Bulletin de la Socié Royale des Sciences de Liège, Vol. 75, 2006
LE MONDE SOUTERRAIN
La genèse des cavemes
par
Camille EK
Abstract.- The underground world, Cave formation
The underground landscape consists of pits, shafts, galleries, halls: a lot o f hollow
forms offering a wide variedness. Their genesis is briefly described, Water is the main
erosion agent of these forms, and corrosion the most original process of the underground
world Air is also an important parameter, because the content of carbon dioxide of the
cave atmosphere governs the acidity and the aggr essiveness of water.
A recently discovered process of cave genesis is the formation of underground
weathering nodes by phreatic water, without any solid removal; this process leads to
disintegrated masses that, later, by other processes, may be emptied and hollowed out.
More and more caves are also being discovered and studied in non-carbonate rocks,
including granite, gneiss, quartzite, etc. These cavities are also, at least partly, due to
dissolution or chemical or biochemical processes
Despite the appar ent remoteness of the dar k kingdom, caver ns are not indifferent to
man. They can give him joy, by tourism, but also rise problems through collapses and
breakdowns, unexpected floods or by the transmission of pollution. Any human work in a
cavernous area deserves and requires a very sensible and systemic preliminary study.
Résumé.- Le paysage souterrain présente des puits, des fissures, des galeries, des
salles : une vaste variété de formes, dont la genèse est brièvement décrite. Leau est 1agent
principal de leur creusement, la corrosion le processus le plus original. Mais ratmospre
souterraine est aussi un paramètre important car cest la teneur de Pair des grottes en
dioxyde de carbone qui régit celle de leau et done Pagressivité de celle -ci.
Un processus original iécemment mis en évidence pour la genèse des cavités est la
formation sous terre de noyaux d’altération (parfois appelés fantômes de roches) dans
lesquels les particules les plus fàcilement solubles sont emportées par les eaux de la nappe,
laissant un squelette de roche désagrégé que, plus tard, les mécanismes physiques peuvent
éliminer.
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De plus en plus de grottes sont signaes et étudiées dans des roches non
carbonatées, granites, gneiss, quaitzites, etc. aussi la dissolution ou dautres processus
daltération chimique ou biochimique sont à 1origine du creusement.
Le monde des ténèbres nous semble lointain. II n’est pourtant pas sans influence sur
notre vie. II peut nous donner bien du plaisii (avec quelques frissons paifois) par le
tourisme ; il peut aussi nous causer des problèmes par des effondrements, des inondations,
ou la transmission rapide de pollutions à grande distance.
Aussi tout établissement par Phomme de constructions ou de structures de génie
civil en terrain caverneux nécessite absolument une étude préliminaire soigneuse, précise
et systémique. Notre paix avec le royaume de Hadès est à ce piix.
1. Introduction
L’obscuriet le silence caractérisent le monde souterrain, univers minéral si Ton
ut, mais que le spéléologue ressent plutôt comme un univers vide tapissé de piene et
déau.
Une grotte est une cavité au sein de 1écorce terrestre. On nemploie guèie le mot
que quand 1homme peut pénétrer dans ce vide. Mais on sait aussi que les grottes se
prolongent par des vides plus étroits et imtrables, paifois aussi par des gouffres
gigantesques.
Indépendamment des dimensions, cest sans doute le silence du monde souterrain,
seulement rompu parfois par le bruit des gouttes deau, et 1obscurité totale, qui elle nest
rompue que par Féclairage éventuel d’un intrus, qui caractérisent cet univers. Obscurité et
silence qui anent inéluctablement chez 1explorateur les idées de permanence - sinon
détemité - et d’immobilité„ Enfin, pour le bienheureux qui peut pénétrer seul sous terre, il
y a une opportunité unique de se rencontrei lui-même, chose si difficile à la surface de la
terre.
Mais ce n’est pas le visiteur de la grotte que nous voulons retrouver ici. C’est la
caverne eile-même, sous tous ses aspects. Comme cest 1’eau qui creuse la cavité, nous
allons done suivre celle-ci et nétrer sous terre à la suite des filets qui sinfiltrent, ou des
trombes qui dévalent les gouffres.
