Essai thérapeutique du traitement d’une gingivostomatite féline par cellules souches mésenchymateuses PETSTEM© Points sur la gingivo-stomatite féline La gingivo-stomatite féline fait partie des pathologies inflammatoires chroniques d’étiologie multifactorielle connaissant des échecs thérapeutiques. De nombreux facteurs non exhaustifs comme la présence de plaques dentaires, la présence d’une insuffisance rénale, l’infection par un calicivirus, le virus leucemogene félin ou le virus de l’immunodéficience féline contribuent à maintenir une inflammation chronique qui finit par s’auto-entretenir conduisant parfois à l’euthanasie devant l’inefficacité des soins pour assurer un confort de vie quotidien à l’animal. Le cas clinique de Tigrou Tigrou est un chat européen mâle castré né en juillet 2013. Le 24 aout 2015, il est présenté suite à une gingivo-stomatite déjà traitée il y a 2 mois par injection d’antibiotique à effet retard (cefovecine) et de corticoïde à effet retard (diacetate de triamcinolone) qui avait amélioré les signes cliniques pendant 5 semaines. La baisse d’activité (jeux, sorties, interaction avec ses congénères, etc) et d’appétit de Tigrou (« s’étouffe », « s’étrangle » lorsque qu’il ingère ses croquettes/ses boulettes/soupe) sont les indices évocateurs de la dégradation de l’état de sa bouche qui poussent les propriétaires à consulter leur vétérinaire. Lors des consultations qui suivront sur une période de plus d’un an nous observerons une inflammation chronique des structure buccales caudales (tonsilles/gencives/muqueuses orales maxillaires et mandibulaires/oropharynx). Un traitement par voie orale étant impossible (la déglutition étant trop douloureuse et chat très peu coopératif), le même traitement par injection d’antibiotque (cefovecine) et corticoïde longue action (diacetate de triamcinolone ) est renouvelé tous les 1 à 2 mois. En milieu de parcours (6 mois après le début des injections retard), une exérèse totale des dents est effectuée mais ne le soulage que très provisoirement (10 jours). Par la suite et à 3 reprises, seuls des corticoïdes retard (sans antibiotique) ont été injectés. L’amélioration fut moins nette peut être dûe à une accoutumance et baisse d’efficacité causée par la répétition d’injections de corticoïde. En raison du budget limité des propriétaires, aucun test d’évaluation sérologique de statut FelV/FIV ou de PCR calicivirose n’a été effectué. De même, les traitements à base d’interféron ou de cyclosporine ont été proposés et refusés par les propriétaires pour la même raison. Mode d’action des cellules souches Migration des cellules souches Lors d’une injection intraveineuse, les cellules souches mésenchymateuses se retrouvent principalement retenues dans les capillaires pulmonaires. La plupart d’entre elles y périront dans les 72h post-injection. Une très faible partie (approximativement 5%) migre vers les tissus lésés de la cavité orale (homing lésionnel). Effet paracrine Le mode d’action principal des CSMs provient de leur capacité à transmettre des messages chimiques à leur environnement par la sécrétion de cytokines, de facteurs de croissance et de micro-vésicules transportant des protéines et micro-ARN exerçant des fonctions diverses : anti-inflammatoires, antiapoptiques, pro-angiogéniques, cytoprotectrices, anti-fibrosantes… Effets anti-inflammatoire Cet effet s’obtient lorsque les cellules souches mésenchymateuses sécrètent les cytokines IL-1 récepteur antagoniste, TGF-ß et IL-10. A noter qu’il est d’autant plus important lorsque le chat présente des symptômes inflammatoires marqués. On traite ici les symptômes et il en découle un confort pour l’animal pendant une quinzaine de jours. Effet immuno-régulateur La stomatite caudale est une maladie dysimmunitaire. Les cellules souches mésenchymateuses ont des propriétés immunorégulatrices notoires : elles vont agir sur l’une des causes de la pathologie. La sécrétion par les CSMs des cytokines TGFb, HGF et PGE2 mais aussi de l’ondoleamine 2,3dioxygénase favorise la régulation du système immunitaire. De