Annales FLSH N° 19 (2015)
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moderne est que celle-ci considère la négation du sujet moral comme
un de ses postulats. En effet, dans le projet même qu’elle poursuit, la
civilisation technique omet d’envisager autrement l’homme que
comme un prolétaire (ouvrier).
I.1. Caractéristiques de la société moderne
I.1.1. La société moderne est matérialiste
En principe, pour toute société moderne, toute la vie sociale,
c’est-à-dire l’organisation aussi bien du travail social que des
institutions sociales ne dépend ni des facteurs spirituels, ni des
facteurs historiques (traditionnels) mais uniquement des facteurs
matériels à savoir la richesse sociale, l’état des techniques et la
forme de son organisation. En d’autres termes, la vie dans la société
moderne dépend essentiellement des facteurs qui peuvent permettre
à cette société de combler les besoins matériels de l’ensemble de sa
population.
I.1.2. La société moderne est calculatrice
Parmi les concepts qui caractérisent la société moderne, la
domination systématique de la nature est peut être celui qui exprime
le mieux la modernité de cette société. En effet, toute l’activité de la
société moderne ne vise qu’un seul but : rendre plus systématique et
donc plus efficace la domination de l’homme sur la nature. Pour une
meilleure appréhension de la société moderne considérée comme
calculatrice le problème résulte de ses rapports avec la nature
extérieure, car, toute société cherche à transformer ce qu’elle y
trouve afin de satisfaire les besoins primordiaux de ses membres. Or,
si cette transformation est commune à toute société, même à celle de
type traditionnel, il existerait dans ce processus un moment ou la
société chercherait non seulement à lutter de façon statique et
défensive (E.WEIL, 1956. MOLES et A.NOIRAY, 1972, pp.654-
697) contre la nature mais, aussi à modifier de façon permanente ses
procédés de transformation. Ce qui rend cette lutte agressive. Il est
certain que ce que vise la société par cette transformation de ses
méthodes de travail est essentiellement l’efficacité.
Ainsi, parlant de la transformation de l’idée de liberté dans la
société moderne, industrielle, A. MOLES et André NOIRAY ont
écrit : « le pouvoir sur le monde est la nouvelle dimension de notre
liberté. Celle-ci a cessé d’être ce libre arbitre, pouvoir de choix
abstrait sur lequel dissertaient les métaphysiciens, elle est de moins
en moins ce droit d’user et d’abuser par lequel on caractérisait
autrefois la sphère personnelle de l’homme. Elle se mesure
aujourd’hui, très pragmatiquement, en unités d’espace, de temps,
d’énergie, elle s’exprime en termes de puissance, de vitesse, de