au début du XXe
au début du XX
tecturales mis en œuvre refl ètent les tendances de chaque époque, parfois avec un
léger décalage dans le temps.
Les établissements médiévaux éparpillés dans le centre ville sont regroupés sous
l’Ancien Régime dans l’extension ouest de l’enceinte fortifi ée. Au début du XIX
siècle, ces bâtiments hospitaliers sont en grande partie insalubres. Comme de
nombreux grenoblois dans les immeubles vétustes du vieux Grenoble, les vieillards
« vivent entassés dans les greniers et les combles de l’Hôpital-Hospice »
Second Empire, comme pour la cathédrale et le palais de justice, on forme d’am-
bitieux projets de reconstruction
« désir de faire grand et de
quitte à laisser subsister des bâtiments vétustes derrière une ar-
chitecture de façades-masques. Un peu plus tard, au début de la Troisième Répu-
blique, le maire Édouard Rey entreprend d’adapter la ville aux nécessités de l’ère
industrielle et conçoit un ambitieux projet de transformation urbaine consistant à
ouvrir la vieille ville vers l’ouest pour la relier au faubourg ouvrier implanté autour
de la gare et créer un nouveau centre, d’esprit néo-haussmannien. Le
voit de prolonger le boulevard de Bonne sur une partie de l’emprise de l’hôpital.
Considérant que le vent risquerait d’en
« porter les germes […] sur la place Victor
Hugo et les quartiers avoisinants »
si on le reconstruisait à proximité du boulevard
prolongé, on décide de transférer l’hôpital à la campagne. Cette imbrication d’in-
tentions urbanistiques et de préoccupations hygiénistes n’est pas sans rappeler
les arguments avancés au début du même siècle, sous le Consulat, lorsqu’on s’ap-
prêtait à détruire une partie de l’enceinte romaine et une aile du palais épiscopal
pour désenclaver la ville vers le nord-est tout en justifi ant leur démolition par
stagnation de l’air que causaient […] ces masses antiques »
Quoi qu’il en soit des motivations profondes des décideurs, l’hôpital est progressi-
vement « délocalisé ». Pour le nouvel asile des vieillards, comme pour les construc-
tions scolaires de la Troisième République, on se tourne vers une architecture sobre
et fonctionnelle dont l’harmonie est due à l’agencement des volumes et à la qualité
de détails constructifs jamais totalement gratuits : forme des baies, allèges, arcs,
jambages, chaînes d’angles, poteaux, clés de tirants, corniches, jeux de couleurs
et de matériaux, etc. Ce choix d’une l’élégance fonctionnelle est également illustré
par les belles fabriques grenobloises qui constituent à la fois l’outil de travail et la
vitrine des industriels de l’époque. La distribution des repas dans les pavillons par
wagonnets sur des voies de type Decauville renvoie aux exploitations minières et
aux grands chantiers archéologiques mais aussi aux premiers tramways urbains…
Plus tard, les architectes conçoivent des bâtiments en béton
les formes ont la marque de leur époque. Puis vient la construction de l’hôpital Mi-
challon. Avec son hall surélevé, sa rampe hélicoïdale d’accès pour les ambulances et
ses batteries d’ascenseurs, il est caractéristique de l’époque de l’ascenseur-roi, des
immeubles de grande hauteur à la structure en béton affi rmée et de la séparation
stricte des circulations motorisées et piétonnes, en vogue dans les années 1960 et
1970 et illustré à Grenoble par le quartier Mutualité. Mais, ici comme ailleurs, on en
verra vite les limites. La rampe malcommode est détruite et pour décrire la réorgani-
sation interne de l’hôpital, Jean Debeaupuis (actuel directeur général) emploie une
formule qui pourrait s’appliquer tout autant à la récente restructuration de l’accès à
l’école d’architecture de Grenoble (avenue de Constantine) ou à celle de certaines
L’Hôpital. Évolutions et mutations,
. Grenoble, La Tronche, Échirolles
entrées d’immeubles sociaux des années 1960 ou 1970 :
« retrouver un accès et un
accueil lisible ; confortable et rassurant […] en retraitant les deux accès principaux
[…] au rez-de-chaussée bas, avec des accès transports en commun et stationne-
ment correctement dimensionnés ».
De même, les récents projets de construction
— où l’on constate un retour à des hauteurs moins impressionnantes et au principe
de la cour-patio autrefois vilipendé — refl ètent-ils une évolution générale illustrée
au sein de l’architecture civile par les immeubles du quartier Vigny-Musset.
En défi nitive, la place de l’hôpital est paradoxale : à la fois monde à part, cité dans
la cité et corps vivant totalement imbriqué dans la vie urbaine. Comme dans le reste
de l’agglomération, on y côtoie la maladie, la souffrance et la mort, mais aussi le
soin, la guérison, la naissance ; on s’y déplace, on y travaille, on y mange et parfois
aussi on y trouve des moments de loisir. Autant dire que cet ouvrage se veut un
maillon dans la connaissance de cet organisme vivant issu d’une longue évolution
et dont l’existence se poursuit au prix de mues parfois complexes, comme la cité
elle-même dont il est à la fois le produit et une forme de microcosme
Dominique Chancel est architecte et historien du patrimoine au Conseil général de l’Isère.
L’Hôpital. Évolutions et mutations,
. Grenoble, La Tronche, Échirolles