2. Le paysage souterrain
2.1. Puits et fissures
C’est très ralement 1eau qui creuse les grottes,, Venant de Ia surface, elle
s’enfonce dans le massif par des puits ou des fissures.
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Les entrées les plus spectaculaires sont évidemment les puits. Nombre de ceux-ci
passent cent mètres de verticale d’un seul jet. Nous ne citerons que les puits de las
Golondrinas (Mexique) : 333 m, ou celui dAphanize (Fiance) : 328 m, mais il y en a
nombre dautres et de plus profonds qui seraient à citer (Couibon et Chabert, 1986).
Toutefois c’est le plus souvent par des fissures verticales ou subverticales
impénétrables que 1eau pénètre dans le sous-sol.
Les puits témoignent dun passage de 1’eau en grande quantité en un seul po int: un
cours d’eau sest enfoui là. Les fissures vèlent des infiltrations plus diffuses qui ont
peimis à 1eau de gagner les profondeurs.
Puits et fissures conduisent leau vers le niveau de base des reserves souterraines.
2.2. Conduits souterrains
Les eaux karstiques sont très néralement drainées vers les fonds de vallée
elles réapparaítront au niveau des cours d’eau de surface, sous forme de sources karstiques
ou de résurgences. Une resurgence est la réapparition au jour dun cours deau qui s’est
enfoui sous terre (par une perte, éventuellement un puits), a fait un par cours souterrain plus
ou moins long (parfòis plusieurs dizaines de kilomètres) puis résurge.
Les conduits souterrains ont des formes très variées. Nous nous limiterons ici à
décrire les types les plus fondamentaux et les plus frequents.
II y a dabord les conduits qui se foment et fonctionnent alors que la circulation
karstique est jeune et que, par conséquent, les cavités ne peuvent pas accueillir et évacuer
souterrainement la totalité des eaux de precipitation sur le bassin. Les eaux remplissent
alors tous les vides disponibles et, dans les moments de crue tout au moins, il ny a pas de
place pour lair dans les conduits. II est évacué par le hau t; les eaux remplissent tous les
vides soutenains, circulent en conduite forcée et creusent done des conduits cylindriques
que les spéléos appellent des « tubes »,
Les eaux élargissent les passages et ceux-ci fmissent par ne plus être remplis deau
jusquau plafond. Les galeries évoluent alors en cours de rivières souterraines : leau les
parcourt avec une surface libre au-dessus de laquelle cest lair qui remplit le conduit. Les
crues et étiages, qui se manifestaient dans les conduites forcées par les changements de
pression et de vitesse, se traduisent maintenant par des variations du niveau de leau dans
le conduit.
Labaissement éventuel du niveau de base, par exemple du fàit que les rivières
épigées sencaissent dans le relief, provoque des recreusements et done des modifications
morphologiques des galeries (figure 1).
Les conduits des rivières souterraines peuvent aussi comportei des siphons,
caractéiisés par un abaissement du plafond : la suiface de leau touche alors la voüte de la
cavité : celle-ci es t« noyée » sur une ceitaine longueur.
Lorsque le niveau dune nappe aquifère se stabilise tiès longtemps à une même
altitude, ou, sans être immuable, y revient très souvent, la conosion de la roche à cette
altitude se traduit par un plafond plat.
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\V\W \Vi
OA2
'S-e.
