Abdullahi Dan Fodio et la théorie du gouvernement islamique

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Abdullahi Dan Fodio
et la théorie du gouvernement islamique
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-11896-6
EAN : 9782296118966
Sidi Mohamed Mahibou
Abdullahi Dan Fodio
et la théorie du gouvernement islamique
L’Harmattan
Collection « Croyances du monde »,
dirigée par Babacar SALL
Aussi longtemps que l’on remonte dans l’histoire, les
croyances ont toujours permis aux sociétés humaines de faire
face à l’incertitude et à l’angoisse existentielle. Elles ont fini
par construire des identités fortes autour desquelles des
groupements ont forgé des communautés de destin à partir
desquelles ils pensent le monde et bâtissent des fraternités
universelles.
Les croyances sont aussi l’objet d’identités conflictuelles
qui génèrent des formes de violences aux conséquences
multiples et tragiques sur l’actualité et le devenir des sociétés.
Lues à travers les exigences de la modernité, elles présentent
bien des questions qui montrent toute l’acuité de les replacer
dans la problématique contemporaine du monde.
Cette présente collection contribue à la meilleure
connaissance de ces phénomènes et de leur rôle dans le
développement du genre humain.
AVANT-PROPOS
Je présente cet ouvrage intitulé : “Abdullahi Dan Fodio et
la théorie du gouvernement islamique” aux chercheurs, aux
Historiens et aux lecteurs qui s’intéressent à l’histoire et à la
culture de l’Afrique au sud du Sahara.
J’espère ainsi mettre à la disposition des lecteurs francophones un certain nombre de renseignements sur la culture
arabo-islamique en Afrique et son développement notamment
entre le XVIlle et le XIXe siècles.
En outre, cet ouvrage apportera, je l’espère, un éclairage
nouveau sur la notion de pouvoir et d’autorité en islam ainsi
que sur l’organisation de l’État à tous les niveaux.
L’ouvrage a servi, au départ, à l’obtention du titre de
Doctorat de 3e Cycle dans le domaine des Études et
Civilisation Islamique à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris
IV) au cours de l’année universitaire 1982-1983.
Sidi Mohamed MAHIBOU
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
ABU Ahmadu Bello University, Zaria (Nigeria)
AS
al-Ahkam al-Sultaniyya
BN
Bibliothèque Nationale de Paris
BU
Bayero University, Kano (Nigeria)
B.W Bayan wajub al-hijra (de’Uthman b. Fudi)
CAD Centre of Arabic Documentation, Ibadan (Nigeria)
CEDRAB
Centre de Documentation et de Recherche
Ahmad Baba
Tombouctou (Mali)
D.H. Diya al-hukkam
D . 1. Diya al imam fî salâh-al-anâm
D.M. Diya al-mujahidin
D. Siy Diya alsiyasat wa fatawa al-nawazil
D. Sul. Diya al-sultân wa ghagrihi min al ikhwan
D. Diya uli al amr wal-mujahidin
GAL Geschichte Der Arabischen Litteratur
H.B. History Bureau (Sokoto, Nigeria)
Histoire de l’Organisation Judiciaire dans les
H.O.J.P.1
Pays de l’Islam
LF ou B.I.F Bibliothèque de l’Institut de France (Paris)
I.R.S.H
Institut de Recherches en Sciences Humaines,
Niamey (Niger)
L.H Library of the Lugard Memorial Hall, Kaduna
(Nigeria)
N.A.Z Nasihat ahl al-zaman de Uthman
N.Kh Najm al-Ikhwan
S. Kh. Siraj al-ikhwan
T.H al-Turuq al-hukmiyya fi al-siyâsat
T.W. Tazyîn al-warâqat
U.L. University Library Ibadan (Nigeria)
INTRODUCTION
La fondation du Califat de Sokoto1
Dans la première moitié du XVe Siècle les pays hausa relevaient du Bornou, État musulman depuis le Xle siècle.
Cependant, vers la fin du siècle, cette domination s’était
quelque peu relâchée. Cette époque marque de façon durable
le monde hausa. En effet, les Hausa empruntèrent à la langue
arabe de très nombreux mots et introduisirent dans leurs cours
l’étiquette qui prévalait au Bornou.
Au XVIe siècle, un peuple homogène doté d’une langue
commune avait déjà vu le jour et c’est probablement à cette
époque que le terme hausa fit son apparition dans l’histoire.
