CONJ • RCSIO Fall/Automne 2014 249
À l’heure actuelle, les discussions liées aux options de traitement
sont censées être axées sur le patient ou basées sur les besoins d’in-
formation et les préférences du patient. Cependant, les patients
atteints d’un CP continuent d’avoir des besoins d’information non
remplis et ne sont pas satisfaits de leur capacité de communi-
quer ce qui est important pour eux durant les discussions théra-
peutiques (Cegala et al., 2008). Selon la recherche, le fait d’aider les
patients à cerner ce qui est important pour eux affiche une corré-
lation positive avec le degré de satisfaction par rapport aux déci-
sions thérapeutiques (Glass et al., 2012). Il nous faut donc élaborer
des stratégies que les médecins pourront utiliser pour s’assurer que
les renseignements offerts et les choix de traitement correspondent
bien aux préférences et aux valeurs des patients (Müller-Engelmann,
Keller, Donner-Banzhoff & Krones, 2011; Hoffman, 2012).
Cette étude a été effectuée afin d’évaluer l’utilité de l’interven-
tion en ligne de soutien à la prise de décision en lien avec le can-
cer de la prostate (ISPD-CP). Plus précisément, nous voulions savoir
si l’ISPD-CP aide les patients atteints de CP à communiquer leurs
valeurs et préférences aux médecins au moment de la consultation
thérapeutique.
Méthodologie
Plan d’étude et échantillon de patients
Cette étude quasi expérimentale à un seul bras a été approuvée
par les comités déontologiques locaux avant la collecte de données.
Entre février 2012 et mars 2013, tous les hommes nouvellement
diagnostiqués d’un cancer de la prostate (CP) localisé dans une cli-
nique externe d’urologie de l’Ouest canadien ont été invités à utili-
ser l’outil en ligne d’ISPD-CP avant leur discussion initiale avec leur
urologue au sujet des options de traitement. Les critères d’exclusion
comprenaient l’incapacité de parler et de lire l’anglais.
Procédure
L’infirmière éducatrice de la clinique a remis à tous les patients
nouvellement diagnostiqués d’un CP qui satisfaisaient aux critères
de l’étude une lettre d’invitation à participer à l’étude, après leur
avoir offert une séance d’information sur les diverses options de
traitement pour le CP localisé. Les noms des patients intéressés ont
été remis à la coordonnatrice de l’étude, qui les a ensuite contactés
au cours de la semaine suivante. On a fourni aux patients qui ont
accepté de prendre part à l’étude un nom d’usager et un mot de
passe leur permettant d’accéder au programme d’ISPD-CP à domicile.
Les patients qui n’avaient pas d’ordinateur ont pu utiliser ceux du
centre d’éducation. Les patients ont utilisé le programme d’ISPD-CP
pour produire une fiche sommaire des préférences (FSP) (Annexe A)
qui servait à cerner les données suivantes : les préférences person-
nelles des patients concernant leur souhait de participer à la PDT
avec leur médecin (contrôle décisionnel); le type et la quantité d’in-
formation qu’ils souhaitaient recevoir (ressources éducationnelles et
comportements de recherche d’information sur la santé); les facteurs
influençant leur décision; et leur choix de traitement préliminaire. Le
programme invitait les patients à montrer leur FSP à leur médecin au
moment de leur consultation thérapeutique. On a montré aux méde-
cins (urologues et radio-oncologues) comment intégrer à leurs discus-
sions l’information contenue dans cette FSP.
La coordonnatrice de l’étude a de nouveau contacté les partici-
pants environ deux mois après la PDT. Les patients ont utilisé le
programme d’ISPD-CP pour recenser le contrôle décisionnel, le
conflit décisionnel, la satisfaction du patient, le traitement choisi et
le type de professionnel de la santé à qui le patient avait montré sa
FSP. On a contacté les patients une ou deux fois à chaque étape afin
de leur rappeler d’utiliser l’outil.
