Nos responsabilités pour l`islam

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Nos responsabilités pour l’islam
Abdennour Bidar*
L
A double tâche à venir de l’intellectuel musulman se présente à
nous dans les termes suivants : tout d’abord, affranchir la vie spirituelle du musulman de l’aliénation à une orthodoxie et à une orthopraxie, à un dogme et à une shari‘a reçus d’en haut et du dehors,
c’est-à-dire, en langage kantien, faire passer cette vie spirituelle du
régime de l’hétéronomie de la conscience et de la volonté à celui de
l’autonomie. Pour le dire comme Rudolf Otto, il s’agirait ainsi de
retrouver la dimension intérieure, transcendantale, de l’expérience
du sacré1, au lieu d’en faire encore et toujours l’expérience d’un assujettissement de l’humain à une puissance extérieure transcendante
qui l’écrase. Montrer que la vie spirituelle peut être l’expérience d’un
sacré immanent, perçu par la conscience comme la puissance d’exister la plus pure et la plus profonde dans laquelle notre subjectivité se
saisit comme doute d’immortalité, faite pour l’éternité – comme si son
« être-pour-la-vie » devait finalement l’emporter sur son « être-pourla-mort ».
En second lieu, participer à un projet bien plus vaste qu’une refondation de l’islam : constituer en coopération avec tous les autres héritages humanistes, un humanisme universel, c’est-à-dire une vision de
l’homme partageable par tous, une perception de l’homme – en soi et
en autrui – comme « merveille de l’univers », pour éviter que les différentes formes de nihilisme dont souffrent toutes nos civilisations ne
finissent d’achever le respect que nous voulons nourrir et transmettre
* Philosophe, auteur dans Esprit notamment de « Lettre d’un musulman européen. L’Europe
et la renaissance de l’islam », juillet 2003, « Le destin de l’Europe spirituelle », décembre 2004
et de livres : Self Islam, Paris, Le Seuil, 2006 et Un islam pour notre temps, Paris, Le Seuil,
2004.
1. Rudolf Otto, « Le sacré en tant que catégorie a priori », dans le Sacré, Paris, Payot/
Rivages, 2001, p. 189-195.
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Mars-avril 2007