face d’un
mécanisme (d’un système de lois) auquel il est soumis et sur lequel
en même temps il s’appui pour acquérir une place dans la société »
(E. WEIL, p76).
En fait, face à la violence de la nature, la société moderne a
réussie à organiser des forces dont elle dispose, afin que, par le
travail collectif de ses membres, elle parvienne à vaincre la
résistance de la nature et par conséquent, à procurer à la majorité de
la société ce dont elle a besoin pour vivre pour durer. On voit dès
lors se dessiner la place et le rôle que doit jouer l’homme comme
individu dans le mécanisme social.
En effet, vivant dans la société, l’individu se trouve, comme on
dit, prêt dans le mécanisme social. C’est ici qu’il se découvre vivre
et s’exprime comme individu. Pour ce faire, il doit chercher à
connaitre, non sous leur forme théorique mais sous leur aspect
technique, les lois du fonctionnement de ce mécanisme. Car seule
cette connaissance peut lui permettre d’agir sur les anciens
mécanismes.
De ce qui précède, il ressort que tout individu occupe dans la
société moderne une place bien déterminée. Celle-ci s’exprime par le
rôle qu’il y occupe, celui de combattant, c’est-à-dire d’une force
brute ou intelligente utilisable par la société dans sa lutte contre la
violence de la nature. Comme individu, l’homme est donc conscient
que pour la société, ce n’est pas ce qu’il est lui-même, c’est-à-dire
son individualité qu’il intéresse. Il sait aussi qu’il ne peut participer
aux bénéfices du travail collectif que dans la mesure où il aura
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