Description du programme d’ISPD-CP
Ce programme en trois parties était basé sur un sondage par
écrit administré à 150 patients nouvellement diagnostiqués d’un CP
(Davison & Breckon, 2012a). La première partie mesurait les com-
portements de recherche d’information sur la santé au moyen des
cinq catégories récemment établies par Davison et al. (Davison
& Breckon, 2012a) pour les patients atteints d’un CP au moment
de leur diagnostic : 1) style intense—renseignements détaillés et
approfondis; 2) style complémentaire—renseignements généraux;
3) style aléatoire—renseignements obtenus principalement d’autres
hommes atteints du CP; 4) style minimaliste—minimalement inté-
ressé à recevoir des renseignements; 5) style réservé—évite les ren-
seignements. Les patients sélectionnaient la catégorie qui décrivait
le mieux la quantité d’information qu’ils souhaitaient recevoir pour
prendre une décision thérapeutique. Les options leur étaient pré-
sentées de façon aléatoire afin d’éliminer toute possibilité de biais
associé à un ordre de présentation donné. Les patients sélection-
naient ensuite les types de ressources d’information qu’ils souhai-
taient recevoir (p. ex. aide à la décision, articles de revues, sites Web,
brochures, etc.). Dans la deuxième partie, on demandait aux patients
de cerner le rôle qu’ils souhaitaient jouer dans la PDT ainsi que leur
option thérapeutique préférée.
Dans la troisième partie, les patients devaient évaluer l’influence
de neuf facteurs sur leur choix de traitement. Les neuf catégories
étaient les suivantes : l’impact du traitement sur la survie; l’impact
du traitement sur la fonction urinaire; l’impact du traitement sur le
fonctionnement sexuel; l’impact du traitement sur la fonction intes-
tinale; l’impact du traitement sur le travail et les activités de loisir;
le caractère invasif des options de traitement; l’impact de l’expé-
rience d’un ami ou d’une connaissance avec un traitement donné; la
recommandation du médecin quant au choix thérapeutique; et l’opi-
nion d’un(e) proche. Les neuf facteurs étaient présentés en groupes
de deux selon la matrice de Ross d’agencement optimal (Ross,
1974), afin de créer 36 paires. Les patients devaient choisir, dans
chaque paire, l’énoncé qui correspondait au facteur le plus influent
dans leur PDT à ce moment particulier. La méthode de Ross permet
d’obtenir un écartement maximal entre le plus grand nombre d’élé-
ments afin de prévenir tout biais de sélection. Cette méthodologie a
été choisie afin d’éliminer l’« effet plafond » qui est souvent associé
à l’utilisation d’échelles de type Likert.
Instruments
Le programme d’ISPD-CP utilisait quatre mesures des résultats
pour évaluer l’utilité de l’intervention. Le premier résultat com-
prenait trois énoncés qui visaient à mesurer le degré de contrôle
décisionnel que les hommes souhaitaient avoir dans la démarche
décisionnelle avec leur médecin (Henrikson, Davison & Berry, 2011).
Les trois énoncés étaient les suivants : 1) Je préfère faire mon choix
thérapeutique final après avoir sérieusement considéré l’opinion
de mon médecin au sujet du traitement le plus indiqué pour moi
(approche active); 2) Je préfère que mon médecin et moi prenions
une décision ensemble (approche collaborative ou partagée); et
3) Je préfère que mon médecin décide pour moi après avoir sérieu-
sement considéré mon opinion (approche passive). Après la PDT,
nous avons de nouveau présenté les trois énoncés, mais au passé.
Aux deux moments (avant la consultation thérapeutique et après la
PDT), nous avons présenté les trois énoncés de façon aléatoire.
Nous avons utilisé la version courte (en dix éléments) de l’échelle
d’O’Connor afin de mesurer le degré de conflit décisionnel vécu
par les patients avant et après la PDT (O’Connor, 1995). Les élé-
ments, qui correspondent à ceux de la version originale plus longue,
mesurent les quatre réalités suivantes : l’incertitude et les facteurs
qui y contribuent; le sentiment d’être mal informé; le sentiment
d’un manque de clarté autour des valeurs; et le sentiment de man-
quer de soutien dans le processus décisionnel. La cohérence interne
de cette échelle avait déjà été mesurée au moyen des coefficients
alpha de Cronbach (pré-test 0,85 et post-test 0,95) par Davison et
al. (2007) auprès de patients nouvellement diagnostiqués d’un CP.
Après la PDT, les énoncés étaient présentés aux patients au passé.
doi:10.5737/1181912x244248255