————————————
1
. Voir au sujet de la fondation du Califat de Sokoto les auteurs suivants :
ADELEYE (R ; A) Power and diplomacy in Northern Nigeria 1804, (Ibadan History series), London 1971.
- Arnett (E.J) The rise of the Sokoto Fulani. Kano, 1922. Containing an English version of Infaq a almaisur of Muh. Bello and history Sokoto.
- BIVAR «A.D.H) Nigerian Panopoly. Lagos, 1964.
- BURDON (J.A) Northern Nigeria : Historical notes on certain tribes and Emirates and tribes. London
1909.
- HISKETT, «M.) Material relating to the state of learning among the Fulani before their jihad, Bulletin
of the School of Oriental and African Studie 1957, 19, (3), 550-78.
- HISKET (M) An Islamic tradition of reform in the Western Sudan from the sixteenth to the eighteenth
century, Bulletin of the School of Oriental an African Stitdies, 1962, 25, 3, 577-96.
- HISKETT (M.) The sword of truth : the life and times of the Shehu Usman Dan Fodio. New York, 1973.
- HOGBEN (S.J.) and Kirk-Green, A.H.M, The emirates of Nigeria, Oxford, 1966.
- JOHNSTON, H.A.S, The Fulani Empire of Sokoto (West African History series, London, 1967).
- LAST (M.). The Sokoto Califate Ibadan History series, London, 1967.
- SMITH, (H.F.C), The islamic révolutions of nineteenth century, Journal of the Historical Society o
Nigeria, 1961, 2, 2, 1969-85.
- WALDMAN, (M.R.), “The Fulani jihad : a reassessement”, Journal of African History, 1965, 3.
- WILLIS, (J.R.); Jihad fi sabil Allah its doctrinal basis in Islam and somes aspects of its evolution in ninteenth century West African, Journal African History, 1967, 8, 3, 395-415.
D’après la légende des origines, sept grands États hausa
ont vu le jour : Kano, Daura, Kano, Katsina, Zazzau, Gobbi et
Goron Gabas. Ils étaient liés par des liens de parenté et de
commerce avec sept autres États auxquels on donnait parfois
dédaigneusement le surnom d’États bâtards”, parce qu’ils n’étaient pas de “race” hausa, mais avaient tout simplement
adopté la civilisation des Hausa. Il s’agit de l’espèce du
Kebbi, du Zanfara, du Nupé, du Gwari, du Yauri, du Yoruba
et du Kororafa1.
A la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe
siècle, les États hausa ainsi qu’une grande partie du Soudan
Central, vécurent, sous la direction de Uthman Fudi, une
grande période islamique et révolutionnaire. Le Shaykh était
considéré comme l’un des plus grands penseurs musulmans
de son époque. On reconnaissait l’originalité de ses multiples
écrits et son habileté en matière politique, qui permit de
changer l’ordre des choses dans cette partie du monde. Son
génie fut reconnu aussi dans d’autres parties du monde
musulman2.
————————————
1
D’après la légende, à une date reculée, Bayajidda ou Abuyzidu, fils du roi de Bagdad, émigra jusqu’au
Kanem-Bornou. Là, le Mai du Bornou lui donna sa fille en mariage.
Après quoi Bayajidda continua sa migration vers l’ouest et s’arrêta à un endroit nommé Gabas Ta Buram
où sa femme donne naissance à un fils, Biram qui fondera un État. Il le laissa là et partit avec sa concubine qui attendait aussi un enfant. Arrivé à une ville dont les habitants étaient privés d’eau à cause de la
présence d’un serpent sacré dans le puits, Bayajidda coupa la tête du serpent et libéra la cité de ce maléfice. En récompense la reine, nommé Daura, l’épousa.
De Daura, Bayajidda eut un second fils Bawo. Ce fils engendra six enfants qui furent les héros fondateurs
de six États Hausa. Ces six États, avec celui créé par Biram, constituèrent ce qu’on appelle les Hausa
Bakwaï (les sept États hausa). La concubine aussi eut un fils, lequel engendra à son tour, sept enfants.
Ceux-ci étant de souche illégitime furent désignés comme les Banza Bakwai, c’est-à-dire les sept États
sans valeur.
