14 LE NOUVELLISTE MARDI 16 JUILLET 2013 SÉRIE LES ANIMAUX VENUS D’AILLEURS 2/5 Nature en mutation D’ÉTÉ Chacal doré, raton laveur, ragondin, tortue, coccinelle asiatique, écrevisse tueuse, autant d’espèces qui envahissent nos régions avec un impact non négligeable sur l’environnement. PALMIPÈDES Recensés depuis fort longtemps en Suisse, certains cygnes et canards sont souvent pris à tort pour des espèces indigènes. Pas tous vilains, ces petits canards BLAISE DROZ Canards et autres palmipèdes représentent une bonne partie des animaux exotiques que l’on peut rencontrer en Suisse. Plusieurs d’entre-eux s’y reproduisent et sont présents depuis si longtemps qu’ils passent pour des espèces indigènes. Comment ne pas citer en premier lieu le cygne tuberculé? Oiseau majestueux et emblématique des lacs et des grandes rivières à cours lent, il est originaire d’Europe du Nord-Est et d’Asie paléarctique. Il a été introduit dans la plupart des pays européens dont la Suisse entre le 16e et le 19e siècle. Parce qu’aucun dégât à la faune locale ne semble lui être imputable, il est largement accepté et même chéri par la population. Aussi, aucune autorité n’envisagerait son éradication. Gare aux hybrides On trouve aussi dans les parcs et petits jardins zoologiques de Suisse, des quantités d’espèces de canards exotiques. Canard mandarin, carolin, musqué et tant d’autres. La plupart d’entre eux ne menacent pas les espèces indigènes mais attention, ce n’est pas le cas de tous. L’érismature rousse est un canard plongeur originaire d’Amérique du Nord. Il a été importé en Angleterre en 1948 comme animal d’ornement et à partir de 1960, des cas de reproduction dans la nature ont été avérés. Progressivement, cette espèce s’est répandue en Europe, notamment en Espagne, en Scandinavie mais aussi en Suisse. Concurrence déloyale «L’érismature rousse représente un réel problème en Espagne, où elle concurrence de manière extrêmement sévère l’érismature à tête blanche, une espèce du Sud de l’Europe et considérée comme l’un des oiseaux les plus rares et les plus menacés qui soient», explique l’ornithologue Lionel Maumary, co-auteur du livre de référence «Les oiseaux de Suisse». «L’érismature à tête blanche n’est plus dans notre pays qu’un hôte occasionnel, mais des données anciennes démontrent qu’elle y a été davantage présente», ajoute l’inspecteur de la « Le mâle de l’érismature rousse ● domine celui de l’érismature à tête blanche pour la conquête des femelles.» GOTTLIEB DÄNDLIKER INSPECTEUR DE LA FAUNE DU CANTON DE GENÈVE L’érismature rousse est un danger permanent pour l’érismature à tête blanche. LIONEL MAUMARY faune du canton de Genève Gottlieb Dändliker. L’espèce invasive venue des Amériques est plus agressive. Elle concurrence l’espèce locale pour la recherche de nourriture et surtout les mâles supplantent les indigènes dont ils fécondent les femelles en engendrant des hybrides fertiles. Gottlieb Daendliker explique que «le mâle de l’érismature rousse domine celui de l’érismature à tête blanche pour la conquête des femelles parce que ce dernier le confond avec les immatures de son espèce et qu’ainsi il ne s’oppose pas à ses intrusions sur son territoire.» Selon lui, cette particularité fait de l’érismature rousse l’une des espèces invasives les plus redoutables et il a décidé de lui livrer une chasse sans merci. «Dès qu’un individu est signalé dans le canton de Genève, il est recherché et abattu. Nous appliquons la tolérance zéro à son encontre et je souhaite que mes col- lègues des autres cantons montrent la même intransigeance», fait-il remarquer Un plan d’action international du Conseil de l’Europe souhaite d’ailleurs son élimination complète. Efforts mal dosés Du point de vue de Gottlieb Daendliker, il est dommage que des efforts intenses