F ig u re 1. Q u e lqu e s se c tio n s trans-
ve rsa les de ga le r ies dans le s g ro tte s de
Belgique
A A la gro tte Sainte Arme, à T ilff
B A la gro tte du p o n t d Esneux
C A la gro tte Jaminon, à C o m e ss e
D A la g ro tte de Remoucham ps
L es sections A l e t A 2 pro v ie n n e n t d e
Vaction d une riv ière q u i a, en A2, donné
une form e elliptique à la g a le rie et, en
A l, c r e u s é su c c e s s ive m en t à d eux
n iv e a u x d if fé r e n ts, f o r m a n t de u x
« tubes » superposés En A3 et A 4 on voit
que c est une fissiú-e q ui a, à l ’origin e,
loc alisé la galerie. En D l e t D2, la pente
du p la fo n d d e la g a le rie est visiblem en t
dê term inée p a r le p e n d a g e d e la roche
On no ter a qu e la for m e d u fo n d d e s
galerie s est gé n éralem e n t m asqu ée p a r
un rem plissage m euble (Ek, 1961)
F igure 2 La Cath édrale, sa lle d ejfondrem ent
à R emouchamps
La C athéd rale est d a m une région trè s fa illè e
de la g r o tte , ce q u i a f o r t p ro b a b lem e n t
fa vorisé le s écroulement%, Les blocs effondrés
sont tom bés ju squ e dans la riv ière souterrain e
q u i d ra in e la ca v ité , e t le u r e v a c u a tio n
p r o g r e s s iv e à l é ta t d isso u s p e r m e t au x
èb o u le m e n ts de se r e n o u v e le r. L e t r a it
horizon tal au-dessus de la g ro tte represente la
su rfac e d u s o l et m o n tre le dange r qu e
représenterait actuellem ent la continuation des
écroulem ents au p lafond de la salle.
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Les gaieties des grottes peuvent se veloppei sui de grandes longueurs et, si on
compte les galeries affluentes, les diffluences, les niveaux successifs, etc., les cavités
peuvent atteindre plusieurs centaines de km de veloppement (590 km pour Mammoth
Cave, Kentucky, et 215 km pour Optimisticeskaya en Ukraine, par exemple).
2.3. Salles
La confluence de deux ou plusieurs galeries, ou dautres facteuis, peuvent amener à
la naissance d’élargissements de la cavité qui prennent le caractère de salles,
Celles-ci peuvent atteindre un volume dépassant le million de mètres cubes, comme
à Sarawak (Malaisie),
Les salles sont fréquemment jonchées déboulis. Certes, tout éboulement, dans les
grottes, suppose la présence préalable, sous lui, dun creux au moins égal au volume
éboulé, et néralement plus grand, puisqu’il y a plus de vides entre les blocs effondrés
quentre les bancs originellement en place. Mais un éboulement modeste peut se produire
dans une salle au fond de laquelle circule un cours deau et celui-ci peut emporter en
solution la roche écroulée, fàisant ainsi la place pour un nouvel effondiement, et ainsi de
suite. Ceci n’est évidemment possible que si des eaux agressives peuvent parcourir une
partie de la base de 1éboulement et sévacuer (figure 2),
3. Spéléogenèse
3.1. Les eaux souterraines
Les eaux souterraines de surface sengouffreni parfois sous terre par des puits
absoibants. Les entrées massives d’eau constituent des pertes ou ponors (en Belgique on
dit souvent chantoirs ou chantoires), et sont un des traits caiactéristiques des régions
calcaires. Parfois ce sont de vrais puits, parfois des galeries subhoiizontales ou en pente
faible.
Mais le plus souvent les eaux s’inflltrent par des fissures à partir dun plateau
surincombant. Leau coule alors très lentement à cause de 1étroitesse des fissures, et
traverse la masse rocheuse par gravité, après avoir traversé le sol superficiel oil elle dissout
du dioxyde de carbone dégagé par la biomasse. Ces eaux sont dès lots agressives vis-à-vis
du calcaire, car celui-ci, très peu soluble dans leau pure, passe sous faction du dioxyde de
carbone à 1état de bicarbonate, qui est, lui, beaucoup plus soluble, Du fait de la grande
lenteur de la circulation frssurale, leau ne peut exercer sui la roche aucune action
mécanique d ’érosion, et c’est faction chimique seule qui joue pour élargir très
progressivement les joints.
Lorsque les fissures sont élargies, leau peut circuler plus vite ; des courants
confluent, et, avec laugmentation de la vitesse et des débits lors des crues, les actions
mécaniques font leur apparition : des particules arrachées aux patois sont transportées,
pour être redéposées plus en aval. Dans certains cas, et, par exemple, dans la rivière
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