plus, les CSMs inhibent la prolifération des lymphocytes T et B ainsi que les cellules dentriques et les lymphocytes NK. C’est d’ailleurs par la réduction de la population de lymphocyte T CD8+ que l’on parvient à obtenir réduction des signes cliniques. Cet effet peut prendre du temps pour se mettre en place (2 à 4 mois). Protocole cellules souches Le protocole est à destination des patients réfractaire après avulsion dentaire et non atteints de FeLV et FIV. Il se compose de : d’un test d’éligibilité de 2 injections, en intraveineuse lente, à un mois d’écart de seringues de 10mL de 20M de cellules souches mésenchymateuses fraiches issues de tissus adipeux.1 Répétition conseillée tous les 4 mois dans les cas les plus difficiles Il est important que les CSMs soient fraiches, c’est-à-dire non congelées (la plupart du temps elles sont conservées en azote liquide et livrées directement congelées grâce à de la neige carbonique). La viabilité des CSMs congelées chute d’au moins 50% lors de la décongélation à quoi s’ajoute un choc thermique invalidant leur fonctionnalité et capacité thérapeutique. De plus, du DMSO est généralement ajouté à la solution comme cryoconservateur. Le DMSO engendre un risque de non tolérance. Pour ce cas cliniques, les CSMs fraiches (non congelées et donc sans DMSO) ont été envoyées par livreur dans une pochette thermique à 4-6°C. 1 Arzi, Therapeutic Efficacy of Fresh, Autologous Mesenchymal Stem Cells for Severe Refractory Gingivostomatitis in Cats, 2015, Stem cell translational Med. Test d’éligibilité Le 3 novembre 2016, le test d’éligibilité du traitement par cellules souches mésenchymateuses pour la stomatite caudale est réalisé sur Tigrou. Il consiste en l’envoi au laboratoire de thérapie cellulaire 1mL de sang en tube EDTA (violet). Le prélèvement est passé au cymomètre de flux pour mesurer la population de lympocytes T NK CD8+Low parmi la population de CD8+. Une population de CD8+Low inférieur à 15% de la population de CD8+ est un biomarqueur de l’éligibilité du patient. Le résultat est communiqué sous 48h maximum après réception du prélèvement. Injections 1 (J0) Tigrou est éligible et la date cible d’injection est fixée au 23 novembre 2016 (J0). Cela réclame une organisation synchronisée car les CSMs ont une durée de vie très courte (72h), l’injection doit être idéalement réalisée dans les 48 heures suivant leur sortie du laboratoire. Après 48h, la viabilité cellulaire chute drastiquement à 40%. Il est important d’injecter les CSMs au plus vite après leur conditionnement au laboratoire pour maximiser les effets thérapeutiques. Suite à des contraintes logistiques extérieures, La première injection a été réalisée dans les 40h après la sortie du laboratoire. Un cathéter est posé sur la veine céphalique de la patte antérieure droite et une sédation à base d’une association de tilétamine et zolazépam est effectuée. L’injection de 10 millilitres de CSMs à concentration de 5 millions par KG est réalisée par voie intraveineuse lente sur 10 minutes. Afin d’objectiver les résultats, un scoring des signes cliniques et des photographies du fond de la gueule sont réalisées (PHOTO 1). Photo 1 - Cavité orale avant injection 1 (J0) Apres 3 jours sans effet visible, Tigrou se remet à manger, joue et dégluti sans s’étouffer pendant 15 jours puis se dégrade petit à petit. Injection 2 (J+30) Le 27 décembre 2016 (J+30), la seconde injection est réalisée et le fond de la gueule est photographié (Photo 2 et 3) pour comparaison. Macroscopiquement, et ce malgré un aspect anormalement épaissi, l’inflammation est bien moindre sur les gencives et l’oropharinx. Cependant, la diminution de l’activité et les comportements anormaux d’étouffement et de gêne à la déglutition persistent. Photo 2 Cavité orale avant injection 2 (J+30) Photo 3 Cavité orale avant injection 2 (J+30) Contrôle J+50 Comme lors de la première injection, l’état de Tigrou s’est nettement amélioré puis s’en est suivie une crise aigüe (Anorexie, étouffement, isolement) vers le 12 janvier 2017 (J+50) entrainant une consultation. A