2
Dans un échange de correspondance entre lui et le Sultan du Maroc, ce dernier saluait en lui un personnage politico-religieux d’une haute qualité. Voir à ce sujet Infaq al maisur
8
Le Califat de Sokoto a été fondé en 1804 aux dépens des
pays hausa dont nous avons parlé plus haut. Son fondateur a
commencé sa carrière sur le territoire de Gobir, comme un
simple prêcheur itinérant, invitant les populations à pratiquer
l’islam tel qu’il a été enseigné par le Prophète et à rejeter tout
ce qui n’est pas de l’islam. Mais il a fallu peu de temps pour
que son action prenne un aspect officiel. En effet, la réputation de Uthman, en tant que réformiste musulman, envahit
très rapidement toutes les contrées du Soudan Central et
Occidental. Il eut de nombreux disciples qui venaient parfois
de contrées lointaines. De nombreux savants lui rendirent visite pour confronter leur point de vue et bénéficier de son érudition. De plus, il fut entouré de nombreux adeptes connus
dorénavant sous le vocable al-Jama’a (le groupe). Le Shaykh
ne se contentait pas de recevoir les visiteurs, il se déplaçait
également pour ses prédications et ses déplacements le conduisaient très loin et durant parfois des mois, voire des
années.
Le résultat immédiat de l’action du Shaykh et son jihad fut
la création d’un État musulman s’étendant sur de vastes territoires qui allaient du nord-ouest du Nigeria jusqu’au nord du
Cameroun, au Niger et en Haute-Volta (Burkina Faso). Cet
État vécut près d’un siècle et il a survécu sous de différentes
formes sous la colonisation britannique.
La raison principale qui fut à la base de la création du califat fut la dégradation des relations entre le Shaykh et les
dirigeants des États hausa. Cette dégradation était due au fait
que le Shaykh qui ne s’intéressait pas, au début de son action,
aux hommes du pouvoir, finit par aller chez ces derniers en
9
leur demandant d’établir la justice dans leurs territoires1. Dans
une rencontre avec le sultan de Gobir, le shaykh fut amené à
formuler devant lui les cinq revendications suivantes :
1) Que le sultan2 n’entrave pas sa mission de conversion
auprès des habitants du Gobir
2) Qu’il laisse à ses sujets la liberté d’embrasser l’islam
3) Qu’il traite avec toute la considération voulue les porteurs de turbans c’est-à-dire les partisans du shaykh ;
4. Qu’il libère les prisonniers politiques
5. Qu’il n’impose pas à la population des impôts excessifs.
Nous constatons d’après ces revendications que l’action du
shaykh a pris alors une tournure nettement politique et
sociale3.
Le fossé entre le shaykh et la classe dirigeante s’élargit de
plus en plus. En effet, bien que le sultan de Gobir ait manifesté son accord pour satisfaire les doléances présentées par le
shaykh, les hostilités s’engagèrent entre les deux parties. Les
dirigeants qui sentirent la menace qui pesait sur leur autorité
utilisèrent tous les moyens pour se débarrasser du shaykh. Ils
usèrent d’abord de moyens discrets qui se révélèrent inefficaces. Ils changèrent alors de tactiques en attaquant ouvertement le shaykh.
—————————————————————
. F. al-Masri, “The life of Shehu Uthman Dan Fodio before the jihad”, Journal of the Historical Society
of NiVria, vol. II, n’ 4, December 1963, P. 441.
2
. Il s’agit de Bawa Jan Gorzo qui régna de 1776 à 1784.
1
3
. En vérité, les exigences du shaykh sous entendent, la nécessité d’un changement profond de la politique,
du social mais aussi du système économique. Les doléances constituent une véritable menace pour les
dirigeants hausa qui étaient habitués à régner sans partage.
10
Le frère et successeur de Bawa (celui-là même qui avait
accepté les revendications du shaykh, Nafata (1791-1798),
ordonna trois mesures à l’encontre de l’action du shaykh
1) L’interdiction à tous les disciples du shaykh de faire des
prédications. Cette interdiction ne s’appliquait pas toutefois
au shaykh lui-même.
2) Interdiction à toute personne dont les parents n’étaient
pas musulmans d’embrasser l’islam.
3) Interdiction du port du turban pour les hommes et du
voile pour les femmes.
