Courrier de la Cellule Environnement de l'INRA °17 49
chez l'animal, ce qui a motivé leur retrait. En raison de leur forte rémanence, ils sont toujours surveil-
lés, sans toutefois poser de réels problèmes (Moreau, 1991). Il n'en est pas de même des nitrates dont
la teneur semble augmenter dans l'eau et dans les végétaux. Une étude récente émanant de la Direction
générale de la santé (DGS, 1992) fait apparaître que certains légumes (salades, betteraves, radis, cour-
gettes, épinards) atteignent des concentrations élevées et que d'autres, moins contaminés mais
consommés en quantité importante (carottes, pommes de terre), apportent au consommateur une quan-
tité moyenne journalière de nitrates proche de la moitié de la DJA dans certains cas. Le problème est
encore plus aigu chez les très jeunes enfants. Or, les nitrates, en présence d'aminés secondaires appor-
tées par d'autres aliments, peuvent, dans l'estomac, et dans certaines circonstances, se transformer en
nitrosamines cancérogènes.
Un autre problème est posé par la présence de mycotoxines, toxines produites par un Champignon
microscopique, Aspergillus flavus. Ces mycotoxines se développent lors du stockage des céréales dans
certaines conditions de température et d'humidité. Si l'une d'elles, l'aflatoxine B l , est présente dans les
tourteaux d'arachide destinés à l'alimentation des vaches laitières, le lait se trouve contaminé. Cepen-
dant, la contamination des denrées alimentaires, en particulier le lait, par l'aflatoxine Ml qui dérive de
l'aflatoxine B1 semble actuellement correctement maîtrisée en France. D'autres mycotoxines (patuline,
ochratoxine, trichothécènes, zéaralénone) peuvent aussi être d'éventuels contaminants de denrées
alimentaires(Dirheimer, 1989).
Parmi les autres agents cancérogènes susceptibles de contaminer les aliments, on trouve les radionu-
cléides et les hydrocarbures polycycliques, ceux-ci provenant de la pollution atmosphérique et des
technologies de transformation des produits.
D'autres substances comme les polychlorobiphényls (PCB), la dioxine, les métaux lourds
(cadmium, plomb, mercure) figurent également parmi des contaminants éventuels des aliments. Dans
la nomenclature des produits chimiques évalués par le Centre international de recherches sur le cancer
pour leur pouvoir cancérogène pour l'Homme (Anonyme, 1989), la dioxine et le plomb sont considé-
rés comme des cancérogènes « possibles » (évidence limitée) alors que les PCB et le cadmium sont
classés comme des cancérogènes « probables » (évidence suffisante). De plus, la dioxine et les PCB
possèdent une activité de promoteurs tumoraux dans les modèles animaux (Frayssinet et Lafarge-
Frayssinet, 1989). La prudence vis-à-vis d'effets potentiels de ces produits chez l'Homme s'impose
donc, même si les doses requises pour entraîner un effet promoteur chez l'animal sont relativement
élevées.
Des contaminations assez importantes par la dioxine d'aliments comme le lait et les poissons ont été
relevées à proximité d'usines de pâte à papier et d'usines d'incinération (Pascal et François-Collange,
1991). Les risques dépendent bien évidemment des consommations réelles de ces aliments qui, dans
certaines circonstances ou chez certaines personnes, pourraient avoisiner ou même dépasser la DJA.
Les contaminations éventuelles par les métaux lourds concernent particulièrement les produits de la
pêche, les crustacés et les coquillages qui concentrent particulièrement ces contaminants, mais ils
peuvent être présents aussi dans le lait, les céréales, les viandes.
Ces quelques exemples montrent que certains aliments constituent en effet une source potentielle de
contaminants, dont quelques-uns sont de puissants cancérogènes.
Etant donné les doses auxquelles les individus peuvent être généralement confrontés, les risques can-
cérogènes pour l'homme sont heureusement limités. Toutefois, on ne peut exclure que certaines caté-
gories de personnes « sensibles » (enfants, femmes enceintes, personnes âgées ou malades), ou de per-
sonnes consommant de grandes quantités d'un type donné d'aliment (par exemple poissons chez les
populations de la Baltique, riz contaminé chez des populations japonaises) puissent être exposées à un
certain risque.
En réalité, les risques cancérogènes liés à l'alimentation en général proviennent de plusieurs origines
indépendantes des contaminants de l'environnement. Le facteur le plus important est vraisemblable-
ment lié à l'équilibre des nutriments eux-mêmes au sein de la ration alimentaire ainsi qu'à l'importance
de la ration elle-même. C'est ainsi qu'une proportion trop élevée (> 30%) de lipides dans la ration
pourrait être responsable d'un certain nombre de cancers du sein et du côlon (Cohen, 1988).