ARTS-SPECTACLES . -Epouse d'A nophis-H, elle fut la_ mécène es am • tyl, 'muse de toute les splendeurs Bien qu'elle nefût pas de sang royal, elle devint lafemme du Pharaon- Soleil etfut à l'origine d'une formidable• explosion artistique. L'égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt nous révèle ici les mystères de son règne Le Nouvel Observateur. — La reine Tiyi (1) a longtemps été présentée comme un personnage énigmatique. Que sait-on de ses origines? Christiane Desroches—Noblecourt. — Les textes que nous possédons, relatifs à la XVIII' dynastie, ne nous éclairent guère. D'autre part, concernant son règne, nous ne pouvons fouiller les villes de l'antique Egypte en dehors des sites de Tell el-Amarna et de Malgatta : ainsi Thèbes, où se déroula une grande partie de l'histoire de l'Egypte à l'époque de la reine Tiyi, est recouvert par les ruines de Louxor et de Karnak. Pourtant certains indices nous permettent de reconstituer partiellement la vie de cette souveraine. Nous sommes sûrs en tout cas qu'elle n'était pas d'origine directement royale. La sépulture de ses parents a été retrouvée, il y a environ soixante ans : ils habitaient la ville de Aldunim, à deux cents kilomètres environ au nord de Louxor. Son père était prêtre du dieu Min, sa mère une chanteuse du grand temple. Les visages de leurs momies, d'une rare distinction, montrent qu'ils étaient certainement originaires 'de la Haute Egypte. Ce même type physique apparaît dans les portraits réalistes de la reine Tiyi. Ainsi, d'après le petit buste conservé au musée de Berlin, on croirait voir une belle Nubienne du Nord I Là, elle apparaît très différente de sa représentation idéalisée dans les grandes statues officielles. Dans le groupe qui est au musée du Caire Tiyi, haute de plusieurs mètres, assise à côté de son époux Aménophis III, révèle un visage très indo-européen, pas du tout africain : ses traits correspondent aux canons classiques de beauté de la XVIII' dynastie. N. O. — Qu'un pharaon épouse une femme issue d'une famille sacerdotale et non une princesse, n'était-ce pas contraire à l'usage ? 84 /LE NOUVEL OBSERVATEUR C. Desroches-Noblecourt. — C'est un fait si inhabituel que le roi a émis ce que nous appellerions des affiches ou des décrets : des scarabées historiques sur lesquels il souligne les origines, semble-t-il, modestes de Tiyi, fille de Yuya et de Tuya, et ajoute avec provocation: « Elle est devenue la femme d'un roi puissant, dont la frontière méridionale s'étend de Karoy jusqu'à la septentrionale, au Naharina », c'està-dire de l'extrême pointe de la pénétration égyptienne au Soudan, jusqu'aux frontières de l'Arménie. Il proclame ainsi haut et fort qu'il prend pour grande épouse royale une femme qui n'est pas princesse. Or seule la grande épouse royale est habilitée à mettre au monde les princes héritiers. N. O. — Alors, c'est un mariage d'amour... C. Desroches-Noblecourt. — Il est difficile d'introduire du romantisme dans une histoire que nous connaissons mal, et dont les rares témoignages subsistants sont officiels. Peut-être Aménophis III a-t-il choisi Tiyi pour des raisons politiques, par détermination, ou par provocation peut-être. Mais ce besoin de revendiquer ce mariage par décret envoyé dans Afin de célébrer Tiyi, sa bien-aimée, Aménophis III fit construire pour elle, en plein désert, un immense lac de plaisance, long de deux kilomètres. La reine aimaity voguer sur un bateau baptisé « Splendeur d'Aton ». tout l'empire montre bien sa ferme intention d'imposer sa compagne. C'est aussi un hommage à Tiyi, qui aura un rôle plus important que les autres épouses de pharaon. Elle assistait, par exemple, aux cérémonies officielles. Pour l'une des plus importantes, celle du grand jubilé, on la voit près du