Mais c’est surtout le successeur de Nafata, Yunfa (17981808), qui mit le feu aux poudres, en attaquant un des villages
du shaykh et en y faisant de nombreuses victimes. Ensuite,
Yunfa ordonna au shaykh ‘Uthman de quitter avec sa famille
son propre village. Le shaykh ‘Uthman accepta, mais à condition de partir avec toute sa communauté. C’est ainsi que
leur hijra eut lieu, suivie de la création du Califat et du
déclenchement du Jihâd.
De là vient l’idée que la création du Califat s’est imposée
à ses fondateurs par la force des choses. C’était pour eux une
question de vie ou de mort. Cependant, il existe une autre raison qui revient souvent dans les écrits des fondateurs et qui
peut être considérée comme primordiale pour la création du
Califat ou du moins pour sa légitimité : l’accusation d’infidélité à l’endroit des dirigeants de Gobir.
En effet, bien que les États hausa aient été considérés
comme des pays musulmans, du moins officiellement, l’islam
n’était pratiqué correctement que par une infime partie de la
population. Quant aux dirigeants, toujours d’après les
11
partisans de Uthman, ou bien ils étaient des infidèles ou bien
ils étaient de très mauvais musulmans, qui, tout en se prétendant tels, n’en pratiquaient pas moins l’idolâtrie. Or, dit
Uthman, un pays est jugé selon son gouvernement. Si celui-ci
est musulman, le pays est considéré comme terre de l’Islam.
En revanche, s’il est infidèle, le pays est un territoire d’infidélité. par conséquent, c’est un devoir pour tous les musulmans de mener le Jihàd contre ce type de dirigeants et d’arracher le pouvoir de leurs mains afin d’instaurer un régime
islamique1. Abdullahi tint lui aussi des propos identiques.
Le rôle de Abduliahi2 dans la fondation du Califat
Sokoto.
de
Abdullahi a joué un rôle prépondérant dans l’établissement
du Califat et son organisation future. En effet :
1) Il a été le premier collaborateur de son frère aîné
Uthman et son principal conseiller, l’accompagnant dans
toutes ses tournées de prédication. Il jouait le rôle d’intermédiaire entre le shaykh et ses disciples d’une part, entre les
autres savants et lui d’autre part. En effet, il se chargea d’expliquer et de développer les idées du shaykh aux étudiants. Il
aurait eu également la tâche de répondre aux critiques de
savants qui ne partageant pas leur point de vue. Il a recomposé
en arabe les poèmes du shaykh écrits en langues locales, dans
un recueil intitulé : Tarib mâ ‘ajama al-shaykh3.
—————————————————————
1
. B.N. Paris, Mss : n’ 5528, 230a.
2
. Nous avons préféré transcrire le nom de Abdullahi tel qu’il est prononcé dans la région.
3
. Kano B.U. MS N°70.
12
Les poèmes traduits en arabe étaient destinés aux étudiants
et aux disciples qui ne pratiquaient pas les langues dans
lesquelles ils étaient originellement écrits.
2) Abdullahi fut même, semble t-il, le promoteur du
Califat. Il est établi qu’il-fut le premier à reconnaître son frère
comme Calife1. Depuis la désignation du shaykh, Abdullahi
n’a épargné aucun effort pour la réussite du nouveau Califat,
tant sur le plan moral que sur le plan matériel. A cet effet, il a
beaucoup écrit pour inciter les musulmans à mener le Jihad
afin d’établir un État fondé uniquement sur l’Islam. Après la
création du Califat, il a continué à écrire. Ses écrits étaient
principalement axés sur l’organisation de l’État. Il exhortait
plus particulièrement les agents de l’État au respect des
normes de l’Islam dans l’exercice de toutes les fonctions étatiques. Sur le plan matériel, Abdullahi participa à plusieurs
combats contre les ennemis du jeune État islamique. Il était en
effet, non seulement un simple combattant, mais aussi un
grand stratège. Il a conduit très souvent ses troupes à avoir
confiance en la communauté de Uthman et permit la consolidation du Califat. Il suffit par exemple de rappeler que c’est
Abdullahi qui a dirigé la bataille de Gurdam ou Kutu2, qui fut
comparée à la bataille de Badr3.
—————————————————————
1
. Cf. Ses déclarations MSS : B.N. n’ 6851, 225 b. et celles de Muhammad Bello, Infa-q, p. 100.