soient parfois déployés pour éliminer une autre espèce: le tadorne casarca. Il est menacé dans son aire de répartition du sud-est européen, notamment en Bulgarie et semble être en voie d’expansion vers l’Europe occidentale où il trouve de nouveaux habitats. «Les individus qui nichent en Suisse, sont souvent échappés de captivité, je l’admets, mais ils ne le sont pas forcément tous. Il faut faire la distinction entre une espèce menaçante venue d’un autre continent et une espèce européenne qui se déplace naturellement.» Quand Orphée charmait les Imériens Chassés par le froid HÔTE DES MANGEOIRES VISITEURS D’HIVER A l’inverse du cygne tuberculé qui a été intro- De décembre 2001 à juillet 2002, deux bulbuls Orphée – magnifique espèce du Sud-Est asiatique – ont été observés à SaintImier dans le quartier proche de l’hôpital où l’un d’eux a régulièrement fréquenté une mangeoire dans le jardin d’une villa. Le chirurgien Nicolas Chapuis est le premier à l’avoir signalé à la centrale ornithologique romande. Aujourd’hui, il explique que «ce cas était limpide. L’oiseau s’est échappé de chez un particulier qui tentait en vain de le reprendre.» Ce mâle aurait ensuite été brièvement rejoint par une femelle. Cette espèce exotique a été observée à d’autres reprises en Suisse où elle s’est reproduite au moins une fois. C’était à Muttenz (BL) en 1982 selon le livre «Les oiseaux de Suisse» publié par la Station ornithologique de Sempach. duit dans toute l’Europe de l’Ouest, deux espèces de cygnes, beaucoup plus discrètes apparaissent occasionnellement en Suisse en qualité de visiteurs d’hiver, le très rare cygne de Bewick et le cygne chanteur. La majorité des observations se font sur les rives du lac de Constance, mais aussi de ceux de Bienne, de Neuchâtel et du Léman. On peut aussi les rencontrer le long des grandes rivières comme l’Aar, la Thielle et la Broye. Leur arrivée chez nous est surtout liée aux grands froids qui accablent la toundra sibérienne d’où ils sont originaires. Ces deux espèces se ressemblent beaucoup et se distinguent du cygne tuberculé par leur bec jaune et noir. Entre-eux, on les distingue surtout parce que le cygne de Bewick a un cou plus court que le cygne chanteur. À LA GRUÈRE De rares apparitions estivales sont connues, comme celle d’un couple de cygnes chanteurs à l’étang de la Gruère en 2012 signalée par le Tramelot Stephano Ehrensperger. Selon lui, ils auraient tenté de nicher avant de se rabattre sur Biaufond où le dérangement est moindre. Une information qui laisse Lionel Maumary sceptique.«Acejour,aucunenidificationdecetteespècen’ajamaisétéconfirméeenSuisseetmêmelesobservationsestivalescommecelles-cisontexceptionnelles», assure l’ornithologue. MAGNIFIQUEMENT COLORÉ Le bulbul Orphée, une espèce asiatique très prisée des ornithophiles autant pour la beauté de son plumage que celle de son ramage. SP DU LUNDI 15 AU VENDREDI 19 JUILLET, RETROUVEZ: Tempête dans la biodiversité ▼ Le bulbul Orphée est un oiseau magnifiquement coloré et en outre un formidable chanteur, d’où son nom. Il est très prisé des ornithophiles, en Asie d’abord mais également dans le reste du monde. De la taille de nos petits passereaux, il a le corps tacheté de brun, de blanc, de noir et de rouge. Il arbore une crête noire fine et longue très caractéristique. Dans son Pas tous vilains, les petits canards habitat naturel, notamment en Thaïlande, il est fréquemment observé dans des zones ouvertes colonisées par de nombreuses graminées dont il consomme les graines, un peu comme les chardonnerets de chez nous. Il se rencontre en montagne jusqu’à 1800 mètres d’altitude. Rien n’indique que cette espèce ait la moindre chance de s’implanter en Suisse. La longue marche du chacal doré Pas drôle, la grenouille rieuse La face noire de l’écureuil gris