
Fiche pédagogique 
Texte d’un projet de loi du Dr Philippe Grenier, député de Pontarlier, présenté à la Chambre 
des députés en 1897 
1. Le texte  
 
Durant  les  dernières  années  du  XIXe  siècle,  Philippe  Grenier,  député  du 
Doubs  (Pontarlier),  propose  de  faire  appel  aux  troupes  coloniales  pour 
compenser  l’isolement  stratégique  de  la  France  face  à  l’Allemagne.  Le  6 
mars 1897, il dépose devant la Chambre des députés une proposition de 
loi (n° 2324) concernant la Défense nationale. Ph. Grenier remarque que 
la position stratégique de la France est, à l’époque, compromise. Elle doit 
faire  face,  seule  à  l’Ouest,  à  la  Triple-Alliance  qui  réunit  l’Allemagne, 
l’Autriche-Hongrie  et  l’Italie.  La  France  n’est  en  effet  l’alliée  que  de  la 
Russie  tsariste.  À  l’époque,  les  relations  avec  la  Grande-Bretagne  sont 
extrêmement  tendues,  à  cause  de  la  concurrence  des  deux  empires 
coloniaux en Afrique notamment, comme le montrera, en 1898, l’incident 
de  Fachoda.  Dans  cette  ville  du  Soudan  actuel,  située  près  du  Nil,  le 
capitaine Marchand  plante le drapeau français alors que, sous les ordres 
de  Kitchener,  des  troupes  britanniques,  bien  plus  nombreuses  que  les 
militaires  français,  remontent  le  Nil ;  les  Français,  sur  les  ordres  du 
ministre Delcassé, se retireront, préparant ainsi l’apaisement ultérieur des 
relations  franco-britanniques.  D’autre  part,  la  démographie  française  est 
alors en crise, et la France est bien moins peuplée que l’Allemagne, à la 
guerre contre laquelle tout le pays se prépare pourtant. 
L’idée du docteur Grenier est de compenser ces faiblesses stratégique et 
démographique  par  un  appel  aux  troupes  coloniales.  C’est  ce  qu’il 
développe  dans  son  « exposé  des  motifs »  à  sa  proposition  de  loi,  dont 
voici un extrait. 
 
« Messieurs, la situation actuelle de la France me paraît être d’une gravité 
exceptionnelle ; jamais peut-être à aucune période de notre histoire, nous 
ne nous sommes trouvés dans un état d’infériorité aussi manifeste vis-à-
vis d’une coalition probable des puissances de l’Europe. 
Cette  coalition,  qui  peut  la  nier ?  Elle  existe,  elle  est  consacrée  par  des 
traités, elle tient à des convenances personnelles entre souverains, à des 
inimitiés avouées de peuples entiers en face de la France. Cette coalition, 
organisée  dès  le  temps  de  paix,  deviendra  donc  une  réalité  en  cas  de 
guerre ; nous devons dès lors la considérer non pas comme probable ou 
possible,  mais  comme  un  fait  accompli,  et  raisonner,  nous  guider  et 
prendre nos précautions en vue de cette hypothèse.  
Une des causes les plus importantes de la situation inférieure de la France 
résulte  de  l’infériorité  de  sa  population  et  de  la  faiblesse  du  coefficient 
numérique de sa natalité. […] 
L’Allemagne  occupe,  au  centre  de  l’Europe,  une  position  formidable ; 
l’Allemagne  s’appuie  sur  près  de  55  millions  d’habitants ;  la  France 
compte  à  peine  39  millions  d’habitants ;  d’ici  peu,  la  population  de 
l’Allemagne aura doublé. De plus, l’Allemagne imprègne de sa civilisation, 
de ses idées antifrançaises une bonne partie de la Suisse, de l’Autriche et 
des Pays-Bas. Il existe, en somme, en  Europe, contre le  développement 
de notre race et de notre influence, une coalition comprenant 80 millions