2
. Gurdan est une localité située dans le territoire de Gobir. Quant à Kutu c’est une étendue d’eau aux environs de laquelle le combat eut lieu.
3
. Badr, petite ville au sud-ouest de Médine. C’est là qu’eut lieu le 17 ramadan 2 h/13 Mars 624g, la première bataille dans la carrière du Prophète Muhammad et des premiers musulmans, et qui a opposé ces
derniers aux Mekkois qui subirent une défaite totale. A partir de ce moment, la position du Prophète
muhammad à Médine fut renforcée. La confiance en eux-mêmes que la victoire donna aux musulmans et
le prestige de l’Islam aurait pu difficilement se développer comme il l’a fait. On en vient à considérer ceux
qui avaient combattu à Badr comme une aristocratie basée sur le mérite et qui formaient la classe la plus
élevée des musulmans. «Voir Encyclopédie de l’Islam, T.1, p. 892, édit. 1959).
13
Muhammad Bello dit que cette bataille fut la plus importante qui ait opposé leur communauté aux Gobirawa et qu’elle
est assimilée au “Jour de la Distinction”1 (al-Furqan).
La ressemblance vient du fait que chacun de ces deux combats a confirmé la personnalité de deux communautés
islamiques.
Abdullahi dit dans un de ses poèmes : “Demandez au Satan
des Gobir du nom de Yunfa, s’il n’a pas été chassé à travers
les brousses”.
3) Après la division du Califat par Uthman en 1812 en
deux parties, Abdullahi est devenu l’émir des régions situées
au Nord-Ouest du Califat, et qui avaient comme capitale
Gwandu. Quant aux autres contrées, elles étaient administrées
par Muhammad Bello, et leur capitale fut fixée à Sokoto.
Cette division permit à Abdullahi d’être plus actif au point de
vue administratif. En effet, il n’était plus un simple conseiller
de son frère, mais un émir, des régions soumises à son autorité
qui jouissaient d’une véritable autonomie. Il mit à profit cette
autonomie pour instaurer à Gwandu un régime qui correspondait à la doctrine et à l’idéologie qu’il n’a cessé de
prôner.
On peut distinguer quatre périodes marquantes dans la vie
d’Abdullahi :
1. La période où il était disciple et porte-parole de son
frère. Il fut essentiellement, durant cette période, le poète du
—————————————————————
1
. Infaq, p. 103. le jour de la Distinction «al-Furqan) c’est le jour de la bataille de “Badr”. Il est appelé ,
ainsi parce qu’il a permis de distinguer entre la vérité «Islam) et l’erreur (l’infidélité).
14
groupe qui versifiait non seulement les différentes disciplines,
mais traduisait également les poèmes de son frère comme
nous l’avons déjà mentionné. Une grande partie des poèmes
figurant dans tazyîn al Waraqât datent de cette époque qui
peut être définie comme la période de l’accord total entre les
deux frères, de 1777 à 1804.
2) Abdullahi, Mujahid, de 1804 à 1807. Une partie de ses
poèmes portant sur le déroulement du Jihad datent de cette
période où, mécontent de la conduite de certains combattants,
il décida d’aller en pèlerinage à la Mecque, ce qui signifiait un
abandon du Jihad et de toutes ses responsabilités. Diyâ alhukkâm a été rédigé à la fin de cette période.
3) Abdullahi, théoricien et contestataire, de 1807 à 1812.
La plupart de ses ouvrages intitulés Diyâ ont été écrits pendant cette période. En effet, c’est pendant cette phase que
Abdullahi se mit à décrire ce qui lui apparaissait comme
l’État islamique idéal. De même, il manifesta son désaccord
aussi bien avec son frère qu’avec son neveu Muhammad
Bello, sur différentes questions. En outre, Abdullahi a essayé
de former un groupe de sectateurs de la vraie religion.
4) A partir de 1812, Abdullahi est émir. En effet, c’est l’année où le shaykh a divisé le Califat entre Muhammad Bello et
lui pour que chacun des deux hommes puisse instaurer son
propre système. Ainsi, Abdullahi établit dans la partie confiée
à ses soins la tradition d’un gouvernement doux et paisible.
C’est pendant cette période qu’il écriVit ses commentaires sur
le Coi-an et une grande partie de ses ouvrages relatifs au
soufisme.
15
PREMIERE PARTIE
LA VIE DE ABDULLAHI
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