J+50, les muqueuses orales/oropharynx sont très rouges (Photo 4), sensibles et œdématiées (photo J+50), une forte halitose est également présente. Photo 4 - Cavité orale à J+50 Afin de soulager l’animal lors de ce passage douloureux, une injection de cefovecine et de diacetate de triamcinolone a été décidée par le vétérinaire et le propriétaire entraînant une sortie du protocole. En effet, il est décrit dans la littérature que la cortisone peut entrainer un blocage des voies d’action des CSMs. Pour renforcer les effets et permettre de relancer le processus d’immunorégulation, une troisième injection a été réalisée le 07/02/2017 (J+76). Injection 3 (J+76) Une troisième dose de 20M de cellules souches mésenchymateuse est injectée le 07/02/2017 (J+76). Il est noté, par rapport à J0 : • • • • • • Une amélioration au niveau de la couleur (nettement moins rouge) (Photo 5) Halitose moins marquée Une muqueuse encore sensible, saignant au moindre contact. Les zones latérales et l’oropharynx ainsi que les gencives maxillaires et tonsilles encore d’aspect anormaux billatéralement. Stabilisation du poids Amélioration notable du comportement par rapport à J0 (sociabilité, joueur, facilité à boire et manger). Il persiste une gêne lors des bâillements. Photo 5 – Contrôle de l’inflammation buccale à J+76 Contrôles qualité Les CSMs ont été obtenues sur un donneur sain lors d’une chirurgie de convenance. Des contrôles PCR valident la sécurité du don. De plus, des tests qualités (Phénotypage, Bactériologiques, mycoplasmes, caractérisations cellulaires) sont réalisés lors des primo cultures (expansion des cellules souches à partir du prélèvement adipeux initial) ainsi que sur les cultures secondaires réalisées pour la préparation des traitements. D’autres tests sont réalisés (propriété de Stem-T) pour valider la capacité fonctionnelle des cellules souches de chaque donneur. Il existe en effet une forte variabilité entre les donneurs. Limites Sur une période d’un an, le patient a reçu de nombreuses doses d’antibiotiques et de corticoïdes. Les effets retards ont pu interférer avec l’action bénéfique des cellules souches2. A noter que, pour des raisons logistiques extérieures, la première injection s’est faite dans un délai satisfaisant (<48h) mais sous-optimal (préférer dans les 24h après la sortie du laboratoire). Compte-tenu de la sévérité des lésions au fond au niveau des zones latérale, la rémission partielle de Tigrou peut encore prendre quelques semaines. D’autant plus que les cellules souches ont une durée d’action sur le système immunitaire de 2 à 6 mois. Durant cette période, des rechutes temporaires peuvent intervenir, le système immunitaire étant en cours de régulation. Conclusion Tigrou est un chat réfractaire aux traitements corticoïdes et à l’avulsion dentaire. a) Effet notoire, mais non linéaire, des cellules souches sur le confort de vie et l’aspect des lésions. b) Alternative non délétère aux corticoïdes et antibiotique c) La chronicité et gravité des lésions de gingivo-stomatite chez Tigrou interdisent peut être une guérison totale permanente. Il convient d’envisager des injections répétitives de rappel tous les trimestres. d) Une troisième injection est prévue car le protocole a été rompu face à une crise aigüe d’inflammation. e) Le mode d’action des cellules souches se fait à court terme (inflammation – traitement des symptômes) et moyen terme (régulation système immunitaire – traitement des causes). Des examens de contrôles à J+90 et J+180 sont prévus. 2 Chen, The interaction between mesenchymal stem cells and steroid during inflammation, Cell Death and Disease, 2014 Rédacteurs : Dr Antoine Fournillier, Dr Sophie Martz et Thibault Lataillade, Fondateur de Stem-T. Important : Toutes nos seringues contiennent des cellules souches fraiches (non congelées) assurant une excellente viabilité cellulaire lors de l’injection. Inversement, la viabilité cellulaire pour les cellules souches décongelées chute d’environ 50%. www.stemt.fr Thibault Lataillade Fondateur de Stem-T 07 77 07 41 76 [email protected]